IV.1.2. Analyse et Interprétation globales des
résultats
L'analyse de nos quatre cas permet une lecture des
données collectées selon le cadre conceptuel construit à
la suite de notre état de l'art dans la revue de la littérature.
La confrontation des construits théoriques à notre étude
empirique met en relief les caractéristiques de l'intelligence
économique, de la position et de la performance de toutes ces
entreprises. Chaque étude de cas apporte des réponses aux
hypothèses de recherche formulées et constitue une base pour
dégager les résultats de notre recherche.
Afin de proposer une synthèse du processus
d'intégration de l'intelligence économique dans les pratiques
managériales des entreprises étudiées, nous
présentons tout d'abord un tableau synoptique. Les résultats
présentés pour chaque cas (dans le tableau 9) reposent en partie
sur les discours des acteurs interviewés, et la synthèse
proposée ici est complémentaire, elle s'appuie sur les
manifestations de l'intelligence aux travers des phénomènes que
nous avons observés, pour certaines composantes de l'intelligence
d'entreprise.
Intégration de l'Intelligence Economique (IE) dans
les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
Tableau n°10. Repérage des manifestations
de l'intelligence d'entreprise
|
Composantes et leviers de l'intelligence en entreprise
|
Phénomènes observés
|
Fréq
|
Communication
|
Les membres du collectif développent un esprit
d'équipe propre à eux une personne extérieure ne les
comprendrait pas ou difficilement
|
3
|
Représentations collectives et partagées
|
Les individus confrontent leur représentation de la
situation
|
4
|
Mémoire collective
|
Savoirs théoriques (pensée)
|
Existence des savoirs communs ou collectifs
|
2
|
Savoirs actionnés (action)
|
Existence de savoir faire donc de savoir liés à
l'expérience à l'action
|
2
|
Savoirs actionnables (pensée-action)
|
Existence à la fois de savoir faire pour agir ensemble
|
2
|
Décision construite collectivement
|
Prise d'une décision non pas par l'ensemble mais
construite par l'ensemble. La construction de la décision mobilise
l'information, le savoir, les connaissances de chacun des membres de
l'équipe les individus se mettent d'accord sur la marche à suivre
et les buts à atteindre
|
3
|
Collaboration
|
Interdépendance
|
La personne mentionne le besoin de coordination ave les autres
|
1
|
Co-activité
|
La personne mentionne l'influence de ce qui est fait à un
poste sur les autres
|
2
|
interaction
|
La personne mentionne le fait qu'elle a besoin des autres pour
faire à une situation de travail et agir
|
2
|
Adaptation
|
Le collectif s'adapte aux comportements des individus membres et
au contexte de la situation
|
2
|
Conflit
|
Le collectif est composé de différents individus
par l'échange de leurs points de vue, créant de l'intelligence et
donc enrichissent le collectif
|
1
|
Autonomie
|
Indépendance des équipes et des individus dans les
collectifs
|
1
|
|
Indépendance des équipes et des individus dans
l'entreprise
|
2
|
Partage et l'échange
|
On notera la nécessité de partager des
connaissances, des représentations et des référents
communs afin de collaborer dans l'action
|
1
|
Implication
|
Chaque membre essaie de faire confiance à un individu pour
sa capacité à faire quelque chose de précis. Les savoirs
et expériences se partagent et s'échangent de fois
|
4
|
Réflexivité
|
Les membres et les dirigeants sont motivés et se
mobilisent entièrement
|
3
|
Conscience
|
Le collectif agit comme une et seule unité ou une
dynamique collective
|
2
|
Auto-organisation
|
Les équipes s'observent en fonctionnant et en pensant
|
2
|
La culture informationnelle
|
L'entreprise fonctionne comme un système adaptatif
complexe, c'est-à-dire elle opère sans l'existence d'un
régulateur général. Les divers entreprises se
régulent le sens sur les autres selon certaines règles du jeu
|
2
|
La culture stratégique
|
La culture informationnelle est passive et non
intégrée au processus de décision
|
2
|
La culture organisationnelle
|
La culture stratégique fait l'objet d'une approche
hétérogène, informelle et plus ou moins réactive
|
2
|
|
Leur organisation et un facteur de résistance au
changement
|
2
|
Approche financière
|
Elles ont une approche financière minimaliste en termes
d'investissement
|
2
|
Appropriation des TIC
|
On note une certaine difficulté à s'approprier les
TIC et le manque de gestion des ressources (réseaux TIC)
|
3
|
Réactivité
|
Les entreprises ne parviennent pas encore à s'adapter et
à réagir grâce à la complication de
l'environnement
|
2
|
Proactivité et adaptabilité
|
On note une prise en compte de l'environnement, tendance à
l'intégration tactique et stratégique de l'information
|
2
|
Interactivité
|
On voit l'émergence d'une attitude et réflexe
à exploiter des réseaux relationnels, les manoeuvres offensives,
intégration des paramètres de sécurité
|
2
|
Stratégies de développement
|
Les entreprises commencent à développer une sorte
d'intelligence globale qui donne du sens et produit des connaissances
intégrées aux processus d'évolution de l'organisation. On
sent l'émergence d'un esprit de conquête
|
2
|
Source : Notre recherche
Commentaires : Ce tableau ci-dessus montre comment, pour
chaque
exemple d'entreprise présentée, nous avons
essayé de comparer ou de repérer les
Intégration de l'Intelligence Economique (IE) dans
les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
dimensions du processus d'intelligence : compréhension,
réflexion, décision et action. Nous avons identifié la
présence d'une certaine intelligence d'entreprise mais il a
été difficile d'isoler de manière indépendante
chacune de ses étapes car ces dernières interagissent les unes
avec les autres.
