Chapitre 2 : La femme tunisienne et le sport
On doit donc étudier l'évolution du statut
socioculturel de la femme pour pouvoir par la suite soulever la question du
sport féminin vu que ce premier influence directement sur le
deuxième.
I- Considérations historiques et contexte
socioculturel
Avant l'indépendance, la femme tunisienne était
considérée comme un être inférieur qui n'avait
pratiquement pas de droits en dessous de beaucoup de devoirs (ménage,
élever les enfants...). Ce portrait de la femme est spécifique
à l'époque coloniale : << Jeune, elle n'avait pas
accès à l'enseignement, adolescente, elle voyait son univers se
rétrécir, elle s'enfermait généralement dans la
solitude et le chagrin, épouse elle devait se plier à la
volonté de son mari qui la considérait comme un être
inférieur, une compagne nécessaire pour meubler le foyer, il la
voulait soumise à ses désirs et à ses caprices2
». Le statut de la femme tunisienne a demeuré pour
longtemps
1 Arnaud, Pierre et Terret, Thierry (1996),
Histoire du sport féminin, Tom 2, Sport masculin-sport
féminin : éducation et société, Paris,
l'Harmattan.
2 Chater, Souad (1972), cité par Zouabi ,
Mustapha << La femme tunisienne et les activités physiques et
sportives », in Actes du Colloque Euro méditerranéen,
Antibes Juan les pins 23-25 novembre 2000, ed Association Femmes, sport,
culture, p303.
amoindri, jusqu'à ce qu'il y ait eut une volonté
politique de développement de la société globale
déclenchée à l'aube de l'indépendance.
Le développement de la société a, en
effet, impliqué la promotion de la femme et son émancipation et
s'est traduit par de profondes mutations touchant différents secteurs
sociaux. Il s'agit de <<transformations économiques, sociales et
politiques qui ont bouleversé la Tunisie [...] et ont
entraîné des changements dans la famille tunisienne et par
là une évolution du statut et de la condition juridique des
femmes1 >>. De ce fait, la femme tunisienne s'est vue
accordée beaucoup de droits, faisant que <<toutes les mesures qui
laissaient la femme dans une condition inférieure à l'homme sont
abolies. La polygamie est supprimée. L'épouse ne peut plus
être répudiée selon le bon plaisir de son mari. Le divorce
est réglementé. Le mariage doit être soumis au consentement
des deux parties >>2. Parallèlement, le droit au vote
lui a été accordé en 1957. L'ensemble des textes
juridiques promulgués en la faveur de l'émancipation de la femme
se sont complétés par l'adhésion de la Tunisie à
des conventions régionales et internationales.
Ce fort courant émancipateur n'a pas cessé
même après le changement politique de 1987. Le nouveau
régime politique a gardé les mêmes principes de base en
améliorant les acquis de la femme d'aujourd'hui. Une telle orientation
s'est traduite par la création du Ministère des Affaires de la
Femme en 1999, afin de mieux organiser ses secteurs d'activités et de
mieux aborder ses spécificités. Cette structure constitue l'un
des défis majeurs sur lesquels mise la Tunisie en fournissant les
efforts nécessaires pour la concrétisation de ses objectifs
à travers un ensemble d'éléments : << l'adoption
d'un arsenal juridique mettant en application l'émancipation de la
femme, qu'il s'agisse de sa représentation dans la vie publique, de son
rôle au sein de la famille, ou de son intégration dans le monde du
travail, etc. 3>>. Il se trouve que la femme tunisienne
aujourd'hui a pu intégrer plusieurs domaines, politique, social,
1 Moualla, Najoua, (2000), << Le statut de la
femme tunisienne et sa relation avec l'activité sportive >>, in
Actes du colloque Euro méditerranéen Antibes Juan les
pins 23-25 novembre 2000, Association Femmes, sport, culture 2002, p.392.
2 Erraîs, Borhane et Erraîs Sophie
(1996), << Le sport féminin à l'épreuve de
l'intégrisme religieux >>, in Arnaud, Pierre et Therret Thierry,
Histoire du sport féminin, Tome 2, Sport masculin-sport
féminin : éducation et société, Paris,
l'Harmattan, p.85.
3 Najjar Hamad, Dolly (2008), << L'Emancipation
juridique de la femme en Tunisie >>, in "INFO- CREDIF-",
N°38.
professionnel, etc. Néanmoins, sa présence demeure
relativement limitée, notamment dans le domaine du sport.
