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La politique budgétaire et la lutte contre la pauvreté en Côte d'Ivoire

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par Elisee Borid Barnard Gnamoy GNAMOY
Université d'Abomey Calavi - Maitrise en sciences économique 2004
  

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2.2.2) Incidence de la politique budgétaire sur des indicateurs économiques et sociaux

La politique budgétaire, par le biais des dépenses, a pour but d'agir sur les indicateurs socio-économiques (mesurent le bien-être des populations). Pour cette étude, le Produit Intérieur Brut (PIB), le PIB/tête, la consommation des ménages, l'Indicateur de Développement Humain (IDH) et l'Indicateur de la Pauvreté Humaine (IPH) seront les variables retenues. En matière de développement humain, l'indicateur usuel pour les structures des Nations Unies, notamment le PNUD depuis 1990, reste l'IDH.

L'IDH privilégie la longévité, le savoir et le niveau de vie. Conçu au départ comme la moyenne arithmétique des indicateurs de durée de vie, de niveau d'éducation et de PIB réel corrigé par la Parité du Pouvoir d'Achat (PPA), il est actuellement calculé à partir de quatre variables de base : le revenu, l'espérance de vie, l'alphabétisation des adultes et le nombre moyen d'années d'études (en différenciant le primaire, le secondaire et le supérieur).

Le développement humain pourrait être considéré comme la manière de mener une vie longue et saine, d'accéder à la connaissance et à l'information, et de bénéficier de ressources assurant un niveau de vie décent.

1) Incidence des dépenses sociales sur les indicateurs économiques

a) Incidence des dépenses sociales sur le PIB

Le produit intérieur brut (PIB) est une mesure de la richesse créée, pendant un temps donné, sur le territoire national par tous les agents résidents. Le PIB est égale à la somme des valeurs ajoutées. Il se décompose en une production marchande de biens et services et une production non marchande, composée exclusivement de services. La production marchande mesurée par le PIB marchand est celle qui s'échange sur un marché à un prix tel qu'il vise au moins à couvrir les coûts de production. La production non marchande mesurée par le PIB non marchand regroupe l'ensemble des services rendus à titre gratuit ou quasi-gratuit (c'est-à-dire à un tarif inférieur au coût moyen de production).

En Côte d'Ivoire, la production intérieure brute n'a pas connu une stabilité sur les quinze (15) dernières années (tableau 5). Depuis l'indépendance jusqu'aujourd'hui, la production intérieure brute a connu des évolutions contrastées. Il a été enregistré de forts taux de croissance économique durant les vingt premières années, après les indépendances grâce à l'envolé des cours de matières premières, principalement du café et du cacao. Cette période a été suivie de taux de croissance négatifs durant les années 80 jusqu'à 1993, du fait de la baisse des cours de matières premières, de la détérioration des termes de l'échange, de l'escalade des taux d'intérêt internationaux et du renchérissement du dollar et par la suite de la surévaluation du franc CFA. La reprise économique a été observée à partir de 1994 (+2,1%). La croissance se présentera à partir de 1995 avec un taux de croissance moyen supérieur à 5% jusqu'à 1998. Cette nouvelle dynamique est due aux retombés de la dévaluation, aux réformes structurelles et au bon comportement des cours des matières premières. Quant à l'année 1999, elle marque un début de récession - avec le ralentissement de l'activité (+1,6%) - approfondie en 2000 avec un taux de -2,3% (le plus bas taux de croissance économique enregistré en Côte d'Ivoire). La contraction du niveau d'activité a été en grande partie causée par l'instabilité politique et au manque de dynamisme de l'économie ivoirienne. L'année 2001, est l'année de la stabilisation qui débouchera sur les années 2002 et 2003 avec des taux de croissance négatifs de -1,6% et -1,1% selon les dernières estimations du Ministère d'Etat, Ministère de l'Economie et des Finances.

Tableau 5 : Evolution des taux de croissance du PIB (%)

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003 (est.)

2004 (prév.)

