Partenariat et médiation commerciale: la situation de la société d'état québécoise.( Télécharger le fichier original )par Souhail CHALOUHI, Ing; PMP; LL. M. Université de Sherbrooke - Maà®trise en Droit 2008 |
INTRODUCTIONLes projets de construction sont parmi les plus importants générateurs des conflits en raison de leur complexité et du nombre important d'intervenants et d'intérêts divergents impliqués dans la réalisation d'un projet. D'un coté, le donneur d'ouvrage tente, à l'intérieur d'une limite budgétaire préétablie, de réaliser un projet performant avec un contenu difficile à préciser et dont l'envergure exacte ne sera connue qu'une fois le projet achevé. De l'autre coté, le fournisseur des biens et services tente de maximiser ses profits par la réduction des coûts tout en respectant les obligations contractuelles. C'est dans un tel contexte qu'un gérant de projet est amené à oeuvrer pour mener à terme un projet de construction où la bonne gestion des conflits est un gage de réussite. Dans ce sens, Hydro-Québec, qui est reconnue comme étant le plus grand donneur d'ouvrage de construction au Québec, se trouve confrontée aux multiples réclamations provenant des entrepreneurs et des fournisseurs lors de l'exécution des contrats. À cet égard, la politique d'Hydro-Québec en matière de règlements de différends en cas de conflit avec ses fournisseurs est clairement annoncée dans les clauses générales des documents d'appel d'offres. À cet effet, il est stipulé : Procédure en cas de différend
Sur réception de l'exposé détaillé
de l'entrepreneur et de toutes les pièces justificatives, ce dernier de sa décision. En cas de désaccord avec cette décision, l'entrepreneur peut demander au supérieur hiérarchique du représentant d'Hydro-Québec de réviser cette décision, en exposant les motifs à l'appui de cette demande de révision. »2; on retrouve la même procédure dans les contrats de sa filiale la S.E.B.J. pour le règlement de différends avec les fournisseurs. Par la suite, le rejet par Hydro-Québec et le maintien de la demande de compensation du fournisseur indique qu'il y a litige entre les parties. À ce moment, la société d'état enclenche la procédure interne afin d'en arriver à un règlement3. Il s'agit, en premier lieu, d'une tentative de règlement par voie de négociation bipartite entre Hydro-Québec et le fournisseur, laquelle négociation est encadrée par des directives administratives4 et doit respecter les engagements contractuels basés sur les faits et les normes juridiques. Par après, si les négociations échoppent, le dossier sera transféré au contentieux5 de l'entreprise avec un mandat de défendre les intérêts de l'entreprise advenant une action en justice de la part de fournisseur. Bref, le mode de la médiation n'est pas envisagé clairement, dans les procédures de gestion de réclamations, comme mode de règlement de différends en cas de conflit avec un fournisseur. Le mode usuel employé pour le règlement des conflits est la négociation bipartite selon des critères objectifs fondés en droit où les clauses du contrat, la loi et les règlements en vigueur sont la source de toute justification, et en cas d'échec, le dossier est débattu devant le tribunal. Parmi les cas rencontrés, une cause célèbre a marqué l'histoire de l'industrie de construction au Québec d'une manière particulière et qui est devenue une source de réflexion pour la réalisation de ce projet de recherche. Il s'agit d'un conflit qui a trait au jugement de la Cours Suprême du Canada dans l'affaire Banque de Montréal c, Bail Ltée6. 2Anonyme (2005). Clauses générales pour contrat de travaux, Montréal, Hydro-Québec article 19, 1er février 2005. 3 Anonyme (1999). Guide de gestion des réclamations, Hydro-Québec, Unité de contrôle, partie I-2. 4 Ibid. Partie I, article 4.0. 5 Ibid. Article 5.0. 6 Canada, Cour Suprême du Canada (1992). Banque de Montréal c. Bail Ltée, Canada, 1992-2 R.C.S. 554, Nos du greffe : 21748, 21747. En bref, cette cause était à l'origine une réclamation, datée du 19 août 1977, de quelques centaines de milliers de dollars d'un sous-traitant d'un fournisseur d'Hydro-Québec. Le jugement final, qui a eu lieu le 25 juin 1992, a coûté à Hydro-Québec la somme de 6 438 674 $ plus les intérêts depuis le 8 juin 1983, sans toutefois tenir compte de tous les frais juridiques pendant 15 ans de procès. Ce jugement a connu un résultat « perdantperdant » car le demandeur principal a fait faillite avant le jugement et Hydro-Québec a déboursé plus de trente fois le montant réclamé au départ. En conséquence, cette cause suscite l'interrogation sur l'insuffisance du judiciaire à répondre aux besoins des deux parties en conflit et pose la question sur la pertinence de recourir à la médiation comme mode de règlement de conflits commerciaux. Aussi, d'autres évènements incitent à se questionner davantage sur la pratique de règlement des conflits commerciaux à Hydro-Québec. D'abord, en 2003, un important programme de formation déployé par Hydro Québec à tous les employés concernant « les comportements clés pour réussir une relation de partenariat » : ce programme fait suite au virage que la société d'état a pris pour favoriser la relation de partenariat avec ses fournisseurs. Ainsi, dans un document7 intitulé Le partenariat avec les fournisseurs : une relation gagnant-gagnant, Hydro-Québec, qui est parmi les plus importants acheteurs de biens et services du Québec, manifeste son désir de maintenir des relations dynamiques et durables avec ses fournisseurs. Cette politique d'approvisionnement est motivée par le volume important d'acquisition des biens et services d'une grande importance stratégique pour Hydro-Québec et dont le marché est tenu par des fournisseurs spécialisés, en nombre relativement restreint. Avec une telle politique, la société d'état a une ferme volonté et un intérêt particulier à favoriser le développement au Québec d'une infrastructure industrielle spécialisée capable de fournir des biens et services indispensables à la réalisation de la mission fondamentale de l'entreprise. Cette forme de partenariat est définie comme