II- Le sport féminin :
Parler de sport féminin suppose une distinction et une
différence entre pratiques sportives féminines et pratiques
sportives masculines. Ceci renvoie, << à une interrogation
approfondie de ce en quoi ces dernières pourraient consister
>>1. Force est de signaler que, le sport féminin n'est
pas différent du sport masculin et ne se distingue pas par des
particularités spécifiques, notamment du point de vue de la
logique propre à la pratique et de sa réglementation
générale. Par conséquent, on ne peut pas parler de sport
féminin que dans le sens d'un sport pratiqué par des femmes au
même titre que les hommes, d'un sport comme un ensemble de règles
qui articulent << des procédures de reconnaissances dont certaines
sont techniques, d'autres institutionnelles qui représentent les
modalités de définition de l'activité
>>2. Ceci nous permet de considérer que toute
politique concernant le sport dans son ensemble touche directement le secteur
du sport féminin.
III- Le sport féminin en Tunisie :
Le contexte sociopolitique forgé après 1956 a
permis à la femme tunisienne d'intégrer le domaine sportif. Cette
intégration a débuté au sein de l'institution scolaire et
se caractérise, dans ses débuts, par une lenteur et une
timidité notables. Toutefois le milieu scolaire a favorisé le
développement du sport de masse et, par extension, du sport
d'élite. Selon Mustapha Zouabi (2000), << la jeune tunisienne
intègre, non sans beaucoup de difficultés, le sport de masse,
connu sous le vocable de sport civil >>. En l'espace de quelques dizaines
d'années seulement, elle parvient à se faire des places sur les
podiums dans les manifestations sportives à l'échelle arabe,
africaine et méditerranéenne.
1 Biache, Marie-José (1996), <<
Qu'est-ce qu'un sport féminin >>, in Arnaud, Pierre et Therret
Thierry, Histoire du sport féminin, Tom2, Sport
masculin-sport féminin : éducation et société,
paris, L'Harmattan, p. 228.
2 Ibid, p.228.
Plusieurs femmes tunisiennes ont marqué le début
du sport féminin : Zaghdoud Dalila, Bouabdallah Beya, médaille
d'or aux jeux méditerranéens de Tunis 1967. La période des
années 70-80, représentait la période de
l'épanouissement du secteur du sport féminin. A juste titre,
l'équipe nationale féminine de Handball a gagné le titre
de championne d'Afrique en 1976. Ces dernières années le sport
féminin s'est encore développé selon un nombre
d'indicateurs révélateurs. Le rapport annuel sur le sport
(2007)1, décrit la situation du sport féminin sur le
plan quantitatif et qualitatif.
Sur le plan quantitatif le nombre des femmes licenciées a
évolué comme suit :
Saison sportive
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
Nombre des licenciées
|
10978
|
11782
|
18272
|
19262
|
21230
|
22358
|
25953
|
27449
|
Evolution du nombre des filles licenciées entre
2000 et 2007
Le nombre de femmes licenciées qui
s'élève à 27449 en 2007 semble considérable. Il
demeure assez réduit quand on le compare à celui des hommes
licenciés (87351).
Un autre indicateur concerne le nombre des associations
sportives féminines. Celles-ci comptent 67 associations
spécialisées pendant la saison sportive 2007-2008. Par ailleurs,
le nombre de sections féminines rattachées aux différents
clubs sportifs s'élève à 394 sections lors de la
même saison sportive.
Sur le plan qualitatif, la pratique sportive féminine
de haut niveau compte 76 équipes nationales féminines. Elles se
composent de 775 jeunes femmes élites ayant remporté 42% du
nombre total des médailles recueillies. Celles-ci
s'élèvent à 386 médailles dont 166 sont en or.
Les femmes tunisiennes élites ont aussi remporté
3 titres de championnes du monde. On doit de même rappeler que pendant
les jeux panarabes 2007 ayant eu lieu
1 Ministère de la Jeunesse du Sport et de
l'Education Physique, Rapport annuel sur le sport (2007).
au Caire, elles ont représenté 42% de la
totalité des participants et sont parvenues à décrocher
58% du nombre total des médailles.
Une telle situation du sport féminin est incontestablement
tributaire d'une politique de l'Etat qui organise le secteur et fixe ses
tendances générales.
Chapitre 3 : La politique de l'Etat en
matière de sport féminin
A l'aube de l'indépendance, l'Etat n'a pas prévu
explicitement une politique sportive centrée sur le sport
féminin. Néanmoins, une attention particulière a
été accordée aux jeunes filles scolarisées et
à leur accès à la pratique d'une éducation physique
qui tient compte des spécificités féminines, et ce, dans
les Instructions officielles de 19681.
L'intérêt spécifique de l'Etat pour le
sport féminin se concrétisant par la mise en place d'une
politique particulière n'est apparu qu'après 1987. En effet,
selon la posture actuelle, la politique de l'Etat en matière de sport se
matérialise par des stratégies clairement définies,
regroupées en deux grandes axes : celui qui comporte les mesures prises
par rapport au sport en général et celui qui développe les
particularités accordées spécialement au sport
féminin, objet privilégié de cette étude. Il se
trouve que la conception d'une politique de l'Etat et sa mise en application
sont tributaires des organisations sportives qui structurent le système
sportif et impliquées par leurs interventions pragmatiques.
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