PIB

-1,1

0

-0,1

-0,4

2,1

7,1

6,8

5,6

5,4

1,6

-2,3

0,1

-1,6

-0,9

2,4

Source : MEMEF / DGE / DCPE

Graphique 5 : Évolution des taux de croissance du PIB (%)

Source : Direction de la prévision / MEMEF

Une analyse descriptive de l'évolution de cet agrégat et de la proportion des dépenses sociales par rapport au PIB permettra de juger, à priori, de l'incidence des dépenses sociales sur le PIB. Le tableau 6 présente les différentes dépenses effectuées dans les secteurs sociaux.

Tableau 6 : Evolution des dépenses sociales et du PIB en milliards de FCFA

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

PIB courant

2 940,3

2 961,4

2 951,2

2 946,6

4 256,2

4 988,1

5 548,8

6 176,2

7 541

dépenses pub totales

923

884

875

887

1 166

1 328

1 385

1 495

1 557

dépenses sociales

353,2

339,5

337,1

349,8

352,2

438,3

487,1

540,2

608,4

*Education

195,8

183,8

203,8

202,1

219,8

242,5

272,7

287,1

301,2

dépenses de fonctionnement

192,8

181,3

184,5

186,2

203,9

218,1

247,7

258,1

268,3

dépenses d'investissement

3

2,5

19,3

15,9

15,9

24,4

25

29

32,9

*Santé

42,5

40,3

45,6

45,7

47,9

62,7

68,2

78,9

85,8

dépenses de fonctionnement

36,3

35,6

36,7

37,1

44,5

48,6

48

53,4

57

dépenses d'investissement

6,2

4,7

8,9

8,6

3,4

14,1

20,2

25,5

28,8

*Infrastructure de base

114,9

115,4

87,8

101,9

84,5

133,1

146,2

174,2

221,5

dépenses de fonctionnement

40,3

35,8

32,6

25,6

23

22,4

24,1

23,5

11

dépenses d'investissement

74,6

79,6

55,2

76,3

61,5

110,7

122

150,6

210,5

Source : Département des Études Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD

Ces différentes allocations de l'Etat vers ces secteurs sensibles sont ramenées sur le PIB dans le tableau 7 suivant :

Tableau 7 : Evolution des ratios des différentes dépenses sur le PIB en %

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Dép. sociales/dép. totales

38,3

38,4

38,5

39,4

30,2

33,0

35,2

36,1

39,1

édu/PIB

6,7

6,2

6,9

6,9

5,2

4,9

4,9

4,6

4,0

santé/PIB

1,4

1,4

1,5

1,5

1,1

1,3

1,2

1,3

1,1

infra base/PIB

3,9

3,9

3,0

3,5

2,0

2,8

2,6

2,8

2,9

dép. sociales/PIB

12,0

11,5

11,4

11,9

8,3

8,8

8,8

8,7

8,1

Variation des dép.sociales

-6,0

-3,9

-0,7

3,8

0,7

24,4

11,1

10,9

12,6

Source : Département des Études Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD

La part des dépenses sociales dans les dépenses totales de 1990 à 1993 a représenté en moyenne 38,6%. Cette part est tombée en 1994 à 30,2% pour remonter à partir de 1996, à 35,1% puis à 36,1% en 1997 pour s'établir en 1998 à 39,1% (légèrement supérieur au taux de la période 1990 - 1993). De 1990 à 1998, le niveau des dépenses sociales a quasiment doublé en passant de 353,2 milliards à 608,4 milliards. Dans le même temps, les dépenses totales ont également connu une évolution importante de +68,7%. Parallèlement, à la faveur de la dévaluation du franc CFA en 1994, le PIB nominal a plus que doublé pour se situer à 7541 milliards en 1998 contre 2940,3 milliards en 1990. L'évolution du PIB a une amplitude plus forte que celle des dépenses sociales. Bien qu'en nette évolution, la part des dépenses sociales dans le PIB a ainsi été réduite passant de 12,0, % en 1990 à 8,1% en 1998.

.

Graphique 6 : Evolution du PIB et des dépenses sociales

Source : Département des Études Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD

La part des dépenses d'éducation, de santé et d'infrastructures représente respectivement 56,0%, 13,5% et 30,5% des dépenses sociales.