étant une relation d'affaires durable basée sur 7 Anonyme (1998). Le partenariat avec les fournisseurs : une relation gagnant-gagnant, Direction principale approvisionnement et services, Hydro-Québec ISBN2-550-33157-5, 98G027. 8 Ibid. d'administration, le 1er octobre 19989, afin de confirmer l'engagement de l'entreprise envers ses partenaires d'affaires, pour établir des relations « basées sur le respect mutuel et un partage équitable et durable des risques et des bénéfices »10. En 2004, les acquisitions d'Hydro-Québec de biens et services ont atteint 2 394 M$ dont 94 % provenait des fournisseurs établis au Québec11. À cette fin, la société d'état a établi des partenariats d'affaires en conformité avec ses valeurs et orientations stratégiques, dans la recherche d'une véritable mutualité d'intérêts en vue de générer des bénéfices tout en assurant le déroulement harmonieux de ses projets et de ses activités12. Ensuite, lors du 62ième congrès annuel tenu les 18, 19 et 20 janvier 2006, le Sommet HQE/SEBJ-ACRGTQ, le partenaire principal de la Société d'État, l'Association des Constructeurs des Routes et Grands Travaux du Québec, a exprimé le désir d`instaurer dans les contrats d'Hydro-Québec une clause de résolution des conflits qui inclut un mécanisme de facilitation. En réponse à cette requête, HQE/SEBJ a fait savoir lors de l'atelier 2 de ce congrès qu'elle ne peut pas modifier ses contrats pour y inclure une clause à cet effet. Cette demande d'un important partenaire d'Hydro-Québec est motivée par l'émergence de la médiation comme mode de règlement des conflits commerciaux où le milieu des affaires du Québec n'a pas voulu rester passif devant un tel phénomène. En effet, le 3 octobre 2002, une coalition13 de partenaires économiques et juridiques influents a décidé de se mobiliser afin de promouvoir l'instauration de la médiation dans la relation d'affaires au Québec. Cette mobilisation a été précédée par un sondage mené par SOM, en février 2002, qui a révélé que 25 % seulement des cadres québécois connaissaient la clause de médiation et 20 % du public visé avait l'intention d'utiliser la clause de médiation dans les contrats. Le gouvernement du Québec a toujours encouragé la déjudiciarisation et a fait connaitre sa préférence pour la médiation et le règlement à l'amiable des conflits commerciaux. Cette position a amené Me Michel Bouchard, sousministre de la justice, à déclarer14 : « Comparée aux procédures judiciaires, la médiation 9 Conseil d'administration (1998). Nos partenaires d'affaires, Montréal, Hydro-Québec, 11 septembre 1998. 10 Ibid. 11 Anonyme (2004). Rapport annuel, Montréal, Hydro-Québec, page 52. 12 Ibid. 13 Anonyme (2002). Institut de médiation et d'arbitrage du Québec, 3 octobre 2002. 14 Institut de médiation et d'arbitrage du Québec (2002). Communiqué de presse, octobre 2002. est beaucoup plus avantageuse : elle s'avère moins coûteuse, plus rapide et totalement confidentielle. Ces bénéfices sont à la portée de tous dans la mesure où on prévoit, dans les contrats, une clause de médiation ». Cette politique du ministère de la justice du Québec de promouvoir la médiation civile et commerciale est clairement annoncée dans son dépliant15 La médiation civile et commerciale, une bonne façon de s'entendre. Dans ce dépliant, le ministère de la justice du Québec évoque les avantages de la médiation comme étant un mode de règlement qui favorise le rapprochement entre les parties, permettant ainsi des relations harmonieuses et préservant le lien de confiance entre ces dernières. Cette revue sommaire de la pratique de la médiation au Québec nous amène à constater que le gouvernement et le milieu des affaires sont manifestement favorables à l'instauration de la médiation comme mode de règlement des différends civils et commerciaux. Force aussi de constater qu'il apparaît qu'il y a au Canada un large consensus pour l'adoption de la médiation comme mode de règlement des conflits. Les entreprises commerciales manifestent clairement leur intérêt pour la médiation, non seulement pour des raisons d'économie dans les procédures, mais aussi pour construire et maintenir des bonnes relations d'affaires à long terme, où il s'avère difficile de le faire avec les modes judicaires. D'ailleurs, la médiation obligatoire a été adoptée dans plus d'une province. En effet, l'Ontario, avec la règle 24.1 des règles de procédures civiles prise en application par la Loi sur les tribunaux judiciaires, met en application la médiation civile obligatoire. Les parties à un différend en matière civile sont obligatoirement envoyées en médiation dans les 90 jours suivant le dépôt de la défense. En Saskatchewan, après la clôture de la plaidoirie écrite dans les affaires civiles contestées, les parties doivent participer à une séance de médiation avant de passer à une nouvelle étape16. En Colombie-Britannique, le recours à la médiation en matière civile fait partie de la culture juridique. Il existe un mécanisme de médiation obligatoire pour les causes relevant de la Cour des petites créances. En Alberta, les règles de médiation imposent à certaines parties en Cour des petites créances de participer à la médiation17. 15 Justice Québec (2005). La médiation civile et commerciale, une bonne façon de s'entendre, 10 mai 2005. 16 Canada, Saskatchewan (s. d.). Loi « Queens Bench Act », paragraphe 54 (2). 