INTRODUCTION
Dans une ère de mondialisation et d'économie de
marché basée sur le commerce international, le transport maritime
fait office de corollaire indispensable.
Aujourd'hui la mer constitue une voie de passage, de navigation
et de communication entre les pays et fait office de support indéniable
aux échanges commerciaux.
En effet, ¾ du commerce mondial transite par voie de mer et
les transports maritimes constituent un maillon stratégique essentiel
notamment pour des pays maritimes comme la France et le Maroc.
Le Maroc est ouvert sur deux façades maritimes, disposant
de près de 3500 km de côtes et situé au carrefour des
principales routes commerciales entre l'Europe, l'Afrique, l'Amérique et
le Moyen Orient est par vocation un pays maritime.
Par ailleurs, la pratique maritime a inventé le contrat de
transport de marchandises qui peut être défini comme le contrat
par lequel le transporteur s'engage à transporter d'un point à un
autre une cargaison déterminée contre le paiement d'un fret.
C'est la naissance du connaissement ou des titres de transport
équivalents.
C'est ainsi que l'exécution du contrat de transport de
marchandises par mer qui signifie la réalisation des allégations
des parties constitue la phase contractuelle faisant l'objet des
contrôles les plus rigoureux de la part du législateur. Celui-ci y
insère souvent des dispositions d'ordre public.
Au Maroc comme en France le législateur s'est depuis
longtemps attelé à multiplier les obligations des
différents acteurs à l'opération de transport.
A côté de tout un arsenal juridique ; qui comprend
le DCCM de 1919, le Code de Commerce Marocain de 1996, la Convention de
Bruxelles de 1924 (Règles de la Haye), et les différents
protocoles qui s'y rattachent, la loi française de 1966 et les
Règles de Hambourg ; la volonté des parties a toujours
joué un rôle primordial pour fixer leurs droits et obligations.
En réalité, cette diversité de
régimes juridiques est le fruit d'une guerre acharnée entre les
intérêts des armateurs et ceux des chargeurs.
Aussi, afin d'en assurer l'application, le législateur a
souvent considéré les règles juridiques qui entourent
l'opération de transport comme étant des lois de police ou
d'ordre public.
Ainsi, dès 1919, le Maroc, sous protectorat, s'est
doté d'un texte déjà très solide et fortement
protecteur des intérêts de la marchandise.
Ce régime juridique, largement inspiré du Harter
Act américain de 1893 était strictement d'ordre public afin de
faire face à la liberté qui a été longtemps
reconnue aux armateurs.
C'est ainsi que fut aussitôt ressentir la
nécessité d'une réglementation internationale
signée à Bruxelles le 24 Août 1924 et qui a marqué
un tournant en matière d'exécution du contrat de transport.
Sachant que les transports maritimes sont le plus souvent
internationaux et nécessitent l'intervention de nombreux acteurs
situés aux quatre coins du globe et vu la diversité des
systèmes juridiques en la matière, l'opération de
transport de marchandises par mer est plus sujette que toute autre
matière aux conflits de lois.
Historiquement, le nationalisme exacerbé du XIXème
siècle engendra la diversité des nations et par la même des
législations maritimes.
Afin de mettre fin à la gêne causée aux
parties au contrat de transport et afin de limiter les effets pervers qui
découlent de cette incertitude régnante, les puissances maritimes
ont voulu mettre au point une législation maritime internationale
unifiée sans causer de dommages aux armateurs.
Or, cette unification ne s'effectuait plus selon les usages et
coutumes, mais par des conventions élaborées par les
intéressés et ratifiées par les Etats.
La première démarche fut la création en
Belgique du Comité Maritime International en 1897. Le gouvernement belge
avait alors pris l'initiative de réunir à Bruxelles une
conférence diplomatique qui avait déjà voté
plusieurs conventions internationales se rapportant au domaine maritime.
