La déclaration de soupçon( Télécharger le fichier original )par Bassine Lo Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise 2007 |
Paragraphe II : Les mesures touchant aux biens de la personne suspecteLes mesures touchant les biens du délinquant sont de deux ordres. Il s'agit d'une part de l'exercice du droit d'opposition à l'opération suspecte (A) et d'autre part le gel des biens de l'inculpé (B). A : L'exercice du droit d'opposition à l'opération suspecte Les recherches et les analyses diligentées par le service de la CENTIF peuvent pendre du temps. C'est la raison pour la laquelle l'article 28 alinéa 2 de la Loi prévoit un système permettant de temporiser l'exécution d'une opération suspecte.147(*)Lorsque la structure administrative accuse réception de la déclaration d'opération suspecte dans le délai d'exécution de l'opération, il peut former une opposition. La suspension de la transaction ne doit se produire qu'en cas de possession par la CENTIF d'informations graves, concordantes et fiables. Elle doit intervenir et être notifiée au déclarant par écrit avant l'expiration du délai d'exécution de l'opération. La durée de l'exercice de l'opposition ne peut excéder quarante- huit heures.148(*)Ainsi passé ce délai si aucune décision du juge d'instruction n'est parvenue au déclarant, ce dernier peut exécuter l'opération.149(*) Toutefois, ce droit d'opposition à une opération suspecte reconnu à ce service du ministère de l'économie et des finances met en échec le principe de l'irrévocabilité des ordres de transferts interbancaires. Ce principe a été consacré par les dispositions des articles six (6) et sept (7) du règlement n°15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats membres de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). En effet, selon les dispositions précitées les ordres de transfert introduits dans un système interbancaire ainsi que la compensation effectuée en chambre de compensation ou à point d'accès à la compensation sont opposable aux tiers et à la masse. La seule atténuation soulevée est la survenance d'un jugement d'ouverture d'une procédure collective contre un participant du système. A cet effet, aucune opération ne peut être annulée jusqu'à l'expiration du jour où est rendu ce jugement. C'est la règle du vingt quatre heures (24H) qui est ainsi consacrée. Dès lors, le droit d'opposition constitue la seule véritable limite au principe de l'irrévocabilité des ordres de transferts interbancaires. En effet, ce privilège donne à la CENTIF la possibilité de rompre sans délai une transaction de fonds entre établissements bancaires. A ce titre, il ne doit être mise en oeuvre qu'exceptionnellement, selon les dispositions de l'article 28 alinéas 2. La promotion et la sécurité des nouveaux systèmes de paiement impliquent la reconnaissance de l'irrévocabilité des transactions qui y sont effectuées à un moment déterminé.150(*) Malgré l'importance du principe de l'irrévocabilité des ordres de transferts, le droit d'opposition peut être exercé et confirmé par le juge d'instruction. Dans ce cas, il est procédé au gel des fonds de délinquant.
B : Le gel des fonds du délinquant Le gel des fonds est toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature de leur destination ou de toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, notamment la gestion de portefeuille.151(*)Ainsi, il vise soit à empêcher que des fonds illicites s'insèrent dans l'économie légale, soit à faire obstacle au financement du terrorisme. C'est la raison pour laquelle l'article 36 de la Loi énonce le gel des sommes d'argent et opérations financières portant sur les biens du délinquant. Il en est de même du règlement n° 14/2002/CM/UEMOA qui, en son article 4 fait obligation aux Etats membres de geler les ressources financières des personnes et entités désignées par le comité de sanction. Cependant, même si la confiscation des avoirs du délinquant est prescrite aussi bien dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux que dans celle du financement du terrorisme, elle n'a pas la même portée dans les deux cas. En effet dans le premier cas il s'agit d'une mesure conservatoire152(*).Alors que dans le second espèce, elle constitue l'une des principales armes de lutte contre le financement du terrorisme153(*).En fait, celui-ci a un besoin crucial de capitaux pour lancer puis maintenir une activité. Par ailleurs, l'application des mesures coercitives à l'égard des individus et entités terroristes s'heurte à plusieurs obstacles. Ainsi, l'un des inconvénients résulte du fait que le système mis en place en la matière ignore qu'une part considérable des flux financiers utilisés par les organisations terroristes échappe aux mécanismes de détection mis en place. De ce fait, de nombreuses sociétés évitent le gel de leurs avoirs en poursuivant leurs activités liées au terrorisme par le biais des écrans et off-shore.154(*)A cela, s'ajoute le fait que la diversité des sources de financement utilisée par les organisations terroristes leur permet de déjouer les mécanismes de blocage mis en place par les autorités. Une autre voie est donc à trouver comme le résume Jean -Louis Bruguière, magistrat spécialisé du pole anti-terroriste parisien « on fait tout ce qu'il est possible de faire .Mais il y' a une relative déception, dans la mesure où les financements sont très éclats.155(*)Dès lors, il parait donc pertinent de passer d'une méthode de détection automatisée et à grande échelle de flux financiers suspects à une méthode qui privilégie l'enquête d'environnement immédiat des individus ou entités suspectés d'activités en lien avec le terrorisme156(*). En somme, la répression en cas de déclaration de soupçon revêt un caractère spécifique. Ainsi, elle se manifeste par une exemption totale de responsabilité civile du déclarant. Toutefois, la sanction pénale peut être mise en oeuvre aussi bien à l'égard du dénonciateur qu'à l'égard du délinquant. Ainsi il importe de se prononcer sur l'efficacité de ses sanctions vue les obstacles auxquelles elles font face. * 147 V. art 5 du règlement intérieur de la CENTIF * 148 V. art 28 al. 3 de la Loi * 149 V. art 28 infine * 150 V. exposé des motifs du règlement n° 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats membres de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) * 151 Définition tirée de l'article premier du règlement n°14/2002/CM/UEMOA relatif au gel de fonds et autres ressources financières dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme dans les Etats membres de l'Union Economique et monétaire Ouest Africaine (UEMOA). * 152 V. art 36 de la Loi * 153 Ainsi en janvier 2004, soit un an et demi après les attentats du world Trade center les avoirs à travers le monde par le trésor américain ont atteint 172 millions de dollars ,1447 comptes bancaires. (tiré de texte du Chef d'Escadron LE BIANIC intitulé le dispositif international de lutte contre le terrorisme est-il crédible, disponible sur le site officiel de Google. * 154 C'est le cas ainsi le cas de la société financière « AL TAQWA » est de ce point édifiant .Fondée en 1988 par deux hommes d'affaires proches des frères musulmans et de la famille Ben Laden, cette banque établie en Suisse, a poursuivie ses activités malgré l'inscription de ses fondateurs sur la liste des terroristes par les Nations Unies en 2001 et 2002.En effet cette société n'étant que la holding d'une myriade d'entreprises enregistrées en off shore au Liechtenstein, aucun gel n'a été possible. En 2003, alors que les autorités américaine et suisse divergeaient encore sur la mise en oeuvre d'une riposte, la société a placée en liquidation par ses fondateurs et ses biens se sont évaporés (référence idem) * 155 Propos du juge Bruguière recueillies par Diégo Charwet, « terrorisme le danger de la globalisation » PCA, hebdo, 12 décembre 2002 (disponible sur le site officiel de Google) * 156 Cf. Article de Lebianic précité |
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