17 Canada, Alberta (s. d.). Loi « Provincial Court Act ». Quant aux États-Unis, ils sont sans doute les plus avancés en matière de l'emploi de la médiation en matière civile et commerciale. En effet, les Américains font abondamment appel à la médiation depuis plus de 30 ans et cet engouement pour la médiation a rendu nécessaire de la réglementer par la Loi uniforme américaine sur la médiation18. En 1995, aux États-Unis, environ 20 % de l'ensemble des procès civils intentés devant les tribunaux américains étaient des affaires impliquant l'État fédéral19. Pour assurer un traitement plus efficace de ses affaires, la ministre de la justice Mme Janet Reno, a lancé en 1995 un programme de règlement du litige par la voie de la médiation. Ainsi, les États-Unis sont ouverts à l'utilisation d'une procédure de médiation civile et commerciale dans tous les cas appropriés. Aussi, en 2002, les pays membres des Nations-Unies ont adopté par résolution à l'assemblée générale de la 57e session, la loi type de la commission des Nations-Unis pour le droit commercial international sur la conciliation commerciale internationale (CNUDCI)20. Cette résolution a amené le Canada à envisager l'intégration de cette loi type dans le droit canadien. Dans un tel contexte, il est tout à fait pertinent de faire une réflexion et de poser la question suivante : pourquoi la clause de procédure en cas des différends, inscrite dans les contrats d'Hydro-Québec, n'inclut pas la médiation, un mode de règlement gagnant-gagnant, reconnu pour préserver les relations à long terme et basée sur la confiance et l'équité entre les parties?, alors qu'elle prône par sa politique de partenariat une relation gagnant-gagnant durable basée sur la confiance et l'équité avec ses fournisseurs? À première vue, il semble que la société d'état tient un discours qui dégage une apparence d'incohérence dans sa politique d'approvisionnement au niveau de ses relations avec ses fournisseurs. À ce sujet, Jacques Caillouette21 de l'université de Sherbrooke voit les partenariats comme un espace de conflit, de négociation et de médiation. Il explique sa 18 USA (2001). Uniform Mediation Act, National Conference of Commissioners on Uniform State Laws, USA. 19 Peter Steenland (1999). Du règlement des litiges dans les tribunaux fédéraux américains, Revue de l'IIP, USA. Note : IIP, Démocratie et droits de l'homme. De 1995 à janvier 2002, M. Steeland a présidé « The Office of Dispute Resolution » au US Department of Justice. 20 Nations Unies (2002). Publication des Nations-Unies, Numéro de vente F.05.V.4, ISBN : 92-1-233409-1. 21 Université de Sherbrooke (2001). Pratique de partenariat, Pratique d'articulation identitaire et mouvement communautaire, NPS, vol. no1. réflexion par le fait que « sous un voile de partenariat peuvent se glisser des pratiques de négation de l'autre plutôt que de collaboration avec lui ». Par son étude22, il évoque aussi les rapports de pouvoir des partenaires qui peuvent être une source de conflit : « des rapports de pouvoir traversent donc l'espace partenarial et y introduisent un élément de conflit à prendre en compte pour penser les pratiques partenariales. » La médiation est essentielle dans une relation de partenariat, car cette pratique « met en communication des gens, des organismes, des systèmes d'action qui, laissés à eux-mêmes, tendent au repli sur soi ». Cette réflexion d'un chercheur chevronné contribue à se questionner davantage, à savoir si le refus d'Hydro-Québec d'instaurer une clause de médiation dans ses contrats d'approvisionnement est cohérent avec sa politique du partenariat. Un survol de lecture a permis de constater que la même apparence d'incohérence se retrouve aussi dans le discours du ministère des transports du Québec. En effet, cet organisme public s'est engagé dans une démarche de partenariat public - privé23 fort de l'expérience européenne, et en particulier de celle de l'Angleterre24, alors qu'il tient un discours de pénalités25 et n'envisage pas une clause de médiation dans ses contrats avec ses partenaires. Après une recherche sommaire, une insuffisance dans la connaissance de ce phénomène, en apparence incohérent, a été constatée : l'absence d'une clause de médiation dans les contrats d'Hydro-Québec avec des fournisseurs partenaires. Ce constat a motivé cette recherche-ci qui offre l'occasion d'une réflexion sur la nature des modes de règlement des différends dans une relation de partenariat entre un organisme parapublic comme HydroQuébec et ses fournisseurs de biens et services. En apparence, il semble y avoir une incohérence dans la
politique d'approvisionnement 22 Ibid., page 92. 23 Ministre des transports du Québec (2003). Colloque sur l'apport de partenariat, Allocution, Montréal, 31 octobre 2003. 24 Radio-Canada, Nouvelles du 23 novembre 2005, Québec s'inspire de la Grande-Bretagne : « Selon le Devoir, des hauts fonctionnaires du gouvernement Charest ont assisté à un séminaire donné par une Délégation de la Grande-Bretagne, chef de file en matière de partenariat entre le privé et le public (PPP) ». 25 Transport Québec (2005). Centre d'affaires, Partenariat public-privé, contexte d'application, 16 septembre 2005. actualiser les valeurs du partenariat, il semble que la société d'état tient un discours contradictoire en adoptant un mode de règlement des différends qui apparaît incompatible avec les valeurs annoncées dans sa politique du partenariat. D'abord, monsieur Boisclair définit le partenariat comme étant : « une démarche par laquelle une organisation s'associe avec au moins une autre organisation dans le cadre d'une relation sur mesure et évolutive; les deux organisations s'entendent pour poursuivre un but commun en mettant en commun ou en échangeant des ressources, afin d'obtenir des résultats mutuellement avantageux, dans le respect de leur mission, mandats et objectifs respectifs, tout en demeurant souveraines en dehors du partenariat >>26. Plus particulièrement, dans le cas d'Hydro-Québec, le partenariat d'affaires est une relation client-fournisseur privilégiée dictée par le besoin l'un de l'autre et vice versa. Par conséquent, il est l'organisation, voulue optimale, des relations de deux sociétés décidant de travailler ensemble dans la durée27, l'une vendant la marchandise qu'elle produit et l'autre la lui achetant pour la transformation ou la consommation. Ainsi, en raison de la particularité et de l'importance stratégique des produits et services achetés et de la fréquence des contrats octroyés par l'entreprise, de nombreux individus d'entreprises commerciales et de corporations doivent leur subsistance et leur prospérité aux contrats accordés par la Société d'État. De même, Hydro-Québec a besoin des fournisseurs qualifiés, permanents et fiables en mesure de l'accompagner dans la réalisation de ses projets de développement. Cette vision a été à l'origine de l'approche de partenariat (gagnant-gagnant) qu'Hydro-Québec a mis de l'avant dans sa politique d'approvisionnement. En effet, Hydro-Québec, consciente de son rôle comme citoyen corporatif responsable et gestionnaire des fonds publics, dévoile ses valeurs partenariales d'une manière générale dans le Code de Conduite28 intitulé "Nos valeurs, notre responsabilité". La société d'État annonce : « Agir avec intégrité, c'est, par exemple: -