Concernant les dépenses d'éducation, trois sous périodes se dessinent. De 1990 à 1991, le ratio dépenses d'éducation sur PIB a été en moyenne de 6,4%. Une légère remontée du ratio en 1992 et 1993 avec un effort de stabilité (4,7% en moyenne), de la part du gouvernement, sur les deux années. Contrairement aux dépenses sociales qui ont doublé de 1990 à 1998, les dépenses effectuées dans le domaine de l'éducation, ont lentement évolué tandis que le PIB a pratiquement doublé. Le niveau des dépenses d'éducation est passé de 195,7 milliards en 1990 à 301,2 milliards en 1998, soit +53,9%. En valeur nominale, les dépenses d'éducation croissent régulièrement depuis 1994. Cette croissance est consécutive à la dévaluation du franc CFA (effets d'accompagnement). Les dépenses de fonctionnement dans le secteur de l'éducation ont une proportion importante. Elles représentent en moyenne plus de 90% des dépenses d'éducation, alors que les dépenses d'investissement ne représentent en moyenne que 10% du total des dépenses d'éducation. Toutefois, les dépenses d'investissement ont pratiquement été multipliées par 11 entre 1990 et 1998, en passant de 3 milliards à 32,9 milliards.

La part des dépenses de santé dans le PIB se situe entre 1% et 1,5%. Cette proportion a peu varié entre 1990 et 1998 avec des taux respectifs de 1,4% et 1,1%. Cependant, les dépenses de santé ont tout de même été multipliées par 2 avec un niveau de 85,5 milliards en 1998 contre 42,5 milliards en 1990. Les dépenses de santé ont donc connu un accroissement continu.

L'action combinée de la hausse des dépenses de fonctionnement et d'investissement a induit une augmentation des dépenses de santé. En effet, les deux composantes des dépenses de santé croissent depuis 1994. Les investissements, alors qu'ils s'établissaient entre 3 et environ 9 milliards de 1990 à 1994, passent à la faveur de la dévaluation à deux chiffres en 1995 avec 14,1 milliards de franc CFA. Les taux de croissance des dépenses d'investissement sont supérieurs à ceux des dépenses de fonctionnement. Néanmoins, avec près de 23% ils représentent la composante la plus faible des dépenses de santé, dominées par les dépenses de fonctionnement (77%).

Les dépenses d'infrastructures représentent en moyenne 30,5% des dépenses sociales. C'est la deuxième composante après celle des dépenses d'éducation dans les dépenses sociales. Le ratio moyen des dépenses d'infrastructures sur le PIB est de 3,6% (1990-1994). Ce ratio est tombé à 2% en 1994 pour s'établir en moyenne autour de 2,8% sur la période 1995-1998. Comme les deux premières analyses, la baisse des proportions n'est pas liée au recul des dépenses d'infrastructure qui ont plutôt accru de près de 93% entre 1990 et 1998. Contraire à la position qu'occupent les investissements dans l'éducation et la santé, les dépenses d'investissement dans le domaine des infrastructures sont plus importantes que celles de fonctionnement. Elles représentent en moyenne 79,7% sur la période sous revue contre 20,3% pour les dépenses de fonctionnement. Le montant de 74,6 milliards en 1990 a été presque triplé en 1998 (210,5 milliards), tandis que les dépenses de fonctionnement régressaient de 30 milliards, soit un recul d'environ 72,7%. Ainsi, au fur et à mesure que les dépenses d'investissement croissent les dépenses de fonctionnement diminuent dans les infrastructures de base.

Il ressort de ces analyses descriptives que les dépenses sociales ont une proportion faible par rapport aux dépenses publiques. Pis, selon la Banque Mondiale, les dépenses publiques consacrées à l'éducation et à la santé ont diminué en 2002 où on assiste plutôt à un accroissement des dépenses militaires. Pour 50% des dépenses prioritaires destinées aux secteurs sociaux, il a seulement été observé un taux d'exécution de 42%, tandis que les dépenses militaires passaient de 8,7% à 10% des dépenses prioritaires.

