CHAPITRE II: RECENSION DES ÉCRITS
Le présent chapitre se consacre à la revue de la
littérature. Il vise à mettre au point des connaissances sur la
question. Pour ce faire, quelques bases de données ont été
interrogées : Medline, BDRSI, BDSP et autres. Les catalogues ont
été consultés (tel que : CisMeF). Les
descripteurs utilisés ont permis de sélectionner les
périodiques, les articles et les ouvrages pertinents. Ce chapitre est
subdivisé en sept sections : La section 1 s'intéresse
à la définition des concepts, la section 2 parle
brièvement de l'adolescence, la section 3 se consacre aux profils et
comportements parentaux, la section 4 fait état de la santé
mentale des adolescents en s'appesantissant sur les indicateurs retenus
(résilience et estime de soi), la section 5 explique brièvement
le cadre théorique de l'étude, la section 6 résume les
variables à l'étude et en fin, la section 7 présente les
hypothèses de travail.
2.1 Définition des concepts
- Profil du parent
Si nombre de chercheurs, notamment Van Lierde (1990) et
d'autres théoriciens de l'attachement s'accordent sur le fait qu'un
parent est une figure à laquelle l'enfant s'attache pour
satisfaire à ses besoins primaires ; dans ce texte, le profil du
parent est donc une disposition (socioéconomique...) de celui-ci
à répondre de manière satisfaisante aux besoins
économiques, affectifs et/ou cognitifs de l'enfant ou l'adolescent.
- Statut socioéconomique
Dans cette étude, le SSE d'un parent est l'ensemble de
ses caractéristiques : son niveau d'instruction, sa profession et
son revenu, lui permettant de répondre efficacement aux besoins des
enfants/adolescents.
- Santé mentale
Plusieurs auteurs, notamment Canadian Mental Health
Association (CMHA, 2004), OMS AFRO (2004) et Townsend (2004) ont tenté
de définir ce concept ; mais, il a été retenu dans ce
texte que la santé mentale est l'ensemble d'aptitudes et
capacités d'une personne qui lui permettent de s'adapter de
façon équilibrée aux adversités de l'environnement
interne/externe et de composer de manière satisfaisante avec
lui-même et avec autrui.
La santé mentale devrait être
appréhendée d'après Townsend (2004) selon les
dimensions : psychobiologique, psychosociologique, psycho
développementale..., et les indicateurs. Ainsi, cette recherche se base
sur la dimension psycho développementale étant donné que
les adolescents sont encore en mutation ; En plus, elle considère
ne fût-ce que deux indicateurs qui sont : l'adaptation psychologique
(résilience) et l'estime de soi parmi tant d'autres tel
qu'indiqué par Anaut (2005) et André (2004, 2005).
- Résilience
Malgré de nombreuses considérations
définitionnelles sur ce concept (Luthar, 2006 ; Sameroff, 2006),
pour cette étude, la résilience est un trait psychologique qui
renvoie à la manière de réagir spécifiquement face
à une situation jugée insatisfaisante ou indésirable pour
maintenir son équilibre mental et/ou social.
- Estime de soi
Lorsque André (2004, 2005) considère l'estime de
soi comme un miroir qui donne une image de soi, ce concept est un trait
psychologique qui désigne la manière de s'apprécier ou de
se considérer par rapport aux autres (surtout les pairs) devant des
situations de la vie quotidienne.
2.2 Adolescence
L'adolescence est une période des changements en
même temps biophysiologiques et psychologiques. Dolto a employé la
métaphore du homard qui stipule que « Les homards, quand
ils changent de carapace, perdent d'abord l'ancienne et restent sans
défense, le temps d'en fabriquer une nouvelle. Pendant ce
temps-là, ils sont très en danger... » ;
Ceci, pour désigner l'adolescence qui correspond aussi à une
phase des transformations physiologiques liées à
l'intégration du corps sexué en relation avec la restructuration
affective et intellectuelle de la personnalité. Avec cette figure de
style, elle a souhaité en réalité démontrer le
« drame » vécu par l'adolescent et tous les
changements/répercussions que cette délicate période
engendre (Enyouma et coll., 1999).
Cette adolescence que d'aucuns qualifient d'une
« période qui succède à l'enfance et
précède l'âge adulte » pour ainsi parler
d'une période de transition, de passage entre
l'enfance et l'âge adulte, a été séparée de
la conception traditionnelle vers XIXème siècle dans
les pays occidentaux ; pour les pays africains où la
solidarité semble être mise à l'avant plan, rien n'est
signalé à l'heure actuelle. Mais cette phase,
caractérisée par ses deux pôles : de l'enfance et de
l'âge adulte, fait toujours entrevoir l'origine des difficultés,
d'ambivalence, des conflits (partout au monde) qui marquent ce que l'on appelle
« crise d'adolescence » (Perrin-Escalon &
Hassoun, 2004).
Cette période d'adolescence se situe entre la
puberté : phénomène physiologique par lequel
l'organisme humain se transforme pour accéder à la fonction de
reproduction, qui débute vers 10-12 ans chez les filles et 12-14 ans
chez les garçons et l'âge adulte, considéré comme la
fin de la croissance physique et mentale, vers 20 #177; 2 ans,
avec des différences interindividuelles liées à la
génétique et aux facteurs environnementaux, est marquée
par des transformations physiologiques (voir le tableau I ci-dessous) avec
leurs implications psychologiques ; et, le comble pour cette étape
de vie est que le psychisme du jeune homme doit tout faire pour s'adapter
à la métamorphose du corps (et aux exigences sociétales),
ce qui n'est pas toujours facile à faire (Enyouma et coll.,
1999).
Tableau I
Récapitulatif des transformations
biophysiologiques de l'adolescent
|
Transformations
|
Garçons
|
Filles
|
Garçons et filles
|
Poussée de croissance staturo-pondérale
|
13-14 ans les épaules s'élargissent
|
11-12 ans le bassin s'élargit
|
Taille et poids augmentent de façon toujours
harmonieuse
|
Modifications hormonales et sécrétions
d'hormones caractères sexuels primaires et caractères sexuels
secondaires
|
- Développement des testicules et de la verge
- Possibilité d'éjaculation
- Poils sur la joue
- Mue de la voix
|
- Développement des ovaires
- Apparition des premières règles
(ménarches)
- Développement des seins
|
- Sécrétion d'hormones au niveau des glandes
surrénales et de l'hypophyse
- Développement de pilosité sur les dessous de
bras et le pubis.
|
Source : Enyouma et coll. (1999)
Ces modifications biophysiologiques nécessitent la
protection et l'encadrement des parents ; sinon, il se développera
chez l'adolescent, la dysmorphobie (peur illégitime d'avoir un
développement disharmonieux et d'être déformé) et
des distorsions imaginaires, fantasmatiques qui peuvent conduire à une
altération de l'estime de soi si l'adaptation psychologique n'a pas
réussi (Enyouma et coll., 1999).
