2.2.2) Incidence de la politique
budgétaire sur des indicateurs économiques et sociaux
La politique budgétaire, par le biais des
dépenses, a pour but d'agir sur les indicateurs socio-économiques
(mesurent le bien-être des populations). Pour cette étude, le
Produit Intérieur Brut (PIB), le PIB/tête, la consommation des
ménages, l'Indicateur de Développement Humain (IDH) et
l'Indicateur de la Pauvreté Humaine (IPH) seront les variables retenues.
En matière de développement humain, l'indicateur usuel pour les
structures des Nations Unies, notamment le PNUD depuis 1990, reste l'IDH.
L'IDH privilégie la longévité, le savoir
et le niveau de vie. Conçu au départ comme la moyenne
arithmétique des indicateurs de durée de vie, de niveau
d'éducation et de PIB réel corrigé par la Parité du
Pouvoir d'Achat (PPA), il est actuellement calculé à partir de
quatre variables de base : le revenu, l'espérance de vie,
l'alphabétisation des adultes et le nombre moyen d'années
d'études (en différenciant le primaire, le secondaire et le
supérieur).
Le développement humain pourrait être
considéré comme la manière de mener une vie longue et
saine, d'accéder à la connaissance et à l'information, et
de bénéficier de ressources assurant un niveau de vie
décent.
1) Incidence des dépenses sociales sur les
indicateurs économiques
a) Incidence des dépenses sociales sur le
PIB
Le produit intérieur brut (PIB) est une mesure de la
richesse créée, pendant un temps donné, sur le territoire
national par tous les agents résidents. Le PIB est égale à
la somme des valeurs ajoutées. Il se décompose
en une production marchande de biens et services et une production non
marchande, composée exclusivement de services. La production marchande
mesurée par le PIB marchand est celle qui s'échange sur un
marché à un prix tel qu'il vise au moins à couvrir les
coûts de production. La production non marchande mesurée par le
PIB non marchand regroupe l'ensemble des services rendus à titre gratuit
ou quasi-gratuit (c'est-à-dire à un tarif inférieur au
coût moyen de production).
En Côte d'Ivoire, la production intérieure brute
n'a pas connu une stabilité sur les quinze (15) dernières
années (tableau 5). Depuis l'indépendance jusqu'aujourd'hui, la
production intérieure brute a connu des évolutions
contrastées. Il a été enregistré de forts taux de
croissance économique durant les vingt premières années,
après les indépendances grâce à l'envolé des
cours de matières premières, principalement du café et du
cacao. Cette période a été suivie de taux de croissance
négatifs durant les années 80 jusqu'à 1993, du fait de la
baisse des cours de matières premières, de la
détérioration des termes de l'échange, de l'escalade des
taux d'intérêt internationaux et du renchérissement du
dollar et par la suite de la surévaluation du franc CFA. La reprise
économique a été observée à partir de 1994
(+2,1%). La croissance se présentera à partir de 1995 avec un
taux de croissance moyen supérieur à 5% jusqu'à 1998.
Cette nouvelle dynamique est due aux retombés de la dévaluation,
aux réformes structurelles et au bon comportement des cours des
matières premières. Quant à l'année 1999, elle
marque un début de récession - avec le ralentissement de
l'activité (+1,6%) - approfondie en 2000 avec un taux de -2,3% (le plus
bas taux de croissance économique enregistré en Côte
d'Ivoire). La contraction du niveau d'activité a été en
grande partie causée par l'instabilité politique et au manque de
dynamisme de l'économie ivoirienne. L'année 2001, est
l'année de la stabilisation qui débouchera sur les années
2002 et 2003 avec des taux de croissance négatifs de -1,6% et -1,1%
selon les dernières estimations du Ministère d'Etat,
Ministère de l'Economie et des Finances.
Tableau 5 : Evolution des taux de
croissance du PIB (%)
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003 (est.)
|
2004 (prév.)
|
PIB
|
-1,1
|
0
|
-0,1
|
-0,4
|
2,1
|
7,1
|
6,8
|
5,6
|
5,4
|
1,6
|
-2,3
|
0,1
|
-1,6
|
-0,9
|
2,4
|
Source : MEMEF / DGE / DCPE
Graphique 5 : Évolution des taux de
croissance du PIB (%)
Source : Direction de la prévision / MEMEF
Une analyse descriptive de l'évolution de cet
agrégat et de la proportion des dépenses sociales par rapport au
PIB permettra de juger, à priori, de l'incidence des dépenses
sociales sur le PIB. Le tableau 6 présente les différentes
dépenses effectuées dans les secteurs sociaux.
