CHAPITRE 2 PRÉSENTATION DES DONNÉES
RECUEILLIES IN SITU
Ce chapitre est consacré à la
présentation des données recueillies sur le terrain à
l'aide des entrevues semi-dirigées. À cet effet, une grille est
établie sous forme d'un texte avec des paragraphes construits pour
chacun des acteurs à partir du guide d'entrevue de ce projet de
recherche. Pour chacun des acteurs interviewés, on présente
d'abord la perception du partenariat; ensuite, on expose la conception du mode
de règlement des différends et enfin on présente la
lecture que fait l'acteur de la dynamique entre le partenariat et le mode de
règlement des différends. Cette étape va permettre de
répondre à la deuxième question spécifique de
recherche et de connaître la perception des acteurs chez
Hydro-Québec, devant une éventuelle incohérence entre
l'absence de médiation et le partenariat.
Il est d'une importance capitale de connaître la lecture
que font les acteurs interviewés de la politique d'acquisition
énoncée par Hydro-Québec et de la conception du
partenariat avec sa signification d'après leur expérience
pratique au sein de la société d'État. Il est essentiel de
situer la perception et la conception des acteurs clefs qui interviennent en
première ligne dans la stratégie de gestion d'acquisition
d'Hydro-Québec. Ces éléments permettent de mesurer
l'écart entre le partenariat tel que perçu par les acteurs et
celui présenté dans le cadre de référence afin de
comprendre dans quelle mesure le partenariat tel que perçu est
mobilisateur pour implanter de nouveaux modes de règlement des
différends.
2.1 Acteur D-01
L'acteur D-01 est ingénieur de formation, cadre
relevant du PDG et membre du comité de gestion de la Direction qui
oriente les politiques de l'entreprise dans le domaine de l'approvisionnement
et de la réalisation des grands projets. Il a consacré 27 ans
à la gestion et la réalisation des projets majeurs dans le
domaine de l'énergie hydroélectrique dont 15 ans à
Hydro-Québec et plus de 12 ans dans le secteur privé. Avec une
culture de gestion hybride publique/privée, ses opinions sont
susceptibles de contribuer d'une manière significative aux
réponses aux questions posées par ce projet de recherche.
2.1.1 La perception du partenariat
Pour l'acteur D-01, le terme partenariat dans le domaine des
affaires est très général et il peut avoir des
significations et interprétations multiples dépendamment des
personnes et du milieu où il est pratiqué : << On a trop
charrié le mot partenariat, [...] La notion de partenariat, j'ai de la
difficulté avec ça.. » (Acteur D-01). D'après lui, il
est très difficile de considérer la relation avec l'entrepreneur
de construction comme du partenariat en raison du caractère publique des
appels d'offres où la société d'État est souvent
tenu de prendre la plus bas soumissionnaire conforme : << Quand on me
parle du partenariat avec nos entrepreneurs, pour moi ce n'est pas du
partenariat. C'est de la collaboration qu'on doit avoir. » (Acteur
D-01).
Il ajoute que les contrats sont octroyés selon un appel
d'offres public et par conséquent, il n'y a pas de partage des pertes ou
des profits entre le donneur d'ouvrage et l'entrepreneur. Pour cette raison, il
perçoit la relation entre le client et le fournisseur comme une relation
d'affaires normale où chacun tente de maximiser ses profits. En
conséquence, ce genre de relation est loin d'être vue comme une
relation de partenariat, mais plutôt comme de la bonne collaboration qui
facilite la tâche pour tous afin de réussir le projet entrepris :
<< Dans notre système avec le plus bas soumissionnaire, ce n'est
plus du partenariat. Tu ne peux pas être partenaire avec lui car tu ne
partages pas ses profits, tu ne partages pas ses pertes et tu ne partages pas
ses décisions. » (Acteur D-01)
En plus, le discours de ce gestionnaire laisse entendre que
dans un appel d'offres public, le donneur d'ouvrage ne participe pas à
la prise de décision du fournisseur. Ce qui fait en sorte que la
relation de partenariat cède la place à une relation commerciale
où les intérêts des parties ne sont pas toujours
convergents : << Le partenariat est lorsque tu es capable de t'asseoir et
négocier avec l'entrepreneur : T1Voici ce qu'on va faire s'il
arrive telle ou telle chose, on fait telle ou telle chose » (Acteur
D-01).
