Le CICR et les conflits étatiques internes( Télécharger le fichier original )par Ibrahima NGOM Gaston Berger de Saint Louis - Maà®trise 2009 |
Paragraphe 2 : Le rôle de médiateur du CICR dans les négociationsEn ce qui concerne les négociations entre les parties belligérantes, le CICR peut jouer un rôle de médiateur (A), rôle qu'il ne peut mener à bien sans une collaboration avec d'autres acteurs sur le terrain (B). A. La médiation humanitaire du CICR Moins connue, la médiation est tout aussi importante que les autres activités du CICR. C'est le rôle que peut jouer le CICR pour faciliter, dans un conflit étatique interne, la conclusion d'accords humanitaires entre les Parties au conflit. L'art. 3 commun aux Conventions de Genève demande, en effet, aux Parties de s'efforcer « de mettre en vigueur par voie d'accords spéciaux tout ou partie des autres dispositions de la présente Convention » et permet au CICR de leur offrir ses services. C'est ainsi que le CICR peut proposer ses bons offices ou sa médiation en vue de la conclusion d'accords permettant l'évacuation de blessés ou de civils (trêves, suspension d'armes) ou la création de zones sanitaires et de sécurité. Par ailleurs, sans que soient conclus des accords formels, le CICR peut offrir ses services pour accomplir des activités qui nécessitent l'assentiment des Parties au conflit (recherche de dépouilles mortelles dans une zone contestée, réparation d'un réservoir d'eau dans une zone temporairement déterminée par ceux qui la contrôlent) ou pour communiquer des messages strictement humanitaires entre des acteurs de la violence qui ne se parlent pas. Cependant, en cas de prise d'otages, le CICR ne s'autorisera à présenter une offre spontanée de service aux Parties impliquées que dans l'hypothèse où la prise d'otages s'inscrit dans le cadre d'un conflit armé couvert par les Conventions de Genève. L'otage, civil ou militaire, doit pouvoir profiter pleinement de la protection conventionnelle qui lui est due et dont le CICR a pour mandat de veiller à ce qu'elle soit respectée par les Parties. En revanche, dans les situations qui ne sont pas couvertes par le DIH, le CICR n'interviendra qu'à la demande des Parties. En effet, au vu de la complexité de ce genre de situation et des risques encourus, le CICR ne fera spontanément une médiation que s'il estime être seul, ou particulièrement, à même de le faire. Pour qu'une médiation du CICR ait des chances de réussir, elle doit porter sur des phénomènes limités dans le temps et dans l'espace, et se dérouler avec des acteurs bien définis. Le facteur temps est déterminant pour la réussite d'une action de médiation. Si le CICR est sur les lieux immédiatement après le déclenchement d'une crise, ses chances d'influencer la situation seront beaucoup plus grandes que s'il n'intervient que plus tard dans le processus. Au début, il est plus facile de gagner la confiance des parties et de fixer d'emblée quelques « règles du jeu » importantes. Pour reprendre l'exemple de la libération des soldats colombiens détenus par les FARC en 1996, le succès du CICR a été l'aboutissement d'un processus de négociation de neuf mois et demi, auquel la délégation a pris part dès les premières heures. La médiation exige de la persévérance et une bonne connaissance de la situation. Elle demande aussi une bonne dose de pragmatisme et de souplesse. Lorsqu'ils interviennent en tant que médiateurs dans un conflit, les délégués quittent les hautes sphères « aseptisées » des traités et des théories et deviennent eux-mêmes partie prenante du scénario de crise, même s'ils restent indépendants et neutres. Enfin, pour parvenir dans une situation souvent tendue et qui évolue rapidement, le meilleur conseiller est souvent le bon sens. Cependant, il convient de noter que cette mission de médiation humanitaire n'est pas exclusive au CICR. Elle est partagée avec d'autres institutions en vue de résoudre les problèmes humanitaires. B. La participation d'autres institutions dans la médiation humanitaire Le CICR ne peut que rarement résoudre seul des problèmes humanitaires. Il n'est toujours qu'un acteur parmi tant d'autres, une pièce d'un puzzle complexe, composé de diverses figures principales et secondaires. En plus des Parties au conflit, ce puzzle se compose également des autorités civiles, des chefs religieux, des institutions