Tableau 6 : Evolution des dépenses
sociales et du PIB en milliards de FCFA
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
PIB courant
|
2 940,3
|
2 961,4
|
2 951,2
|
2 946,6
|
4 256,2
|
4 988,1
|
5 548,8
|
6 176,2
|
7 541
|
dépenses pub totales
|
923
|
884
|
875
|
887
|
1 166
|
1 328
|
1 385
|
1 495
|
1 557
|
dépenses sociales
|
353,2
|
339,5
|
337,1
|
349,8
|
352,2
|
438,3
|
487,1
|
540,2
|
608,4
|
*Education
|
195,8
|
183,8
|
203,8
|
202,1
|
219,8
|
242,5
|
272,7
|
287,1
|
301,2
|
dépenses de fonctionnement
|
192,8
|
181,3
|
184,5
|
186,2
|
203,9
|
218,1
|
247,7
|
258,1
|
268,3
|
dépenses d'investissement
|
3
|
2,5
|
19,3
|
15,9
|
15,9
|
24,4
|
25
|
29
|
32,9
|
*Santé
|
42,5
|
40,3
|
45,6
|
45,7
|
47,9
|
62,7
|
68,2
|
78,9
|
85,8
|
dépenses de fonctionnement
|
36,3
|
35,6
|
36,7
|
37,1
|
44,5
|
48,6
|
48
|
53,4
|
57
|
dépenses d'investissement
|
6,2
|
4,7
|
8,9
|
8,6
|
3,4
|
14,1
|
20,2
|
25,5
|
28,8
|
*Infrastructure de base
|
114,9
|
115,4
|
87,8
|
101,9
|
84,5
|
133,1
|
146,2
|
174,2
|
221,5
|
dépenses de fonctionnement
|
40,3
|
35,8
|
32,6
|
25,6
|
23
|
22,4
|
24,1
|
23,5
|
11
|
dépenses d'investissement
|
74,6
|
79,6
|
55,2
|
76,3
|
61,5
|
110,7
|
122
|
150,6
|
210,5
|
Source : Département des Études
Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD
Ces différentes allocations de l'Etat vers ces secteurs
sensibles sont ramenées sur le PIB dans le tableau 7 suivant :
Tableau 7 : Evolution des ratios
des différentes dépenses sur le PIB en %
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
Dép. sociales/dép. totales
|
38,3
|
38,4
|
38,5
|
39,4
|
30,2
|
33,0
|
35,2
|
36,1
|
39,1
|
édu/PIB
|
6,7
|
6,2
|
6,9
|
6,9
|
5,2
|
4,9
|
4,9
|
4,6
|
4,0
|
santé/PIB
|
1,4
|
1,4
|
1,5
|
1,5
|
1,1
|
1,3
|
1,2
|
1,3
|
1,1
|
infra base/PIB
|
3,9
|
3,9
|
3,0
|
3,5
|
2,0
|
2,8
|
2,6
|
2,8
|
2,9
|
dép. sociales/PIB
|
12,0
|
11,5
|
11,4
|
11,9
|
8,3
|
8,8
|
8,8
|
8,7
|
8,1
|
Variation des dép.sociales
|
-6,0
|
-3,9
|
-0,7
|
3,8
|
0,7
|
24,4
|
11,1
|
10,9
|
12,6
|
Source : Département des Études
Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD
La part des dépenses sociales dans les dépenses
totales de 1990 à 1993 a représenté en moyenne 38,6%.
Cette part est tombée en 1994 à 30,2% pour remonter à
partir de 1996, à 35,1% puis à 36,1% en 1997 pour
s'établir en 1998 à 39,1% (légèrement
supérieur au taux de la période 1990 - 1993). De 1990 à
1998, le niveau des dépenses sociales a quasiment doublé en
passant de 353,2 milliards à 608,4 milliards. Dans le même temps,
les dépenses totales ont également connu une évolution
importante de +68,7%. Parallèlement, à la faveur de la
dévaluation du franc CFA en 1994, le PIB nominal a plus que
doublé pour se situer à 7541 milliards en 1998 contre 2940,3
milliards en 1990. L'évolution du PIB a une amplitude plus forte que
celle des dépenses sociales. Bien qu'en nette évolution, la part
des dépenses sociales dans le PIB a ainsi été
réduite passant de 12,0, % en 1990 à 8,1% en 1998.
