SECTION Il : INDEPENDANCE FONCTIONNELLE
L'indépendance fonctionnelle, faut-il le rappeler,
concerne la liberté
d'action opérationnelle de la Banque centrale. Elle se
mesure à la fois à travers les missions et buts de la Banque
Centrale, la responsabilité exacte de celle-ci en matière de
politique monétaire et son autonomie financière propre.
II.1. Mission et responsabilité de la politique
monétaire
Plus la mission de la Banque Centrale est précise (la
seule stabilité des prix par exemple), plus son indépendance tend
à être assurée, quelle que soit par ailleurs la situation
de la Banque au regard des autres critères. Quant à son
rôle dans la politique monétaire, elle peut en avoir la
responsabilité complète, c'est-à-dire fixer les objectifs
et contrôler les moyens ou se contenter de participer à son
élaboration sous la responsabilité du Gouvernement.
D'une manière générale, les banques
centrales qui jouissent d'une plus grande indépendance formelle ont
tendance à avoir un objectif statutaire macro-économique qui est
assez étroitement axé sur la stabilité de la valeur
intérieure, et éventuellement extérieure de la
monnaie.((*)26)
En effet, le bon fonctionnement d'une économie de
marché exige une monnaie nationale stable. Cette stabilité tant
interne qu'externe de la monnaie constitue la principale mission reconnue et
dévolue à toute Banque centrale. La politique monétaire
que cette institution met en oeuvre ne peut atteindre effectivement ces
objectifs que, si elle n'est pas assujettie aux impératifs d'une autre
politique. Cette condition implique que la Banque Centrale puisse
contrôler, sans interférence aucune, toutes les sources de
création monétaire ainsi que l'affectation des ressources
monétaires à injecter dans l'économie.
Dans la pratique, l'autonomie de la décision des
banques centrales en matière de politique monétaire
s'apprécie essentiellement à la mise en place et au maniement des
instruments appropriés. Il serait ainsi aberrant de voir
l'autorité politique se mêler de la modification au jour le , par
exemple, des taux de réescompte ou taux de réserve obligatoire ou
encore des taux d'intérêt applicables.((*)27)
Ces quelques considérations théorique montrent
l'intérêt d'assigner à la politique monétaire d'une
banque centrale indépendante, l'objectif statutaire unique clairement
définie d'assurer la stabilité monétaire.
Toutefois, il y a lieu de relever que ces critères que
nous venons d'analyser se réfèrent au cas extrême ou
idéal d'autonomie d'une Banque centrale. Voyons à présent
quelques cas pratiques d'indépendance fonctionnelle des banques
centrales.
II.2. Cas pratiques d'indépendance
fonctionnelle
Le degré d'autonomie d'une banque centrale varie
d'après les pays:
La Bundesbank, en Allemagne ,et la Banque Nationale de Suisse
(BNS) sont considérées comme les plus indépendantes des
banques centrales. La première n'est pas tenue de prendre en
considération la politique gouvernementale si celle-ci est incompatible
avec le rôle statutaire qui lui est dévolu de préserver la
stabilité de la valeur extérieure et intérieure de la
monnaie, tandis que la B.N.S est appelée à consulter le
gouvernement fédéral mais peut se passer de son approbation.
Viennent ensuite les banques centrales qui disposent, en
pratique, un degré d'autonomie supérieure à celui
prévu dans les dispositions statutaires qui les régissent. Il
s'agit de la Federal Reserv Bank (Etats-Unis) et de la Banque du Japon.
Ces Banques sont suivies de celles qui jouissent d'une
indépendance formelle telle que les Banques Centrales de la Nouvelle
Zélande, des Pays-Bas et du Chili. Ces Banques bénéficient
d'une forte autonomie en matière monétaire mais le gouvernement
peut passer outre leurs décisions.
A l'autre extrémité se trouvent des banques
centrales, telles que celles d'Angleterre et de la France qui se limitent
à donner des avis sur la politique monétaire qu'elles sont en
outre chargées de mettre en oeuvre. La responsabilité des
importantes décisions incombe au gouvernement.
