CONCLUSION GENERALE
L'enregistrement de sa naissance est un droit
fondamental de l'être humain. Non seulement il donne à l'enfant
une existence et une identité légalement connues, mais il est le
signe de son appartenance à une famille, une communauté, une
nation où l'enfant a sa place, et droit de participation ; Il est
la clé de certains autres droits, celui par exemple de
bénéficier des services de santé ou d'éducation,
offre une protection contre la discrimination et l'abandon, détermine le
traitement de l'enfant dans le système judiciaire. Il garantit à
l'individu, pendant toute sa vie, le droit de prendre part à la vie
sociale et politique de son pays.
On pourrait croire que le droit à
l'enregistrement de la naissance perd de son importance là où bon
nombre de familles sont implantées depuis des générations,
chaque individu étant bien connu dans sa communauté. Mais, avec
la mondialisation et la décentralisation qui s'accélèrent,
accompagnées des mouvements croissants de population tant sur le
territoire national qu'au- delà des frontières, posséder
une identité légale reconnue se révèle d'une
importance cruciale.
Dénier ce droit fondamental revient non
seulement à dénier le droit à une identité
énoncée dans l'article 7 de la convention relative aux droits de
l'enfant mais beaucoup d'autres droits auxquels peut prétendre chaque
citoyen. C'est pour faire face aux nombreux problèmes liés au non
enregistrement des naissances que notre étude s'est fixée comme
objectif principal de contribuer à un meilleur enregistrement des
naissances au Burkina Faso. Cet objectif nous a permis toutefois d'identifier
les principaux obstacles à l'enregistrement des naissances
particulièrement dans le département de Pô et
d'évaluer les connaissances des populations sur les droits de l'enfant
et particulièrement sur l'enregistrement des naissances et leurs
principales sources d'information. Il a en outre permis de déterminer
l'effet des frontières sur l'enregistrement des naissances et de mesurer
l'impact du non enregistrement des naissances sur le pays en
général et sur l'individu en particulier.
De l'étude réalisée donc, il
ressort que plus de la moitié des enfants identifiés n'ont pas
d'acte de naissance et la cause principale en est que l'acte de ces enfants n'a
jamais été établi. Tout le monde est unanime sur
l'importance du document mais les distances que doivent souvent parcourir
certains parents pour l'obtenir sont dissuasives. L'on note également le
coût élevé de la déclaration à la naissance
ajouté aux pratiques discriminatoires, (les femmes étant dans
l'incapacité de déclarer elles mêmes les naissances de
leurs enfants), toutes choses qui ne stimulent pas la fréquentation des
services d'état civil. De ce qui est des droits de l'enfant, il est
ressorti de l'étude que les populations connaissent la plupart de ces
droits, la principale source étant la radio. Toutefois, ils
considèrent ces droits comme un devoir et non comme une
obligation ; mais ils ignorent complètement le droit selon lequel
l'enfant doit être enregistré à sa naissance.
Cependant, pour nous résumer, l'on retiendra que
cette étude sur le département de Pô nous permet de dire
que la distance constitue un obstacle majeur à l'enregistrement des
naissances. C'est donc affirmer que l'hypothèse selon laquelle plus la
distance entre les centres d'état civil et les zones de résidence
de la population est grande, moins elle a tendance à enregistrer ses
naissances est vérifiée.
Les familles et les communautés n'ignorant pas
l'importance de l'enregistrement, méconnaissent de ce fait l'obligation
et l'importance de cet acte. Cette hypothèse qui disait que l'ignorance
ou la méconnaissance de l'obligation et de l'importance de
l'enregistrement de la part des familles et des communautés constituait
un frein à l'enregistrement des naissances serait donc partiellement
vérifiée.
Ensuite, des entretiens réalisés
auprès des différents acteurs, il ressort que les populations des
zones frontalières ont d'énormes difficultés en
matière d'enregistrement, étant confrontée à deux
systèmes d'état civil différents. Ainsi, notre
hypothèse qui dit que les populations des zones frontalières sont
souvent confrontées à deux systèmes d'état civil
différents est confirmée.