.
Graphique 6 : Evolution
du PIB et des dépenses sociales
Source : Département des Études
Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD
La part des dépenses d'éducation, de
santé et d'infrastructures représente respectivement 56,0%, 13,5%
et 30,5% des dépenses sociales.
Concernant les dépenses d'éducation, trois sous
périodes se dessinent. De 1990 à 1991, le ratio dépenses
d'éducation sur PIB a été en moyenne de 6,4%. Une
légère remontée du ratio en 1992 et 1993 avec un effort de
stabilité (4,7% en moyenne), de la part du gouvernement, sur les deux
années. Contrairement aux dépenses sociales qui ont doublé
de 1990 à 1998, les dépenses effectuées dans le domaine de
l'éducation, ont lentement évolué tandis que le PIB a
pratiquement doublé. Le niveau des dépenses d'éducation
est passé de 195,7 milliards en 1990 à 301,2 milliards en 1998,
soit +53,9%. En valeur nominale, les dépenses d'éducation
croissent régulièrement depuis 1994. Cette croissance est
consécutive à la dévaluation du franc CFA (effets
d'accompagnement). Les dépenses de fonctionnement dans le secteur de
l'éducation ont une proportion importante. Elles représentent en
moyenne plus de 90% des dépenses d'éducation, alors que les
dépenses d'investissement ne représentent en moyenne que 10% du
total des dépenses d'éducation. Toutefois, les dépenses
d'investissement ont pratiquement été multipliées par 11
entre 1990 et 1998, en passant de 3 milliards à 32,9 milliards.
La part des dépenses de santé dans le PIB se
situe entre 1% et 1,5%. Cette proportion a peu varié entre 1990 et 1998
avec des taux respectifs de 1,4% et 1,1%. Cependant, les dépenses de
santé ont tout de même été multipliées par 2
avec un niveau de 85,5 milliards en 1998 contre 42,5 milliards en 1990. Les
dépenses de santé ont donc connu un accroissement continu.
L'action combinée de la hausse des dépenses de
fonctionnement et d'investissement a induit une augmentation des
dépenses de santé. En effet, les deux composantes des
dépenses de santé croissent depuis 1994. Les investissements,
alors qu'ils s'établissaient entre 3 et environ 9 milliards de 1990
à 1994, passent à la faveur de la dévaluation à
deux chiffres en 1995 avec 14,1 milliards de franc CFA. Les taux de croissance
des dépenses d'investissement sont supérieurs à ceux des
dépenses de fonctionnement. Néanmoins, avec près de 23%
ils représentent la composante la plus faible des dépenses de
santé, dominées par les dépenses de fonctionnement (77%).
Les dépenses d'infrastructures représentent en
moyenne 30,5% des dépenses sociales. C'est la deuxième composante
après celle des dépenses d'éducation dans les
dépenses sociales. Le ratio moyen des dépenses d'infrastructures
sur le PIB est de 3,6% (1990-1994). Ce ratio est tombé à 2% en
1994 pour s'établir en moyenne autour de 2,8% sur la période
1995-1998. Comme les deux premières analyses, la baisse des proportions
n'est pas liée au recul des dépenses d'infrastructure qui ont
plutôt accru de près de 93% entre 1990 et 1998. Contraire à
la position qu'occupent les investissements dans l'éducation et la
santé, les dépenses d'investissement dans le domaine des
infrastructures sont plus importantes que celles de fonctionnement. Elles
représentent en moyenne 79,7% sur la période sous revue contre
20,3% pour les dépenses de fonctionnement. Le montant de 74,6 milliards
en 1990 a été presque triplé en 1998 (210,5 milliards),
tandis que les dépenses de fonctionnement régressaient de 30
milliards, soit un recul d'environ 72,7%. Ainsi, au fur et à mesure que
les dépenses d'investissement croissent les dépenses de
fonctionnement diminuent dans les infrastructures de base.
Il ressort de ces analyses descriptives que les
dépenses sociales ont une proportion faible par rapport aux
dépenses publiques. Pis, selon la Banque Mondiale, les dépenses
publiques consacrées à l'éducation et à la
santé ont diminué en 2002 où on assiste plutôt
à un accroissement des dépenses militaires. Pour 50% des
dépenses prioritaires destinées aux secteurs sociaux, il a
seulement été observé un taux d'exécution de 42%,
tandis que les dépenses militaires passaient de 8,7% à 10% des
dépenses prioritaires.