II.3. Limitation du financement des
gouvernements
L'ampleur des restrictions légales sur le financement
des gouvernement peut constituer un aspect important de l'indépendance
de la politique monétaire. Le Chili, par exemple, dispose d'un
régime particulièrement restrictif dans ce domaine puis qu'il est
interdit à la Banque Centrale de financer directement ou indirectement
les dépenses publiques (sauf en période de guerre) et d'acheter
les effets émis par le gouvernement, ses agences ou ses
entreprises.((*)28)
61
Dans d'autres pays comme l'Allemagne, la Suisse et la France,
la législation limite strictement les crédits octroyés
directement par la Banque Centrale au gouvernement. Toutefois comme le
soulignent Mc Branco et M. Swinburne, il est permis de douter de
l'efficacité technique des limites statutaires imposées à
l'octroi de crédits aux gouvernements même si elles peuvent
sembler apparemment importante. En effet, ces auteurs montrent qu'elles
risquent de ne pas être particulièrement efficaces en pratique si
la Banque Centrale n'est pas indépendante. Mais à condition
d'être réellement respectées, elles pourraient
néanmoins contribuer utilement à la rigueur monétaire dans
le cas d'une banque centrale non indépendante dans un pays où
les marchés financiers sont relativement moins bien
développés.
II.4. Autonomie de gestion de la Banque
Centrale
Quel que soit le degré de l'indépendance de
la politique monétaire, les
banques centrales jouissent généralement d'une
large autonomie financière par rapport aux gouvernements et,
en particulier, elles disposent généralement d'un budget
propre qui leur permettent d'effectuer des dépenses au vu de leurs
recettes. L'autonomie de gestion implique donc une entière
responsabilité de la Banque Centrale dans l'exécution de son
compte d'exploitation et de la prise en charge éventuelle de son
déficit.
Toutefois, il est à craindre que, si une Banque
Centrale est indépendante sur le plan politique mais non sur le plan
budgétaire, le gouvernement puisse indirectement et indûment
influer sur sa politique en limitant son accès aux ressources.
Comme on pourrait le remarquer à partir du tableau qui
suit, la mission essentielle d'une Banque Centrale est de veiller à la
stabilité de la monnaie. C'est le cas notamment des différentes
Banques Centrales citées ci-dessous. En ce qui concerne la
compétence en matière monétaire, celle-ci est
partagée au niveau de la Federal Reserv et de la Banque du Japon. Tandis
qu'au niveau de la Bundesbank et de la Banque de France, la compétence
en matière monétaire est totale. Enfin, les restrictions en
matière d'avances directes à l'Etat sont strictes au niveau de la
Banque de France, de la Bundesbank et de la Banque de Japon.
Tableau n°14 : Indépendance
fonctionnelle des Banques Centrales
|
ETATS-UNIS
Federal System Reserv.
|
ALLEMAGNE
Bundesbank
|
JAPON
Banque du Japon
|
ROYAUME-UNI
Banque d'Angleterre
|
FRANCE
Banque de France
|
· Principal objectif statutaire
|
· Pluralité d'objectifs : plein emploi,
stabilité des prix, modération des taux d'intérêts
à long terme
|
· Sauvegarder la monnaie
|
· Pluralité d'objectifs : croissance,
stabilité des prix
|
· Aucun, mais, implicitement, sauvegarder lamonnaie
|
· Assurer la stabilité des prix
|
· Compétence formelle générale en
matière monétaire
|
· Partagée
|
· Oui
|
· Partagée
|
· Non
|
· Oui
|
· Services rendus à l'Etat (avances ou
crédit à l'Etat)
|
· Pas d'avances directes à l'Etat ; avances
indirectes par le biais des bons
|
· Avances à l'Etat fédéral et aux
administrations ayant déposé leurs fonds (principe de
l'obligation de dépôts) limités par les plafonds.
|
...
|
...
|
· Avances à l'Etat : plafond fixe.
|
|
Source : d'après le rapport (1992) du
Conseil National du Crédit et la Présentation de J.P. PATAT
(1992). II.5. Indépendance fonctionnelle de la
Banque Centrale du Congo
L'indépendance fonctionnelle
de la Banque centrale ne eut se concevoir qu'en se
référant d'abord à une mission bien
déterminée. Dans la plupart des cas, la mission essentielle dont
les banques centrales sont formellement et clairement investies est celle de
veiller à la stabilité monétaire.
