La maltraitance des enfants et ses conséquences dans la mort du petit cheval d'Hervé Bazin( Télécharger le fichier original )par Erick MASHAKO Manishimwe Université de Lubumbashi (UNILU) - Gradué en Lettres et Civilisation françaises 2008 |
II.4. CAUSES DE LA MALTRAITANCE DES ENFANTSNombreuses sont les causes de la maltraitance des enfants. Et les scientifiques ne s'accordent pas sur la part de l'environnement et de l'hérédité dans ce phénomène. Lequel de l'inné ou de l'acquis influence le plus nos comportements, nos réactions, nos tempéraments et nos caractères ? En famille, la mère a toujours été, sans conteste, la pièce maîtresse et centrale. Le rôle capital que joue l'épouse et mère dans un foyer n'est pas à démontrer. Cela ne signifie nullement que le père ne soit d'aucune importance. Bien au contraire, le père joue aussi un grand rôle dans le ménage, comme le souligne si bien Jung dans son livre Psychologie et Education. La question de la maltraitance des enfants se pose en filigrane à travers tout le roman, La Mort du petit cheval. Qu'est-ce qui expliquent les mauvais traitements que Folcoche impose à ses enfants ? C'est la même question que Jean adresse à sa mère, lorsqu'il s'interroge au sujet du bonheur dont elle s'acharne à lui priver : «Te fut-il donc refusé ou l'as-tu perdu ?» 4(*) Pendant des années, les interventions chirurgicales subies par Paule Rezeau (ovariotomie et ablation de la vésicule biliaire), les dix-huit ans de sa jeunesse passés dans un pensionnat et la célébration de son mariage prématuré avec Jacques Rezeau constituaient autant d'explications à son comportement. Les mauvais traitements dont sont victimes ses enfants seraient ainsi l'une des conséquences funestes de ce passé peu enviable. Madame Rezeau serait ainsi une personne qui, elle-même, n'a jamais connu le bonheur. Partant, elle ne sait l'offrir à d'autres. Nous serions ainsi en plein mécanisme « opprimé-oppresseur ». Opprimé d'hier, oppresseur d'aujourd'hui. Bien plus, nous sommes en face d'une femme mariée trop vite par ses parents et qui n'a jamais eu la possibilité de faire sa volonté : sous la tutelle parentale, elle étouffait ; au pensionnat, elle était astreinte à l'obéissance du règlement d'ordre intérieur, très strict d'ailleurs ; et le comble de tout, craignant on ne sait quoi pour leur réputation, peut-être, les parents Pluvignec5(*) jettent leur fille dans les bras du premier venu. « Madame Mère » ne serait pas ainsi responsable de ses agissements. Elle serait plutôt victime des forces qui lui sont supérieures et contre lesquelles elle ne peut rien. « C'est une malade qu'il faut plutôt plaindre »6(*), conclut Félicien Ladourd. Cependant, la suite des événements apporte un rayon de lumière qui, soudain, éclaire toutes les zones d'ombre de cette âme hermétiquement fermée et déroule, comme dans un film, tous les agissements passés de Madame Rezeau, avec une telle cohérence que l'on ne saurait douter que c'est bien là la cause profonde des maltraitances qu'elle inflige à ses deux fils, Jean et Fred. Il s'agit de l'infidélité, de l'adultère. Durant son séjour chinois avec Jacques Rezeau, son mari, Paule avait eu une liaison avec M. Marcel, un attaché au consulat général de France à Changaï. De cette liaison était né un fils qu'elle avait tenu à nommer Marcel, en souvenir de son amant. Pour la première fois de sa vie, loin des regards des ses tuteurs et de leur influence, Paule Rezeau choisit l'objet de son amour en toute autonomie, signe de maturité affective chez une personne. Ce choix, elle en est fière. Dès lors, elle ne se sépare plus du bon souvenir de son amant, souvenir qui désormais constitue sa raison de vivre. Seulement, ce bonheur nostalgique la conduit à s'en prendre à tous ceux qui, à ses yeux, n'en font pas partie : son mari et les enfants qu'elle a eu avec lui. D'où, elle réduit Jacques, son mari, à un rôle secondaire dans la famille. Quant à Fred et à Jean, leurs enfants communs, ils payent les frais de ce bonheur perdu, au profit de Marcel. Plutôt qu'un monstre, « Madame Mère » est une femme ordinaire, insuffisante et faible comme toute autre. Mais seulement, elle n'a pas l'humilité d'avouer sa faute par la suite. Elle transforme très vite celle-ci en une gifle, c.-à-d. elle la légitime: non seulement elle réserve un traitement de faveur à son fils adultérin, dont le bonheur dépend entièrement d'elle, mais aussi elle persécute ses deux autres fils légitimes. Et ce, contrairement au proverbe qui veut que graine de paille ne valle jamais graine de bois de lit. Fruit d'un amour désiré mais perdu, Marcel a toujours été préféré à tous ses frères, fruits d'un amour imposé. Durant toute leur jeunesse, Fred et Jean ont le sentiment d'être élevé non par une mère, mais par une marâtre, « Folcoche ». Quant à Jacques Rezeau, son tempérament contribue pour beaucoup dans ces maltraitances. Il est un homme mou qui aime la dictée, c.-à-d. un homme qui aime recevoir des injonctions de sa conjointe. Son épouse le mène par le bout du nez. Il n'exerce son rôle de chef de famille que dans des lettres et jamais en réalité. Toutes les grandes décisions sont prises par sa femme. Et quand il tente de modérer les propos méprisants de cette dernière au sujet de Fred et de Jean, un seul regard de celle-ci suffit parfois à lui imposer le silence. « Je ne vous reproche pas d'avoir été un chef dérisoire, un mâle de mante religieuse, je vous reproche d'avoir été père comme on est parrain, d'être seulement mon plus proche ascendant. (...) Je vous regrette comme un pays vaincu regrette une province infertile, un morceau de désert annexé par l'ennemi »7(*), dit Jean en guise d'hommage funèbre à son père. Telles sont, de manière ramassée, les causes de la maltraitance des enfants dans le cercle familial. Quant au milieu scolaire, les maltraitances infligées à Jean ont pour causes les conceptions des religieux jésuites qui gèrent leur internat, conceptions qui soupçonnent toute amitié entre garçons d'être louche. Après ce tour d'horizon où successivement nous avons traité des lieux, des auteurs et des causes des mauvais traitements que subissent les enfants, examinons maintenant ce en quoi consistent ces maltraitances dont les enfants sont victimes. * 4 M.P.C., p. 111. * 5 Il s'agit des parents de Paule Rezeau, née Paule Pluvignec. * 6 Id., p.16. * 7 Id., p.231. |
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