En définitive, l'analyse des dépenses sociales
et du PIB a montré que pour l'éducation et la santé, les
dépenses de fonctionnement sont supérieures aux dépenses
d'investissement ; ce qui n'est pas le cas pour la rubrique des
dépenses d'infrastructures. Au niveau des dépenses sociales, nous
avons presque un doublement de sa valeur entre 1990 et 1998,
phénomène aussi constaté pour le PIB nominal. Au fur et
mesure que le niveau du PIB augmentait, à partir de 1995, le constat est
que les dépenses sociales aussi augmentaient. Il pourrait donc
s'établir une corrélation entre les dépenses sociales et
le PIB. Le graphique 7 résume l'évolution des différents
postes des dépenses sociales.
Graphique 7 : courbes des dépenses
sociales et de ses composantes
Source : Département des
Études Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD
b) Incidence des dépenses sociales sur le PIB par
habitant
Le PIB/tête est un indicateur de mesure de la
redistribution des richesses créées à la population. Cela
dit, il est le rapport du PIB nominal sur le nombre total d'habitant d'un
pays.
Tableau 8 : évolution du PIB par
tête en milliers de FCFA
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
Dépenses sociales
|
en mds
|
353,2
|
339,5
|
337,1
|
349,8
|
352,2
|
438,3
|
487,1
|
540,2
|
608,4
|
(%)
|
-6,01
|
-3,88
|
-0,71
|
3,77
|
0,69
|
24,45
|
11,13
|
10,90
|
12,62
|
PIB par tête
|
en milliers
de FCFA
|
277,8
|
267,19
|
266,53
|
255,88
|
250,41
|
257,28
|
376,4
|
407,7
|
427,2
|
(%)
|
4,95
|
-3,82
|
-0,25
|
-4
|
-2,14
|
2,74
|
39,30
|
8,32
|
4,78
|
Source : Département des Études
Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD
L'évolution du PIB/tête se décompose en
deux sous période : 1990-1994 et 1995-1998. Une baisse du niveau de
revenu des populations est constatée sur l'intervalle 1990-1994, suivie
d'une remontée à partir de 1995 jusqu'en 1998. La baisse du
PIB/tête est caractérisée par des taux de croissance
négatifs avec une plus forte régression en 1993 de -4%. Le
même recul est manifeste au niveau des dépenses sociales. En effet
de 1990 à 1992 les variations sont de -6,01%, -3,88% et -0,71%.
L'analyse montre une baisse continuelle des dépenses sociales de 1990
à 1992, ainsi qu'une baisse du PIB/tête de 1990 à 1994. A
priori, il n'existerait pas de lien entre les dépenses sociales et le
PIB/tête. Toutefois, une corrélation positive s'établit
entre ces deux indicateurs à partir de 1995.
L'amorce de la remontée des taux de croissance se fait
pour les dépenses sociales en 1993 et pour le PIB/tête en 1995. La
reprise à la hausse de ces deux postes coïncide avec l'augmentation
du PIB nominal. Le taux de croissance moyen du PIB/tête est 11,7% avec un
maximum de +39,3% en 1996. Le PIB par tête qui est de 250 410 en 1994
passe à 427 200 francs CFA en 1998, un gain de 70,6%. Le doublement
presque du PIB nominal (cf. tableau 6) à partir de 1994 et 1995 a
conduit à un réajustement à la hausse du PIB/tête,
et une amélioration des dépenses sociales. Une illustration des
chiffres est résumée par le graphique 8 ci-dessous.
Graphique 8 : évolution des
dépenses sociales et du PIB / tête
Source : Département des Études
Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD
Ce graphique permet de voir que l'accroissement des
dépenses sociales s'est accompagné d'une amélioration du
PIB/tête.
c) Incidence des dépenses sociales sur la
consommation des ménages
La consommation des ménages est un indicateur
économique qui renseigne sur les conditions de vie des ménages.
