1.1.2.2. Ressources budgétaires reconnues aux
provinces et entités territoriales
décentralisées
Après ce bref examen des compétences
transférées aux provinces, villes, communes, secteurs et
chefferies, il convient de dire un mot sur les ressources reconnues à
ces entités par le législateur en tant qu'éléments
déterminants de leur autonomie financière respective.
Comme d'aucuns ne l'ignorent, la Loi Financière
n°83-003 du 23 février 1983 a été initiée et
promulguée pour adapter la gestion des finances publiques au contexte de
décentralisation consacré, à l'époque, par
l'Ordonnance-loi n° 82-006 du 25 février 1982 portant organisation
politique, territoriale et administrative de la RDC et les textes voisins.
Cette loi financière, outre qu' elle prévoit le
mécanisme de péréquation pour tenir compte de la
nécessaire solidarité nationale et garantir le
développement équilibré des composantes territoriales du
pays, définit les ressources reconnues à ces dernières
pour leur permettre de faire face à leurs nouvelles charges nées
de l'exercice des compétences transférées et stipule que
les budgets des entités administratives décentralisées
sont exécutés dans les mêmes formes que celui du pouvoir
central et font partie du budget général de l'Etat.
Aujourd'hui encore, les finances publiques provinciales et
locales sont des corollaires logiques de l'autonomie financière dont
sont investies les provinces et les entités territoriales
décentralisées en RDC en vertu des articles 3 et 171 de la
Constitution du 18 février 2006. En effet, l'article 3 de la
Constitution stipule en son alinéa 3 que les provinces et entités
territoriales décentralisées «jouissent de la libre
administration et de l'autonomie de gestion de leurs ressources
économiques, humaines, financières et techniques
»35.
34 Ibid., article 73
35 Constitution du 18 février 2006, articles 3
et 171
L'article 171 de la même Constitution, quant à
lui, précise que les finances du pouvoir central et celles des provinces
sont distinctes. A ce sujet, Vunduawe (2007) note que « pour
concrétiser l'idée de la décentralisation politique au
niveau des provinces et administrative à l'échelon des
entités de base (Ville, Commune, Secteur, Chefferie), le constituant
pose alors un certain nombre de principes au nombre desquels il y a :
- le principe de la distinction des finances du pouvoir
central et celles des provinces ;
- le principe de la rétrocession d'une part des
recettes à caractère national à allouer aux provinces. A
cet effet, le taux de la rétrocession est constitutionnalisé et
fixé à 40%. En outre, la rétrocession s'opère par
retenue à la source ;
- et le principe d'une fiscalité locale devant
comprendre notamment l'impôt foncier, l'impôt sur les revenus
locatifs et l'impôt sur les véhicules automoteurs, en vue d'un
système de prélèvements constitué des taxes et des
droits provinciaux et locaux »36.
Cependant, il importe de relever que malgré l'autonomie
de gestion des ressources économiques, humaines, financières et
techniques reconnue aux entités territoriales, le Parlement reste
néanmoins l'unique autorité budgétaire de l'Etat car le
budget des recettes et des dépenses de l'Etat, à savoir celui du
pouvoir central et des provinces, est arrêté chaque année
par une loi.
C'est au même Parlement, d'ailleurs, qu'il revient
« de fixer l'organisation et le fonctionnement de la caisse nationale
de péréquation, (...) qui dispose justement d'un budget
alimenté par le Trésor Public à concurrence de 10% de la
totalité des recettes à caractère national revenant
à l'Etat chaque année » 37.
36 Vunduawe, T. (2007), op.cit., P. 509
37 Ibid.
Les autres textes de base de la décentralisation, en
l'occurrence la Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes
fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces ; la Loi
organique n° 08/015 du 7 octobre 2008 portant modalités
d'organisation et fonctionnement de la Conférence des Gouverneurs ; la
Loi organique n° 08/016 du 7 octobre 2008 portant composition,
organisation et fonctionnement des Entités Territoriales
Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces,
précisent certains contours des ressources financières des
provinces et des entités territoriales décentralisées en
attendant l'élaboration, le vote et la promulgation d'une nouvelle loi
financière.
Qu'à cela ne tienne, un bref rappel des ressources
financières reconnues aux provinces et entités
décentralisées s'avère nécessaire pour la suite de
notre analyse.
Ces ressources se regroupent, pour chaque entité, en trois
grandes catégories que sont : - Les ressources propres ;
- Les ressources provenant des recettes à caractère
national et,
- Les ressources exceptionnelles.
Les ressources propres de la province comprennent les
impôts, les taxes, les droits provinciaux et locaux ainsi que les
recettes de participation38.