En matière de transport de marchandises par mer, la
première convention internationale fut celle de Bruxelles de 1924 pour
l'unification de certaines règles en matière de connaissement
votée à la conférence de 1921 et signée en 1924.
Cette convention qui a été ratifiée par la France en 1936
avait pour but de supprimer un grand nombre de conflits de lois en
espérant aboutir à une loi uniforme applicable à tous les
pays. Mais pour cela, il aurait fallu que ce texte soit adopté par
toutes les puissances maritimes à la fois comme régime interne en
lieu et place de leurs anciennes lois nationales et comme régime
international.
Or, tel ne fut pas le cas, non seulement tous les pays n'ont pas
adhéré à la dite convention, mais en plus ceux qui l'ont
ratifié ne l'ont souvent consacré que pour leurs transports
internationaux.
De plus, depuis l'adoption du protocole de 1968 (Règles de
Visby) visant à amender la convention de Bruxelles dans sa version
originaire n'a fait qu'accentuer les cas de conflits de lois.
Face à cette situation, la jurisprudence française
semble parvenue à la solution selon laquelle les transports
effectués au départ d'un Etat signataire des Règles de la
Haye, même à destination de la France seraient soumis à ces
seules Règles et les transports effectués au départ de la
France même à destination d'un pays non signataire des
Règles de Visby seraient régi par ces dernières.
Notons enfin que depuis l'entrée en vigueur en France
dès 1991 de la convention de Rome du 19 Juin 1980 celle-ci est
applicable par les tribunaux français pour déterminer la loi
régissant un rapport contractuel international concernant deux pays de
l'Union Européenne.
De son côté, le Maroc qui était sous
protectorat n'a pu ratifier la Convention de Bruxelles de 1924. D'ailleurs
c'était le cas de nombreux pays en voie de développement.
Après le mouvement d'indépendances qui a
occupé les années 1960-1970, la Convention de Bruxelles
était déjà critiquée par de nombreux pays de
chargeurs qui la considéraient favorable aux intérêts des
armateurs.
C'est ainsi qu'à l'image du Maroc, de nombreux pays ont
rejeté la Convention de la Haye malgré son amélioration
par les Règles de Visby.
Aussi, le Maroc, malgré tout soucieux de l'uniformisation
du droit des transports maritimes a préféré
l'adhésion à la Convention de Hambourg élaborée par
la CNUDCI, adoptée le 31 mars 1978, ratifiée par le Maroc le 17
juillet 1981 et entrée en application le 1er novembre 1992.
Cependant, en matière de transport le problème de
la responsabilité est de beaucoup le problème essentiel. Il
s'agit en effet du régime des indemnités dues par le transporteur
quand un incident se produit en cours de transport, et de tout le contentieux
du transport lui-même.
Mais le problème qui se pose au juste est de savoir, quand
est ce que l'action en responsabilité se prescrit ? L'article 262
du DCCM et l'article 20 des règles de Hambourg fixent les conditions de
recevabilité de l'action en responsabilité contre le transporteur
maritime, nous allons donc essayer de commenter dans un premier temps l'article
262 du DCCM, avant d'aboutir dans un deuxième temps à l'article
20 de la convention de Hambourg.
Première partie :
les conditions d'irrecevabilité de l'action en
responsabilité contre le transporteur maritime selon l'article 262 du
DCCM.
Si les parties n'arrivent pas à régler leur litige
à l'amiable, elles seront contraintes à régler ce dernier
en intentant une action en responsabilité devant le tribunal
compétent ou devant un arbitre ou un collège d'arbitres.
L'ayant droit à la marchandise bénéficiera
alors d'un élément purement positif, eu égard aux
innovations introduites aussi bien par le DCCM, le projet de loi que par la
convention de Hambourg en matière de délais des réserves
ou des actions judiciaires ou arbitrales et en matière de
compétence des tribunaux judiciaires ou d'arbitrage, à leurs
formulations plus claires et plus explicites.
Nous allons donc examiner dans le cadre d'une première
sous partie les modalités des réserves avant d'arriver à
l'action en responsabilité contre le transporteur.