Les achats et les dépenses en biens et services (nourriture,
santé, éducation, etc.) des ménages forment la
consommation des ménages. Le tableau n°9 ci-après en donne
une idée générale :
Tableau 9 : Evolution des variations de la
consommation des ménages et des dépenses sociales
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
Dépenses sociales
|
353,2
|
339,5
|
337,1
|
349,8
|
352,2
|
438,3
|
487,1
|
540,2
|
608,4
|
-
|
-
|
-
|
Cons. des ménages en mds
|
2 007,6
|
2 067,7
|
2 088
|
2 065
|
1 869
|
2 047
|
2 185
|
2 298
|
2 411
|
2 435
|
2 119
|
2 100
|
Variation dép. sociales
|
-6,01
|
-3,88
|
-0,71
|
3,77
|
0,69
|
24,45
|
11,13
|
10,90
|
12,62
|
-
|
-
|
-
|
Variation cons. Des ménages
|
-1,99
|
2,99
|
0,98
|
-1,10
|
-9,49
|
9,52
|
6,74
|
5,17
|
4,92
|
1,00
|
-12,98
|
-0,90
|
Source : Département des Études
Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD, compte de la Nation
(INS)
Une analyse du tableau 9 montre une évolution en dents
de scie des deux agrégats économiques. Quatre phases
caractérisent la consommation des ménages, à savoir deux
phases de recul (1993-1994, 2000-2001) et deux autres phases de remontée
(1990-1992, 1995-1998) de cet indicateur économique. Le graphique 9
permet de voir ces quatre phases.
Graphique 9 : Courbes d'évolution
de la consommation des ménages et des dépenses
sociales
Source : Département des Études
Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD, compte de la Nation
(INS)
La première phase allant de 1991 à 1994 indique
une contraction de la consommation des ménages (consommation
privée) entre avec des niveaux respectifs de 2 065 milliards à 1
869 milliards, soit un recul effectif induit de -9,5%. Pendant que la
contraction est observée pour la consommation des ménages, les
dépenses sociales augmentent, passant de 349,8 milliards à 352,2
milliards, soit une croissance moyenne de plus de 2%. En outre, pour le second
recul observé entre 2000 et 2001, la consommation des ménages
régresse de près de 1%. Cette sous période voit la
consommation passer de 2119 milliards à 2100 milliards de francs CFA. Le
plus fort recul de l'activité de consommation des ménages est
celui de 2000 (-12,98%). Le phénomène contraire est
observé sur la période allant de 1994 à 1999 où les
dépenses des ménages ont connu une augmentation
régulière de 4,5% en moyenne par an.
A côté de ces reculs, il a été
noté des sous périodes de croissance de la consommation des
ménages. L'augmentation de la consommation des ménages est faite
sur de plus grands intervalles de temps. En effet, elle s'étale sur 8
ans entrecoupés par les reculs qui durent quatre ans. Sur l'année
1991, une croissance de 2,99% est observée. Le mouvement se poursuit en
1992 avec un taux de croissance de 0,99%. De 1990 à 1992, la
consommation passe, de 2 007,6 milliards à 2 088 milliards de francs
CFA, avec une valeur intermédiaire en 1991 de 2 067,7 milliards francs
CFA. L'évolution des dépenses sociales et celle de la
consommation des ménages sont illustrées dans le graphique 10.
Il n'en est pas de même pour l'évolution des
dépenses sociales sur le même intervalle, où elles varient
négativement de 6,01% en 1990 et 3,9% en 1991. L'augmentation des
dépenses sociales intervient en 1993, coïncide avec la
période de recul de la consommation des ménages avec plus de 3%
de croissance. La croissance de la consommation des ménages est aussi
manifeste sur l'intervalle 1995-1999. Le fort taux est celui de 1995 (9,52%)
qui est aussi l'année où les dépenses sociales connaissent
leur plus forte hausse (24,45%). Avec 2 275,2 milliards, la moyenne de la
consommation des ménages sur les années 1995-1999, est
supérieure à celles des autres périodes (2 054,4 entre
1990 et 1992, 1 907 milliards entre 1993 à 1994 et 2 104,5 milliards
entre 2000 et 2001). La croissance moyenne est de 5,47% entre 1995-1998. Sur
les mêmes périodes respectives, les moyennes sous
périodiques des dépenses sociales donnent 343,3, 351 et 518,5
milliards. La moyenne des dépenses sociales la plus élevée
est observée entre 1995 et 1998 comme pour la consommation des
ménages.
