CONCLUSION
Le point de départ de cette recherche est issu de ma
pratique comme gestionnaire de projets de construction dans une
société d'État. Fort de mon expérience à
Hydro-Québec, j'ai constaté que la société
d'État affiche une certaine frilosité à introduire la
médiation comme mode de règlement de différends
malgré sa volonté d'établir une relation de partenariat
avec ses fournisseurs. La problématique de cette recherche s'est
construite à partir d'un constat d'une apparente incohérence dans
le discours de l'entreprise qui prône un partenariat avec des valeurs qui
semblent incompatibles avec l'absence de la médiation comme mode de
règlement des différends avec les fournisseurs. Ainsi,
l'enrichissement de la réflexion des acteurs clefs qui sont
appelés à choisir la politique de règlement des
différends entre la société d'État et ses
fournisseurs définit l'objectif général de la
recherche.
La question générale de cette recherche se pose
comme suit : Y-a-t-il une incohérence réelle entre la conception
du partenariat et l'absence de la médiation chez les acteurs à
Hydro-Québec? Pour répondre à cette question, il fallait
d'abord vérifier si, théoriquement, il existe un lien entre le
partenariat et la médiation. Par la suite, il était important de
connaitre la perception des acteurs clefs au sujet de la dynamique entre le
partenariat et le mode de règlement des différends, ce qui a
permis de voir dans quelle mesure la méconnaissance de la
médiation avec son potentiel pouvait être la cause de
l'écart.
Donc, les objectifs à atteindre par ce projet de recherche
résident principalement dans trois questions spécifiques de
recherche à savoir :
· Au point de vue théorique, y a-t-il un lien
nécessaire entre le partenariat et la médiation et, si oui,
quelle forme de médiation?
· Quelle est la perception des acteurs chez
Hydro-Québec devant une éventuelle incohérence entre
l'absence de médiation et le partenariat?
· Dans quelle mesure la méconnaissance de la
médiation avec tout son potentiel estelle la cause de l'écart?
Le premier chapitre a permis de définir le cadre
conceptuel en formulant les variables de recherche à mesurer par les
entrevues in situ. En plus, un survol théorique a permis de
répondre à la première question
spécifique de recherche. À cet effet, la recherche dévoile
qu'au point de vue théorique, il existe un lien entre le partenariat mis
de l'avant par HydroQuébec et la médiation inspirée du
concept de la négociation raisonnée de Ury et Fisher et de
l'approche éthique de Georges A. Legault. Ainsi, ce modèle de
médiation s'est avéré le meilleur mode pour actualiser les
valeurs partenariales. Par conséquent, la recherche théorique
démontre qu'il existe une incohérence entre l'absence de la
médiation et le partenariat souhaité par la société
d'État.
Le deuxième chapitre est consacré à
obtenir la position des acteurs clefs devant une telle incohérence.
À cette fin, des entrevues semi-dirigées ont été
réalisées à l'aide d'un questionnaire structuré
afin d'avoir une image fidèle des opinions des personnes
interviewées. Des questions ouvertes ont permis aux acteurs d'exprimer
librement le fond de leur pensée et ont évité les
réponses complaisantes (politiquement correctes). Ainsi, à
travers une expérience vécue, lorsqu'il était possible,
chaque acteur a été questionné d'abord sur sa perception
par rapport au partenariat. Ensuite, il a été interrogé
sur sa conception du mode de règlement usuel et du mode de
règlement alternatif. Par après, nous avons obtenu leur
perception concernant la dynamique entre le partenariat et le mode de
règlement des différends, ce qui a donné réponse
à la deuxième question de recherche. À cet effet, celle-ci
révèle que les acteurs consultés ne voient pas une
incohérence entre le partenariat prôné par
Hydro-Québec et l'absence de la médiation comme mode de
règlement des différends en raison du caractère public des
appels d'offres d'Hydro-Québec.
Le troisième chapitre a été
dédié à analyser et interpréter les
résultats obtenus par les entrevues des acteurs clefs. Aujourd'hui, la
médiation commerciale s'est imposée comme un mode de
règlement des différends commerciaux entre partenaires d'affaires
et a acquis ses lettres de noblesse dans le domaine de la
construction136. Cependant, Hydro-Québec et sa filiale SEBJ
affichent une certaine frilosité à introduire une clause de
médiation dans les contrats avec les fournisseurs. Il s'est
révélé que la réticence de la société
d'État à adopter une telle clause est causée d'une part
par l'écart entre le partenariat pratiqué et le partenariat
défini par le cadre conceptuel et d'autre part par la
méconnaissance de la médiation avec
136 Jean H. Gagnon (2003). Développements
récents en droit des affaires Service de la formation permanente du
Barreau du Québec, Québec, EYB2003DEV536.
son véritable potentiel surtout dans une relation de
partenariat. Ce qui fait qu'en pratique, les acteurs clefs rencontrés ne
perçoivent pas une incohérence réelle entre leur
conception du partenariat et l'absence de la médiation comme mode de
règlement des différends. Toutefois, devant l'émergence de
ce phénomène, certains acteurs clés montrent une timide
ouverture quant à l'essai et l'instauration d'une clause de
médiation dans un contrat à titre expérimental afin d'en
évaluer la plus-value.
Enfin, les conditions économiques d'aujourd'hui font en
sorte que la pénurie de la maind'oeuvre spécialisée est
devenue un enjeu majeur et lance un défi de taille au monde des
affaires. Pour faire face à cette nouvelle situation, il est tout
à fait pertinent de poursuivre la réflexion pour
réinventer de nouvelles relations d'affaires et de nouveaux modes de
règlement des différends en mesure de soutenir un monde
économique en pleine mutation.
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