En ce qui concerne la Banque Centrale du Congo, son objet
ou sa mission est clairement défini. En effet, l'article 2 de ses
statuts stipule que la banque a « pour objet essentiel de maintenir
la stabilité monétaire par une politique de change et du
crédit favorable au développement équilibré de
l'économie... Son action s'inscrit, par ailleurs, dans le cadre de la
politique économique du Gouvernement de la République»
.
En ce qui concerne son rôle dans la politique
monétaire, la Banque Centrale du Congo joue officiellement le rôle
de conseiller de l'Etat. C'est dire que l'étendue de ses pouvoirs
s'arrête aux avis même si en réalité la politique
monétaire est conçue par elle et approuvée par le
gouvernement.
Depuis plusieurs années, cependant, la Banque
Centrale n'a pas pu atteindre ses objectifs principalement à cause de
l'incohérence des politiques monétaire et budgétaire mises
en oeuvre.
En effet, comme on l'a vu plus loin, la politique
monétaire qu'une Banque Centrale met en oeuvre ne peut atteindre
effectivement ces objectifs que si elle n'est pas assujettie aux
impératifs d'une autre politique. Dans le cas particulier de notre pays,
la conduite efficace de la politique monétaire a été
handicapée, pendant plusieurs années, par la subordination de
celle-ci aux impératifs de la politique budgétaire. Or, les
insuffisances et dérapages de cette dernière politique
constituent l'élément déterminant des
déséquilibres qui affectent l'économie de notre pays
voilà plus d'une décennie. En effet, le non respect, depuis 1974,
des dispositions statutaires en matière de recours du Trésor au
financement monétaire s'est accompagné d'une évolution
préoccupante de l'inflation et de la croissance économique. Tous
ces faits sont illustrés dans le tableau n° 15.
Par ailleurs, l'examen de la situation de la Banque
Centrale du Congo, au regard du critère de financement des
gouvernements, conforte la position de certains auteurs qui doutent de
l'efficacité technique des limites statutaires imposées à
l'octroi des crédits aux gouvernements. En effet, selon Mc Branco et M.
Swinbume, les restrictions légales en matière de financement par
les banques centrales se révèlent inefficaces en pratique lorsque
la Banque Centrale ne jouit pas d'une indépendance effective.((*)29) La situation de la Banque
centrale du Congo constitue, à cet égard, un exemple notable.
En matière d'avances consenties à l'Etat, la
règle cardinale est contenue dans l'article 22 alinéa 1, des
statuts de la Banque centrale du Congo. En effet, selon ses statuts, pour
permettre à l'Etat de faire face aux fluctuations de ses recettes
ordinaires, la Banque centrale peut lui consentir des avances directes pour un
montant n'excédant pas les 15% des recettes fiscales annuelles moyennes,
calculées sur la base de trois derniers exercices. Cette disposition n'a
jamais été respectée par la Banque à cause des
pressions exercée par le Trésor sur l'institut d'Emission. Bien
plus, le non respect de cette disposition statutaire témoigne de
l'absence d'une autonomie effective de la Banque Centrale vis-à-vis des
pouvoirs publics. En effet, celle-ci n'a jamais su faire respecter le plafond
du crédit octroyé au Trésor.
En définitive, il apparaît clairement que les
limites statutaires imposées à l'octroi de crédit au
Gouvernement n'a jamais constitué un aspect important de
l'indépendance de la politique monétaire dans notre pays.
