Paragraphe 2 : Le renforcement des rapports avec les
autres acteurs sur le terrain
Il se
traduit par une coopération du CICR avec le Mouvement dans les conflits
étatiques internes (A) et une coordination plus
efficace avec les autres organismes pour un bon déroulement de l'action
humanitaire (B).
A. La coopération du CICR avec le
Mouvement
Dans
les situations de conflits étatiques internes, le CICR assume
normalement la direction générale des opérations,
conformément à son mandat d'organisation neutre et
indépendante. Cette qualité du CICR ancrée dans les
Conventions de Genève et les Statuts du Mouvement amène ce
dernier à agir parfois dans certaines circonstances. La
société nationale, de son côté ne se réduit
pas aux activités qu'implique son association avec le CICR. Elle aura
des activités propres et pour certaines d'entre elles au moins, les
poursuivra dans des moments difficiles. C'est donc dans les domaines où
s'exerce une action commune que le CICR et la Société nationale
chercheront à établir et à consolider leur partenariat.
Les domaines de la coopération opérationnelle entre le CICR et le
Mouvement sont divers. Ils peuvent porter sur la conception et la
réalisation de plans, ou d'activités dans les domaines de la
diffusion du DIH ainsi que de sa mise en oeuvre. Ils peuvent aussi porter sur
l'organisation et le fonctionnement efficaces d'un service de recherches
(informations sur des personnes disparues, échange de messages entre
familles dispersées, organisation de regroupements familiaux). Mais le
domaine dans lequel cette coopération est plus significative
réside, sans nul doute, dans la préparation à une action
de secours en cas de conflit armé, et le cas échéant, dans
la conduite d'une action conjointe en faveur des victimes d'un conflit.
Dans
une situation de conflit interne, le CICR aura surtout besoin de
coopérer avec une Société nationale respectée par
l'ensemble des Parties belligérantes et dotée d'une
capacité opérationnelle appropriée. En effet, il aura
besoin de l'appui des volontaires de la Société nationale, appui
non seulement matériel mais culturel. Ce sont souvent ces volontaires
qui connaissent la réalité locale, les canaux d'entraide, le
fonctionnement de la communauté. Ils permettront au CICR de tenir
compte, dans son action, de facteurs difficiles à percevoir dans sans
une intime connaissance du pays.
En
retour, le CICR doit veiller à ce que la Société nationale
se développe harmonieusement. Il faut rappeler qu'il est
particulièrement responsable de la préparation de la
Société nationale à des activités en faveur des
victimes du conflit. Une telle préparation implique une infrastructure
adéquate et la formation des volontaires dans les domaines
identifiés en commun.
Une
des spécificités essentielles de l'interaction entre le CICR et
les Sociétés nationales actives dans leurs pays respectifs est
qu'elle devient de plus en plus stratégique. Les Sociétés
nationales cherchent à jouer un rôle plus dynamique dans les
actions menées pour répondre aux besoins de leur population.
Elles aspirent également à ce que leur contribution et leurs
capacités soient mieux reconnues par le CICR. En 2009, le CICR
poursuivra ses partenariats prioritaires dans différents contextes tels
que la Colombie, le Liban, la RDC, la Somalie et le Soudan, où la
coopération est devenue une composante intrinsèque de la
capacité globale à répondre efficacement par la FICR et le
CICR de consolider et démontrer la valeur ajoutée du Mouvement au
sein de la communauté humanitaire mondiale.
B. Une coordination plus efficace avec les autres
organismes
La
complexité accrue des crises humanitaires, la diversification des
acteurs des conflits et la nature nouvelle de ces conflits exigent une
coordination plus efficace des organisations humanitaires. Le CICR s'efforce en
permanence d'adapter son action aux besoins spécifiques des populations
touchées. Cependant, il ne peut pas répondre à l'ensemble
des besoins. Par conséquent, la coordination humanitaire est, pour le
CICR, un moyen d'associer systématiquement ses efforts à ceux
d'autres organisations. Le type de coordination souhaité par le CICR
doit viser, d'une part, à répondre l'ensemble des besoins des
populations affectées par un conflit grâce au rôle
complémentaire de chaque organisation afin d'éviter les doubles
emplois et les lacunes, et, d'autre part, à maximaliser l'action du
CICR.