Graphique 10: Evolution de la consommation des
ménages et des dépenses sociales
Source : Département des Études
Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD, compte de la Nation
(INS)
La croissance des postes (dépenses sociales,
consommation des ménages) augmentent de façon
régulière depuis 1995, elle suit l'évolution du PIB. Les
différents indicateurs économiques subissent tous des
augmentations depuis 1995, améliorant leur taux de croissance.
L'amélioration des dépenses sociales et des indicateurs
économiques comme l'indique le graphique n°11 démontre de la
portée de cette catégorie de dépenses.
Graphique 11 : courbes des
dépenses sociales et des indicateurs économiques
Source : Département des Études
Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD, comptes de la Nation
(INS)
2) Incidence des dépenses sociales sur les
indicateurs sociaux
L'incidence sera démontrée sur les Indicateurs
du Développement Humain, du Sexospécifique du
Développement Humain et de Pauvreté Humaine
a) Incidence des dépenses sociales sur
l'IDH
L'indicateur du développement humain (IDH), comme
évoqué plus haut comprend trois variables: l'espérance de
vie, le niveau d'éducation (mesuré d'une part, par le taux
d'alphabétisation des adultes, et d'autre part, par le taux
combiné de scolarisation dans le primaire, le secondaire et le
supérieur) et le niveau de vie d'après le PIB réel
corrigé par habitant (exprimé en parités de pouvoir
d'achat).
Au total, l'IDH mesure les progrès accomplis par un
pays ou une communauté dans son ensemble. L'IDH varie entre 0 et 1 :
plus il est proche de 1, plus le pays se situe à un niveau de
développement humain élevé. Les pays d'Afrique
subsaharienne ont en moyenne un IDH 2,4 fois inférieur à celui
des pays les plus avancés. Au sein des pays d'Afrique subsaharienne
l'IDH varie lui-même du simple au double (PNUD, 2000). Son
évolution entre 1990 et 2001 en Côte d'Ivoire est donnée
par le tableau 10 ci-après :
Tableau 10 : Evolution de l'indicateur de
développement humain en Côte d'Ivoire
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
IDH
|
0,393
|
0,311
|
0,365
|
0,286
|
0,370
|
0,341
|
0,357
|
0,368
|
0,368
|
0,422
|
0,420
|
0,426
|
Var. dép.
sociales
|
-6,01
|
-3,88
|
-0,71
|
3,77
|
0,69
|
24,45
|
11,13
|
10,90
|
12,62
|
|
|
|
Source: Rapport mondial sur le développement
humain, 1996 à 2001, PNUD
Les données ci-dessus montrent que de 1990 à
2001, l'IDH en Côte d'ivoire n'a pas passé la barre des
0,5 qui aurait permis au pays d'être situé dans
la catégorie des pays à Indice de Développement Humain
moyen.
Une observation de l'évolution de l'IDH montre une
évolution figée dans un intervalle allant de 0,2 à
0,43.
La période 1990-1991 voit une baisse de l'IDH qui passe
de 0,420 à 0,311 avec un retrait des dépenses sociales de
3,88%.
Une amélioration de l'IDH en 1992 est constatée.
Les dépenses de l'année ont connu une légère (par
rapport à l'année) augmentation permettant ainsi une certaine
amélioration de l'accès des populations aux services sociaux de
base (éducation, santé, infrastructures).
Le recul en 1993 de l'IDH est accompagné d'une hausse
des dépenses sociales. Cette baisse est due aux conséquences
découlant de la crise économique et à la
surévaluation du franc CFA, voilant du coup les effets attendus de
l'augmentation des dépenses sociales sur l'IDH. La forte hausse des
dépenses sociales, de l'année 1993 cumulée à celles
de 1994 avec la reprise de la croissance, va faire remonter le niveau de l'IDH,
passant alors de 0,286 à 0,370. Le tableau 13 en donne une illustration
parfaite.
L'IDH régresse en 1995 nonobstant la hausse de plus de
24,4% des dépenses sociales. Cette dégradation du niveau de vie
est sans nul doute le fruit des effets pervers de la dévaluation (les
mesures d'accompagnement n'ayant pas atteint un niveau satisfaisant).
Une forte période de croissance de l'IDH fait suite au
recul de l'indice de 1995. Sur quatre ans (1996-1999), il est observé
une amélioration de cet indice. L'IDH connaît sa plus forte valeur
sur cette période, en 1999 avec un indice de 0,422. Sur la
période, 1996-1998, une augmentation des dépenses sociales est
manifeste avec des taux de variations élevés. En terme nominal,
les dépenses sociales et l'IDH seraient liés.
