CHAPITRE V : LE PHENOMENE
« HETEROGENITE » ET
PERSPECTIVE D'AVENIR
Aucun autre grand pays n'a autant besoin
d'une économie d'entrepreneur que la République
Démocratique du Congo, tant sur le plan économique que social ou
même psychologique. Faute de savoir créer les conditions
favorables à l'apparition d'une économie d'entrepreneurs, la
R.D.C. se verra contrainte à sacrifier son avenir sur l'autel du
passé, tout particulièrement sous la pression de
l'évolution démographique. Elle risquera de se laisser distancer,
et de répéter les graves erreurs commises lors de l'accession
à l'indépendance, les mesures de
zaïrianisation-rétrocessions et surtout des ratés
occasionnés au cours des vingt dernières années.
Pourtant, aucune autre grande nation n'est
aussi bien nantie et préparé que la R.D.C. pour la mise en oeuvre
d'une économie d'entrepreneurs, tant du point de vue des ressources
humaines que des connaissances indispensables. On ne peut pas concevoir que
l'on pourra disposer d'un secteur de haute technologie en pleine expansion sans
assurer le développement d'une économie d'entrepreneurs profitant
de l'ensemble des autres entreprises paraît totalement illusoire. Cela
fait penser au sommet d'une montagne dont il manquerait la base.
Dans une économie dépourvue
d'esprit d'entreprise, les personnes et les capitaux choisiront les emplois et
les investissements qui paraissent les plus sûrs. Seule une
économie d'entrepreneurs florissante pourra, en outre, créer les
conditions politique nécessaires à la réussite du
développement. Sinon, l'Etat sera forcé de consacrer toutes ses
ressources à soutenir ce qui existe déjà et venir au
secours des entreprises géantes en difficultés.
Ce sont les entreprises ne faisant pas ou peu
appel aux techniques de pointe qui créent le plus grand nombre
d'emplois et le plus rapidement. La R.D.C. a donc besoin d'un
développement de l'esprit d'entreprise en marge et au-delà de la
haute technologie, afin de créer le climat politique sans lequel tout
devient une menace et un problème. L'économie est devenue une
économie planétaire, ne serait-ce que du point de vue de la
vision de l'information qui est la sienne.
A) L'INNOVATION
L'innovation est un terme
économique ou social plus que technique. La formule de Jean-Baptiste
Say à propos de l'esprit d'entreprise permet également de
définir l'innovation comme un déplacement du niveau de rendement
des ressources. Nous pouvons de ce fait définir l'innovation en fonction
de non plus de l'offre mais de la demande. L'innovation correspondrait ainsi
à un changement de la satisfaction et de la valeur tirée des
ressources par le consommateur.
En ce qui concerne le Katanga, le
passage de l'exploitation minière intégré à grande
échelle aux mini- exploitation minière sous forme de smalls
scales mining et autres, qui partent de l'hétérogénite et
non des minerais provenant des grandes carrières équipées
et à haute technologie, pour obtenir un produit fini ( câbles en
cuivre, tôles en cuivre, etc et non du cuivre brut qui doit encore
être traité), s'analyse mieux par rapport à l'offre. Le
produit final, l'emploi terminal et le consommateur ne font qu'un, bien que les
coûts soient nettement inférieurs. Cet aspect peut être
aussi illustré de la manière suivante ; la musique ne
s'apprécie qu'en fonction de la valeur et de la satisfaction
procurées au consommateur.
Les entrepreneurs innovent. L'innovation
est l'instrument spécifique de l'esprit d'entreprise. C'est l'action qui
consiste à ouvrir de nouvelles possibilités aux ressources pour
pouvoir créer de richesses. L'innovation est bien créatrice de
« richesses ». Avant qu'un élément de la
nature n'existe en tant que « ressources », l'homme doit
lui trouver une utilisation. Il lui attribue par-là même une
valeur économique. Avant cette étape, chaque plante n'est pas
mauvaise herbe et tout minerai n'est qu'une roche parmi tant d'autres. Il n'y a
guère plus de cent ans, les composés minéraux du
pétrole qui suintaient de certains sols ou la bauxite, qui sert à
la préparation de l'aluminium, n'étaient pas des ressources.
