3.2.3 La pratique du mode alternatif
En deuxième lieu, les acteurs clés
révèlent que la société d'État ne recourt
qu'occasionnellement aux modes alternatifs tels que la facilitation, la
médiation ou l'arbitrage, pour régler ses différends avec
les fournisseurs. A cet effet, les gestionnaires sont unanimes pour
écarter l'arbitrage, car ce processus est jugé plus contraignant
par le fait qu'une sentence arbitrale demeure sans appel sur le fond par
rapport à un jugement de la cour où on jouit toujours d'un droit
d'appel par rapport à la décision rendue.
Bien que le recours aux modes alternatifs ne s'effectue
qu'à titre exceptionnel, selon les acteurs, la société
d'État reste toutefois favorable à l'utilisation du mode de la
médiation entre l'administrateur désigné par
Hydro-Québec et le fournisseur. Cependant, cette ouverture à la
médiation est conditionnelle à ce que le processus soit
totalement sous le contrôle d'Hydro-Québec. Pour cette raison, on
a créé à l'interne un comité de réclamation
que les acteurs considèrent comme l'équivalent d'un comité
de médiation car, selon eux, les membres de ce comité sont des
gestionnaires d'Hydro-Québec détachés du contexte du
projet où le litige à eu lieu et ce comité est
considéré comme neutre par rapport à l'administrateur du
contrat et le fournisseur. Cette conception de la médiation
témoigne d'une méconnaissance de la médiation dont un des
buts est de neutraliser le rapport de forces pour que les parties deviennent
égales dans un processus où elles participent librement à
la construction d'une entente satisfaisante.
Donc, ce comité interne de réclamations conserve
le rapport de forces favorable à Hydro- Québec et prive d'une
certaine manière le fournisseur d'une liberté de consentir
essentielle
à tout règlement satisfaisant. C'est ainsi que
les fournisseurs ont manifesté leur désir d'être entendus
par le comité de réclamation afin qu'ils puissent plaider leurs
dossiers et participer d'une façon active à ce processus interne
de médiation. Cette requête est restée sans réponse,
car la société d'État hésite à faire
participer directement les fournisseurs à ce comité de
réclamation ou à changer son fonctionnement qu'elle juge efficace
et satisfaisant. Selon un acteur clé, il n'y a pas une urgence d'agir,
car il considère que cette façon de faire répond aux
besoins de l'entreprise en raison des multiples succès
enregistrés et où il y a très peu des cas qui se rendent
devant les tribunaux. Cette position de l'entreprise est expliquée par
la résistance au changement132.
En conséquence, de plus en plus de fournisseurs
réclament la médiation comme mode de règlement des
différends qui les opposent à la société
d'État. Dans ce contexte, HydroQuébec et l'Association des
Constructeurs de routes et Grands Travaux du Québec (ACRGTQ) ont
établi une liste de facilitateurs qui seront appelés
occasionnellement pour agir dans les dossiers de réclamations relatifs
aux contrats de construction. Toutefois, l'ACRGTQ, qui représente les
entrepreneurs en construction qui font affaires avec la société
d'État, a souvent manifesté, sans succès, le désir
d'une révision par Hydro-Québec de la clause contractuelle du
processus de règlement en cas de différends afin d'introduire la
médiation comme mode de règlement des réclamations. Ce
refus de la part de la société d'État d'acquiescer
à la requête du partenaire trouve son explication dans les travaux
de recherche de Mathiot (s. d.), où les personnes en pouvoir d'une
organisation publique sont confiants et orgueilleux de bien gérer les
deniers publics et deviennent, par le fait même, « insensible aux
désirs et aux vibrations du corps social. »133
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