Il relève de la recension des écrits qu'à
cette phase, « l'adolescent a du mal à accepter l'image
que lui renvoie le miroir : il peut se trouver trop gros ou trop maigre,
trop petit ou trop grand » ce qui ne correspond pas aux
modèles médiatiques... n'adhérant pas à sa nouvelle
image, l'adolescent accordera alors une grande importance à sa tenue
vestimentaire, parfois résolument provocante par son originalité
relative, calquée sur les extravagances vestimentaires de son
modèle ou de ses pairs ; ou son laisser-aller ; ou encore la
maltraitance de son corps par des pratiques de tatouages ou de piercing :
le marquage de se l'approprier, une manière de manifester sa
différence par rapport au monde des adultes, ainsi que celle
d'appartenir à tel ou tel autre groupe (Perrin-Escalon & Hassoun,
2004 ; Pommereau, 2002).
On considère l'adolescence, du point de vue
évolutif, comme une saison d'attentes multiples où la
vulnérabilité et la sensibilité la plus vive aux carences
sont accrues ; c'est ainsi qu'elle est souvent tirée au
négatif : « ce n'est plus l'enfance et ce n'est pas
encore l'âge adulte » (Pommereau, 2002). Mais s'il
arrivait que cet être prenne conscience de cette considération
sociétale, il y a lieu de se poser la question sur ce qui peut arriver
d'emblée à son psychisme comme retentissements.
Sur le plan social, l'adolescence est une situation
charnière qui, d'un côté place l'enfant dans la
dépendance parentale et de l'autre le tire vers l'autonomie. Cette
double motivation, c'est-à-dire l'aspiration à la liberté
et à l'autonomie d'une part, et le besoin de l'affection et de la
protection parentales de l'autre place l'adolescent sur une position
oscillatoire : l'attitude de révolte et de soumission car il veut
manifester sa toute-puissance mais tout en ayant des sentiments d'impuissance
(Enyouma et coll., 1999). L'adolescent qui s'émancipe peu à peu
de la tutelle parentale vers le statut adulte a plus besoin de ses pairs, ses
camarades qui sont désormais des nouveaux agents de la socialisation
à la place des parents. La famille, in fine les parents, devront bien
protéger l'adolescent dans son désengagement affectif, ont
expliqué les mêmes auteurs.
Tous ces éléments font que l'adolescence soit
une période à risque parce que l'enfant qui cherche à
ajuster sa personnalité et son identité, qu'il va d'ailleurs
gagner à travers le travail de reconnaissance de soi-même et de
l'adulte ; ce qu'on peut simuler à sa propre estime, mais aussi
celle qui s'exprime au travers du regard des autres se trouve
délaissé, maltraité et même rejeté par ses
parents qui sont préoccupés par des conflits de
générations, car dans la société d'aujourd'hui, il
semble que les valeurs et les repères apparaissent brouillés, la
famille se transforme, le chômage menace, les cultures se côtoient
sans forcément se reconnaître, les adultes dénient la
vieillesse et redoutent la mort. Tout ceci est ce qui fait que l'adolescent ait
du mal à trouver sa place (Perrin-Escalon & Hassoun, 2004).
En bref, sur le plan psychologique, l'adolescence se
caractérise par la prise de conscience, l'adaptation du jeune aux
transformations anatomiques, l'identité sexuelle, l'impulsion majeure
à son potentiel énergétique, la perte des idéaux
infantiles, personnels et parentaux, l'affirmation de son identité
(Bizouard, 2007). Ce qui fait que le parent, quelles que soient ses conditions
sociales, est tenu de sécuriser, encadrer, aider et orienter/accompagner
ce jeune dans la bataille qu'il affronte ; sinon ce dernier prend la
tangente vers les troubles de la personnalité, et autres.
2.3 Profil des parents : SSE et son incidence sur
la santé mentale
Quand arrive le moment de parler des questions de l'avoir dans
le continent africain et particulièrement en RDC, on se voit
honnêtement contraint de parler de la pauvreté puisque la vision
de la noblesse est encore fugitive pour la plupart des personnes.
La pauvreté qui, d'après Leblanc (2007), n'a
encore aucune définition acceptée à l'échelon
mondial, se mesure à l'aide de quelques indicateurs : le taux de
chômage, le produit intérieur brut (PIB), les prix de
consommation, le commerce international et autres. Selon la même source,
la situation économique est effectivement une réalité
fluctuante dans le temps et dans l'espace, c'est ce qui contribue à la
difficulté d'en élaborer une définition précise et
un indice de mesure fiable qui puissent réellement tenir compte de la
réalité des gens visés.
Devant des obstacles qui s'opposent à
l'élaboration d'une définition ou d'un indice de mesure de la
pauvreté, deux approches peuvent être envisagées pour la
mesurer ; les mesures relatives de la pauvreté qui
considèrent un pauvre comme celui dont les revenus s'éloignent
trop des autres individus de la population ; la mesure absolue quant
à elle, juge comme pauvre, celui qui n'a pas de moyens d'acheter un
panier des biens particuliers ou de débourser pour les services
jugés primaires ou essentiels. Dans une même perspective,
d'après la banque mondiale, « une personne se trouve dans
un état de pauvreté absolue lorsqu'elle ne dispose pas de moyens
de subsistance nécessaires à l'achat d'un panier alimentaire de
2,15 dollars par jour » et, en revanche, « une
personne se trouve dans un état de pauvreté relative lorsqu'elle
ne dispose pas des ressources économiques suffisantes pour
bénéficier d'un niveau de vie acceptable dans la
société dans laquelle elle vit, soit moins de 60% de la
médiane du pays » (OMS, 2002 ; Statistique canada,
1997).
Les deux approches édictées au Canada ne
semblent pas être à l'abri de l'arbitraire parce qu'il est tout
à fait mal aisé de distinguer le nécessaire du secondaire,
indique Statistique canada (1997).