Première sous partie :
les modalités des réserves.
Les réserves expriment le mécontentement du
demandeur, d'ailleurs elles doivent empêcher la naissance d'une
présomption.
Cependant, cette présomption de livraison conforme ne
pourrait être détruite que si le destinataire donne un avis de
perte ou de dommage, y compris celui résultant d'un retard à la
livraison dans les délais et selon la forme exigée.
Quant à la convention de Hambourg, la présomption
de la livraison conforme pourra être combattue par la preuve contraire ce
qui explique que la convention de Hambourg était moins rigoureuse que
les règles posées par le DCCM.
L'article 262 du DCCM traite seulement des pertes partielles et
les avaries particulières, c'est ainsi que la perte est dite partielle
quand il n'y a pas eu de perte totale des marchandises, la qualité des
preuves produites par la partie ayant subi le dommage est liée à
l'efficacité de l'action en dommages et intérêts.
Par ailleurs, la personne désignée par le
connaissement comme destinataire, comme dernier endossataire ou comme
réceptionnaire, est la seule habilitée à faire ces
réserves.
Ces dernières peuvent être faites par toute personne
lésée au port de déchargement y compris le destinataire,
le chargeur ou leur mandataire et l'acconier se dégageant ainsi de toute
responsabilité au détriment du transporteur.
S'agissant du DCCM, l'article 262 ne donne aucune
précision quant à la personne habilitée à formuler
ces réserves. En revanche, le code de commerce n'a pas manqué de
combler cette lacune en désignant le destinataire. Par
conséquent, le transitaire, quoique ne figurant pas au connaissement
comme destinataire, mais du fait qu'il prend livraison pour le compte du
réceptionnaire, a qualité pour rédiger des réserves
et les faire parvenir au transporteur maritime conformément aux
exigences de l'article 262. A défaut, il risquerait fort de voir sa
responsabilité de mandataire engagée dans le cadre des articles
895 et 903 dans son alinéa premier du DOC.
Les réserves doivent être faites à une
personne habilitée à les recevoir, c'est-à-dire la
personne qui a assuré le déplacement de la marchandise ou son
représentant y compris le consignataire du navire, l'agent maritime et
le commis succursaliste sous peine d'irrecevabilité l'action
intentée contre l'armateur.
En effet, le tribunal de 1ère instance de
Casablanca en date du 22/10/1957 a jugé qu'il est irrecevable, par
application de l'article 262 du DCCM, l'action exercée contre
l'armateur, alors que la lettre des réserves prévue par l'article
262 du DCCM n'a été adressée ni à ce dernier, ni au
consignataire du navire, seul qualifier pour le représenter.
Le DCCM dans son article 262 n'a pas prévu
l'éventualité d'adresser cette protestation ni au transporteur
substitué ni aux personnes agissant au nom du transporteur contractuel
ou substitué. Cependant, on constate que dans la pratique, la lettre des
réserves est adressée aussi bien au transporteur, en la personne
de son capitaine de navire ou à son agent, qu'au manutentionnaire
à terre.
S'agissant des réserves adressées à ce
dernier, la question est de savoir pour le compte de qui il agit et est ce
qu'il est tenu de prendre de telles réserves pour le compte du
transporteur ?
Si le connaissement permet au capitaine de désigner une
entreprise de manutention ou lui donne mandat pour ce faire, les
réserves adressées à l'acconier pour le compte du
réceptionnaire ne sont pas opposables au transporteur.
En revanche, lorsque le connaissement ne donne pas mandat au
capitaine de désigner un acconier pour le compte du
réceptionnaire, les réserves adressées à l'acconier
sont opposables au transporteur dès lors qu'il agit pour le compte du
transporteur.
Dans tous les cas de figure, le déchargement de la
marchandise et sa remise entre les mains du manutentionnaire ou autre
autorité compétente ne signifie pas remise effective au
destinataire : le transporteur reste responsable tant que la marchandise
n'est pas effectivement livrée au destinataire.