Tableau n°15 : Evolution des
indicateurs économiques du Congo
Années
|
Plafond statutaire du financement monétaire (en
millions de Z)
|
Financement monétaire effectif (en millions de Z)
|
Taux d'inflation
(en %)
|
Taux de croissance économique (en %)
|
1967
|
7,3
|
2,9
|
13,6
|
-0,98
|
1968
|
10, 6
|
7,5
|
76,4
|
9,06
|
1969
|
17,7
|
-
|
6,6
|
9,80
|
1970
|
28,1
|
13,7
|
3,1
|
0,6
|
1971
|
33,5
|
53,9
|
9,15
|
0,8
|
1972
|
37,8
|
27,2
|
11,13
|
0,3
|
1973
|
39,6
|
28,5
|
10,01
|
8,2
|
1974
|
45,8
|
206,8
|
25,1
|
-5,1
|
1975
|
52,8
|
115,8
|
47,5
|
-5,0
|
1976
|
58,7
|
348,9
|
67,04
|
-5,3
|
1977
|
65,5
|
309,6
|
68,24
|
0,8
|
1978
|
78,4
|
517,3
|
48,60
|
-5,3
|
1979
|
93,1
|
454,3
|
109,1
|
0,3
|
1980
|
166,5
|
238,4
|
41,7
|
9,4
|
1981
|
318,7
|
1.458,3
|
34,9
|
0,94
|
1982
|
515,5
|
3.267,7
|
37,3
|
-0,45
|
1983
|
723,0
|
2.589,4
|
75,8
|
1,40
|
1984
|
1.103,1
|
2.993,4
|
52,2
|
5,1
|
1985
|
2.199,4
|
1.250,7
|
23,7
|
0,46
|
1986
|
8.011,4
|
9.746,0
|
33,9
|
4,70
|
1987
|
5.992,1
|
8.363,0
|
77,1
|
2,57
|
1988
|
5.033,4
|
103.178,0
|
94,2
|
.0,57
|
1989
|
13.411,1
|
31.700,0
|
56,04
|
-1,40
|
1990
|
29.747,6
|
498.700,0
|
264,90
|
-6,6
|
1991
|
58.842,9
|
22.664.917,6
|
4.228,5
|
-8,4
|
1992
|
8.279.626,5
|
696.908.000,6
|
2.989,6
|
-10,5
|
1993
|
174.270.000,0
|
11.724.554.000,0
|
4.651,7
|
-13,5
|
1994
|
58,09
|
133.624
|
9.796,9
|
-3,9
|
1995
|
31.431,2
|
-
|
370,3
|
-0,6
|
|
Source: Banque Centrale du Congo / Rapports
annuels
* En millions de NZ à partir de
1994.
De 1967 à 1973, le tableau n°15 nous
révèle que l'économie congolaise, bien qu'instable
était encore enviable. Le financement monétaire par la Banque
Centrale est restée en général inférieur au plafond
de 15% sauf en 1971. Quant au taux d'inflation, il est resté aussi en
général dans les bonnes limites de 0 à 20%, sauf en 1968
où il a atteint 76%. Quoique négatif en 1967, le taux de
croissance économique pendant cette période est resté
aussi en général positif, ce qui explique la
prospérité relative que le pays a connu alors.
La situation commence à se dégrader à
partir de 1974 où le financement monétaire en faveur de l'Etat a
largement dépassé le plafond de 15% fixé dans les statuts
de la Banque Centrale. Pour situer le degré de la
détérioration de la situation, prenons l'exemple de l'exercice
1994. Cette année là, le plafond statutaire des avances
susvisées était évalué à 58 millions de NZ.
En réalité, les avances de la Banque Centrale au Trésor
ont atteint 133.624,0 millions de NZ soit un dépassement de
133.566 millions de NZ. avec un taux de croissance économique
de -3,9 et un taux d'inflation record de 9.796,7%.
II.6. Autonomie de gestion de la Banque Centrale du
Congo.