En définitive, l'analyse des dépenses sociales et du PIB a montré que pour l'éducation et la santé, les dépenses de fonctionnement sont supérieures aux dépenses d'investissement ; ce qui n'est pas le cas pour la rubrique des dépenses d'infrastructures. Au niveau des dépenses sociales, nous avons presque un doublement de sa valeur entre 1990 et 1998, phénomène aussi constaté pour le PIB nominal. Au fur et mesure que le niveau du PIB augmentait, à partir de 1995, le constat est que les dépenses sociales aussi augmentaient. Il pourrait donc s'établir une corrélation entre les dépenses sociales et le PIB. Le graphique 7 résume l'évolution des différents postes des dépenses sociales.

Graphique 7 : courbes des dépenses sociales et de ses composantes

Source : Département des Études Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD

b) Incidence des dépenses sociales sur le PIB par habitant

Le PIB/tête est un indicateur de mesure de la redistribution des richesses créées à la population. Cela dit, il est le rapport du PIB nominal sur le nombre total d'habitant d'un pays.

Tableau 8 : évolution du PIB par tête en milliers de FCFA

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Dépenses sociales

en mds

353,2

339,5

337,1

349,8

352,2

438,3

487,1

540,2

608,4

(%)

-6,01

-3,88

-0,71

3,77

0,69

24,45

11,13

10,90

12,62

PIB par tête

en milliers

de FCFA

277,8

267,19

266,53

255,88

250,41

257,28

376,4

407,7

427,2

(%)

4,95

-3,82

-0,25

-4

-2,14

2,74

39,30

8,32

4,78

Source : Département des Études Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD

L'évolution du PIB/tête se décompose en deux sous période : 1990-1994 et 1995-1998. Une baisse du niveau de revenu des populations est constatée sur l'intervalle 1990-1994, suivie d'une remontée à partir de 1995 jusqu'en 1998. La baisse du PIB/tête est caractérisée par des taux de croissance négatifs avec une plus forte régression en 1993 de -4%. Le même recul est manifeste au niveau des dépenses sociales. En effet de 1990 à 1992 les variations sont de -6,01%, -3,88% et -0,71%. L'analyse montre une baisse continuelle des dépenses sociales de 1990 à 1992, ainsi qu'une baisse du PIB/tête de 1990 à 1994. A priori, il n'existerait pas de lien entre les dépenses sociales et le PIB/tête. Toutefois, une corrélation positive s'établit entre ces deux indicateurs à partir de 1995.

L'amorce de la remontée des taux de croissance se fait pour les dépenses sociales en 1993 et pour le PIB/tête en 1995. La reprise à la hausse de ces deux postes coïncide avec l'augmentation du PIB nominal. Le taux de croissance moyen du PIB/tête est 11,7% avec un maximum de +39,3% en 1996. Le PIB par tête qui est de 250 410 en 1994 passe à 427 200 francs CFA en 1998, un gain de 70,6%. Le doublement presque du PIB nominal (cf. tableau 6) à partir de 1994 et 1995 a conduit à un réajustement à la hausse du PIB/tête, et une amélioration des dépenses sociales. Une illustration des chiffres est résumée par le graphique 8 ci-dessous.

Graphique 8 : évolution des dépenses sociales et du PIB / tête

Source : Département des Études Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD

Ce graphique permet de voir que l'accroissement des dépenses sociales s'est accompagné d'une amélioration du PIB/tête.

c) Incidence des dépenses sociales sur la consommation des ménages

La consommation des ménages est un indicateur économique qui renseigne sur les conditions de vie des ménages. Les achats et les dépenses en biens et services (nourriture, santé, éducation, etc.) des ménages forment la consommation des ménages. Le tableau n°9 ci-après en donne une idée générale :

Tableau 9 : Evolution des variations de la consommation des ménages et des dépenses sociales