Les années 2000 et 2001 marquent une rupture par
rapport à la sous période précédente. Ces
années sont celles à partir desquelles, le pays connaît une
instabilité socio-politique qui dégrade les conditions de vie des
populations.
L'IDH, à l'époque était
considéré comme le meilleur indicateur, utilisé pour avoir
le niveau réel de vie des populations fait aujourd'hui l'objet de
nombreuses critiques. Ces critiques ont motivé le développement
de nouveaux indicateurs humains dont l'ISDH et l'IPH-1.
Pourquoi retenir trois dimensions seulement?
- Les variables choisies pour mesurer les dimensions
sont-elles pertinentes ? Et pour chaque dimension, les variables
associées sont-elles trop ou pas assez nombreuses ?
- Les mesures effectuées sont-elles sujettes aux
erreurs d'estimation, et dans l'affirmative ces erreurs faussent-elles les
résultats obtenus ?
- Le choix du minimum et du maximum est-il justifié ou
bien arbitraire ?
- Quelle est la sensibilité des indicateurs à
des choix différents concernant les maxima et les minima?
- Pourquoi retenir une pondération égale pour
chaque élément ?
- Quelle est la sensibilité du résultat aux
variations de pondération ?
De plus, il s'avère que la méthode de calcul de
l'IDH a été plusieurs fois modifiée notamment en ce qui
concerne la prise en compte du revenu. Il faut se poser aussi la question de la
fiabilité des données. Malgré les réserves et les
critiques que l'on peut adresser à l'IDH, il faut reconnaître que
cet indicateur a le mérite d'exister. Il doit être rapporté
à l'Indicateur Sexospécifique du Développement Humain
(ISDH) pour être mieux appréhendé.
b) Incidence des dépenses sociales sur
l'ISDH
L'Indicateur Sexospécifique du Développement
Humain (ISDH) évalue les avancées du développement humain
de base corrigées des inégalités entre hommes et femmes.
L'ISDH part de l'IDH, mais tient compte des inégalités
sociologiques entre les sexes.
Tableau 11: Evolution de l'Indice de
Pauvreté Humain et de l'Indice Sexospécifique du
Développement Humain
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
IPH-1 (%)
|
46,8
|
45,8
|
42,9
|
42,3
|
45
|
ISDH
|
0,404
|
0,401
|
0,409
|
0,411
|
0,376
|
Source : PNUD
Le tableau 11 résume l'évolution de l'Indice de
Pauvreté Humaine et de celle de l'évolution de l'Indice
Sexospécifique du Développement Humain.
Plus les écarts touchant les domaines couverts par
l'IDH sont importants, plus l'ISDH du pays considéré est faible
par rapport à son IDH. En fait, l'ISDH est tout simplement un IDH
corrigé en fonction des inégalités entre les sexes.
Ainsi sur les cinq années représentées
dans le tableau au niveau de l'ISDH, nous avons trois sous périodes. Une
baisse de l'ISDH est constatée entre 1997 et 1998, il passe de 0,404
à 0,401, soit un léger recul de 1%. Sur la même
période, une légère contraction du côté des
dépenses sociales se ressent. Une augmentation s'opère chaque
année jusqu'en 2000, passant de 0,401 à 0,411 entre 1998 et
2000, avec une valeur intermédiaire de 0,409 en 1999.
L'amélioration de cet indice démontrerait de la
qualité des dépenses sociales qui ont été plus ou
moins orientées dans un contexte de crise. Les conséquences de
l'instabilité socio-politique se font ressentir à partir de
l'année 2001 avec un indice de 0,376.
c) Incidence des dépenses sociales sur
l'IPH-1
Par la suite, le Rapport mondial sur le
développement humain 1997 a lancé le concept de
pauvreté humaine, exprimé par une nouvelle mesure à
plusieurs composantes, l'Indicateur de la Pauvreté Humaine (IPH), qui se
concentre sur les déficits et les manques dans ces mêmes
éléments.
« Un indicateur de la pauvreté humaine (IPH)
mesure la misère dans quatre grands aspects de la vie humaine : la
capacité de vivre longtemps et en bonne santé, le savoir, les
moyens économiques et la participation à la vie sociale. Ces
aspects de la misère sont les mêmes pour tous les pays, qu'ils
soient industrialisés ou en développement. Seuls les
critères les mesurant varient, pour tenir compte des différences
dans les réalités de ces pays et en raison des limites que posent
les données» (PNUD, 1997).