Malgré l'absence de la définition convenue de la
pauvreté et, malgré l'absence d'un consensus social sur ce sujet,
à Statistique canada, un outil a été mis au point. Il
s'agit de l'indice du seuil de faible revenu (SFR) qui s'intéresse aux
dépenses en famille, servant à distinguer les unités
familiales à revenu supérieur et moyen des autres unités
familiales qui sont à faible revenu ; tout en soulignant que :
« une unité familiale est considérée
à faible revenu lorsque son revenu est inférieur à la
valeur du seuil, correspondant à sa taille d'une cellule familiale et de
sa taille de région de résidence » (Statistique
canada, 1997).
Au Canada, on évalue les pauvres sur base de quatre
critères : mesure du panier de consommation (13,1%), seuil de
faible revenu avant impôt (10,9%), seuil de faible revenu après
impôt (14,7%) et mesure des besoins essentiels (8,0%), a souligné
Leblanc (2007). Par ailleurs, en RDC, la culture des impôts est
quasi-absente ; ce qui fait que la mesure portera sur deux
critères, à savoir : la mesure du panier de consommation
(MPC) et la mesure de satisfaction des besoins essentiels (MBE).
Le sommet du millénaire organisé en septembre
2000 par l'initiative de l'ancien secrétaire de l'Organisation des
Nations Unies (ONU), Monsieur Kofi Annan, a abouti à l'adoption des
objectifs du millénaire pour le développement (OMD) par 189 pays
dont la RDC. Le but de ces OMD étant d'atteindre le niveau de
développement acceptable à l'échelle internationale et
d'éradiquer la pauvreté à l'horizon 2015. Le premier
objectif vise à « réduire l'extrême
pauvreté et la faim ». Selon les décideurs
réunis, il existe encore une proportion élevée de la
population qui dispose de moins de un dollar par jour, l'indice de
l'écart de pauvreté est inquiétant pour les pauvres,
beaucoup d'enfants souffrent de l'insuffisance pondérale, la proportion
de la population n'atteignant pas le niveau minimal de l'apport calorique (2300
calories/personne/jour) est encore élevée (ONU, 2005).
Il faut réduire la pauvreté. Or, les
progrès vers la réalisation des OMD sont toujours
mitigés ; car, il se remarque des revers quant à ces
objectifs. Au lieu que les cibles en progression soient stoppées et
inversées, on observe toujours la croissance exponentielle. Tel est le
cas de VIH/Sida qui affecte aujourd'hui plus de 40 millions de personnes dans
le monde (OMS, 2006).
Selon quelques chercheurs, notamment Malele (2007),
près de 43% du PIB congolais est affilié au secteur agricole qui
repose d'ailleurs en grande partie sur la femme. Les auteurs pensent que la
pauvreté en RDC est chronique. La pauvreté chronique (ou
structurelle) étant décrite comme une situation d'un
ménage ou d'un individu qui, une fois tombé dans la
pauvreté, tend à y demeurer pour une longue période de
temps. L'observation suggère que depuis plus de trente ans, les
ménages congolais vivent, d'une génération à
l'autre, dans une situation de pauvreté dite structurelle.
Les constats inquiètent au jour le jour. Les villages
et beaucoup de quartiers urbains ressemblent à des camps de
réfugiés : habitations rudimentaires, absence d'eau potable
et d'éclairage, accès difficiles aux soins selon le droit
à la santé, quantité et qualité de l'alimentation
insuffisantes et irrégulières (c'est le phénomène
de délestage nutritionnel), habillement inadéquat, exclusion et
marginalisation, ajoutés à la liste l'accès difficile aux
établissements d'enseignement puis les abandons scolaires (Malele,
2007).
Les populations victimes de la pauvreté chronique ne
peuvent s'en sortir au moyen des stratégies macroéconomiques
classiques ; les ménages n'ayant qu'un niveau très
limité de pouvoir d'achat et de transactions monétaires.
L'amélioration des conditions de tels ménages passe par la
construction d'un minimum d'actifs réels dont dépend la survie
quotidienne (DSRP/RDC, 2005).
Les grandes décisions sont prises pour éradiquer
ou sinon réduire l'extrême pauvreté ; mais ce sont
toujours des décisions documentaires. Il existe encore un fossé
entre l'intention et l'action. Mais alors, au fond, un impératif moral
se pose, tel que l'ont fait les dirigeants des pays du G8 en 2000, à
Okinawa, à travers une question ; Quel sera l'avenir de la
génération de l'espoir projeté à l'horizon 2030 si
l'on continue à croupir dans la pauvreté ? (OMS, 2006).
La pauvreté et la santé forment un cercle
vicieux étant donné que la pauvreté est en même
temps un déterminant de taille et une conséquence potentielle de
la morbidité. Même si on la définit en fonction du niveau
de revenu, du statut socioéconomique, du niveau d'instruction ou
d'éducation ou encore des conditions de vie, la pauvreté est un
important facteur qui détermine les problèmes sanitaires (OMS,
2002).
La pauvreté engendre une baisse de l'espérance
de vie, elle favorise l'augmentation de la mortalité
infanto-juvénile, elle entraîne la détérioration de
l'hygiène de la reproduction, un risque des maladies infectieuses (tels
que la tuberculose et le VIH/Sida), l'augmentation de la consommation des
substances psycho-actives (tels que le cannabis, le tabac, l'alcool, les
stupéfiants...) ; elle entraîne l'augmentation des maladies
non transmissibles et le recrudescence des problèmes de santé
mentale (tels que le suicide, les comportements antisociaux et de violence, les
maladies mentales...) ; en dernière analyse, la pauvreté
expose l'humain à des risques environnementaux (OMS, 2002, 2006).
Les effets produits par la pauvreté sont nombreux et
multiformes. Les enfants en sont des victimes soit directes soit indirectes.
Dans une méta-analyse de Doumont et Libion (2003) qui ont pris en compte
les résultats de la recherche de Miller, il est souligné qu'il
existe un lien entre les comportements que les parents peuvent adopter dans
certaines circonstances (telle que la situation socioéconomique sordide)
et les comportements de santé des adolescents.
Vitaro et Caron (2000 ; dans Leblanc, 2007) ont
d'ailleurs mentionné que la pauvreté est reconnue depuis de
nombreuses années comme le facteur macrosocial et le plus important qui
permet de prédire les problèmes de santé mentale et
d'adaptation quoique cette pauvreté soit associée à
d'autres facteurs d'exposition et que ses effets soient indirects. C'est pour
cela que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels en son article 12.1 stipule que toute personne a le droit d'avoir
des capacités à atteindre et de jouir du meilleur état de
santé physique et mental (Groupe des huit, 2000). OMS (2006) souligne
que la pauvreté prédispose l'être humain à la
maladie. Quant à la santé mentale, la discrimination, l'exclusion
et la marginalisation sociales... liées à la condition sociale et
économique affectent lourdement le système d'équilibre
psychologique des enfants, des adolescents aussi bien que des adultes (WFMH,
2002).