Éviter tout conflit d'intérêts et toute 26 Michel Boisclair (2004). Le partenariat : principes, définition, enjeux et mise en oeuvre. M.A.P., Montréal, École nationale d'administration publique. 27 Christophe Leclercq, Xavier Leclercq (1993). Gestion stratégique de la concurrence en temps de crise, Éditions Maxima, ISBN 284001445. 28 Hydro-Québec, (2006). Code de Conduite 2006. Nos valeurs, notre responsabilité, Groupe Affaires corporatives et Secrétariat général, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, ISBN 2-550-47189-X, ISBN 2-550-47190-3, (PDF) 2006G035. 29 Ibid. page 5. équité et courtoisie nos clients, fournisseurs et partenaires : << Cultiver de bonnes relations avec les clients, fournisseurs et partenaires de l'entreprise. Considérer nos fournisseurs et partenaires comme des alliés essentiels. Traiter les clients, fournisseurs et partenaires avec équité. >>30. Par sa volonté d'entretenir des relations de partenariat avec ses fournisseurs, la Société d'État déclare que cette relation doit être une relation d'affaires (gagnant-gagnant) dynamique, durable, fondée sur la confiance, le partage des risques et des bénéfices, l'équité et le respect31, l'intégrité et la transparence qui sont essentielles à l'administration de la chose publique. Ces valeurs sont partagées par les fournisseurs car ils l'ont fait savoir à plusieurs reprises à la table de concertation. Malgré ces valeurs mises de l'avant dans sa politique d'approvisionnement, Hydro-Québec adopte une philosophie et une procédure de règlement, en cas des différends avec ses fournisseurs, qui semblent incompatibles avec cette conception du partenariat. En effet, le mode usuel de règlement des différends ne traite que le litige32 sans s'attaquer au conflit qui, souvent, est plus large, et qui embrasse d'autres activités et préoccupations comme la relation d'affaires et le règlement des irritants qui, parfois, perdurent depuis des années et qui sont à l'origine du litige en question. En plus, le mode usuel exige que toute recherche d'une solution au conflit doive être faite selon la norme juridique33 et toute entente doit être fondée en droit où un avis juridique est nécessaire34 pour son acceptation. Or, cette façon de résoudre le conflit peut amener une rupture dans les relations d'affaires entre partenaires et même produire un résultat perdant-perdant comme dans l'affaire Banque de Montréal c, Bail Ltée citée plus haut. De la sorte, cette démarche de solution du conflit parait aller à l'encontre des souhaits exprimés dans les valeurs partenariales. Aussi, la négociation bipartite pratiquée par le mode usuel pour résoudre le conflit est une négociation basée sur 30 Ibid. page 20. 31 Hydro-Québec (1998). Conseil d'Administration, politique approuvée le 11 septembre 1998. 32 Hydro-Québec, (2007). Guide de gestion des réclamations, Le litige : << Le rejet, par HQE/SEBJ et le maintien d'une demande de compensation par le fournisseur ou entrepreneur indique qu'il y a litige entre les parties. >>, révision 2 mai 2007. 33 Ibid. << Son argumentation doit être appuyée par des faits qui eux-mêmes doivent être supportés par des preuves. On entend ici par preuves l'information écrite (Clauses du contrat, devis technique, dessins, lettres, rapports de travaux, échéanciers, etc.) >> 34 Ibid. Unité d'Affaires juridiques. << Il se prononce sur le fondement légal d'une réclamation et de son règlement par l'émission d'un avis. >> les positions des parties35 où l'objectif consiste à en arriver à une entente à l'intérieur de la fourchette des prix préalablement établis. Une telle négociation repose essentiellement sur les forces et les faiblesses de la position des parties36 où l'atteinte des objectifs monétaires doit toujours guider les actions37. Bref, le mode de règlement proposé par l'encadrement, et qui est souvent utilisé, est la négociation sur position où chaque partie fixe ses propres valeurs et intérêts en essayant de les maximiser. Cette façon de faire ne tient pas compte des valeurs communes ni du contexte, car le contrat ne stipule aucune valeur et il est binaire : ou on a droit ou on n'a pas droit à la chose revendiquée. Le mode judiciaire ne tient pas compte non plus des valeurs dans la preuve devant les tribunaux. La négociation sur position traite chacun comme un moyen et non comme une fin en soi, ce qui risque d'user du rapport de forces favorable à Hydro-Québec pour faire fléchir le fournisseur qui détient souvent une position économique plus restreinte. De cette façon, on limite l'autonomie de négociation du fournisseur et on porte atteinte à sa dignité. C'est ainsi que l'écart se manifeste entre le discours des valeurs présenté dans la politique du partenariat et l'encadrement mis en place pour régler les différends contractuels avec les fournisseurs. Pour atténuer cet écart, il apparaît plus cohérent d'adopter un mode de règlement des différends en mesure d'actualiser ces valeurs lors de la recherche d'une solution à un conflit entre la Société d'état et ses partenaires. D'où un modèle de médiation comme celui de Ury et Fisher qui semble le plus indiqué : une solution est recherchée en se basant sur les intérêts et les valeurs communs partagés, les relations à long terme, tout en considérant le conflit avec toute son amplitude. Cette approche permet de régler le litige et ses causes profondes par la convergence des normes juridiques, partenariales et d'éthique propres à la gestion de la chose publique. D'abord, la norme juridique, qui est le contrat, sera