En effet, tous les stades d'IE sont bel et bien
présents mais à des degrés d'importance différents
selon le type d'entreprise, et sont souvent passifs. De plus, nous avons
observé plusieurs manifestations d'intelligence (collective,
organisationnelle, informationnelle ou stratégique) dans toutes ces
entreprises. Nous avons également vu, que chacune de ces entreprises
concourt au développement économique du pays et à son
objectif final qui est la satisfaction du client. Mais pour ce faire, chacune
va viser son propre objectif.
Nous avons aussi compris que notre passage dans toutes ces
entreprises a non seulement permis à toutes ces entreprises à
élaborer un diagnostic stratégique mais aussi à comprendre
que :
- Très peu d'entreprises disposaient déjà
d'une stratégie explicite et formalisée. Pour celles qui
n'avaient même pas de stratégie implicite, le diagnostic
stratégique a été plus difficile a établir d'autant
que les dirigeants n'avaient pas accordé le temps de réflexion
nécessaire sur leurs objectifs et intentions ;
- La réalisation du diagnostic a été
malaisée pour au moins 3 entreprises (B, C et D) qui donnaient
relativement peu d'informations. Faut-il expliquer cela par une culture du
secret assez partagée en République Démocratique du Congo
(alors même qu'aucune banque ne faisait partie des entreprises
étudiées) ;
- Les rares entreprises qui pratiquent la veille le font de
façon sporadique, non formalisée, et confidentielle, et
d'ailleurs l'unique entreprise (B) qui possède un poste
dédié aux activités de renseignement n'a pas des
procédures et outils permettant le partage d'information en interne, ni
l'organisation du retour d'information avec les Directions de Siège.
- Les entreprises ont parfois des difficultés à
établir des priorités d'axes à surveiller par manque de
définition des besoins prioritaires liés à l'organisation
du management parce qu'il n'y a pas de fonction transversale ;
- Pour l'entreprise (D) et que les divers départements
son soit très cloisonnés (en d'entreprise A), ou que l'entreprise
a une forte culture hiérarchique et peu d'habitude de partage de
l'information (entreprise Cet D).
- On constate une absence de gestion d'exploitation de
l'information interne et un ciblage insuffisant d'information. Les entreprises
sont souvent prises par les activités courantes et ont du mal à
traduire leurs orientations stratégiques générales en axes
d'IE. Ici, un accompagnement est nécessaire.
- On remarque aussi une méconnaissance
quasi-générale de la démarche d'IE et une absence de
planification stratégique dans les entreprises C et D
- Les entreprises (A et B) se disent prêtent à
payer des prestations externes de veille.
Cependant, au nombre de leurs spécificités, on
remarque Ó
Intégration de l'Intelligence Economique (IE) dans
les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
· Les processus organisationnels peu ou non
formalisés,
· Une prédominance des contacts directs avec les
collaborateurs,
· Le dirigeant est souvent le seul décideur et
cumule de fois plusieurs rôles,
· Des décisions stratégiques fortement
affectées par la personnalité du chef,
· Un faible niveau de spécialisation des
collaborateurs,
· Des ressources réduites du fait de leur taille et
capital,
· Manque d'ambitions et intentions stratégiques.
Aussi, à travers l'étude de l'entreprise (A),
nous avons vu qu'elle réunissait un grand nombre des capacités
d'intelligence, mais une intelligence d'orientation stratégique interne
et externe non formalisée. Dans l'entreprise (B), l'intelligence se met
en place dans une orientation de valorisation et de renforcement du marketing.
Dans l'entreprise (C), l'intelligence existe aussi mais ne se fait pas sentir,
c'est-à-dire n'est pas mise à contribution dans le management.