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Dépenses sociales

353,2

339,5

337,1

349,8

352,2

438,3

487,1

540,2

608,4

-

-

-

Cons. des ménages en mds

2 007,6

2 067,7

2 088

2 065

1 869

2 047

2 185

2 298

2 411

2 435

2 119

2 100

Variation dép. sociales

-6,01

-3,88

-0,71

3,77

0,69

24,45

11,13

10,90

12,62

-

-

-

Variation cons. Des ménages

-1,99

2,99

0,98

-1,10

-9,49

9,52

6,74

5,17

4,92

1,00

-12,98

-0,90

Source : Département des Études Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD, compte de la Nation (INS)

Une analyse du tableau 9 montre une évolution en dents de scie des deux agrégats économiques. Quatre phases caractérisent la consommation des ménages, à savoir deux phases de recul (1993-1994, 2000-2001) et deux autres phases de remontée (1990-1992, 1995-1998) de cet indicateur économique. Le graphique 9 permet de voir ces quatre phases.

Graphique 9 : Courbes d'évolution de la consommation des ménages et des dépenses sociales

Source : Département des Études Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD, compte de la Nation (INS)

La première phase allant de 1991 à 1994 indique une contraction de la consommation des ménages (consommation privée) entre avec des niveaux respectifs de 2 065 milliards à 1 869 milliards, soit un recul effectif induit de -9,5%. Pendant que la contraction est observée pour la consommation des ménages, les dépenses sociales augmentent, passant de 349,8 milliards à 352,2 milliards, soit une croissance moyenne de plus de 2%. En outre, pour le second recul observé entre 2000 et 2001, la consommation des ménages régresse de près de 1%. Cette sous période voit la consommation passer de 2119 milliards à 2100 milliards de francs CFA. Le plus fort recul de l'activité de consommation des ménages est celui de 2000 (-12,98%). Le phénomène contraire est observé sur la période allant de 1994 à 1999 où les dépenses des ménages ont connu une augmentation régulière de 4,5% en moyenne par an.

A côté de ces reculs, il a été noté des sous périodes de croissance de la consommation des ménages. L'augmentation de la consommation des ménages est faite sur de plus grands intervalles de temps. En effet, elle s'étale sur 8 ans entrecoupés par les reculs qui durent quatre ans. Sur l'année 1991, une croissance de 2,99% est observée. Le mouvement se poursuit en 1992 avec un taux de croissance de 0,99%. De 1990 à 1992, la consommation passe, de 2 007,6 milliards à 2 088 milliards de francs CFA, avec une valeur intermédiaire en 1991 de 2 067,7 milliards francs CFA. L'évolution des dépenses sociales et celle de la consommation des ménages sont illustrées dans le graphique 10.

Il n'en est pas de même pour l'évolution des dépenses sociales sur le même intervalle, où elles varient négativement de 6,01% en 1990 et 3,9% en 1991. L'augmentation des dépenses sociales intervient en 1993, coïncide avec la période de recul de la consommation des ménages avec plus de 3% de croissance. La croissance de la consommation des ménages est aussi manifeste sur l'intervalle 1995-1999. Le fort taux est celui de 1995 (9,52%) qui est aussi l'année où les dépenses sociales connaissent leur plus forte hausse (24,45%). Avec 2 275,2 milliards, la moyenne de la consommation des ménages sur les années 1995-1999, est supérieure à celles des autres périodes (2 054,4 entre 1990 et 1992, 1 907 milliards entre 1993 à 1994 et 2 104,5 milliards entre 2000 et 2001). La croissance moyenne est de 5,47% entre 1995-1998. Sur les mêmes périodes respectives, les moyennes sous périodiques des dépenses sociales donnent 343,3, 351 et 518,5 milliards. La moyenne des dépenses sociales la plus élevée est observée entre 1995 et 1998 comme pour la consommation des ménages.

Graphique 10: Evolution de la consommation des ménages et des dépenses sociales

Source : Département des Études Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD, compte de la Nation (INS)

La croissance des postes (dépenses sociales, consommation des ménages) augmentent de façon régulière depuis 1995, elle suit l'évolution du PIB. Les différents indicateurs économiques subissent tous des augmentations depuis 1995, améliorant leur taux de croissance. L'amélioration des dépenses sociales et des indicateurs économiques comme l'indique le graphique n°11 démontre de la portée de cette catégorie de dépenses.

