2.2.2.1.3 L'ACTION
Aux notions de situation et de ressources doit être
jointe celle de l'action entreprise pour construire des compétences.
L'action permet l'articulation et le déploiement des ressources dans une
situation. Masciotra (2006) prend l'exemple de l'action du jongleur dans une
situation de jonglerie. Sans l'action du jongleur, il n'y a pas de situation de
jonglerie. La situation est générée par l'acte.
« Les actions du jongleur et la circulation des balles sont
constitutives de la personne-en-situation, ils forment un même
système complexe, un couplage structurel que Varela (1989) traduit par
le terme « énaction ». Dans le couplage structurel, l'esprit
et le monde sont inséparables : ils ne s'opposent pas, ils se composent
mutuellement » (Masciotra, 2006).
La notion d'énaction (Varela 1993) rend compte de
l'indissociable relation entre l'action de la personne et la situation. Ce
terme vise à « souligner la conviction croissante selon
laquelle la cognition... est l'avènement conjoint d'un monde et d'un
esprit à partir de l'histoire des diverses actions qu'accomplit un
être dans le monde » (Varela, 1993, p. 35).
Par le concept d'énaction, Varela entend
réconcilier les sciences cognitives avec l'expérience humaine.
Est mis en question le présupposé qui postule que
« la cognition consisterait en la représentation d'un
monde indépendant de nos capacités perceptives et
cognitives » (ibidem, p. 23).
Varela adopte une voie moyenne entre le paradigme objectiviste
et réaliste selon lequel la cognition est la reconstitution d'un monde
prédonné et le paradigme subjectiviste et idéaliste
postulant que la cognition est la projection d'un monde intérieur
prédonné.
Ces deux approches de la cognition tiennent la
représentation soit comme instrument de reconstitution de ce qui est
extérieur, soit comme instrument de projection de ce qui est
intérieur. Varela se dégage de cette notion de
représentation qu'il juge limitative pour proposer une voie
médiane : la co-émergence d'un esprit et d'un monde par
l'action d'un sujet percevant en situation.
La cognition est pour Varela une « action
incarnée » car l'esprit est présent dans le corps qui
le produit. Le mot « incarné » souligne que la
cognition « dépend des types d'expérience qui
découlent du fait d'avoir un corps doté de diverses
capacités sensori-motrices ... (lesquelles) s'inscrivent
dans un contexte biologique, psychologique et culturel plus large »
(ibidem, p. 234). Le mot « action » signifie
que « les processus sensoriels et moteurs, la perception et
l'action sont fondamentalement inséparables dans la cognition
vécue » (ibidem).
L'énaction se définit donc comme
« l'étude de la manière dont le sujet percevant
parvient à guider ses actions dans sa situation locale »
(ibidem, p. 235).
Dans la perspective énactée, toute connaissance
est une connaissance en action et en situation.
La compétence est énactée car elle repose
sur sa mise en oeuvre par la personne dans une situation d'action.
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