Pour cet acteur, dans le domaine de la construction des grands
projets à Hydro-Québec, le partenariat est vécu comme une
relation gagnant-gagnant où chaque solution recherchée doit
apporter des bénéfices ou un plus valu à chacune des
parties en relation d'affaires :
<< On a était obligé de renégocier
à la baisse le prix unitaire avec l'entrepreneur et nous avons obtenu
une réduction importante des coûts de réalisation. C'est
rare pour un entrepreneur accepte de redonner pour le donneur d'ouvrage un
crédit de six millions. C'était une négociation
gagnant-gagnant. » (Acteur D-01)
La confiance, qui est difficile à gagner en relation
d'affaire, s'est imposée comme l'élément clef d'une
relation de partenariat pratiqué par ce gestionnaire du premier niveau.
Selon lui, les partenaires doivent faire preuve d'une bonne attitude où
la confiance et le respect mutuel doivent prévaloir dans leur
négociation et dans leur approche pour résoudre leurs
différends : << L'entrepreneur a ouvert ses livres ce qui lui a
permis de faire des profits raisonnables et consentir à
Hydro-Québec un crédit substantiel. La communication était
très bonne tout au long du projet. » (Acteur D-01)
Parlant d'une expérience d'un partenariat qui a mal
réussi, il mentionnait : << Cet entrepreneur, même si tu
essayais de l'aider, il n'était pas capable de prendre tes commentaires
» (Acteur D-01). On peut lire à travers cet extrait que le manque
de confiance est l'élément perturbateur d'une relation de
partenariat.
Selon ce décideur, la transparence dans le milieu des
affaires est essentielle pour le bon déroulement d'un partenariat. Car
en cas d'une mauvaise décision de la part d'un partenaire, l'autre
partie sera incitée à partager les difficultés et à
lui aider à redresser la situation et limiter les préjudices. En
plus la transparence aide à la prise des décisions sans trop
d'hésitation : << Les gens qui sont transparents sont confiants
que ça va bien aller, mais les gens qui ne sont pas transparents et qui
ne sont pas confiants de leur décision ne sont pas capables de supporter
leur décision » (Acteur D-01).
Aussi, la transparence est perçue par cet acteur comme
l'admission de nos erreurs ce qui évite les longues discussions et les
délais interminables en restant campés sur nos positions. Cette
attitude ne contribue pas à préserver une bonne relation de
partenariat : << Si je fais une erreur, il faut vivre avec. Ma
philosophie : il faut admettre nos erreurs. » (Acteur D-01)
De plus, il voit dans le partenariat un partage des risques
d'affaires entre le donneur d'ouvrage et le fournisseur : « Quand on me
parle de partenariat avec nos entrepreneurs, pour moi, un partenaire doit
partager le risque » (Acteur D-01). Il considère, en outre, que
l'équité est au centre de la relation commerciale entre
Hydro-Québec et ses partenaires. Il s'agit d'une valeur d'entreprise
énoncées par sa politique et à laquelle on attache
beaucoup d'importance. L'équité, perçue par cet acteur,
est surtout celle qui a trait aux fournisseurs qui ont participé
à la soumission. Dans ce cas, il considère que la
société d'État doit se comporter comme un bon père
de famille pour traiter équitablement ses fournisseurs. Ainsi, le souci
de protéger les soumissionnaires qui n'ont pas eu le contrat est
omniprésent dans chaque décision pour de question
d'équité : « Tu peux faciliter l'exécution du contrat
à l'entrepreneur sans être préjudiciable au deuxième
plus bas soumissionnaire. Si tu favorises le plus bas, tu peux léser les
autres qui n'ont pas eu le contrat. » (Acteur D-01) À cet
égard, l'acteur D-01 n'a pas manifesté de désir de fondre
l'identité du fournisseur en l'intégrant à
Hydro-Québec, ce qui laisse croire que l'interviewé est en faveur
du respect du degré d'autonomie du partenaire avec sa propre culture de
gestion. Par ailleurs, il fait connaître sa manière directe de
manifester le respect envers l'entrepreneur lors de la réalisation d'un
projet de construction. Il s'agit de bien accueillir avec une grande ouverture
les demandes et les arguments de l'entrepreneur :
« Il ne faut pas prendre le document
présenté par l'entrepreneur et essayer seulement de voir comment
je peux le détruire. On n'y ira pas nulle part avec ça. Si c'est
fondé, il faut que je trouve le moyen pour le compenser. » (Acteur
D-01)
« J'explique aux gens qui travaillent pour moi : T'Vous
n'êtes pas là pour démolir l'entrepreneur.T' » (Acteur
D-01)
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