Graphique 11 : courbes des dépenses sociales et des indicateurs économiques

Source : Département des Études Économiques et Financières (DEEF)/ BNETD, comptes de la Nation (INS)

2) Incidence des dépenses sociales sur les indicateurs sociaux

L'incidence sera démontrée sur les Indicateurs du Développement Humain, du Sexospécifique du Développement Humain et de Pauvreté Humaine

a) Incidence des dépenses sociales sur l'IDH

L'indicateur du développement humain (IDH), comme évoqué plus haut comprend trois variables: l'espérance de vie, le niveau d'éducation (mesuré d'une part, par le taux d'alphabétisation des adultes, et d'autre part, par le taux combiné de scolarisation dans le primaire, le secondaire et le supérieur) et le niveau de vie d'après le PIB réel corrigé par habitant (exprimé en parités de pouvoir d'achat).

Au total, l'IDH mesure les progrès accomplis par un pays ou une communauté dans son ensemble. L'IDH varie entre 0 et 1 : plus il est proche de 1, plus le pays se situe à un niveau de développement humain élevé. Les pays d'Afrique subsaharienne ont en moyenne un IDH 2,4 fois inférieur à celui des pays les plus avancés. Au sein des pays d'Afrique subsaharienne l'IDH varie lui-même du simple au double (PNUD, 2000). Son évolution entre 1990 et 2001 en Côte d'Ivoire est donnée par le tableau 10 ci-après :

Tableau 10 : Evolution de l'indicateur de développement humain en Côte d'Ivoire

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

IDH

0,393

0,311

0,365

0,286

0,370

0,341

0,357

0,368

0,368

0,422

0,420

0,426

Var. dép.

sociales

-6,01

-3,88

-0,71

3,77

0,69

24,45

11,13

10,90

12,62

 
 
 

Source: Rapport mondial sur le développement humain, 1996 à 2001, PNUD

Les données ci-dessus montrent que de 1990 à 2001, l'IDH en Côte d'ivoire n'a pas passé la barre des 0,5 qui aurait permis au pays d'être situé dans la catégorie des pays à Indice de Développement Humain moyen.

Une observation de l'évolution de l'IDH montre une évolution figée dans un intervalle allant de 0,2 à 0,43.

La période 1990-1991 voit une baisse de l'IDH qui passe de 0,420 à 0,311 avec un retrait des dépenses sociales de 3,88%.

Une amélioration de l'IDH en 1992 est constatée. Les dépenses de l'année ont connu une légère (par rapport à l'année) augmentation permettant ainsi une certaine amélioration de l'accès des populations aux services sociaux de base (éducation, santé, infrastructures).

Le recul en 1993 de l'IDH est accompagné d'une hausse des dépenses sociales. Cette baisse est due aux conséquences découlant de la crise économique et à la surévaluation du franc CFA, voilant du coup les effets attendus de l'augmentation des dépenses sociales sur l'IDH. La forte hausse des dépenses sociales, de l'année 1993 cumulée à celles de 1994 avec la reprise de la croissance, va faire remonter le niveau de l'IDH, passant alors de 0,286 à 0,370. Le tableau 13 en donne une illustration parfaite.

L'IDH régresse en 1995 nonobstant la hausse de plus de 24,4% des dépenses sociales. Cette dégradation du niveau de vie est sans nul doute le fruit des effets pervers de la dévaluation (les mesures d'accompagnement n'ayant pas atteint un niveau satisfaisant).

Une forte période de croissance de l'IDH fait suite au recul de l'indice de 1995. Sur quatre ans (1996-1999), il est observé une amélioration de cet indice. L'IDH connaît sa plus forte valeur sur cette période, en 1999 avec un indice de 0,422. Sur la période, 1996-1998, une augmentation des dépenses sociales est manifeste avec des taux de variations élevés. En terme nominal, les dépenses sociales et l'IDH seraient liés.