évoquée pour qualifier le litige et ses 35 Ibid. Article 2.6, Stratégie de négociation, Objectif : << La stratégie de négociation vise à mettre en place tous les moyens possibles en vue d'en arriver à une entente entre les parties, et ce à l'intérieur de la fourchette de prix que le gestionnaire a établi lors de son étude de réclamation. >> 36 Ibid. La stratégie de négociation, moyens : << Ceci repose, dans une très large mesure, [...], sur les forces et faiblesses de la position d'Hydro-Québec. >> 37 Ibid. Article 3.0, la négociation : << L'atteinte des objectifs monétaires doit toujours guider nos actions. >>. issu d'une mauvaise pratique qui se perpétue depuis longtemps de part et d'autre, on peut y discuter de solutions afin de prévenir d'autres conflits dans le futur. Ainsi, dans une médiation où on cherche une solution, le fournisseur, en l'absence du rapport des forces, peut faire part ouvertement de ses doléances relatives aux documents contractuels ambigus et aux clauses jugées abusives dans un contrat par adhésion comme celui d'Hydro-Québec. De même, Hydro-Québec peut trouver une solution qui saura à la fois répondre à ses contraintes en matière d'échéancier et de qualité, et tenir compte de la préoccupation de son partenaire pour lui permettre de prospérer et de demeurer sur le marché. Aussi, la présence d'un tiers neutre crédible, dans une médiation, rassure le corps social d'une intégrité de gestion et écarte toute apparence de favoritisme ou de conflit d'intérêts, ce qui n'est pas le cas lors d'une négociation bipartite. Quant à l'entente, en plus de la solution du litige, elle peut inclure des éléments successibles d'améliorer les opportunités et les relations d'affaires à long terme, de la sorte qu'une telle forme de médiation actualise les valeurs partenariales déclarées par Hydro-Québec. Par conséquent, ce mode de règlement des différends semblerait plus cohérent avec la politique d'approvisionnement de la Société d'État. Ce lien entre le partenariat et la médiation, en l'absence d'une clause de médiation dans les contrats d'Hydro-Québec avec ses fournisseurs, nous amène à questionner la position adoptée par la Société d'état qui semble incohérente en termes de finalité visée dans ses pratiques d'affaires. La présente recherche ne prétend pas porter un jugement de valeur sur la pratique d'affaires d'Hydro-Québec ni évaluer la pertinence de cette politique. Mais elle tente, tout simplement, de donner un portrait fidèle d'un phénomène constaté afin de permettre aux décideurs de faire un choix éclairé en ce qui a trait du mode de règlement des différends issus des contrats d'approvisionnement dans une perspective de relations de partenariat. À cet effet, cette recherche se limitera aux contrats d'approvisionnement d'Hydro-Québec et de sa filiale Équipement SEBJ. La présente recherche a donc pour objectif d'alimenter la réflexion des intervenants qui ont à faire le choix de la politique de règlement des différends à Hydro-Québec, en particulier ceux qui sont pour le maintien du statu quo et ceux qui sont en faveur d'un changement de cette politique. Ce qui amène à poser la question générale de cette recherche à savoir : y-a- t-il une incohérence réelle entre la conception du partenariat et l'absence de la médiation chez les acteurs à Hydro-Québec? Pour répondre à une telle question, il faut d'abord voir si, théoriquement, il existe un lien entre le partenariat et la médiation et ensuite obtenir la conception des acteurs clefs de la dynamique entre le partenariat et le mode de règlement des différends. En conséquence, on s'interroge sur la lecture que font les acteurs du lien entre la médiation et le partenariat tant du point de vue des acteurs décideurs que celle des administrateurs de la première ligne. Une analyse de perception des acteurs sera employée afin de connaître s'il existe une incohérence réelle entre le partenariat et le mode usuel de règlement des différends. D'abord, l'indentification des acteurs principaux est capitale afin d'être en mesure de connaître la position réelle d'Hydro-Québec. Ensuite, le rôle de chacun des acteurs sera précisé afin de connaître comment il influence le choix d'un nouveau mode ou le maintien du choix de ce qui est en place comme mode de règlement de différends. Pour ce faire, des variables seront identifiées, qui permettront de déterminer s'il existe une cohérence entre la conception du partenariat et la médiation commerciale chez les acteurs influents d'HydroQuébec. Les objectifs à atteindre par ce projet de recherche résident principalement dans trois questions spécifiques de recherche. Il s'agit donc de savoir :
La méthodologie de recherche pour ce projet s'appuie sur une analyse documentaire et une étude in situ par des entrevues semi-dirigées auprès des acteurs afin d'en arriver à tirer une conclusion qui répondra à la question posée par cette recherche. Au départ, l'analyse documentaire sera faite d'abord pour situer le contexte et ensuite pour clarifier le cadre conceptuel, afin d'identifier les variables de recherche. Par la suite, l'étude empirique par des entrevues semi-dirigées permettra d'obtenir le point de vue des acteurs clés qui influencent la politique d'Hydro-Québec dans le choix du mode de règlement des différends et qui ont causé ce phénomène qui semble incohérent. Ils seront interviewés sur leurs actions dans le contexte, sur leurs intentions face à l'émergence des modes alternatifs de règlements des différends et aux revendications de leurs partenaires. On interrogera la vision qu'ils ont du partenariat et leurs perceptions de la médiation et du rôle du médiateur dans le règlement de leurs conflits commerciaux avec leurs partenaires. A cet effet, un questionnaire d'entrevue sera préparé avec des questions ouvertes afin de permettre aux interviewés d'exprimer librement leurs opinions sur les sujets en jeu et de cueillir des données fiables pour les variables analysées par cette recherche. En premier