2.4 Santé mentale des adolescents
Il s'avère important de rappeler que la santé
mentale est un concept multidimensionnel et immatériel. Ce travail se
propose de l'aborder dans une perspective psycho développementale
puisqu'il est question des sujets en mutation que sont des adolescents. Qui
plus est, le champ d'action reste immense pour une dimension psycho
développementale dont il est question dans cette étude ;
d'où la nécessité de retenir quelques indicateurs. La
résilience et l'estime de soi sont des indicateurs retenus dans ce
texte ; leur choix a été dicté par la raison purement
pragmatique : nombre des adolescents sont quotidiennement exposés
aux adversités au sein de leurs familles ; de ce fait, ils doivent
constamment recourir à leurs stratégies d'adaptation
psychologique (coping) afin de maintenir leur équilibre
psychosomatique et leur estime de soi.
2.4.1 Résilience
Nombre des écrits recensés indiquent que
l'adaptation psychologique est soit un développement normal nonobstant
les conditions difficiles de vie ; soit une capacité à
surmonter les adversités de la société tout en restant en
équilibre, soit une adaptation exceptionnelle malgré l'exposition
à des stresseurs significatifs, soit un processus dynamique dans lequel
une personne interagit avec son environnement pour produire une
évolution donnée en dépit des situations adverses (Anaut,
2005 ; Lecomte, 2005 ; Sameroff, 2006).
Malgré toutes ces considérations, Anaut (2003,
2005) souhaite que ce concept soit défini selon les domaines. A titre
d'exemple, en psychologie (et santé mentale), la résilience se
révèle au regard des situations stressantes c'est-à-dire
des stress importants et/ou cumulés, face à des
événements traumatisants ou des contextes à valeur
traumatique. C'est ainsi que la résilience est ici
considérée comme étant un processus dynamique qui implique
l'adaptation positive dans un cadre d'une adversité significative.
Plusieurs recherches, notamment celles de Luthar (2006) et
Sameroff (2006) ont posé des questions pertinentes : La
résilience est-elle innée ou acquise ? Et si elle est
acquise, est-elle propre à l'individu ou elle dépend des
contextes ? Et bien d'autres questions. Par ailleurs, le processus de
résilience est un phénomène tout à fait
complexe ; il implique l'interaction des facteurs personnels
(psychoaffectifs et caractéristiques internes de sujets tels que la
personnalité, les processus défensifs...) et sociaux (relation
d'attachement, environnement immédiat/médiat...). La
résilience concerne aussi bien l'individu, le groupe familial et/ou la
communauté sociale. C'est ainsi que Manciaux et ses collaborateurs
ont indiqué que la résilience peut-être
considérée comme « capacité d'une personne
ou d'un groupe à se développer bien, à continuer à
se projeter dans l'avenir en dépit d'événements
déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes
sévères » (Anaut, 2005).
Du point de vue individuel, la résilience serait
liée à la génétique parce qu'elle dépend du
type de personnalité : compétences cognitives,
comportementales, défenses du Moi, et autres. En revanche, du point de
vue social, elle est liée au mode et au cadre de vie. Plusieurs concepts
y sont associés, permettant une bonne appréhension de ce
concept ; ce sont entre autres : les compétences sociales, le
stress et coping, les facteurs de risque et de protection, la
vulnérabilité, les événements traumatisants,
l'attachement, l'estime de soi et bien d'autres. Raison pour laquelle les
théoriciens de la résilience s'accordent sur le fait que ce
concept a connu l'influence de la théorie de l'attachement de Bowlby
(1960 - 70), de la théorie de stress et coping de Lazarus et Folkman
(Anaut, 2002, 2003, 2005).
Les sujets qui ont une bonne résilience surmontent
favorablement les situations difficiles de la vie. Ces « tuteurs
de résilience » manifestent des attitudes presque
semblables ; la liste non exhaustive comprend les caractéristiques
suivantes : ces gens manifestent de l'empathie et de l'affection, ils ne
se découragent pas face aux échecs apparents, ils laissent
à l'autre la liberté de parler ou de se taire, ils
s'intéressent le plus souvent aux côtés positifs de
l'autre, ils respectent le parcours de la résilience d'autrui, ils
facilitent l'estime de soi d'autrui, et autres (Lecomte, 2005).
L'auteur précité indique que « les
résilients ne sont pas des héros solitaires, dignes d'admiration
pour avoir surmonté les pires difficultés... ce sont des femmes
et des hommes ordinaires, mais qui ont su saisir les mains disponibles qui se
sont présentées à eux ». Pour les enfants
et adolescents blessés, les éléments qui permettent de
devenir résilients présentent trois facettes principales,
à savoir : « se sentir aimé, se
développer dans un environnement structurant, découvrir que la
vie a du sens ». La recherche de Lecomte (2005) conduite
auprès des personnes maltraitées et devenues parents ainsi qu'aux
biographies des personnes résilientes a abouti à
l'élaboration d'un modèle simple de la résilience de
l'enfant et du jeune qu'il a intitulé : « le triangle
fondateur de la résilience ». Selon ce modèle,
c'est lorsqu'un adulte manifeste de la sensibilité envers l'enfant
(Lien) et qu'il impose des règles
(Loi) que ce dernier trouve de la signification et de
l'orientation pour son existence (Sens).
Anaut (2003, 2004, 2005) stipule que la résilience est
un processus multifactoriel qui est issu de l'interaction entre l'individu et
son environnement. Les facteurs de la résilience sont soit
individuels : habiletés de résolution de problèmes,
autonomie, compétences sociales, altruisme, empathie,
sociabilité, popularité, capacité de distanciation face
à un environnement perturbé, perception d'une relation positive
avec un adulte..., soit familiaux (dans la structure et/ou dans la dynamique
familiales).
Selon la même source, dans la structure de la famille,
les facteurs de résilience sont : âge des parents, nombre
d'enfants (< 5 enfants), espace entre les naissances, espace physique
suffisant, spiritualité, idéologie, discipline
éducative..., dans la dynamique familiale, les facteurs sont :
qualité de communication, interactions chaleureuses et positives,
support et affection. Ils peuvent enfin être sociaux et/ou communautaires
tels que : les pairs, la communauté sociale (école, quartier...),
la communauté religieuse ou idéologique, la société
et culture, la solidarité, les attentes élevées,
l'implication active, les valeurs d'entraide et de tolérance sociales,
la diversité des supports et des sources sociales et bien d'autres.
