Chapitre I
Politiques publiques et Participation citoyenne comme
concept.-
Ce chapitre constitue, dans ce travail d'essai, notre cadre
conceptuel et théorique. Il y est abordé les différentes
acceptions et théories sur les politiques publiques et la participation
citoyenne en tenant compte des dimensions politique, juridique et sociologique
de la question.
I-1 Les politiques publiques : Définitions et
Théories
Les politiques publiques ont fait l'objet de beaucoup
d'études et sont, de ce fait, diversement définies. Certains
auteurs dont Jean Claude Thoenig (1985) les considèrent comme un
problème, une réalité objective qui s'inscrit dans un
contexte social spécifique par rapport à des enjeux, des
populations et des structures. Prises dans ce sens, les politiques publiques
affectent des individus, des groupes, des organisations ou des classes dans
leurs attitudes, leurs intérêts ou leurs situations
D'autres auteurs focalisent leurs définitions sur le
processus mis en oeuvre pour fabriquer les politiques publiques. Celles-ci
sont, selon Massardier (2003) qui se rapproche de l'expression
« policy making » des Anglo-Saxons, le résultat
d'une multiplicité d'interactions, d'échanges et de rapports de
force tant au moment de leur détermination que dans la conduite de la
démarche de mise en oeuvre. Cette définition parait conforme aux
objectifs de notre recherche.
Cependant, il ne sera pas inutile de rappeler la
définition lapidaire de Dye, cité par Thoenig, qui s'articule
autour de l'action ou de l'inaction des décideurs politiques. Pour lui,
une politique publique est tout ce que les gouvernements décident de
faire ou de ne pas faire. Ce qui signifie q'une politique publique peut
être implicite ou explicite.
En ce qui concerne les théories qui traitent la
question de politique publique, il ne nous est pas paru nécessaire d'en
faire ici une recension. Nous nous référons tout simplement
à Massardier (2003) qui parvient à les classer sous le label de
trois (3) paradigmes reposant sur trois (3) types de rationalités :
· La rationalité de la puissance publique
souveraine, illimitée, instrumentale et descendante, en particulier
celle de l'Etat qui est développée par le droit public, la
science administrative et le management public). Elle tient compte de
l'adéquation des objectifs visés et des moyens disponibles. La
politique fonctionne comme une boite noire qui adresse les demandes sociales
produites à l'entrée (in put) et fournit des réponses
à la sortie (out put).
· La rationalité économique
illimitée et instrumentale qui se soumet à la fois aux
régulations du marché et de l'Etat. Préconisée par
l'économie publique, cette rationalité recherche le meilleur
rapport coût/avantage. Ainsi, la société dispose des biens
publics selon le mécanisme du marché
(offre/demande/prix).
· Les rationalités des acteurs multiples de
l'action publique, limitées, incrémentées, polycentriques
et négociées développées récemment par la
sociologie et science politique se rapprochent du paradigme de l'anarchie
organisée, cher aux sociologues des organisations.
C'est donc cette rationalité des acteurs multiples de
l'action publique qui va nous servir de fil directeur tout au long de notre
recherche sur la place de la participation citoyenne dans la Politique
Nationale de Population (SEP, 2002). Une politique qui, dans sa phase
d'élaboration, aurait mis en interaction l'Etat et divers autres
acteurs de la société haïtienne (SEP, 2000).
I-1-2 Politique de Population.-
Il va sans dire qu'une politique de
population est une politique publique et comme telle, elle est diversement
définie (Gérard, 1983). Mais dans le cadre de notre travail,
nous nous contentons d'utiliser simplement les deux définitions qui
suivent.
S'inscrivant dans une perspective de développement,
une politique de population est, selon Hubert Gérard (1983),
« un ensemble de mesures et de programmes destinés à
contribuer à la réalisation des objectifs économiques,
sociaux, démographiques et autres objectifs collectifs en intervenant
sur les variables démographiques principales telles que la taille, la
croissance, la distribution spatiale (nationale et internationale) de la
population (...) tout en mettant l'accent sur l'amélioration de la vie
des populations du pays ». Cette définition qui montre la
transversalité d'une politique de population s'apparente en partie
à celle donnée par le Dictionnaire démographique
multilingue selon laquelle une politique démographique consiste en un
ensemble de principes explicites ou implicites qui guident l'action des
pouvoirs publics dans les matières spécifiquement
démographiques ou ayant des conséquences démographiques.
Une telle politique peut être « populationniste » si
elle vise à favoriser l'accroissement de la population ou
« malthusianiste » dans le cas contraire.