lieu, le questionnaire traitera des variables personnelles relatives à l'âge, la formation, la position hiérarchique, le secteur d'activité, les années de service à HydroQuébec et dans le secteur privé. L'information concernant l'âge permettra d'identifier s'il y a un écart générationnel dans les opinions et les perceptions exprimées. La nature de la formation, à savoir technique, de gestion ou judicaire, permettra de savoir dans quelle mesure le domaine de formation de l'acteur peut influencer sa conception du partenariat et de la médiation. Quant à la position hiérarchique, elle permettra d'identifier la position du décideur dans l'entreprise afin d'évaluer le degré de pouvoir qu'il possède pour changer et influencer les politiques d'approvisionnement de la Société d'État. En ce qui à trait au secteur d'activité, il est très utile de connaître les perceptions de trois secteurs principaux soient : le contrôle de gestion (qui émet et contrôle les procédures de gestion), l'approvisionnement (qui est le maître d'oeuvre de la politique d'approvisionnement de l'entreprise) et la gestion des contrats (qui applique la politique d'approvisionnement selon les procédures établies. Enfin, il sera intéressant de savoir si les années de service de l'acteur dans l'entreprise influencent sa culture de gestion, sa perception et son ouverture sur les revendications du partenaire. En deuxième lieu, le questionnaire abordera l'écart entre le partenariat et le règlement des différends tel que vécu et perçu par les acteurs clefs de la Société d'état. Les décideurs seront questionnés d'abord sur leur conception du partenariat à partir d'un exemple réussi puis d'une expérience non réussie de la pratique du partenariat. Les opinions exprimées, appuyées par leurs expériences pratiques, permettront d'analyser les variables de recherches identifiées dans le cadre de référence. La perception du partenariat sera cueillie à travers des sondes issues du cadre conceptuel afin de mesurer l'écart entre le cadre conceptuel et la perception des acteurs, à savoir : - Relation gagnant-gagnant; - Relation basée sur la confiance; - Relation basée sur la transparence; - Relation basée sur le partage équitable des risques et des bénéfices; - Relation basée sur le respect mutuel. Ensuite, ils seront interrogés sur leur conception du mode de règlement des différends à travers leur pratique du mode usuel et de leur expérience vécue avec un mode alternatif. Ceci permettra de confirmer le mode usuel employé tout en dégageant les forces et les faiblisses d'un tel mode. On cherche à savoir à travers des sondes dans quelle mesure les modes usuels sont perçus comme : - Négociation bipartite basée sur la normalité juridique; - Volonté du donneur d'ouvrage de garder le contrôle du processus; - Démarche quasi-judiciaire. Par après, les acteurs seront questionnés sur les forces des modes usuels afin de cueillir les données pour les variables suivantes : - Rapport de forces favorable; - Validation des clauses contractuelles; - Justification de la décision auprès du corps social; - Dissipation de toute apparence de conflit d'intérêts; - Transparence. Ils seront également questionnés sur les faiblesses des modes usuels afin de savoir dans quelle mesure ils sont motivés à instaurer de nouveaux modes de règlement des différends : - Problèmes d'accès à la justice; - Délais longs; - Coûts élevés; - Brisure entre droit et morale; - Brisure entre droit et valeurs partenariales; - Rupture de la relation d'affaires pour cause de faillite du partenaire; - Détérioration de la relation d'affaires. D'autre part, il est important de connaître, à travers leur expérience vécue, les attentes des acteurs par rapport aux modes alternatifs. Ainsi, à travers leurs attentes, on peut lire l'écart entre la médiation présentée par le cadre de référence et leur compréhension de ce mode de règlement des différends tel que : - Définition du conflit; - Mode contraignant ou non contraignant; - Mode confidentiel. En plus, il est important de connaître les attentes des
acteurs clefs par rapport au médiateur - Un agent de changement; - L'obligation de résultats; - Demeurer crédible et impartial; - Gérer l'échange d'information; - Quelqu'un du métier; - Intervention accrue; - Maitre d'oeuvre du processus. Ensuite, la perception des acteurs sera identifiée à travers leur satisfaction et leur déception à l'égard de l'expérience vécue, ce qui donne une idée du degré de connaissance du mode de la médiation proposé par le cadre conceptuel. Des éléments tels que les suivants seront pris en compte : - Flexibilité du processus permettant aux parties de choisir quelqu'un du métier; - Absence de contrainte du processus; - Présence d'un tiers neutre changeant la dynamique et aidant à trouver une solution; - Médiateur intervenant; - Présence d'un tiers extérieur au conflit; - Réflexion sur le conflit. Ainsi, leurs conception par rapport au processus et au médiateur vont contribuer à mesurer les écarts des variables de recherche présentées avec le cadre conceptuel. En dernier lieu, les acteurs principaux seront questionnés sur leur perception relative à la dynamique entre le partenariat et le mode de règlement des différends. Il est capital, pour le projet de recherche, de savoir si les acteurs considèrent l'existence d'une relation entre le partenariat prôné par Hydro-Québec et le mode de règlement des différends. Ainsi, la nature de cette relation vue par les décideurs sera très utile pour comprendre l'écart constaté. Pour faire la lumière sur la position de l'entreprise, sept acteurs clefs ont été identifiés, pour l'entrevue semi-dirigée, en raison de leur position dans les unités principales qui sont les plus concernées par la politique d'approvisionnement et les règlements des différends issus des contrats entre Hydro-Québec et ses fournisseurs. D'abord, un cadre supérieur de la Direction projets de production a été rencontré en raison de sa vaste expérience dans la gestion de la construction des projets majeurs et des conflits commerciaux vécus