Tout comme la moisissure de
pénicilline était une « peste » et non pas
une ressource. Les bactériologues se donnaient beaucoup de mal pour
empêcher que leurs cultures ne soient contaminées par elle. Il a
fallut attendre 1920 pour qu'un médecin anglais, Alexandre Fleming,
découvre que cette peste était en fait l'agent
bactéricide que cherchaient tous les biologistes. La moisissure de
pénicilline devint alors une ressource précieuse.
Cela est aussi valable pour cette
ressource qu'est « l'hétérogénite ».
Une économie n'a pas de ressources plus grandes que son
« pouvoir d'achat ». Mais celui-ci est crée par
l'innovation de l'entrepreneur. Toute variation de la capacité de
production de richesse à partir des ressources déjà
existantes constitue également une innovation. C'est dans ce cadre que
le phénomène
« hétérogénite », de par l'engouement
qu'il suscite constitue en soit une innovation et du fait qu'il y a une dizaine
d'année cette substance n'était pas encore connue ou connue de
quelques personnes.
La naissance dans le circuit
d'exploitation de l'hétérogénite, des corps de
métiers, tels que les creuseurs, les négociants et les artisans
constitue une grande innovation dans les activités économiques de
la Province et permet d'acquérir une valeur ajoutée de nos
minerais qui depuis plus d'un demi-siècle étaient vendus à
l'état brut ou primaire.
Pour permettre cette
innovation, il faut maîtriser certains paramètres tels
que :
- L'imprévu; à savoir: s'attendre à la
réussite, l'échec ou un évènement extérieur
inattendu ;
- La contradiction entre la réalité telle
qu'elle est et telle qu'elle devrait être ou telle qu'on
l'imagine ;
- Le besoin doit être imminent ;
- Le changement dans la structure de l'industrie, suite
à l'obsolescence de l'outil de production, doit effectif ;
- Les mouvements démographiques ;
- Les changements de perception, d'état d'esprit et de
signification ;
- Les nouvelles connaissances scientifiques ou non.
Il faut noter que toute innovation exige
une analyse distincte, car chacune a une caractéristique qui lui sont
propre. Les grandes innovations peuvent venir d'une analyse des signes
annonciateurs de changement.
B) L'ESPRIT D'ENTREPRISE
De tous les grands
économistes modernes, Joseph Schumpeter fut le seul à
s'intéresser à l'esprit d'entreprise et à son impact sur
l'économie. Tous les économistes connaissent l'importance du
rôle joué par l'entrepreneur, en d'autres termes,
« l'esprit d'entreprise » est considéré comme
un phénomène «
méta-économique » qui influence profondément et
façonne même la vie économique sans faire réellement
partie. L'apparition d'une « économie
d'entrepreneur » est d'autant un fait culturel et psychologique qu'un
événement économique et technologique. Mais les effets,
quelles qu'en soient les causes, sont avant tout économiques.
Selon toujours Schumpeter, l'entrepreneur bouleverse
et désorganise ; il accomplit ce qu'il appelle une oeuvre de
« destruction créatrice ». En
d'autres termes, l'entrepreneur déplace les ressources de secteurs
à faible rendement et à basse productivité vers des
secteurs offrant un rendement et une productivité supérieurs.
Par contre, écrivait
l'économiste français Jean-Baptiste Say,
« l'entrepreneur déplace les ressources économiques
d'un niveau de productivité et de rendement donné vers un niveau
supérieur». Cette définition ne nous donne pas qui est
« entrepreneur ». Say a créé ce terme il y a
plus de deux siècles, et la plus grande confusion règne depuis
lors, entre la définition de « l'entrepreneur » et
celle de « l'esprit d'entreprise ».
L'esprit d'entreprise implique une
grande part de risque, en effet, les pertes sont en effet des plus
élevées et les chances de réussite ou même de survie
particulièrement, faibles dans les secteurs aussi visibles de
l'innovation tel que la technologie. L'entrepreneur, par définition,
déplace les ressources des secteurs à faible rendement et
à basse productivité vers les secteurs offrant un rendement et
une productivité supérieurs.
L'esprit d'entreprise est avant tout, une
affaire « risquée » parce que les prétendus
« entrepreneurs » sont rares à savoir ce qu'ils
font. Le phénomène que l'on constate au Katanga, dans le secteur
de la métallurgie, avec la présence des fours pour la fonderie
des métaux, mérite des éloges et des encouragements. Cet
esprit doit être organisé de façon systématique, il
doit être ménagé et surtout, il doit se fonder sue une
innovation pleinement motivée.
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