Luthar (2006), Masten (2007), Sameroff (2006) et Yates (2006)
indiquent que les enfants (et les adolescents) sont confrontés à
de nombreux risques dans de multiples contextes sociaux. Il s'avère donc
nécessaire d'étudier la résilience en
épidémiologie en vue d'une prise des décisions
appropriées dans le domaine socio sanitaire.
Dans le monde actuel, plusieurs enfants font face à des
facteurs d'exposition importants ; en plus, nombre d'entre eux connaissent
un bon développement socio-affectif. Ceci fait que les décideurs
politiques et les prestataires de services se doivent de comprendre la
pesanteur des facteurs de risque sur l'éclosion des maladies mentales en
vue de les prévenir au lieu d'attendre pour traiter les troubles
déjà cristallisés (Luthar, 2006). Dans la mesure où
ces facteurs d'exposition qui sont susceptibles d'altérer la
résilience des enfants ont été confirmés dans une
perspective épidémiologique, les actions préventives en
psychiatrie et santé mentale deviennent très efficaces, car
étant basées sur les résultats de recherche.
2.4.2 Estime de soi
Ce concept désigne généralement le
rapport intime à soi, un jugement secret sur soi-même et parfois
qui se déroule inconsciemment chez une personne (André, 2004).
Les écrits recensés indiquent que les personnes à basse
estime de soi sont généralement les enfants et les adolescents du
fait que c'est à ces stades de vie que se construit la
personnalité. L'estime de soi est aujourd'hui devenue une aspiration
légitime aux yeux de tous, d'autant plus qu'elle est
considérée comme une nécessité pour survivre dans
une société qui est de plus en plus compétitive et
bourrée d'adversités. Certains chercheurs soulignent que
« le manque d'estime de soi joue un rôle central dans les
difficultés individuelles et sociales qui affectent notre état et
notre nation » (André, 2005).
Le chercheur susmentionné stipule que l'estime de soi
est une donnée fondamentale de la personnalité, elle est surtout
placée au carrefour de trois composantes essentielles du soi : la
composante cognitive, la composante émotionnelle et la composante
comportementale ; on l'évalue en tenant compte des
paramètres sociaux sur une approche soit familiale, sociale ou
générale.
André et Lelord (1999) mentionnent que l'estime de soi
ne peut être conçue en dehors du groupe social dans lequel on
évolue, c'est ainsi que certains auteurs la considèrent comme le
reflet du sentiment de popularité et d'approbation par autrui. Pour les
enfants et les adolescents, avoir une bonne estime de soi est avant tout le
fait d'être ou de se sentir aimé plutôt que d'être ou
de se croire dominant, indiquent les chercheurs. Chez les enfants et les
adolescents, l'estime de soi semble recouvrir au moins cinq dimensions,
à savoir : le physique, la réussite ou le rendement
scolaire, les compétences athlétiques, la conformité
comportementale (par rapport aux adultes) et la popularité
c'est-à-dire le fait d'être aimé et
apprécié.
Des statistiques révèlent que, pour les gens qui
vivent dans des conditions sociales favorisées, la plupart d'entre eux
présentent une bonne estime de soi ; tels que 90% des hommes
d'affaires s'estiment supérieurs aux hommes d'affaires moyens, 90% des
professeurs de lycée s'estiment supérieurs à leurs
collègues, 70% des élèves de grandes écoles pensent
avoir des capacités au-dessus de la moyenne (André, 2005). Les
recensions des écrits indiquent que seul 10% des adolescents de milieux
favorisés versus 30% des adolescents de milieux
défavorisés soit le triple de la première
catégorie, sont plus préoccupés par des problèmes
de mésestime de soi qui est à son tour en étroite liaison
avec l'adaptation psychologique.
Lorsque les facteurs environnementaux surmontent la
capacité de l'affirmation de soi, de la confiance en soi et de l'estime
de soi entraînant des doutes sur soi, il s'installe aussi trois types de
difficultés : i) le déficit de l'affirmation de soi, qui se
manifeste par des comportements sociaux observables, ii) le manque de confiance
en soi, qui se remarque par des difficultés dans la prise des
décisions quotidiennes et iii) la mésestime de soi (mauvaise
estime de soi) qui consiste à ne pas s'apprécier ni s'aimer par
rapport aux autres. Cette dernière (mésestime) se manifeste
par : une connaissance de soi médiocre et biaisée, une
tendance à l'autocritique féroce, une faible résilience,
une grande dépendance, une dictature du doute, une tendance à la
procrastination (qui consiste à tout remettre au lendemain) et une
propension au défaitisme et aux renoncements (André, 2004).
Certains facteurs contribuent à l'amélioration
de l'estime se soi chez les enfants et les adolescents, on cite
généralement : la famille, l'entourage et les soignants. Ces
groupes de gens, surtout la famille, jouent un rôle capital, en
provoquant un déclic et en accompagnant de manière bienveillante
et soutenante, les efforts déployés par l'enfant ou l'adolescent
pour son changement ; en l'aidant : à faire taire le critique
intérieur (la petite voix qui répète incessamment des
paroles décourageantes), à écouter les critiques des
autres plus attentivement que les siennes propres, à augmenter sa
tolérance à l'échec et à être son meilleur
ami ainsi qu'à ne plus confondre valeur et performance. Tout ceci, ne se
réalise que si la famille est avant tout en mesure de répondre
aux besoins matériels et relationnels de l'enfant (André,
2004 ; Fanget, 2003).
Selon ces chercheurs, les auteurs qui ont travaillé sur
l'acquisition de l'estime de soi ont souligné l'importance, pour le bon
développement de cette dernière, de l'expression par les parents
d'un amour inconditionnel, quels que soient leurs conditions sociales et statut
matrimonial, à leurs enfants, indépendamment des performances de
ces derniers ; car, la sensibilité à l'échec,
très liée au niveau de l'estime de soi de l'enfant, est fortement
modulée par des facteurs relationnels au sein de la famille.
