En Afrique de l'Ouest, la mobilité des facteurs de
production connaît de nombreux obstacles qui l'empêchent de jouer
dans le sens voulu par la théorie des ZMO. En effet, l'Afrique de
l'Ouest est caractérisée par un flux migratoire important de main
d'oeuvre depuis la colonisation. Depuis l'époque coloniale (1890-1960),
il s'exprime sous la forme d'une migration saisonnière dans un sens
univoque. La plupart des déplacements se font de l'hinterland vers les
zones côtières et sont liés à des
opportunités relatives d'emplois non qualifiés7.
Si la mobilité de bras valides a
amélioré les performances économiques des pays d'accueil
et réduit la pression dans les zones de départ, elle a aussi
occasionné la chasse aux « sorcières » dans les pays
d'accueil8 (Seck A., 1970) ; Barry B. et Harding L., 1992; et
Diakité M., 1997). Les raisons de tels traitements, à l'endroit
des ressortissants ouest africains dans les pays côtiers, sont
liées aux diverses limitations dans le domaine agraire qui sont le plus
souvent régis par un mode de propriété clanique ou
familiale (Ouédraogo O., 2003).
Fondamentalement, le caractère que revêt cette
mobilité en Afrique de l'Ouest est contraire à l'esprit du
critère soutenu par Mundell (1961), qui l'évoque comme un
mouvement devant s'effectuer dans les deux sens (zone de départ et zone
d'accueil) et devant être le fait de main d'oeuvre qualifiée pour
ce qui concerne les facteurs de production.
Quant à la flexibilité des salaires nominaux,
elle est entravée par le fonctionnement du marché du travail ;
marché qui, face à un excès d'offre de travail par rapport
à la demande, ne permet pas une baisse automatique des salaires (les
syndicats des travailleurs y veillent). Elle
7 La main d'oeuvre était acheminée dans
les plantations de café et cacao, les mines et carrières...
8 Dans les années 1970, des
étrangers furent expulsés du Ghana (Alien Compliance Order, 1969)
; ils furent aussi expulsés du Nigeria dans les années 1980 ; et
des rapatriements de burkinabè, de malien et de sénégalais
durent être entrepris en côte d'Ivoire, avec la crise identitaire
actuelle dite « ivoirité », qui a atteint son point critique
avec les incidents de Tabou en 1999.
présente, plutôt une tendance à la
fixation du volume de la quantité échangée au volume de la
demande de travail. Un tel rationnement provoque inévitablement le
chômage comme ce fut le cas depuis l'adoption des programmes d'ajustement
structurels (PAS)9 par la plupart des Etats en Afrique de
l'Ouest.
I.2. L'Afrique de l'Ouest10,
une zone extravertie
Selon les statistiques de 2006 du Fonds monétaire
international (FMI), les économies ouest africaines sont extraverties
avec une part des échanges intra communautaires très modeste. Le
degré d'ouverture11 moyen annuel des pays membres de la
Communauté entre 1997 et 2006 est de 70,88%. Comme le montre le
graphique 1, celui-ci augmente d'année en année à un
rythme moyen de 5,87%. Ainsi, la CEDEAO est une zone fortement
intégrée au commerce mondial et si rien n'est fait, elle risque
de l'être d'avantage, notamment si les Accords de Partenariat Economiques
(APE) avec l'UE venaient à être signés en 2008 : ces
accords exigent encore plus d'ouverture. Pour Karim DAHOU (2003) du groupe GOP
(Groupe d'Orientation des Politiques), la CEDEAO est «l'économie la
plus extravertie de la scène internationale ». En
référence au critère de McKinnon, la CEDEAO gagnerait
à adopter des taux flexibles si elle veut se constituer en Union
monétaire.
Aussi, durant la même période, la
Communauté (sans le Libéria et la Guinée-Bissau) a
affiché un taux de couverture12 moyen annuel de ses
importations par ses exportations par pays membre égal à 74,17%.
Ce qui signifie que la CEDEAO traîne structurellement un déficit
commercial.
9 La privatisation des sociétés d'Etat
s'inscrit dans le cadre des programmes d'ajustement structurels auxquels a
adhéré l'ensemble des pays de la Communauté.
10 Pour toute la période 1997-2006, les
données sur le Libéria et la Guinée-Bissau ne sont pas
prises en compte.
11 Le degré d'ouverture d'un pays est
égal ici au rapport de son commerce extérieur sur son PIB.
12 Le taux de couverture d'un pays est égal au rapport de
ses Exportations sur ses Importations.
Graphique 1: Evolution de deux mesures
dintégration de la CEDEAO au commerce international
1997-2001 2002 2003 2004 2005 2006
Pourcentages
40
20
90
80
70
60
50
30
10
0
Années
Degré d'ouverture =(X+M)/PIB Taux de
couverture
Sources : FMI, Perspectives Economiques
Régionales : Afrique Subsaharienne,
avril 2007,
pp.105-106.
La part du commerce intra CEDEAO (sans la Guinée
Bissau et le Libéria) sur la total des exportations extra communautaires
(voir graphique 2) est demeurée en dessous de 15 % entre 1997 et 2005,
comparée à celle de l'Union européenne qui est de l'ordre
de 70 %. Cette faiblesse du commerce intra régional, à l'image du
commerce intra africain, est liée à la faiblesse des
infrastructures de communication, à l'existence des structures
productives concurrentes plutôt que complémentaires, au poids des
produits primaires dans les exportations et à la vigueur des liens
historiques entre ces pays et leur ancienne puissance colonisatrice.
Graphique 2: Commerce intra CEDEAO sur le Total des
Exportations extra
Pourcentages
14
12
10
4
2
8
6
0
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Années
Source:
http://www.ecostat.org/en/TradeECOWAS/12.ImportIntraECOWAS.pdf