Le PNUD a donc conçu deux versions de l'IPH : l'IPH-1
pour les pays en développement et l'IPH-2 pour les pays
industrialisés.
L'analyse des données chiffrées de L'IPH-1
montre une baisse continuelle de cet indice de 1997 à 2000. les chiffres
montrent que les efforts déployés pour endiguer la
pauvreté ont eu un commencement de résultats tangibles, puisque
de 46,8 % en 1993 cet indice a reculé pour atteindre 42,3% en 2000, soit
une baisse de près de 5 points. Cette dynamique acquise dans la lutte
contre la pauvreté est rompue à partir de 2001 avec une hausse de
2,7% du niveau de pauvreté par rapport à 2000. La situation de
guerre, ayant contrarié les projets du gouvernement, va entraîner
un redéploiement des ressources budgétisées pour les
secteurs sociaux au secteur de la défense nationale.
Lorsqu'une augmentation des dépenses sociales
intervient et que cela ne se répercute pas sur les indicateurs
socio-économiques, les chocs exogènes en sont la cause. Les
indicateurs de développement humain sont influencés par les
dépenses sociales. De l'analyse descriptive, il ressort que les
dépenses sociales (investissements dans les secteurs sociaux) influent
positivement sur les indicateurs économiques et sociaux.
d) Incidence des dépenses sociales sur la
pauvreté
L'analyse est faite avec le ratio dépenses sociales/PIB
et l'évolution du niveau de la pauvreté. Les informations sont
résumées dans le tableau ci-dessous :
Tableau 12 : Evolution de la
pauvreté et des dépenses sociales/PIB
|
1985-1988
|
1993
|
1995
|
1998
|
Dépenses sociales/PIB
|
11.0
|
11.9
|
8.8
|
8.1
|
Pauvreté (%)
|
53.0
|
-29.6
|
13.9
|
-8.7
|
Source : DEEF/BNEDT,
INS, GROOTAERT (1996)
Les valeurs de la pauvreté sont des taux de croissance.
Au niveau de la pauvreté, deux variations à la hausse (1985-1988
et 1995) et deux autres variations à la baisse (1993 et 1998) se
manifestent. Concernant la pauvreté, un taux de croissance
négatif signifie une amélioration, soit une relation
négative entre la pauvreté et le bien-être de la
population. Le graphique nous montre que la plus forte croissance a
été enregistrée sur 1985-1988, ce taux de 53% a comme
conséquent une aggravation du niveau de vie des populations dans la
période de crise des années 1980. Le poids des dépenses
sociales dans le PIB est faible sur la période. En revanche, en 1993, on
assiste à une amélioration du ratio qui passe de 11% à
11,9% en 1993. Cette amélioration du ratio fait suite à une
baisse de 29,6% du niveau de pauvreté qui est le niveau le plus bas sur
le graphique. Quand, en 1995, les dépenses sociales/tête chutent
de plus de 26%, une augmentation de la pauvreté est remarquée
(une résurgence). La baisse du ratio est due aux effets de la
dévaluation qui ont accéléré le PIB qui a
pratiquement doublé en 1994 alors que l'augmentation du niveau des
dépenses sociales n'a pas suivi celle du PIB. En 1998, un effort du
gouvernement a été fait pour stabiliser le ratio, entre 1995 et
1998, les dépenses sociales se sont améliorées de 38,8%.
Cette hausse du ratio est remarquée en 1998, année où la
seconde baisse du niveau de la pauvreté a été
constatée, le taux de croissance passe donc de 13,9 à -8,7%.
L'allocation de fortes ressources dans le domaine sociale a
toujours été couplée à une amélioration de
la qualité des populations et donc par conséquent à une
réduction de la pauvreté.
Graphique 12 : Evolution de la
pauvreté et des dépenses sociales/PIB
Source : DEEF/BNEDT, INS, GROOTAERT (1996)
Après avoir fait l'analyse de la politique
budgétaire et vu sommairement l'incidence des dépenses sociales
sur les indicateurs socio-économiques, l'analyse
économétrique de l'impact des dépenses sociales
(éducation, santé et infrastructures) sera menée au
prochain paragraphe.
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