Selon André (2005), l'estime de soi joue plusieurs
rôles chez l'enfant tout comme chez l'adulte ; elle favorise la
capacité à s'engager efficacement dans l'action, elle augmente
les phénomènes cognitifs d'auto-évaluation, elle favorise
le bien-être émotionnel... En d'autres termes, explique l'auteur,
« une bonne estime de soi facilite l'engagement dans l'action,
est associée à une auto-évaluation et permet une
stabilité émotionnelle plus grande ».
Anaut (2005) a montré qu'il existe une
corrélation réciproque entre l'estime de soi d'un enfant et
l'adoption des stratégies adaptatives efficaces ; elle mentionne en
outre que, l'enfant qui a une bonne estime de soi recourt à ses parents
(ou à ses aînés) devant des adversités, à la
recherche du soutien social (tel que le fait de demander conseils et
réconfort), il peut remettre en question le problème ou se
réconforter face à la réalité. Raison pour laquelle
les deux variables sont retenues dans cette étude.
Les sujets à faible estime de soi présentent
beaucoup de difficultés psychologiques (anxiété,
dépression, alcoolisme, psychopathies diverses...) et sont
exposés à développer des troubles de comportement graves
(maladies mentales). L'estime de soi qu'on compare au
« véritable système immunitaire du
psychisme », protège contre les adversités au
même titre que l'immunité biologique le fait pour les agressions
microbiennes et virales (André, 2005). D'où la
nécessité d'étudier les facteurs qui l'affectent en
épidémiologie.
2.5 Cadre théorique de
l'étude
Il a été question dans les pages
précédentes, de recenser les écrits de différents
chercheurs sur les profils et les comportements parentaux ainsi que sur la
santé mentale des adolescents. Cette section s'attèle
spécifiquement sur le cadre théorique appliqué à la
présente étude. Ce cadre est composé de deux
théories : la théorie de l'attachement et celle de stress et
coping.
2.5.1 Théorie de l'attachement
La recherche sur l'attachement commence avec Bowlby. La
théorie prend en compte la versatilité et la stabilité des
traits de la personnalité, l'attachement lui-même, les
comportements qui visent à maintenir cet attachement, le modèle
interne opérant, les comportements des soins maternels et la
sensibilité maternelle, le phénomène de la conscience
réflexive et l'adaptabilité de l'être humain à son
environnement. Dans cette étude, il est question d'examiner le concept
central de la théorie qu'est l'attachement.
a. Versatilité et stabilité des traits
caractéristiques de l'homme
L'attachement est un phénomène inné. Il a
été étudié pour toute la première fois chez
les animaux supérieurs. Ce phénomène est alors
assimilé rapidement aux fonctions cérébrales. Le cerveau
devant subir des différenciations au cours de la vie. Les structures
encéphaliques du nouveau-né ne sont pas vraiment
développées à la naissance, elles se développent
donc plus rapidement depuis la prima enfance ; entre temps, l'enfant reste
fortement dépendant de sa mère tel qu'il l'a été au
cours de sa vie intra utérine. Le un quart du développement
cérébral humain s'effectue avant la naissance et le trois quart
de la différenciation devant s'effectuer en relation directe avec le
milieu environnant (Leblanc, 2007).
D'après Bowlby, lors de ce développement, il se
remarque une flexibilité ; mais, celle-ci se paie. Les
systèmes comportementaux, chez les vertébrés
supérieurs dont les hommes, sont marqués par une forte
versatilité face à l'environnement. La labilité ou
sensibilité est liée à la génétique, elle
est remarquablement observée lors de la prima enfance et régresse
avec le temps. Ce qui fait que la personnalité de l'individu qui est
liée à la génétique est davantage influencée
par l'environnement d'abord immédiat (familial) puis médiat
c'est-à-dire social (Bowlby, 1973). L'on remarque que la
sensibilité de l'organisme de l'homme à l'égard de
l'environnement dans lequel il évolue en bas âge et la
flexibilité de ses comportements en présence permettent à
l'individu de s'adapter de manière équilibrée (Leblanc,
2007).
D'après cet auteur, cela est possible si seulement la
personne arrivait à se comporter de façon correcte dans un
environnement familial et social. Cependant, ce qu'il faut savoir est que cette
sensibilité ne garantit pas l'adaptabilité. C'est seulement, une
fois que seront développés les traits de la personnalité
que l'autorégulation pourrait définir une orientation du
développement quelconque. Cette orientation est donc le fruit de
l'interaction individu - environnement ; cela implique que si
l'environnement exerce des fortes pressions sur l'individu, celui-ci peut voir
son développement être dévié surtout si ce sujet est
jeune (enfant ou adolescent).
b. Attachement
Les comportements d'attachement sont considérés
comme une classe distincte des comportements ayant trait à la
sexualité et à la nourriture (Bowlby, 1988 ; dans Leblanc,
2007). Un comportement d'attachement est défini comme étant toute
une forme de comportement qu'une personne acquiert et maintient,
décrivant sa proximité avec une autre personne ; cette
dernière qu'il différencie et préfère
individuellement, et qu'il conçoit comme étant habituellement
plus forte et plus sage ; en d'autres termes, qu'il considère comme
figure (Leblanc, 2007).
Pour Bowlby, c'est la mère qui est surtout une figure
d'attachement ; mais, il ajoute que toute personne chargée de
fournir des soins à l'enfant et à laquelle ce dernier s'attache
constitue aussi une figure de l'attachement. Le rôle de cette figure est
pour l'enfant, avant tout, la protection ou la sécurité,
essentiellement contre les prédateurs et d'autres stresseurs (Leblanc,
2007).
L'évolution de la science a permis aux psychologues et
pédopsychiatres de dire que le petit individu (foetus) s'attache
à sa mère et à son père depuis sa vie intra
utérine. L'affection entre conjoints est perçue par le futur
bébé depuis le sein de sa maman et il est ensuite capable de
reconnaître la voix, l'odeur, le toucher... de son père dès
sa naissance (Enyouma et coll., 1999 ; Grossmann &
Grossmann, 2008). Cela veut dire que parler de l'attachement ne devrait pas
seulement faire appel à la mère mais aussi au père.
« La peur d'être séparé
d'une figure d'attachement est une réaction instinctive à
l'indice d'un risque accru de danger. Un être jeune aperçoit un
tel risque dans le fait d'être seul. La peur et l'attachement remplissent
la même fonction de protection. Toute défection possible de la
figure d'attachement fait naître l'angoisse intense chez l'individu
attaché. Cette peur est une réaction d'adaptation fondamentale
puisqu'elle contribue à la survie de l'espèce »
(Leblanc, 2007).