Pour
être efficace, la coordination doit être axée vers l'action
et tenir compte des réalités sur le terrain, c'est-à-dire
qu'elle doit reposer sur des capacités existantes sur le terrain en
termes de ressources humaines, de capacités professionnelles disponibles
et de moyens logistiques. Les organisations, parties prenantes à une
coordination fondée sur la réalité, doivent
également être claires sur les zones qu'elles peuvent ou ne
peuvent pas atteindre. Une indépendance crédible n'est toutefois
pas conciliable avec une participation à des initiatives où
l'organisation ne garde pas sa propre capacité décisionnelle ou
lorsque la perception de son identité risque d'être bafouée
si elle s'associe à d'autres entités dont l'agenda n'est pas
exclusivement humanitaire.
Le
CICR, pour sa part, consulte de nombreuses organisations internationales et non
gouvernementales travaillant dans les mêmes contextes que lui et
coordonne son action avec elles. Il doit mener son action humanitaire tout en
veillant particulièrement à ce que l'ensemble des organisations
comprennent son approche et son rôle, l'objectif étant de
favoriser une coopération harmonieuse et la
complémentarité des actions menées sur le terrain.
Le
CICR s'efforce de participer à un processus de coordination humanitaire
aussi bien institutionnel qu'opérationnel, dans le but
d'améliorer directement ou indirectement le sort des personnes
touchées par les conflits étatiques internes. En effet, des
efforts ont été entrepris afin d'harmoniser une approche commune
de l'action humanitaire. Par exemple, le CICR bénéficie du statut
d'observateur auprès des NU et il coopère avec le Bureau de la
Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA). Il assiste, en tant
qu'invité permanent, aux réunions du Comité permanent
interinstitutions, un mécanisme de coordination composé de
principales institutions des NU ayant un mandat humanitaire, de la
Fédération internationale et de plusieurs ONG.
Le
CICR doit s'adapter aux nouvelles formes de coordination de l'action
humanitaire mises dans le cadre de l'actuelle réforme de l'action
humanitaire des NU. En l'absence de tout mécanisme officiel de
coordination humanitaire, le CICR doit s'efforcer de collaborer avec d'autres
organisations, d'établir des liens et d'échanger avec ces
organisations. C'est ainsi qu'il coordonne ses activités avec celles
d'autres organisations notamment pour les réfugiés (HCR), pour la
protection des enfants dans les conflits (UNICEF) et dans le cadre de l'aide
alimentaire (PAM) et sanitaire (OMS).
Par un
processus de coordination humanitaire ancré dans le réel et
orienté vers l'action, le CICR se doit de donner le plus d'impact
possible à ses initiatives, en veillant à la satisfaction totale
des besoins des populations victimes des conflits étatiques internes. D
ans sa volonté de compléter et d'élargir l'éventail
des acteurs humanitaires, le CICR fidèle à son approche neutre et
indépendante, doit s'efforcer de mener une action impartiale,
pertinente, opportune et efficace.