Pour l'entreprise (D) tout semble être au point mort.
Ceci nous permet de positionner nos hypothèses par
rapport aux réponses du terrain (tableau 11). Tout d'abord, nous
soulignons que l'ensemble des résultats présentés et les
faits observés chez nos quatre cas d'entreprise démontrent que
ces dernières accusaient un retard en matière de management
d'innovation qui puissent leur permettre de se moderniser et d'être plus
compétitives à l'instar des entreprises de
l'hémisphère nord. Pour cause, elle se recherche encore comme le
montre le tableau ci-dessous qui met en relation le trois hypothèses
avec les quatre entreprises étudiées.
Intégration de l'Intelligence Economique (IE) dans
les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
Tableau no 11 : position des
hypothèses par rapport aux résultats
Hypothèses de
recherche
Etude des cas
|
H1
Liens : situation complexe et adaptation
|
H2
Liens : manque d'information et capacités
managériales
|
H3
Lien spécifique, réalités et
intégration de l'IE
|
Entreprise (A)
|
La complexité liée au contexte
concurrentiel mondial, les pesanteurs culturelles ainsi que
l'approche financière minimaliste de l'entreprise ne permet pas encore
l'adaptation
facile de l'organisation et ses structures à
fonctionner normalement dans cet environnement changeant l'entreprise prend
beaucoup d'initiatives en ce sens
|
La direction générale est
consciente des enjeux de l'information et compte mettre en
place un projet de reconfiguration du modèle managérial
fondé sur une culture collective de l'information. Bref, les dirigeants
ont compris l'importance et l'enjeu de passer à l'heure de la
modernité et intégrer les méthodes actives de management
de l'information.
|
Intégrer cette démarche d'IE revient à
considérer l'entreprise au-delà de sa dimension productive, et
prendre en compte son insertion dans un
environnement international et de
plus en plus concurrentiel.
L'abondance des informations appelle une définition des
critères de pertinence et une intégration dans le processus
décisionnel pour se lancer dans la compétition internationale
|
Entreprise (B)
|
Intégrer la démarche de l'IE renvoie à
une vision globale pour donner un avantage concurrentiel majeur dans sa lutte
compétitive qu'elle livre avec toutes les entreprises banques du
secteur
|
Entreprise (C)
|
L'entreprise C que l'IE est un instrument efficace qui
permettre aux entreprises publiques de s'ouvrir et être
compétitives.
|
|
Entreprise (d)
|
La complexité liée au nouvel
environnement est une occasion de remise en cause
|
La haute direction cherche à
relancer toutes ses activités sur des bases nouvelles
prenant en compte les nouvelles approches du renseignement économique
|
|
A la lumière de tous ces résultats, nous pouvons
déjà dès maintenant en tirer quelques conclusions
intermédiaires :
> La recherche a permis de vérifier qu'il ne peut pas y
avoir de bonnes pratiques d'intelligence économique sans une
définition précise de la stratégie.
> De ce fait, notre démarche scientifique à
permis d'élucider le concept d'IE par notre guide d'entrevue assimilable
à un cadre logique d'un diagnostic stratégique se focalisant sur
les axes de veille et les priorités stratégiques de
l'entreprise.
> Ainsi, il apparaît que la réalisation d'un
diagnostic stratégique bien enrichi permettrait d'amorcer le dialogue
avec les dirigeants et les obliger à formaliser leurs intentions
stratégiques.
> Par la suite, l'affinage des axes de veille et des
indicateurs utiles doit se faire en fonction de l'intégration de
nouvelles informations dans la réflexion stratégique.
Intégration de l'Intelligence Economique (IE) dans
les pratiques managériales des Entreprises Congolaises
> On s'engage alors dans un cercle vertueux, où
l'évolution de la stratégie est alimentée par les
résultats de la veille tandis que cette dernière se
déploie suivant les priorités stratégiques.
> Enfin, en termes d'IE, presque toutes les entreprises ont
dit découvrir concrètement ce qui était l'IE et notamment
la possibilité d'anticiper les évolutions dans son domaine
(l'entreprise 2 en particulier), ce qui permet d'affirmer que les autres ne
faisaient que réagir aux informations de l'environnement sans anticiper
;en ce sens, elles apparaissent, à l'instar de la majorité des
entreprises africaines comme « réactives »
voire « dormeuses » au sens de ROUACH (1998)
cité par HERMEL(2007).
Tous ces résultats présentés ici
soulèvent une question pratique sur la perception de l'IE et sa mise en
oeuvre effective dans toutes ces entreprises. Cette question mérite
débat, et c'est l'objet de la discussion qui va suivre.
|