5.4. Licencier seulement si le salarié fait preuve
de mauvaise volonté ;
Il convient de souligner le fait que dans les contentieux
d'ordre vestimentaire, le licenciement du salarié sera d'autant plus
jugé comme disposant bel et bien d'une ca use réelle et
sérieuse, que celui-ci aura fait preuve d'une certaine obstination et
qu'il aura refusé à plusieurs reprises de modifier son
comportement.
Dans le célèbre arrêt dit du bermuda, la
Cour de cassation a donné raison à l'employeur car ce dernier
avait plusieurs fois mis en garde le salarié sur l'inconvenance de sa
tenue au travers de plusieurs avertissements.
Ainsi, le salarié qui fait preuve d'une certaine
mauvaise volonté et qui n'est pas très conciliant, voire qui
cherche à provoquer l'employeur en refusant obstinément de
modifier sa tenue vestimentaire, sera plus aisément sanctionnée
par la Haute juridiction.
Cette même idée se retrouve dans l'arrêt du
3 mars 2009 de la Cour d'appel de Metz78 : la salariée,
vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter, qui refusait
obstinément de porter les vêtements vendus dans le magasin dans
lequel elle travaillait, a ainsi vu son licenciement approuvée par la
Cour d'appel.
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Pour conclure sur ce point, nous pouvons dire que
l'évolution du droit du travail se dessine vers davantage de
conciliation entre les intérêts de l'entreprise et la protection
des libertés et droits fondamentaux du salarié79.
78 CA Metz 3 mars 2009 n°06-2417, ch.soc., SA Maurice Gladek
c/ Becker : RJS 8-9/09 n°683
79 V. Etude par A.Boisgibault-De Bryas, « La tenue
vestimentaire du salarié », La Semaine Juridique Entreprises et
Affaires, n°23, 5 juin 2003.
Le Pr. Alain SUPIOT résume cette mutation en trois
temps : le temps de la protection des salariés jusqu'à la fin des
années soixante ; le temps de la sauvegarde des intérêts du
patronat jusqu'au début des années quatre-vingt ; le temps de
l'équilibre depuis80, autrement dit, la liberté
vestimentaire du salarié n'est certes pas reconnue comme une
liberté à part entière pouvant être opposée
à l'entreprise, il demeure toutefois que celle-ci est efficacement
protégée par l'application faite par la chambre sociale de
l'article L.1121-1 du Code du travail qui la confond parmi toutes les autres
libertés individuelles du salarié.
80 V. A.Supiot, « Pourquoi un droit du travail ? » :
Dr.soc. 1990, p.486.
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La liberté de se vêtir à sa guise est donc
bien reconnue comme une liberté individuelle et un droit de la personne,
l'article L 1121-1 du Code du travail souhaitant traiter de toutes les «
libertés individuelles » sans les énumérer.
Par conséquent, on doit plutôt parler d'une
volonté de concilier les droits des parties que d'un éventuel
déni de la liberté de se vêtir, comme l'absence d'existence
dans les textes de cette liberté tendrait à le faire penser, de
prime abord.
Cependant, il ne serait pas exagéré de demander
au législateur de définir un peu mieux ces « libertés
individuelles » et « droits de la personne » du salarié,
ne serait-ce que pour leur conférer une existence, la liberté de
se vêtir à sa guise du salarié existant bel et bien et
méritant d'être reconnue en tant que telle, et pas en tant que
liberté individuelle du salarié parmi tant d' autres.
Néanmoins, si la liberté de se vêtir
à sa guise mériterait sûrement d'être mieux
considérée comme une liberté individuelle du
salarié à part entière, mérite-t-elle d'être
qualifiée de liberté fondamentale ?
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