Les années 2000 et 2001 marquent une rupture par rapport à la sous période précédente. Ces années sont celles à partir desquelles, le pays connaît une instabilité socio-politique qui dégrade les conditions de vie des populations.

L'IDH, à l'époque était considéré comme le meilleur indicateur, utilisé pour avoir le niveau réel de vie des populations fait aujourd'hui l'objet de nombreuses critiques. Ces critiques ont motivé le développement de nouveaux indicateurs humains dont l'ISDH et l'IPH-1.

Pourquoi retenir trois dimensions seulement?

- Les variables choisies pour mesurer les dimensions sont-elles pertinentes ? Et pour chaque dimension, les variables associées sont-elles trop ou pas assez nombreuses ?

- Les mesures effectuées sont-elles sujettes aux erreurs d'estimation, et dans l'affirmative ces erreurs faussent-elles les résultats obtenus ?

- Le choix du minimum et du maximum est-il justifié ou bien arbitraire ?

- Quelle est la sensibilité des indicateurs à des choix différents concernant les maxima et les minima?

- Pourquoi retenir une pondération égale pour chaque élément ?

- Quelle est la sensibilité du résultat aux variations de pondération ?

De plus, il s'avère que la méthode de calcul de l'IDH a été plusieurs fois modifiée notamment en ce qui concerne la prise en compte du revenu. Il faut se poser aussi la question de la fiabilité des données. Malgré les réserves et les critiques que l'on peut adresser à l'IDH, il faut reconnaître que cet indicateur a le mérite d'exister. Il doit être rapporté à l'Indicateur Sexospécifique du Développement Humain (ISDH) pour être mieux appréhendé.

b) Incidence des dépenses sociales sur l'ISDH

L'Indicateur Sexospécifique du Développement Humain (ISDH) évalue les avancées du développement humain de base corrigées des inégalités entre hommes et femmes. L'ISDH part de l'IDH, mais tient compte des inégalités sociologiques entre les sexes.

Tableau 11: Evolution de l'Indice de Pauvreté Humain et de l'Indice Sexospécifique du Développement Humain

 

1997

1998

1999

2000

2001

IPH-1 (%)

46,8

45,8

42,9

42,3

45

ISDH

0,404

0,401

0,409

0,411

0,376

Source : PNUD

Le tableau 11 résume l'évolution de l'Indice de Pauvreté Humaine et de celle de l'évolution de l'Indice Sexospécifique du Développement Humain.

Plus les écarts touchant les domaines couverts par l'IDH sont importants, plus l'ISDH du pays considéré est faible par rapport à son IDH. En fait, l'ISDH est tout simplement un IDH corrigé en fonction des inégalités entre les sexes.

Ainsi sur les cinq années représentées dans le tableau au niveau de l'ISDH, nous avons trois sous périodes. Une baisse de l'ISDH est constatée entre 1997 et 1998, il passe de 0,404 à 0,401, soit un léger recul de 1%. Sur la même période, une légère contraction du côté des dépenses sociales se ressent. Une augmentation s'opère chaque année jusqu'en 2000, passant de 0,401 à 0,411 entre 1998 et 2000, avec une valeur intermédiaire de 0,409 en 1999.

L'amélioration de cet indice démontrerait de la qualité des dépenses sociales qui ont été plus ou moins orientées dans un contexte de crise. Les conséquences de l'instabilité socio-politique se font ressentir à partir de l'année 2001 avec un indice de 0,376.

c) Incidence des dépenses sociales sur l'IPH-1

Par la suite, le Rapport mondial sur le développement humain 1997 a lancé le concept de pauvreté humaine, exprimé par une nouvelle mesure à plusieurs composantes, l'Indicateur de la Pauvreté Humaine (IPH), qui se concentre sur les déficits et les manques dans ces mêmes éléments.

« Un indicateur de la pauvreté humaine (IPH) mesure la misère dans quatre grands aspects de la vie humaine : la capacité de vivre longtemps et en bonne santé, le savoir, les moyens économiques et la participation à la vie sociale. Ces aspects de la misère sont les mêmes pour tous les pays, qu'ils soient industrialisés ou en développement. Seuls les critères les mesurant varient, pour tenir compte des différences dans les réalités de ces pays et en raison des limites que posent les données» (PNUD, 1997).