En consultant la littérature disponible sur la
question, nous remarquons que le courant malthusianiste traverse la
quasi-totalité des politiques de population des pays y compris celle
d'Haïti. Car le malthusianisme ou néo-malthusianisme vise
l'adéquation de la population et des ressources disponibles pour
éviter toute situation de pauvreté.
I-2 Le régime haïtien dans la Constitution
de 1987: L'Etat unitaire décentralisé
La Constitution de 1987 a défini un nouveau mode
d'organisation de l'État. L'État haïtien devra cesser
d'être oligarchique, prédateur, exclusif et centralisateur pour
devenir un État moderne, démocratique, inclusif et
décentralisé. Ce qui lui permettra de mieux répondre
à sa nouvelle mission. Car l'Etat est, selon F. Houtard (1995), une
institution résultant de rapports sociaux, c'est-à-dire de
groupes humains en interaction mutuelle pour la poursuite d'objectifs
collectifs dans les champs économiques et politiques. Son rôle
consiste à créer les conditions et les cadres juridiques
nécessaires à la reproduction ou la transformation desdits
champs.
Outre la souveraineté nationale dont l'exercice est
confié aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire
(titre V, article 59), la Constitution de 1987 a innové en
créant un Etat unitaire décentralisé qui se repose sur
trois (3) niveaux de collectivités territoriales : la section communale,
la commune et le département (chapitre 1, article 61). Cette
décentralisation effective devra permettre de dynamiser la
démocratie et de ce fait, faciliter la participation des citoyens aux
affaires publiques.
1-3 La participation : Définitions et
Théories
La participation a pris, ces derniers temps, une importance
beaucoup plus accrue dans les sociétés démocratiques. Des
analystes viennent même à montrer la limite de la
démocratie représentative et vantent la vertu de la
démocratie participative (Bevort, 2002) qui garantit aux citoyens des
droits et libertés beaucoup plus étendus.
Cette participation qui est la composante fondamentale de la
démocratie se définit, selon GRIDE (2005), comme l'ensemble des
normes, des pratiques et des mécanismes qui permettent aux citoyens de
contribuer à la vie d'une organisation ou d'exercer une influence sur la
marche des affaires d'une communauté.
La Constitution de 1987 s'inscrit dans cette même ligne
de pensée quand, dans son préambule 7, elle fait
référence à la concertation et la participation de toute
la population aux grandes décisions engageant la vie nationale. Elle a
aussi pris soin de bien définir la qualité, les droits et devoirs
du citoyen notamment la liberté d'opinion, de réunion,
d'association et le droit de pétition (titre III, article 16, 28, 29,
section E, art. 31, 31-1, 31-2, 31-3).
Mary Pat Mackinnon (2006) explique, dans son document
intitulé « les citoyens et l'aspect horizontal des
politiques:un ajustement naturel » que la participation active
reconnaît la capacité des citoyens d'examiner et de
générer de façon autonome des choix en matière de
politiques. Ainsi, nous pouvons dire que cette participation devra permettre
aux citoyens de mener des actions collectives et de s'impliquer dans les
affaires publiques.
I-4 Action collective et affaires
publiques
Force est, cependant, de constater qu'il s'avère
difficile de porter les citoyens à participer collectivement aux
activités d'intérêt public. En ce sens, Marx et les
auteurs marxistes (Montoussé et Renouard, 1977) font comprendre que la
mobilisation de la classe ouvrière pour la défense de ses
intérêts n'est jamais automatique. Elle se trouve
entravée, selon Marx, par la violence physique et idéologique
exercée par la classe dominante.
Utilisant une approche psychosociologique, Tarde et Lebon
(Montoussé et Renouard, 1977) avancent que, dans une foule, les hommes
sont irrationnels et, de ce fait, imitent des meneurs ou se laissent manipuler
par eux. Alors que pour Mancur Olson (Montoussé et Renouard, 1977) qui
se rapproche d'une certaine façon de la pensée des marxistes, les
individus rationnels ayant des intérêts communs ne se mobilisent
pas automatiquement pour les défendre. Leur désir de se
mobiliser se manifeste après qu'Ils se soient rendus compte que le
coût de la mobilisation est inférieur au gain escompté.
Dans le cas des biens publics, ces individus inaptes à se mobiliser
adoptent tout simplement l'attitude du passager clandestin.
Ces considérations permettent de comprendre que la
mobilisation de masse, l'action collective n'est pas chose facile. Mais une
fois que les individus parviennent à être conscientisés,
à avoir une perception claire des problèmes communs à un
groupe, une communauté ou une société, ils vont se
mobiliser en portant ces questions d'importance majeure sur la place publique
aux fins de rechercher, avec d'autres acteurs politiques, des solutions
appropriées. Ce faisant, ces problèmes deviennent, selon
Vincent Lemieux (1995), des affaires publiques.
|