3.1.L'activation d'une procédure particulière
;
En droit du travail, la violation d'une liberté
fondamentale se traduit par l'activation d'une procédure de
référé, la nullité du licenciement et la
réintégration du salarié92.
Une telle violation permet d'identifier l'existence d'un
trouble manifestement illicite et donc de justifier l'intervention du juge des
référés nonobstant l'existence d'une contestation
sérieuse.
92 Voir Xavier Dupré de Boulois, « Les notions de
liberté et de droit fondamentaux en droit privé », La
Semaine Juridique Edition générale, n°49, 5
décembre 2007.
Il s'agit de faire cesser le trouble le plus rapidement
possible dans le but d'éviter à tout prix toute atteinte à
une liberté fondamentale, voilà pourquoi, dans ce cas, le juge de
l'évidence est sollicité.
En ce qui concerne la nullité du licenciement, celle-ci
pourrait être envisagée au titre d'une liberté
fondamentale, puisque, même en l'absence de disposition
législative, la Cour admet la nullité d'un licenciement dans une
telle hypothèse mais aussi sur le fondement de l'article L.1132-1 du
Code du travail qui sanctionne les discriminations illicites.
Dans un arrêt de la chambre sociale du 30 octobre
200293, la Cour a déclaré qu'un licenciement ne peut
être annulé que si la loi en dispose expressément ou en cas
de violation d'une liberté fondamentale.
Or, puisque la liberté de se vêtir n'a pas
été jusque là considérée comme une
liberté fondamentale, le licenciement ne peut pas être
annulé.
Le salarié pourra cependant obtenir des
dommages-intérêts si le licenciement ne dispose pas d'une cause
réelle et sérieuse. En effet, en droit du travail, la sanction du
licenciement irrégulier ou abusif est financière.
En revanche, le salarié ne pourra pas être
réintégré puisque la réintégration n'est
envisageable qu'en cas de nullité du licenciement.
3.2.Le règlement des conflits de droits entre les
parties ;
Le juge judiciaire recourt souvent à la «
fondamentalité » pour faire prévaloir un droit sur une
prétention contraire.
Il assure par là une hiérarchisation des
intérêts évoqués devant lui.
93 Cass.soc.30 octobre 2002, n° 00-45.608 (n° 3100
F-P), Verdier c/ Sté France Télécom : RJS 1/03 n° 24,
Bull. civ. V n° 331.
Or, il semblerait étrange de faire prévaloir la
liberté vestimentaire du salarié sur la prétention de
l'entreprise, par exemple, de véhiculer dans les meilleures conditions
son image de marque.
La liberté de se vêtir du salarié ne
revêt pas une importance suffisante pour que celle-ci puisse être
sans conteste élevée au-dessus des prétentions de
l'entreprise.
En effet, il nous semble que la liberté vestimentaire
ne peut pas être l'égale d'une liberté d'expression du
salarié par exemple dont l'atteinte justifierait pleinement le recours
à la procédure de référé.
* * *
Nous avons vu qu'ériger au rang de liberté
fondamentale un droit ou une liberté du salarié n'est pas sans
revêtir une importance capitale du fait de la signification même de
la notion de liberté fondamentale.
Par conséquent, on ne peut raisonnablement envisager de
ranger dans la catégorie des libertés fondamentales toutes les
libertés du salarié.
C'est d'ailleurs bien pour cela que les notions de
libertés individuelles, libertés fondamentales et droits de la
personne coexistent : il s'agit bien là de notions différentes,
au contenu différent, à la symbolique différente et aux
répercussions différentes.
Prétendre que toutes les libertés du
salarié sont des libertés fondamentales affaiblirait sans nul
doute cette notion de liberté fondamentale puisque ces libertés
que l'on appelle fondamentales sont presque par essence un noyau dur
composé uniquement de quelques libertés indispensables dans toute
société démocratique.
On ne peut faire entrer toutes les libertés du
salarié dans le cercle très fermé des libertés
fondamentales car, même si la liberté vestimentaire du
salarié ne doit pas être niée, elle ne constitue pas pour
autant une liberté fondamentale.
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