Aux termes de l'article 17 cahier des charges, l'ODEP est tenu
d'adresser au transporteur ou à son agent un état
différentiel dans les six jours ouvrables à compter de la fin du
déchargement sous réserve qu'il dispose d'un manifeste complet
permettant le pointage...
Quant aux délais des réserves, ils différent
selon qu'il s'agisse du texte applicable c'est-à-dire du DCCM ou de la
convention de Hambourg et du projet de loi ; et selon qu'il s'agisse d'un
dommage apparent ou d'un dommage non apparent ou encore d'un dommage
résultant d'un retard à la livraison. Ce délai est
fixé à 8 jours -jours fériés non compris de la mise
à la disposition effective de la marchandise à l'ayant droit, peu
importe que le dommage soit apparent ou non contrairement à la position
adopté par les conventions internationales et certaines
législations comparées (article 3 alinéa 6 convention de
Bruxelles, Article 19 convention Hambourg).
Cette mise à la disposition effective connait plusieurs
interprétations jurisprudentielles en raison du monopole de fait et de
droit dont bénéficiaient certains aconiers.
Bien sûr, rien n'empêche l'ayant droit de formuler
ces réserves avant la livraison.ces réserves anticipées
sont admises par les tribunaux marocains car les dispositions de l'article 262
du DCCM qui frappe de forclusion toute protestation tardive n'interdisant pas
au destinataire de faire cette protestation dès qu'il a
été à même de constater les manquants ou avaries
avant de procéder à l'enlèvement.
Il est vrai que le DCCM, ignore cette distinction puisqu'il
institue un seul et même délai ; lequel est fixé
à 8 jours - jours fériés non compris. Passé ce
délai, il y a forclusion et par conséquent l'action du demandeur
est irrecevable, alors que, le projet de loi (article 302 et 305) et la
convention internationale de Hambourg- considèrent l'absence de
réserves comme une présomption, sauf preuve contraire, que les
marchandises ont été livrées conformément ou
convenablement.
Les délais que le DCCM ou la convention laissent au
destinataire pour formuler ses réserves commencent au moment de la
livraison effective ou la délivrance de la marchandise ou selon
l'expression du DCCM de la mise à la disposition effective du
destinataire. Donc le point de départ de ces délais, en droit
marocain, est différent de ceux de la convention de Hambourg qui opte
pour « la prise de la livraison » ou selon le projet qui
parle plutôt de « la remise de la marchandise ».
Partant de là le déchargement de la marchandise ou,
encore la remise des marchandises aux mains de l'acconier-dépositaire
autre autorité compétente ne signifie pas remise effective de la
marchandise à qui de droit. Il s'agit donc de la prise en possession de
la marchandise par le destinataire.
S'agissant de la position de la doctrine et de la jurisprudence
marocaine qui traduit la spécificité des ports marocains n'est
pas unanime.
Selon la plupart des auteurs et des tribunaux, on
considère que la réception des marchandises implique
d'après l'esprit de la loi l'arrivée des marchandises à
destination, leur délivrance régulière à qui de
droit et, en outre, une prise de possession matérielle dès lors
la remise des marchandises effectuée au service de l'acconage et leur
dépôt dans ses magasins ne constituent pas une mise à la
disposition effective. Par conséquent, c'est la date du contre bon
à délivrer qui marque le point de départ du délai
de protestation motivé prescrit par l'article 262 et, par
conséquent, qui constitue une preuve suffisante de la mise à la
disposition effective ou de la remise effective des marchandises à qui
de droit.
Si l'article 262 du DCCM n'a pas prévu
l'éventualité d'adresser cette protestation ni au transporteur
substitué ni aux personnes agissant au nom du transporteur contractuel
ou substitué, il a , en revanche exigé impérativement et
limitativement une protestation motivée par acte extrajudiciaire ou par
lettre recommandée suivie et dans les 90 jours d'une action en justice
ce qui constitue une garantie. Autrement dit, les réserves
expédiées par lettre ordinaire ne peuvent être
substituées aux prescriptions légales même si le
transporteur avoue et ne conteste pas la réception.