Le PNUD a donc conçu deux versions de l'IPH : l'IPH-1 pour les pays en développement et l'IPH-2 pour les pays industrialisés.

L'analyse des données chiffrées de L'IPH-1 montre une baisse continuelle de cet indice de 1997 à 2000. les chiffres montrent que les efforts déployés pour endiguer la pauvreté ont eu un commencement de résultats tangibles, puisque de 46,8 % en 1993 cet indice a reculé pour atteindre 42,3% en 2000, soit une baisse de près de 5 points. Cette dynamique acquise dans la lutte contre la pauvreté est rompue à partir de 2001 avec une hausse de 2,7% du niveau de pauvreté par rapport à 2000. La situation de guerre, ayant contrarié les projets du gouvernement, va entraîner un redéploiement des ressources budgétisées pour les secteurs sociaux au secteur de la défense nationale.

Lorsqu'une augmentation des dépenses sociales intervient et que cela ne se répercute pas sur les indicateurs socio-économiques, les chocs exogènes en sont la cause. Les indicateurs de développement humain sont influencés par les dépenses sociales. De l'analyse descriptive, il ressort que les dépenses sociales (investissements dans les secteurs sociaux) influent positivement sur les indicateurs économiques et sociaux.

d) Incidence des dépenses sociales sur la pauvreté

L'analyse est faite avec le ratio dépenses sociales/PIB et l'évolution du niveau de la pauvreté. Les informations sont résumées dans le tableau ci-dessous :

Tableau 12 : Evolution de la pauvreté et des dépenses sociales/PIB

 

1985-1988

1993

1995

1998

Dépenses sociales/PIB

11.0

11.9

8.8

8.1

Pauvreté (%)

53.0

-29.6

13.9

-8.7

Source : DEEF/BNEDT, INS, GROOTAERT (1996)

Les valeurs de la pauvreté sont des taux de croissance. Au niveau de la pauvreté, deux variations à la hausse (1985-1988 et 1995) et deux autres variations à la baisse (1993 et 1998) se manifestent. Concernant la pauvreté, un taux de croissance négatif signifie une amélioration, soit une relation négative entre la pauvreté et le bien-être de la population. Le graphique nous montre que la plus forte croissance a été enregistrée sur 1985-1988, ce taux de 53% a comme conséquent une aggravation du niveau de vie des populations dans la période de crise des années 1980. Le poids des dépenses sociales dans le PIB est faible sur la période. En revanche, en 1993, on assiste à une amélioration du ratio qui passe de 11% à 11,9% en 1993. Cette amélioration du ratio fait suite à une baisse de 29,6% du niveau de pauvreté qui est le niveau le plus bas sur le graphique. Quand, en 1995, les dépenses sociales/tête chutent de plus de 26%, une augmentation de la pauvreté est remarquée (une résurgence). La baisse du ratio est due aux effets de la dévaluation qui ont accéléré le PIB qui a pratiquement doublé en 1994 alors que l'augmentation du niveau des dépenses sociales n'a pas suivi celle du PIB. En 1998, un effort du gouvernement a été fait pour stabiliser le ratio, entre 1995 et 1998, les dépenses sociales se sont améliorées de 38,8%. Cette hausse du ratio est remarquée en 1998, année où la seconde baisse du niveau de la pauvreté a été constatée, le taux de croissance passe donc de 13,9 à -8,7%.

L'allocation de fortes ressources dans le domaine sociale a toujours été couplée à une amélioration de la qualité des populations et donc par conséquent à une réduction de la pauvreté.

Graphique 12 : Evolution de la pauvreté et des dépenses sociales/PIB

Source : DEEF/BNEDT, INS, GROOTAERT (1996)

Après avoir fait l'analyse de la politique budgétaire et vu sommairement l'incidence des dépenses sociales sur les indicateurs socio-économiques, l'analyse économétrique de l'impact des dépenses sociales (éducation, santé et infrastructures) sera menée au prochain paragraphe.

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