![](Le-CICR-et-les-conflits-etatiques-internes4.png)
Les conflits étatiques internes, à cette
présente époque, sont de plus en plus nombreux. Ils se
complexifient du fait de l'apparition de nouvelles formes de guerre et du but
poursuivi très varié. Il apparaît dès lors que le
contexte dans lequel évolue le CICR devient de plus en plus confus. En
effet, l'accès aux Parties belligérantes, plus
particulièrement des insurgés, est très difficile. Cette
difficulté est due à la multiplication de leurs interlocuteurs,
à l'existence de plusieurs factions rebelles dans certains conflits. Cet
accès est surtout rendu difficile par l'impossibilité d'inspecter
les zones dans lesquelles ils se trouvent. Les contraintes de
sécurité du personnel du CICR, dans un environnement conflictuel
changeant, rendent aussi plus difficiles l'obtention de cet accès. A
cela s'ajoute le non respect des règles du DIH dans ces conflits. Ce
facteur contribue à la complexité des missions du CICR dans la
mesure où le non respect des règles de conduite de la guerre
augmente le nombre de civils tués, mutilés, maltraités. La
Partie au conflit, en état de faiblesse, peut utiliser des
méthodes prohibées pour augmenter le nombre de victimes. De ce
fait, les personnes qui ne participent pas aux hostilités (vieillards,
enfants, femmes) sont prises pour cibles. Ainsi les limites de la guerre, qui
trouvent leur source dans les valeurs humanitaires communes à toutes les
grandes civilisations, sont de plus en plus érodées par le choix
de méthodes de lutte telles que les exécutions sommaires, les
prises d'otages et la torture.
Malgré cette complexité des conflits
étatiques internes actuels, le CICR s'est efforcé de
répondre aux problèmes humanitaires que rencontrent les victimes.
Il prend en compte de différentes manières les
préoccupations de sécurité de son personnel. Il fait de
telle sorte que ses activités soient acceptées par toutes les
Parties au conflit. Pour ce faire, il a développé et
diversifié ses activités. Les visites des détenus de
guerre, longtemps considérées comme la mission dans laquelle
s'identifiait le CICR, ne sont aujourd'hui qu'une des facettes de son mandat.
Le CICR a accordé une importance croissante à la situation des
personnes affectées par les violences hors des prisons, non seulement en
entreprenant des actions de secours alimentaires et médicales, parfois
d'une grande envergure, mais surtout en intervenant auprès des
autorités de droit ou de fait, pour attirer l'attention sur les
problèmes humanitaires rencontrés et les prier d'y
remédier. L'activité principale du CICR consiste non pas à
agir lui-même, mais à intercéder auprès de ceux qui
détiennent le pouvoir pour qu'ils connaissent et assument leurs
responsabilités humanitaires à l'égard des populations
victimes des conflits armés. Cet engagement peut aller jusqu'à
faciliter la rencontre des Parties au conflit pour qu'elles trouvent
elles-mêmes des solutions à leurs problèmes
humanitaires.
Cependant, dans certaines situations, le CICR se
trouve dans l'impossibilité de mener une action effective visant
à assister et à protéger les populations victimes des
conflits étatiques internes. Il peut être gêné, dans
l'accomplissement de son mandat, par d'autres acteurs sur le terrain. En effet,
la réponse humanitaire, dans les conflits actuels, est assurée
par une variété d'acteurs, des organisations humanitaires
internationales et locales, gouvernementales ou non gouvernementales, et dans
certaines régions également par des unités militaires. Il
peut ainsi avoir un risque d'une présence trop nombreuse d'acteurs dans
les endroits relativement sûrs et un risque très grand de
confusion de rôle entre ces différents acteurs. Pour éviter
toutes ces contraintes opérationnelles, le CICR doit, en coordination
avec les autres acteurs sur le terrain, définir le domaine
d'activité de chacun pour que l'action humanitaire soit effective.
L'action du CICR, dans les conflits étatiques internes, peut être
plus efficace avec la mise en place de nouvelles règles DIH applicables
à de tels conflits. Il peut s'agir de l'extension des règles de
conflits armés internationaux aux conflits non internationaux ou
l'application des règles du DIHC dans tous les conflits. Cependant,
force est de dire que, malgré toutes ces solutions proposées pour
remédier aux difficultés que rencontre le CICR sur le terrain, la
volonté des Parties au conflit à respecter les règles du
DIH est le meilleur moyen pour le CICR de mener à bien son action dans
les conflits étatiques internes.
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