La jurisprudence marocaine a rappelé à ce sujet que
les P.T.T jouissent d'un monopole et que c'était la date d'envoi de la
protestation c'est-à-dire la date de la mise à la poste qui
comptait seule, à l'exclusion de toute autre date portée sur la
lettre elle-même. Par conséquent, le
récépissé de l'envoi recommandé constitue pour le
réceptionnaire la preuve des réserves que le DCCM met à sa
charge. Ces réserves doivent être faites par acte extra judiciaire
ou par lettre recommandée, la date d'envoi de la protestation fait foi.
Donc le récépissé d'envoi recommandé établi
la preuve des réserves. Mieux encore, un accusé de
réception serait le bienvenue pour mieux asseoir la
régularité de ces réserves. Toute fois cette
formalité nous parait insuffisante et qu'il convient par
conséquent de la renforcer par un accusé de réception.
Aussi ces réserves doivent elles être suffisamment
motivées et c'est-à-dire dans la mesure possible précise
et claire démontrant ainsi la nature du dommage, le nombre des colis
perdus ou avariés avec leurs numéros et autre indication
susceptible de les individualiser qui impliqueraient la responsabilité
du transporteur sinon la présomption de livraison conforme ne peut
être détruite. Donc les réserves générales et
de style sont considérés comme non avenues. Par contre,
l'indication d'avarie constitue des motifs amplement suffisants (article 262 du
DCCM).
Il est à noter par ailleurs que dans la pratique l'ayant
droit peut demander après l'envoi de la lettre de réserve
transporteur ou à son agent de faire une constatation de l'état
de la marchandise en présence d'agent de l'ODEP. Ce constat peut
être effectué à domicile du réceptionnaire
d'où la question de son opposabilité. L'expertise amiable ne peut
être opposable qu'à ceux qui ont assisté sans protestation
ni réserve. Bien mieux, l'estimation unilatérale constitue une
preuve suffisante des dommages soufferts bien que l'armement n'y a pas
été convoqué régulièrement tant qu'il a
assisté aux opérations les plus importantes exigeant que le
transporteur soit régulièrement convoqué pour que le juge
puisse puiser les renseignements qui lui serviront à former son opinion.
Cette convocation est requise sous peine de nullité dans les expertises
ordonnées par une décision de justice. Par ailleurs au terme de
l'article 262 l'envoi de la lettre recommandée est
nécessaire ; ce qui revient à dire que le constat
contradictoire ne suffit pas. L'expédition d'une lettre de
réserve se forme de pli recommandé et dans les délais
réglementaires est la base nécessaire de toute action en
responsabilité contre le transporteur maritime. Autrement dit, pour
échapper à la forclusion qui résulte de l'absence de la
lettre de réserve, il faut envoyer sa protestation par lettre
recommandée car le fait d'assister à une expertise pour un
constat ne permet pas de conclure à une renonciation tacite à
cette fin de non recevoir.
Pour les règles de Hambourg cette lettre pour avis de
réserve doit être adressée par écrit sauf si
l'état de la marchandise a été contradictoirement
constater, les deux parties doivent se donner réciproquement toutes les
facilités raisonnables pour l'inspection et le vérification des
marchandises en cas de perte ou de dommage. Aucune autre formalité n'a
été exigée. Cette position a été une autre
fois consacrée par le projet de loi dans ses articles 302 et 303.
Néanmoins, il nous paraît utile d'imposer la formalité
exigée par le DCCM tout en la renforçant, si possible, avec un
accusé de réception et ce pour des raisons pratiques.
Il se peut que l'ayant droit ne formule pas de réserves
légitimes, dans ce cas il est présumé avoir reçu
cette marchandise telle qu'elle est décrite au connaissement. On dit
qu'il y a là une présomption de livraison conforme laquelle peut
être combattue par tout moyen de preuve.