Non enregistré, l'enfant aura des
difficultés d'accès à une identité, une
nationalité, une éducation et à une scolarisation c'est ce
qui en est du moins ressortie lors de nos enquêtes
réalisées auprès des populations. Cette
réalité nous permet enfin de confirmer la dernière
hypothèse de notre étude selon laquelle, pour l'enfant, l'absence
de l'acte d'état civil est souvent une contrainte à
l'accessibilité à certains de ses droits.
En somme, l'hypothèse principale selon laquelle
plus les services décentralisés en matière
d'enregistrement des naissances sont faibles, plus il y aura un nombre
élevé de non enregistrés serait donc confirmée.
Il est essentiel que l'Etat ne néglige aucun
effort pour ouvrir le service de l'état civil à tous les
individus, quels que soient leur origine ethnique, leur opinion politique, leur
situation économique, leur langue, le lieu de leur résidence,
leur sexe, ou encore la situation maritale des parents. Il faut déployer
des efforts tous particuliers pour atteindre les enfants les plus
vulnérables : les orphelins, les enfants de femmes veuves,
célibataires ou divorcées, les enfants de parents
illettrés, ceux qui vivent dans des conditions économiques
précaires, ceux qui sont atteints du VIH/ SIDA ou d'autres maladies,
etc. L'Etat devra veiller aussi à ce que le droit à une
identité légale et complète ne soit pas refusé aux
enfants de réfugiés ou de travailleurs saisonniers nés sur
son territoire.
Les causes profondes du non enregistrement
identifiées dans la localité de Pô sont souvent d'ordre
économique ou politique ; c'est un point crucial en matière
de développement, auquel il faut s'attaquer en même temps
qu'à la lutte contre la pauvreté et pour l'accès universel
aux services de santé. Comme une planification réaliste du
développement visant à réduire la pauvreté et
à ouvrir à tous les services de base exige que l'on dispose de
données crédibles couvrant tous les groupes marginalisés,
l'enregistrement universel des naissances est essentiel non seulement pour
l'enfant, mais pour toute la nation.
Notre pays ne pourra améliorer la couverture de
son état civil que s'il a une volonté politique de changement
dans l'intérêt des enfants. Les mesures adoptées pour
augmenter la demande d'enregistrement de la part de la population doivent
s'accompagner des mesures qui permettront aux services de répondre
à cette demande. On peut stimuler la demande en faisant prendre au grand
public conscience des avantages de l'enregistrement et de l'acte de naissance,
en simplifiant les démarches et en permettant aux femmes, mariées
ou non, de faire enregistrer elles mêmes la naissance de leur enfant. Il
est essentiel enfin, que l'enregistrement de la naissance et la
délivrance du document si important qu'est le certificat, le bulletin ou
la copie de l'acte de naissance soient libres de toute taxe.
On peut répondre à la demande en
améliorant la coordination administrative, en privilégiant des
approches verticales faisant intervenir les acteurs à tous les
niveaux ; mais plus particulièrement à la base, dans la
communauté ; en adoptant ou modifiant des textes légaux, en
instaurant les moyens nécessaires, et dans les communes qui emploient
beaucoup les matrones, en formant celles-ci à promouvoir
l'enregistrement des naissances. On peut aussi maximiser le rendement des
ressources en jumelant l'enregistrement des naissances avec des services tels
que l'éducation ou la vaccination.
La mise en place d'un service d'état civil
opérationnel et la délivrance d'un bulletin de naissance à
chaque enfant sont des mesures à la portée de toutes les communes
de notre pays. Il ne faut pas laisser l'économie et la politique faire
obstacle à la délivrance systématique à chaque
individu de l'un des documents les plus précieux qu'une personne puisse
posséder. C'est important parce que l'enregistrement de chaque naissance
sur le territoire d'un pays est un pas vers le développement d'une
administration nationale à part entière, et aide à
consolider les fondements de la société civile. C'est important,
surtout, parce que c'est l'unique moyen de garantir à chaque enfant la
jouissance de son droit à une identité et une nationalité,
avec tout ce que cela implique.
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