2.1. Non-respect chronique des textes de base
Le non-respect des textes se traduit dans les faits par la
mise en place incomplète de l'ordre juridique et institutionnel de la
décentralisation et le déficit de collaboration financière
entre l'Etat central et les provinces d'une part et, entre les provinces et les
entités territoriales décentralisées, d'autre part.
2.1.1. Mise en place incomplète de l'ossature
juridique et institutionnelle de la décentralisation
La mise en place incomplète de l'ordre juridique et
institutionnel de la décentralisation se traduit aussi bien par la
non-exécution du découpage territorial et de la
décentralisation sectorielle que par la non-organisation des
élections au sein des entités territoriales
décentralisées.
2.1.1.1. Non-exécution du découpage
territorial et de la décentralisation sectorielle
Il y a lieu de stigmatiser le caractère incomplet du
dispositif juridique et institutionnel en vigueur par la
non-exécution à ce jour du découpage territorial
alors que le Constituant avait prévu un délai de 36 mois pour ce
faire à compter de l'installation effective du Sénat.
L'absence persistante de la loi organique portant fixation des
limites des provinces et de la ville de Kinshasa, de la loi organique portant
subdivision à l'intérieur des provinces, de la loi portant statut
des chefs coutumiers, ainsi que de la loi organisant le fonctionnement des
services publics du Pouvoir Central, des provinces et des ETD,
matérialise davantage le caractère incomplet de l'architecture
territoriale de la décentralisation financière.
C'est en fait par le biais de cette dernière loi, pour
ne revenir que sur ce cas, que les dépenses de
rémunération des secteurs à compétence exclusive
des provinces pourraient être aisément évaluées,
engagées, liquidées, ordonnancées et payées. Il
s'agit des dépenses de rémunération des professionnels de
la Santé, de l'Agriculture, et Développement Rural, de
l'Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel ainsi que celle des
autorités coutumières51.
Epee et Otemikongo (1992) relevaient déjà en ces
termes cette impasse, il ya 17 ans : « Les études
consacrées à l'administration territoriale (...) ont eu à
démonter que le démarrage effectif de la décentralisation
se butte encore à nombre d'obstacles d'ordre institutionnel (qui) ne
sont pas de nature à faciliter sa mise en route conformément
à la réforme du 25 février 1982
»52.
2.1.1.2. Non-organisation des élections locales
municipales et urbaines et perte
d'efficacité économique de l'Etat
Bien que l'élection des députés et la
mise en place des exécutifs au niveau provincial ait déjà
eu lieu entre 2006 et 2007 pour la première législature de la
3ème République, il n'en est pas encore le cas pour
les entités territoriales décentralisées, à savoir
: la ville, la commune, le secteur et la chefferie.
La non-organisation à ce jour des élections
municipales et locales et le maintien dans leurs postes respectifs des
autorités municipales et locales désignés par le Pouvoir
Central ne cadrent guère avec l'esprit et la lettre de la
décentralisation et renversent le sens de la redevabilité : les
dirigeants en place ne se sentant pas concernés par l'obligation de
rendre compte à un souverain primaire dont ils ne sont pas
l'émanation.
Cette réalité est d'autant plus troublante qu'elle
persiste ainsi depuis que la décentralisation a été
formellement relancée en 1982 sous l'empire des lois « Vunduawe
».
51Mbusa, A. (2009), Rapport de Mission
effectuée à Bukavu-Sud Kivu , Ministère de la
Décentralisation et Aménagement du Territoire
52 Epee, G. et Otemikongo, M. (1992) ; op.cit. ; P.
355
Cela étant, en renvoyant à 2011 les
élections locales et municipales lors de son discours du 7
décembre 2009 sur l'état de la Nation, le Chef de l'Etat n'a-t-il
pas fait officiellement et honnêtement l'aveu du déficit
institutionnel de la décentralisation et de son enlisement
subséquent.
Toutes ces faiblesses et imperfections ont pour effet
d'entretenir des coûts d'opportunité considérables dans le
chef des autorités locales dans la mesure où la hiérarchie
et le souverain primaire qui sont sensés les contrôler sont
malheureusement beaucoup moins informés de la conduite des affaires
locales que ne l'aurait pu être une assemblée locale élue
et dédiée audit contrôle. En d'autres termes, en l'absence
de tout dispositif de surveillance rapprochée pouvant limiter localement
le comportement opportuniste du bureaucrate, le risque moral profitant à
l'agent, c'est-à-dire à l'autorité locale non
élue et non contrôlée localement, ne peut qu'avoir pour
effets l'atrophie des capacités financières locales et
l'inefficacité économique de l'Etat.
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