En droit marocain, il y a dans ce cas naissance de la
présomption de la livraison conforme et, par conséquent,
irrecevabilité de l'action. Aux termes de l'article 262 du DCCM.
Cette contestation ne suffit pas à elle seule, elle doit,
à peine d'irrecevabilité, être appuyée d'une lettre
recommandée renfermant les réserves motivées
exigées par la loi.
D'où la sévérité du DCCM,
vis-à-vis du destinataire puisqu'il prévu la
déchéance de droit d'action en cas d'absence de protestation ou
de protestation irrégulière ; c'est-à-dire lorsque la
protestation est non motivée ou adressée en dehors du
délai réglementaire sauf renonciation, tacite ou expresse,
à la fin de non recevoir avant ou après l'exécution du
contrat étant donné que les dispositions de l'article 262 du DCCM
ne sont pas d'ordre public bien qu'elles soient impératives. On estime
très équitable de modifier l'article 262 du DCCM afin de
permettre à l'ayant droit négligent de détruire cette
présomption de fait, bien que la preuve semble être difficile
à administrer rejoignant ainsi le droit comparé.
Deuxième sous partie :
L'action en responsabilité envers le transporteur
maritime.
Les dispositions du DCCM sont plus rigoureuses que celles des
règles de Hambourg ou de celles du projet de loi, dans la mesure
où l'absence ou l'irrégularité des réserves
constitue une fin de non recevoir à l'action en
responsabilité.
Cependant le délai de prescription de l'action en
responsabilité découlant du contrat de transport est très
court par rapport à celui prévu par les règles de Hambourg
et du projet de loi, ce qui ne favorise pas la position des ayants droits
à la marchandise et leurs assureurs subrogés.
La prescription, en tant que règle de procédure
permet de déterminer l'issue du litige d'où
déchéance du droit à l'action. En droit maritime, cette
prescription est d'une importance capitale dans la mesure où elle permet
de maintenir un certain équilibre entre les intérêts
engagés et surtout de compenser les conséquences découlant
du fondement de la responsabilité du transporteur.
Le délai de prescription des actions en
responsabilité découlant du contrat de transport de marchandises
par mer est fixé en droit marocain à une année à
compter de l'arrivée de la marchandise au port de destination. En cas de
non arrivée de la marchandise, ce délai court de la date à
laquelle elle aurait dû normalement y parvenir conformément aux
dispositions de l'article 263 du DCCM sauf convention contraire.
Par ailleurs, le point de départ du délai de
prescription prévu par l'article 263 diffère complètement
de celui prévu par l'article 262. En effet, si le premier, en tant que
délai de déchéance, commence à compter de
l'arrivée de la marchandise au port de destination et, en cas de non
arrivée, à la date à laquelle elle aurait dû
normalement y parvenir. Alors que le second, en tant que délai de fin de
non recevoir, ne commence à courir que du jour de la date à
laquelle la marchandise a été mise à la disposition
effective du destinataire. Cette différence trouve sa justification dans
le fait que, pour le délai de fin de non recevoir, le destinataire ne
peut vérifier les dommages subis par la marchandise que si elle lui a
été remise et livrée effectivement.
Selon la jurisprudence de la cour suprême, la prescription
de l'action en responsabilité du transporteur maritime n'est pas soumise
au délai prévu par l'article 262 et que « prive sa
décision de tout fondement juridique, la cour qui a appliqué les
dispositions de l'article 262 du DCCM, les juges n'ont pas expliqué
pourquoi ils ont écarté l'application des dispositions de
l'article 20 de la convention de Hambourg bien que la demanderesse l'ait
réclamée.
Aux termes de l'article 381 du DOC, la prescription est
interrompue par certains modes dont notamment : l'assignation en justice
même devant un tribunal incompétent. De ce fait, quelques
difficultés concernant l'instant exact de cette interruption et l'effet
de l'assignation par le destinataire à l'égard du chargeur
peuvent surgir.