La peur ne s'apprend pas, elle est liée à la
génétique. Ce qui fait qu'une fois séparé de la
figure d'attachement, l'enfant se sent automatiquement en
insécurité. Donc, la peur et l'attachement sont liés au
fonctionnement du système nerveux central; ce dernier les régule
au même titre que d'autres paramètres biologiques:
température, respiration, tension artérielle (Leblanc,
2007 ; Grossmann & Grossmann, 2008 ; Hennigausen &
Lyons-Ruth, 2008).
Lorsque l'enfant se sent attaché, il a la joie et se
sent en sécurité. Mais, lorsqu'il y a rupture ou fragilisation de
cette relation, c'est l'anxiété (sentiment
d'insécurité imminent) et le chagrin qui se déclenchent.
Comme tous les paramètres biologiques se développent en
interaction avec l'environnement, l'attachement se développe aussi en
interaction entre l'inné et l'acquis (Bowlby, 1996 ; dans Grossmann
& Grossmann, 2008).
c. Comportements d'attachement
«Les schèmes comportementaux de l'enfant qui
contribuent à l'attachement et qui visent le maintien de la
proximité avec la mère sont la succion, l'agrippement, la
poursuite visuelle et auditive, les pleurs, le sourire et le babil»
(Leblanc, 2007); il convient de joindre à cela les incitations
tactiles et olfactives.
Ce genre des comportements est de type réflexe dans
trois premiers trimestres de la vie extra utérine de l'enfant et dont la
réponse satisfaisante ou déprimante dépend de son
environnement immédiat. Signalons que ces comportements juvéniles
sont suscités par la fatigue, la douleur, le froid, la mauvaise
santé, l'absence maternelle et autres; à la quête d'aide,
stipule Leblanc (2007). Au fil des ans, lorsque l'enfant prend
petit-à-petit conscience de la figure maternelle, déjà
à partir du quatrième mois post natal, d'après certains
chercheurs, il commence à ne s'attacher qu'à celle-ci en rejetant
les figures étrangères. Il faut attendre trois ans après
la naissance pour voir ces attitudes diminuer de moins en moins afin de
disparaître complètement.
d. Modèle interne opérant
Au fur et à mesure que l'enfant se développe, le
système nerveux central (SNC) se différencie et devient plus
sophistiqué. Il produit des jugements adéquats car
l'archéocortex laisse place au néocortex; les comportements
primitifs deviennent alors modelés (Townsend, 2004). L'enfant qui
n'avait besoin que de sa mère pour sa sécurité a
maintenant besoin de toute figure qui peut assumer ce rôle; ou alors, ce
jeune élabore des stratégies qui lui permettent de survivre au
moment où cette figure est absente. Toutes ces opérations sont
liées aux modèles internes opérants qui se construisent
chez l'enfant. «Le concept de modèle interne opérant
renvoie à des modèles d'interactions intériorisés
durant la petite enfance et qui agissent sur le comportement en traitant les
informations liées à l'attachement... Les modèles internes
opérants sont les représentations mentales du monde, des autres,
de soi et des relations avec les autres. Ils guident le comportement, de
même que les sentiments, l'attention, la mémoire et les
cognitions» (Leblanc, 2007).
Ces modèles, au fur et à mesure que l'enfant
grandit, s'internalisent et constituent les habitudes de l'enfant. Mais, ils
dépendent de la manière dont l'enfant a été et
continue d'être traité par ses parents. C'est ainsi que,
d'après Leblanc, l'attachement qui dépendait de la qualité
de la relation avec la mère (et le père) au cours de trois
premières années de vie deviendra de plus en plus une
qualité propre à l'individu à partir du moment où
ce dernier acquiert son autonomie biopsychosociale.
e. Sensibilité
maternelle/paternelle
La mère, y compris le père, contrairement au
système comportemental de l'attachement de l'enfant, disposent d'un
système comportemental de soins. Les comportements de soins maternels
sont divers: prendre l'enfant, le toucher, le bercer, lui sourire, lui donner
les soins habituels, jouer avec lui, entrer dans sa pièce où il
se trouve... (Ainsworth et coll., 1979 ; dans Leblanc, 2007 ;
Grossmann & Grossmann, 2008).
Cependant, un fait se constate, une fonction qui a
été jadis maternelle est aujourd'hui l'apanage de tous les deux
parents. D'où les termes de paternité et maternité.
D'après une même source, ces comportements sont produits pour
répondre à la détresse infantile afin de placer l'enfant
en sécurité. C'est ainsi que Bowlby (1969) décrit la
sensibilité maternelle comme capacité qu'a la mère de
reconnaître les signaux de son enfant et sa capacité de donner la
réponse rapide et appropriée à ses demandes. Cette
sensibilité se transmettrait d'ailleurs dans 75% environ, d'après
les disciples de Bowlby.
f. Types d'attachement
La manière dont la mère/le père
répond à l'enfant en cas de nécessité joue un
rôle important dans le développement des schèmes
d'attachement. Dans la mesure où l'enfant constate que sa figure
d'attachement répond favorablement à ses besoins (demandes)
d'attachement, il déploie des stratégies primaires qui sont
sous-tendues par son système comportemental d'attachement. Dans ce cas,
l'enfant se sent en sécurité car il acquiert la confiance en sa
figure d'attachement qui est d'ailleurs disponible (Leblanc, 2007).
Pour ce chercheur, on dira d'un attachement qu'il est
sécure lorsqu'il correspond à l'attachement de type B. Toutefois,
lorsque l'enfant s'apercevra que ses stratégies sont sans effet, il
deviendra craintif d'avoir recours à sa figure d'attachement et cette
situation pourra lui procurer de l'anxiété. Dans ce cas,
l'attachement est insécure.
Si l'enfant emploie des stratégies pour inhiber son
attachement, il est appelé un enfant anxieux-évitant ou l'enfant
de type A. Dans la mesure où ces stratégies permettent
d'hyperactiver cet attachement, il est anxieux-ambivalent ou un enfant de type
C. S'il arrive que, malgré les efforts déployés par le
parent pour activer le système d'attachement de l'enfant, ce dernier
n'obéit pas à cette incitation, on parle d'un enfant dont
l'attachement est désorganisé/désorienté ou un
enfant de type D, a indiqué la même source.