avec les entrepreneurs fournisseurs de moyenne et grande envergures. Ensuite, un acteur important de la Direction Acquisition a été ciblé pour connaître les intentions de cette Direction, responsable de l'encadrement de l'approvisionnement, dans sa politique de partenariat avec les fournisseurs. Par après, un décideur du premier niveau de la SEBJ a été rencontré en raison de son expérience passée dans le secteur privé et de son vécu à la SEBJ dans la gestion des projets majeurs de constructions hydroélectriques à la Baie-James. Puis, un cadre du premier niveau de la Direction Transport a été sollicité pour obtenir son opinion, suite à sa longue expérience dans la réalisation des projets de transport à la Société d'état. Il était également utile de questionner un responsable de l'unité administration des contrats qui se trouve en première ligne dans la mise en oeuvre des politiques avec les encadrements établis. Son point de vue est très utile pour avoir l'heure juste quant aux forces et faiblesses des politiques pratiquées. Un cadre influent du premier niveau de la Direction Contrôle de Gestion, a également été choisi afin d'obtenir des informations sur les intentions de cette unité administrative chargée d'encadrer et de contrôler la pratique de gestion au groupe HQE/SEBJ. Enfin, un juriste de l'Unité Affaires juridiques a été sélectionné pour l'entrevue afin de profiter de sa grande expérience vécue dans les règlements des conflits provenant des activités de construction des projets d'Hydro-Québec. En résumé, tous ces acteurs sont des membres du comité de gestion de la haute direction HQE/SEBJ et sont les principaux décideurs dans la politique d'approvisionnement d'Hydro-Québec et la relation avec les fournisseurs, ce qui fait que leurs opinions contribueront de façon significative à répondre à la question de recherche posée au départ. Cette recherche se divise en trois sections. Le premier chapitre vise d'abord à préciser le contexte et à présenter en détail le cadre conceptuel du sujet. Le deuxième chapitre est consacré à la présentation des données qualitatives recueillies sur le terrain par les entrevues semi-dirigées. Le troisième chapitre porte sur l'analyse, l'interprétation et l'explication de ces données à travers le cadre théorique afin de répondre à la question de recherche. Une brève conclusion clôturera l'ensemble du travail réalisé dans ce projet de recherche. CHAPITRE 1 LE PARTENARIAT D'AFFAIRES ET LA MÉDIATION CIVILE ET COMMERCIALE (CADRE CONCEPTUEL DE RÉFÉRENCE) Ce chapitre vise principalement à définir le cadre conceptuel utilisé dans ce projet de recherche et à dégager les variables à mesurer in situ par les entrevues semi-dirigées, tout en répondant à la première question spécifique de recherche. En premier lieu, il est important de préciser le contexte dans lequel les activités d'approvisionnement d'HydroQuébec se développent afin de comprendre l'évolution de la politique d'acquisition de la société d'état. En deuxième lieu, on présente le concept du partenariat d'affaires tel que décrit par la littérature de gestion et par les divers documents d'Hydro-Québec. En troisième lieu, on expose la nature de la médiation préconisée comme mode de règlement des différends dans une relation de partenariat. Enfin, une réflexion sera faite sur la relation entre le partenariat et le modèle de médiation proposée en vue d'élucider la première question spécifique de recherche, à savoir : Au point de vue théorique, y a-t-il un lien nécessaire entre le partenariat et la médiation, et si oui, pour quelle forme de médiation? 1.1 Le contexte du marché de l'approvisionnement d'Hydro-QuébecHydro-Québec est une société d'État à vocation commerciale, mandatée38 par le Gouvernement du Québec pour assurer principalement l'approvisionnement de l'ensemble de la collectivité québécoise en énergie électrique. Pour remplir sa mission, la Société d'État a choisi de développer et de mettre en valeur les ressources énergétiques sur le territoire du Québec. À cet effet, elle est supportée par deux filiales, soient Hydro-Québec Équipement et la Société d'Énergie de la Baie-James39 communément appelée S.E.B.J. et dont la mission est de réaliser les projets d'ingénierie et de construction des aménagements de production hydroélectriques et du transport électrique au Québec. Ces deux divisions sont mandatées pour réaliser les grands projets de constructions qui totalisent environ deux milliards de dollars par année40. Ces deux entreprises, maîtres d'oeuvre des projets de construction d'Hydro-Québec, doivent se maintenir à la fine pointe de la technologie en 38 Québec, Gouvernement du Québec. Loi sur Hydro-Québec, L.R.Q., chapitre H-5, Article 3.1.1. « La Société est, pour les fins de la présente loi, un mandataire de l'État et l'a toujours été depuis le 14 avril 1944». 39 Ibid., Article 39.1, Objets de la Société d'Énergie de la Baie-James. 40 Hydro-Québec (2006) Plan stratégique 2006-2010, Montréal. recherchant constamment des solutions pour réduire les coûts et les délais des travaux, tout en procurant à Hydro-Québec des équipements performants41. Ainsi, les projets sont réalisés en étroite collaboration avec les partenaires de l'industrie et du milieu, selon des critères de rentabilité et d'intégration au point de vue social et environnemental42. C'est dans cette optique qu'Hydro-Québec annonce demeurer au service du Québec et qu'elle est résolument tournée vers l'avenir pour créer de la richesse dans un partenariat profitable avec les fournisseurs et l'ensemble de la collectivité. D'ailleurs, cette volonté est clairement annoncée par la vision que la société d'état s'est donnée pour exprimer ses valeurs et ses orientations stratégiques. À cet effet, Hydro-Québec déclare « Par notre vision, nos valeurs et les principes énoncés dans nos politiques, nous voulons témoigner de notre volonté d'être une entreprise dynamique, à l'avant-garde sur le plan technologique et au coeur des grands changements qui marqueront l'évolution de notre industrie et de notre société >>. 