Cependant, La reconnaissance de dettes ne peut pas entrainer
l'interruption de la prescription que lorsqu'elle est antérieure
à l'expiration du délai de prescription et qu'elle est
expresse.
Ce délai cesse de courir pendant toute la durée de
l'événement qui met le demandeur dans l'impossibilité
d'agir conformément aux dispositions de l'article 370 et 380 du DOC.
Parmi les causes de suspension, on peut citer celle de la force majeure et dont
la preuve incombe au destinataire qui s'est trouvé dans
l'impossibilité d'agir dans le délai établi par la
prescription, on peut citer également le cas des pourparlers ou encore
des transactions intervenues entre le transporteur et le destinataire et qui ne
laissent entrevoir aucune perspective d'accord amiable. Par conséquent,
la durée qui reste de ce délai reprend à partir de la fin
de cet événement.
Deuxième partie :
la prescription de l'action contre le transporteur maritime selon
l'article 20 de la convention de Hambourg.
Toute action relative au transport de marchandises par mer en
vertu de la présente convention prescrite si une procédure
judiciaire ou arbitrale n'a pas été introduite dans un
délai de 2ans.
Le délai de prescription court à partir du jour
où le transporteur a livré les marchandises ou une partie des
marchandises, ou lorsque les marchandises n'ont pas été
livrées, à partir du dernier jour où elles auraient
dû l'être.
Le jour indiqué comme point de départ du
délai de prescription n'est pas compris dans le délai.
La personne à qui une réclamation a
été adressée peut à tout moment pendant le
délai de prescription prolonger ce délai par une
déclaration adressée par écrit à l'auteur de la
réclamation.
Le délai peut être de nouveau prolongé par
une ou plusieurs autres déclarations.
Une action récursoire d'une personne tenue responsable
pourra être exercée même après l'expiration du
délai de prescription prévu aux paragraphes
précédents, si elle l'est dans le délai
déterminé par la loi de l'Etat où les poursuites sont
engagées. Toutefois, ce délai ne pourra être
inférieur à quatre vingt dix jours à compter de la date
à laquelle la personne qui exerce l'action récursoire a
réglé la réclamation ou à elle-même
reçu signification de l'assignation.
Cet article 20 des règles de Hambourg de 1978 traite de la
prescription extinctive des actions, la prescription extinctive peut être
définie comme étant l'extinction de l'action naissant d'une
obligation par l'expiration du délai assigne au créancier pour
agir.
L'article 384 du Code des obligations et des contrats
prévoit que « la prescription, pendant le laps de temps
fixé par la loi, éteint l'action naissant de
l'obligation ».
La prescription extinctive fait ainsi perdre son action au
créancier qui est demeuré un certain temps sans le faire valoir.
La prescription a un rôle extinctif puisqu'elle prive une
obligation de la sanction juridique, et se justifie par le fait que la paix
sociale implique la consécration des situations acquises et rapproche le
fait du droit.
Elle sanctionne aussi la négligence du créancier.
La prescription a également un rôle probatoire puisqu'elle fait
présumer la libération du débiteur. Elle correspond par
là à une nécessité pratique puisque, sans la
prescription extinctive, les débiteurs devraient conserver
indéfiniment leurs titres de paiement pour résister aux
poursuites de leurs créanciers.
Toutes ces fonctions justifient que la prescription extinctive se
trouve reconnue et réglementée dans l'article 20 des
règles de Hambourg de 1978.
L'article 20 traite de la durée de la prescription
extinctive, du point de départ du délai, du calcul du
délai, de la prorogation du délai et des actions
récursoires. Nous allons traiter donc au sein d'une première sous
partie le délai de prescription : son délai et son calcul,
avant d'arriver dans le cadre d'une deuxième partie la prorogation du
délai et les actions récursoires.