D'après certains auteurs, dans la population
générale, la proportion du type d'attachement sécure (B)
serait de 52%, celle de l'attachement anxieux-évitant (A) serait de 17%,
celle de l'attachement anxieux-ambivalent (C) serait de 11%, et enfin, celle de
l'attachement désorganisé/désorienté (D) serait de
20%. Le parent de l'enfant anxieux-évitant (A) présente souvent
des restrictions émotives ; dans la relation sécurisante
(B), l'enfant qui obtient de la part de sa figure la réponse, celle-ci
met l'enfant en confiance et en sécurité ; dans la relation
ou l'attachement de type C, la figure se doit de développer beaucoup
plus de stratégies de soins qui consistent à garder l'enfant plus
près d'elle ; l'enfant de type
désorganisé/désorienté (D) perçoit sa figure
comme étant impuissante, menaçante et hors de contrôle
(Leblanc, 2007).
g. Conscience réflexive
La conscience réflexive est la capacité de
l'être humain à comprendre les états mentaux
d'autrui : intentions, pensées, désirs, émotions et
croyances pour donner du sens aux comportements afin de pouvoir les anticiper
(Leblanc, 2007). Cet auteur stipule que la relation sécurisante avec la
figure d'attachement est à même de promouvoir le
développement de la conscience réflexive de l'enfant.
Ce concept est intégré dans le modèle de
l'attachement en ce qu'il permet à l'enfant, autour de dix-huit mois de
la vie extra utérine, de commencer à comprendre et
interpréter les intentions... de sa figure d'attachement qui sont
différentes des siennes. Ce que Leblanc qualifie de
l' « effet miroir ».
La conscience réflexive permet de prendre en compte les
états mentaux de soi et des autres, ce qui aurait un effet
protecteur ; si cette conscience est fragile, elle rend l'humain
vulnérable aux traumatismes ultérieurs et aux stresseurs.
« En réaction à une relation insécurisante,
les enfants anxieux-évitants (A) auraient tendance à
sur-contrôler leurs émotions, alors que les enfants
anxieux-ambivalents (C) auraient tendance à les
sous-contrôler ». Quant aux enfants dont l'attachement est
de type désorganisé/désorienté (D), lorsqu'ils
prennent en compte les états mentaux de leurs parents, cela est pour ces
enfants soit terrifiant, soit anéantissant. En plus, partager leurs
états mentaux avec leurs parents, plutôt qu'être une source
d'enrichissement, peut être dangereux pour ces enfants (Leblanc,
2007).
h. Adaptabilité de l'individu
D'après la théorie de l'attachement dans le
système familial, « la personnalité serait le
produit des interactions entre l'individu et des personnages clés,
notamment ses figures d'attachement, au cours de ses premières
années de l'enfance ». L'enfant qui a tiré profit
de cette sécurité et confiance aborde lui aussi le monde avec
toute confiance ; en suite, en présence des situations
potentiellement alarmantes, cet enfant aura à faire facilement face
à ces situations ou encore à demander de l'aide pour surmonter
celles-ci, a indiqué Leblanc (2007).
L'adaptabilité est alors la capacité pour
l'individu de fonctionner de manière efficace, tant sur le plan du
travail que dans ses plans relations inter humaines. Ceci implique que les
personnes qui ont une bonne adaptabilité font preuve d'un
équilibre harmonieux, d'initiative, de confiance en soi, de l'estime de
soi et de capacité à recourir à une aide en cas de
nécessité. D'après Bowlby, « certaines
valeurs et pratiques psychosociales d'une famille qui peuvent entraîner
chez l'enfant une faible santé mentale sont les mêmes que celles
qui risquent de le conduire à un échec sur le plan scolaire et
social et éventuellement financier » (Leblanc, 2007).
Ainsi donc, selon la même source, la résilience
(stratégies d'ajustement psychologique) et/ou la
vulnérabilité de l'humain aux événements stressants
seraient alors déterminées en grande partie par des
modèles d'attachement qu'il a développés durant la prima
enfance ; et, la sécurité puis la conscience
réflexive sont des éléments qui protègent l'enfant
lorsqu'il doit faire face aux stresseurs ultérieurs.
i. Autres déterminants dans la qualité
de l'attachement
Ce sont : les différences individuelles
(tempérament), la sensibilité maternelle/paternelle
c'est-à-dire le type de parentage ainsi que l'écologie (Leblanc,
2007).
j. Parcours d'un individu
Il paraît de fois difficile de prédire la
stabilité de l'attachement sur le cours de la vie de l'individu.
Quelques études ont mentionné que l'attachement serait stable
dans 84% environ de cas autour de six premières années de vie et
peut subir les influences environnementales dans au moins 16% ; ces
fluctuations proviennent des interactions et transactions enfant-environnement
social (Leblanc, 2007).
Au fil de l'âge, l'enfant rencontre des
événements qui contribuent au maintien de sa qualité
d'attachement, d'autres qui favorisent la déviation de son attachement.
Les facteurs sont : les changements du niveau conjugal ou professionnel
chez les parents ; la naissance d'un autre enfant ; l'influence des
autres individus sur le modèle interne opérant de l'enfant (comme
les gardiens, les enseignants, des membres de famille ou des amis) ; la
qualité de la relation parent-enfant ou parent-adolescent ; la
combinaison des expériences précoces, subséquentes et
contextuelles ; certains facteurs de risque tels : perte de la
mère, départ ou démission du père ; certains
facteurs protecteurs dont le support d'un bon enseignant, la
psychothérapie (Leblanc, 2007).
- Incidence de la défavorisation
(pauvreté) sur la qualité de l'attachement
parent-adolescent
Une méta-analyse a révélé une
surreprésentation de l'attachement insécurisant A et C dans les
échantillons de dyades mère-enfant de faible SSE. Dans une autre
méta-analyse basée sur les échantillons de faible SSE, une
proportion atteignant 25% pour les enfants
désorganisés/désorientés (D) a été
relevée, cette proportion a été significativement plus
élevée que celle des échantillons de milieux
socioéconomiques moyens, soit 15% (Van Ijzendoorn & Kroonernberg,
1988 ; dans Leblanc, 2007).
L'étude de Leblanc stipule que les conditions de vie
défavorisées ont un impact négatif sur l'interaction
parent-enfant surtout sur la qualité de l'attachement. Et pourtant,
Bernier et Dozier (2003) qui ont mené des recherches portant sur les
relations entre le statut socioéconomique et l'attachement ont
souligné que ces liens sont négatifs (Leblanc, 2007).
Voilà pourquoi, il s'est avéré nécessaire
d'examiner la relation entre le profil des parents c'est-à-dire leur SSE
et la santé mentale des adolescents c'est-à-dire leur adaptation
psychologique et leur estime de soi.
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