43 Cela fait en sorte qu'aujourd'hui, Hydro-Québec se trouve directement concernée par la volatilité du marché d'approvisionnement de ses équipements où elle doit gérer le risque de pénurie qui se pointe désormais à l'horion. Cet enjeu préoccupe les acteurs d'affaires nationaux par les activités de construction importantes dans l'ouest canadien, en raison du boom pétrolier d'Alberta qui draine des ressources importantes provenant d'autres provinces. Dans sa chronique dans ledevoir.com, édition du lundi 28 août 2006, Éric Desrosiers écrit : « En regardant l'Alberta, c'est l'avenir du Canada que l'on regarde, affirmait la semaine dernière le Globe and Mail dans un dossier sur le sujet. Pas que les chapeaux de cow-boys seront bientôt à la mode à Montréal, ni que l'Île-du-PrinceÉdouard abandonnera la culture de la pomme de terre pour l'exploration pétrolière. C'est plutôt de pénurie de main-d'oeuvre qu'il est question.>> Ainsi, le vieillissement de la population québécoise et le départ massif à la retraite des baby-boomers sont aujourd'hui une réalité inquiétante pour l'ensemble de l'industrie de la construction au Québec. Selon le magazine de l'association de l'industrie électrique du Québec CHOC, depuis quelques années, la pénurie de main-d'oeuvre est un sujet chaud qui 41 Montréal, Hydro-Québec (s. d.) Site d'Hydro-Québec, [En ligne] http://www.hydroquebec.com/profil/ hqequipement.html. 42 Ibid. 43 Montréal, Hydro-Québec (s. d.) Site d'Hydro-Québec, [En ligne] http://www.hydroquebec.com/ publications/fr/politiques/index.html. préoccupe plusieurs employeurs44. À cet effet, Louis St-Arnaud, président directeur général d'Arno électrique, un important partenaire fournisseur d'Hydro-Québec, souligne45 que le nombre de monteurs de ligne inscrit à la CCQ est passé de 1300 qu'il était en 1994 à environ 600 en 2003, ce qui fait que la pénurie de main-d'oeuvre dans ce secteur constitue un véritable casse-tête pour les entrepreneurs québécois. Aussi, les acteurs internationaux de l'industrie où évolue Hydro-Québec ne sont pas en reste et sont inquiets de la disponibilité de fournisseurs qualifiés et spécialisés et de l'augmentation des coûts de la fourniture d'équipements électriques majeurs en raison de la fulgurante croissance des pays émergents (Les BRIC), le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine. Par ailleurs, une étude de KPMG LLP46, publiée le 22 mars 2007, révèle qu'une pénurie grave d'entrepreneurs qualifiés constitue la barrière principale au développement de nouveaux projets de construction. À ce sujet, Richard Whittington de KPMG LLP au Royaume-Uni témoigne que de plus en plus de sociétés cherchent à s'attaquer à la pénurie de travailleurs qualifiés. C'est dans un tel contexte qu'Hydro-Québec est appelé à réaliser ses projets annoncés dans son plan stratégique afin d'assurer son développement et satisfaire la demande croissante de ses clients. Pour faire face aux défis posés par un tel contexte, plusieurs penseurs préconisent de nouvelles relations d'affaires entre les donneurs d'ouvrage et leurs fournisseurs. Choisir leurs fournisseurs strictement en fonction de leurs prix et de leur capacité à respecter les engagements est une approche qui va à contre-courant des tendances de l'heure47 : « Il ne faut plus penser aux fournisseurs comme à des entités interchangeables. Partout dans le monde, on évolue vers une logique de collaboration à long terme >>48. Dans le même sens, Philipe Hoste, chef de la direction de Sonaca NMF Canada, un fournisseur d'importants clients comme Bombardier, s'interroge sur la question en disant : « Pourquoi moi, un fournisseur, me lancerais-je dans certains développements, si dans un an le couperet risque de m'éliminer?49 >>. D'un autre côté, monsieur PierreAndré Julien, professeur émérite à l'Institut de recherche de l'Université du Québec à Trois-Rivières, mentionne que l'entreprise intelligente est celle qui choisira ses 44 CHOC, magazine 23, no.1, Juin 2005. 45 Ibid. Louis St-Arnaud. La construction des ouvrages énergétiques et la pénurie de main-d'oeuvre spécialisée. 46 KPMG International, 22 mars 2007. C'est un réseau de cabinets belges indépendants qui fournissent des services en matière d'audit, de fiscalité et de conseils financiers. Il est présent dans 148 pays avec plus de 113 000 professionnels. 47 Les affaires.com, 1er décembre 2007, Fournisseur et partenaire. 48 Ibid. Mehran Ebrahimi, professeur au Département de management et de technologie de l'UQAM. 49 Ibid. fournisseurs en tenant compte de la richesse d'information et d'expertise qu'ils peuvent lui apporter, et tâchera d'en faire des partenaires dans son activité de veille stratégique50. Ainsi, cette démarche ouvre la porte à un véritable partenariat d'affaires et s'inscrit dans une philosophie de collaboration à long terme entre l'acheteur des biens et services et ses fournisseurs. Dans un tel contexte, Hydro-Québec a annoncé, le 13 août 2004, dans les principes généraux de ses politiques, que le coût le plus avantageux remplacera désormais le moindre coût. Car le choix systématique du plus bas soumissionnaire s'est souvent soldé par des coûts afférents importants pour Hydro-Québec, notamment au niveau des frais d'exploitation. Par ailleurs, la société d'État évolue dans un contexte qui est déterminé par la cadre de la Loi sur la Régie de l'énergie, par ses engagements envers ses clients, par l'environnement compétitif des marchées de l'énergie et par les politiques de son actionnaire principal, le gouvernement du Québec. Aussi, Hydro-Québec occupe une place du premier plan sur la scène québécoise. Cela tient à la fois au caractère essentiel du service qu'elle fournit, à l'ampleur de son réseau et au rôle important qu'elle joue dans la création de la richesse et dans le développement économique du Québec. Pour remplir sa mission, la société d'État opère dans un contexte réglementaire et elle est soumise à des enjeux sociaux, économiques et technologiques qui sont en perpétuelle mutation. |
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