Première sous partie : le
délai de prescription : le calcul et le point de
départ.
La durée de la prescription est fixée à
2ans. L'article 20 énonce en effet dans son paragraphe premier que
toutes les actions qui naissent du transport de marchandises par mer en vertu
de la convention des nations unies de 1978 se prescrivent si une
procédure judiciaire ou arbitrale n'est pas introduite dans un
délai de 2ans.
Ce délai est franc dans la mesure où le jour
indiqué comme point de départ n'est pas compris dans ce
délai et celui de la convention qui n'a pas laissé les tribunaux
marocains en dehors de toute controverse.
L'article 20 dans son deuxième paragraphe, des
règles de Hambourg prévoit deux points de départ possibles
pour le délai de prescription selon que la marchandise
transportée a été livrée ou non par le
transporteur.
Si le transporteur a livré tout ou partie de la
marchandise transportée, le point de départ du délai est
le jour de la livraison.
Mais lorsque le transporteur n'a rien livré, le point de
départ du délai est le dernier jour où la marchandise
aurait dû être livrée. Il peut s'agir du délai
conventionnel ou du délai raisonnable de livraison, tel qu'il peut
être déterminé par le juge .
Quand au paragraphe 3 de l'article 20 des règles de
Hambourg, celui-ci prévoit que le jour indiqué comme point de
départ du délai de prescription n'est pas compris dans le
délai de deux ans.
Cela signifie que la prescription extinctive commence à
courir le lendemain à zéro heure du jour fixé comme point
de départ.
Donc on pourra déduire que la prescription s'accomplit
lorsque le dernier jour du terme est expiré.
Deuxième sous partie :
la prorogation du délai, les actions
récursoires.
L'article 20 paragraphe 4 des règles de Hambourg de 1978
prévoit que le jour indiqué comme point de départ du
délai de prescription par un accord écrit des parties
intéressées.
La prorogation peut être également
renouvelée. Ce paragraphe 4 de l'article 20 est une dérogation
selon laquelle les parties peuvent par convention particulière proroger
le délai de prescription à condition de ne pas dépasser le
délai maximum qui constitue le délai de prescription.
L'article 20 paragraphe 5 des règles de Hambourg de 1978
prévoit que les actions récursoires c'est-à-dire les
actions d'une partie tenue responsable aux termes de la Convention de Nations
de 1978 contre une autre partie qui peut être responsable envers elle,
peuvent être engagées même après l'expiration du
délai de deux ans visé par le paragraphe premier, lorsque
l'action est exercée dans le délai fixé par la loi interne
du pays où la poursuite est engagée.
La partie qui exerce une action récursoire dispose donc
d'un délai supplémentaire, après l'expiration du
délai de 2ans, fixé conformément à la loi interne,
mais qui ne peut être inférieur, selon le paragraphe 5, à
90 jours à compter de la date à laquelle la personne qui exerce
l'action récursoire a réparé le préjudice ou
reçu signification de l'assignation en justice.
Enfin on pourrait dire que l'article 20 a gardé le
silence sur certaines questions importantes relatives à la prescription
extinctive, notamment l'interruption et la suspension de la prescription.
Devant le silence du texte international, force est de revenir au
droit commun comme en droit marocain, le DOC a cependant traité de la
suspension et de l'interruption de la prescription, et ceci afin de poser des
solutions à tous les problèmes sous silence.
Pour conclure, on pourrait ainsi se poser la question, pourquoi
en pratique, les juges marocains dans la plupart des temps déterminent
le DCCM en tant que loi applicable, et pourquoi est-il si rare qu'on se
réfère aux règles de Hambourg pour trancher le
litige ?
On pourrait enfin s'interroger aussi sur la place de l'arbitrage
au Maroc pour régler les litiges en matière du transport
maritime, et de savoir aussi pourquoi dans la plupart des chartes parties, les
parties au contrat de transport optent pour régler leur litige devant
une juridiction d'un pays de leur choix ? .
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