La part des recettes à caractère national
allouée aux provinces est établie à 40%. Elle est retenue
à la source. La retenue à la source s'effectue par un versement
automatique de 40% dans le compte de la province et de 60% dans le compte
général du Trésor. Ce mécanisme est effectué
par la Banque Centrale du Congo conformément à la loi
financière. Aux termes de la Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008
portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des
provinces, sont à caractère national, les recettes
administratives, judiciaires, domaniales et de participation ; les recettes des
douanes et accises ; ainsi que les recettes provenant des impôts
recouvrés sur les grandes entreprises, des pétroliers producteurs
ainsi que les autres impôts pouvant être perçus à
leur lieu de réalisation.
38 République Démocratique du Congo et
Organisation Internationale de la Francophonie, (2009), op.cit. P 114
La province peut bénéficier des ressources
provenant de la caisse nationale de péréquation. Les ressources
exceptionnelles des provinces sont constituées des emprunts
intérieurs auxquels l'Etat peut recourir pour financer les
investissements. La province peut également bénéficier
pour ses besoins des emprunts extérieurs contractés et garantis
par l'Etat conformément à la Constitution et à la loi
financière. Elle peut bénéficier des dons et legs dans les
conditions définies par la loi.
Les ressources propres d'une entité territoriale
décentralisée comprennent l'impôt personnel minimum, les
recettes de participation, les taxes et droits locaux. L'impôt personnel
minimum est perçu au profit exclusif des communes, des secteurs ou des
chefferies. La clé de répartition du produit des taxes
d'intérêt commun entre les entités territoriales
décentralisées est fixée par la législation qui
institue lesdites taxes, après avis de la Conférence des
Gouverneurs de province. Les ressources des entités territoriales
décentralisées provenant des recettes à caractère
national sont de l'ordre de 40% de la part desdites ressources reconnues aux
provinces. L'Etat en détermine le mécanisme de
répartition. La répartition de cette part des recettes entre les
entités territoriales décentralisées est fonction des
critères de capacité de production, de la superficie et de la
population. Une entité territoriale décentralisée peut
bénéficier des ressources provenant de la caisse nationale de
péréquation. Elle peut recourir aux emprunts intérieurs
pour financer ses investissements. Elle peut également
bénéficier des dons et legs dans les conditions définies
par la loi39.
Hormis l'impôt personnel minimum qui, lui, n'est pas
reconnu à la ville, les entités territoriales
décentralisées ont une fiscalité propre assise sur des
ressources identiques...Les ressources reconnues à la province et aux
entités territoriales décentralisées ayant
été rappelées, il ne serait pas superflu de noter ici que
« les comptes des provinces et ceux des différentes
entités territoriales décentralisées sont soumis au
contrôle de l'Inspection Générale des Finances et de la
Cour des Comptes »40.
39 République Démocratique du Congo et
Organisation Internationale de la Francophonie, (2009), op.cit. PP 165- 168
40 Ibid, P. 114
Cela étant, plusieurs débats politiques ont eu
lieu au cours des 9 premiers mois de l'année 2007 au sujet des recettes
à caractère national et ont débouché sur des
arrangements qu'il conviendrait de signaler aussi dans ce travail. Il s'agit du
consensus dégagé par le Forum National sur la
Décentralisation qui, à l'initiative du Gouvernement et de la
Société Civile, a eu lieu du 3 au 5 octobre 2007 et a
réuni plus de 300 délégués représentant le
Gouvernement Central, l'Assemblée Nationale, le Sénat, les
Assemblées Provinciales, les Gouvernements Provinciaux, la
Société Civile, les chefs coutumiers et les partenaires au
développement.
En permettant l'approfondissement des analyses pour assurer le
transfert de 40% des recettes aux provinces et promouvoir un système
financier viable pour les entités territoriales
décentralisées, ledit forum a, de manière consensuelle,
arrêté ce qui suit :
1° Les recettes jugées attribuables et
localisables, c'est-à-dire les recettes réalisées dans
chaque province par la Direction Générale des Impôts (DGI)
et la Direction Générale des Recettes Administratives, Domaniales
et de Participation (DGRAD) seront, après déduction de la
rétrocession au personnel de 5% pour la DGI et 10% pour la DGRAD,
automatiquement retenues à la source ;
2° Les recettes non identifiables et pas localisables,
c'est-à-dire les recettes réalisées par l'Office des
Douanes et Accises (OFIDA) et la Direction des Grandes Entreprises (DGE) de la
Direction Générale des Impôts, seront, quant à
elles, réparties entre les provinces en fonction du poids
démographique ;
3° Les recettes pétrolières, en ce qui les
concerne, ne seront pas rétrocédées, mais serviront, sur
l'insistance du Fonds Monétaire International (FMI) à
l'allègement de la dette extérieure, au moins jusqu'à
l'atteinte du point d'achèvement des mécanismes de l'initiative
PPTE41.
Le consensus ainsi dégagé s'intègre
désormais à l'ensemble des textes de base instituant les
règles de conduite à suivre et à respecter pour la mise en
oeuvre et la réussite de la décentralisation financière en
RDC.
Cette régulation bienveillante sous-entend des objectifs
à atteindre et des implications d'action pour les différents
intervenants.
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