privées de toutes sortes, des médias, autrement dit de la société civile. Sans son appui, les possibilités du CICR sont limitées. Il obtient cet appui par le dialogue systématique et un travail d'information. Celui-ci tient compte des ébauches de discussions critiques dans l'opinion publique et tente, dans la mesure du possible, de les préserver et de les encourager. Le CICR s'efforce de sensibiliser les responsables politiques et les guides d'opinion (parlementaires, membres des ONG, journalistes et autres personnes influentes) et d'obtenir leur appui en vue du DIH. La collaboration du CICR avec d'autres institutions en matière de médiation est surtout notable en ce qui concerne la libération d'otages. Celle-ci se produit souvent en application d'un accord conclu au terme d'un conflit, sur la base d'un échange bilatéral. Chaque phase du processus de libération se passe presque toujours avec la participation d'un intermédiaire neutre, depuis la négociation sur la libération des personnes jusqu'à la supervision de libération proprement dite, ou même la prise en charge des ex-détenus juste après leur libération. Les parties qui prennent part à ce type d'échanges doivent coopérer de bonne foi avec le CICR et les autres intermédiaires29(*). Une pratique similaire a aussi été rapportée en ce qui concerne l'Angola30(*), la Colombie31(*), le Rwanda32(*), la Somalie33(*) et le Soudan34(*). Le Conseil de sécurité de l'ONU et la Commission des NU pour les droits de l'Homme, ainsi que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ont appelé les Parties à coopérer avec le CICR en matière de libération des détenus. Cette collaboration est aussi notable en ce qui concerne les accords de cessez-le-feu et de paix. Dans les conflits étatiques internes, ceux-ci sont négociés entre l'Etat et les groupes armés, d'ordinaire par des Etats tiers ou des intermédiaires neutres. Les accords de cessez-le-feu comportent quelquefois un engagement général que les parties ont pris d'assurer le respect du DIH, comme cela a été le cas dans un accord de cessez-le-feu de 1999 entre les Parties au conflit en RDC. Ces accords peuvent comporter spécifiquement les divers actes et les violations du DIH que les Parties s'engagent à ne pas commettre. Par exemple, dans un accord de 2002, les Parties au conflit en Angola ont convenu de garantir la protection des personnes et de leurs biens et de ne pas conduire de déplacements forcés de population civile, commettre des actes de violence contre la population civile ou de détruire des biens. En plus des dispositions spécifiques du DIH, les accords de cessez-le-feu comportent souvent des engagements pris par les Parties de permettre l'acheminement sans entrave de l'assistance humanitaire ou de l'accès des organisations humanitaires. De tels accords ont été signés en Guinée Bissau, au Libéria, au Soudan et dans d'autres pays. C'est ainsi que le CICR, en collaboration avec d'autres acteurs, ont utilisé les dispositions figurant dans les accords de cessez-le-feu pour rappeler les Parties les obligations qui leur incombent au titre du DIH, d'encourager le respect du droit ou de négocier un accès. Cela s'est produit dans les représentations basées sur l'accord de cessez-le-feu de 1999 dans la RDC35(*). Le rôle d'intermédiaire neutre du CICR entre les parties belligérantes est ainsi d'alléger et de prévenir la souffrance des hommes en invitant les Parties au conflit armé d'agir conformément au DIH. Cependant, il est à souligner que l'action principale du CICR sur le terrain est d'apporter secours à la population, principale victime des conflits armés. * 29 Accords de paix entre le Gouvernement de l'Angola et l'UNITA (1991) ; Accord général de paix pour le Mozambique (1992) ; Accord de Cotonou concernant la situation au Libéria... * 30 Voir Secrétaire Général de l'ONU, nouveau rapport sur la Mission de vérification des Nations Unies en Angola (UNAVEM II). * 31 Rapport sur la pratique de la Colombie. * 32 Voir Association rwandaise pour la défense des droits de la personne et des libertés publiques, Rapport sur les droits de l'homme au Rwanda - Année 1992. * 33 Secrétaire Général de l'ONU, Rapport sur la situation en Somalie. * 34 Voir CICR, Rapport d'activité 1986. * 35 Voir XXXe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge de Genève de novembre 2007. |
|