Revenons à présent à l'article premier
que pose l'autonomie de gestion même de la Banque centrale. Il stipule
que « la Banque centrale est une institution de droit public
dotée d'une autonomie de gestion ». A ce
titre, elle dispose d'un budget propre qui lui permet d'effectuer des
dépenses au vu de ses recettes. Cette autonomie de gestion concerne
également la gestion de ressources tant intérieure que
extérieure. A ce sujet, la Banque Centrale doit avoir les mains
totalement libres dans la location des ressources, la priorité
étant réservée aux secteurs productifs. Mais cette
autonomie de gestion a-t-elle été de mise en pratique?
Dans l'exécution de ses tâches
journalières en rapport avec l'encadrement du crédit et de la
défense de la monnaie, la gestion des devises, les initiatives de la
Banque Centrale ne devraient souffrir d'aucune interférence
extérieure d'une institution étatique quelconque. Or, la main
mise de l'Etat dans la gestion peu orthodoxe de ressources tend cependant
à vider de son sens cette autonomie de gestion. En effet, les
perturbations de ce dernier apparaissent dans la location de ressources tant
intérieure qu'extérieure.
En effet, l'Etat s'est arrogé, au fil des
années, une part importante du crédit intérieur qui a
servi pour l'essentiel à la couverture des déficits
budgétaires. La présence perturbatrice de l'Etat est encore
remarquable dans l'exécution du budget en devises de la Banque Centrale
du Congo. Depuis 1991, les dépenses gouvernementales hors dette
extérieure dépassent en importance les interventions de la Banque
Centrale sur le marché des changes. Tous ces faits sont illustrés
dans les deux tableaux ci-dessous.
Tableau n°16 : Evolution du
crédit intérieur (en milliards de Z)
Année
|
Crédit à l'Etat
|
En % du crédit intérieur
|
Crédit à l'éco.
|
En % du crédit intérieur
|
Crédit intérieur
|
1989
|
86
|
54
|
74
|
46
|
160
|
1990
|
549
|
78
|
154
|
22
|
703
|
1991
|
23.303
|
91
|
2.389
|
9
|
25.692
|
1992
|
706.447
|
93
|
51.480
|
7
|
757.927
|
1993
|
12.506.130
|
92
|
1.040.940
|
8
|
13.547.070
|
1994*
|
155.727
|
65
|
82.615
|
35
|
238.342
|
1995*
|
109.481
|
16
|
563.802
|
84
|
673.283
|
|
Source : Banque Centrale du Congo
* En millions de nouveaux
zaïres.
Tableau n°17 : Evolution du
budget en devises de la Banque Centrale
du Congo en millions de
dollars U.S)
|
1989
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
1995
|
RUBRIQUES
RECETTES
|
1.290,6
|
n.d
|
493,3
|
270,7
|
88,6
|
58,3
|
163,8
|
DEPENSES
|
765,0
|
n.d
|
581,9
|
273,2
|
117,0
|
65,2
|
162,2
|
· Banque C.C.
|
44,2
|
n.d
|
190,9
|
114,9
|
73,7
|
34,2
|
87,2
|
· Gouvernement
|
176,9
|
n.d
|
183,0
|
110,2
|
30,7
|
17,9
|
50,0
|
· Intervention sur le marché des changes
|
378,7
|
n.d
|
151,1
|
47,7
|
9,3
|
2,9
|
15,9
|
· Dette extérieure
|
165,2
|
n.d
|
90,2
|
28,4
|
7,7
|
-
|
0,2
|
|
Source : Banque Centrale du Congo
Commentaire
Comme le montre le tableau n° 16, l'évolution de
l'encours du crédit intérieur met en exergue la part
considérable des ressources disponibles absorbées par l'Etat. Au
cours de six dernières années, la structure du crédit
à l'intérieur montre que l'Etat absorbe en moyenne 72 ,5% de
crédit, laissant les ménages et les entreprises se partager le
reste.
Par ailleurs, l'exécution du budget en devises de la
Banque Centrale du Congo , au cours de ces dernières années,
montre que très peu de moyens ont été alloués
à la défense de la monnaie. Les seules dépenses de la
Banque Centrale et celles du Gouvernement ont même dépassé
les recettes de l'année 1993.
Pour illustration de la main mise directe du Gouvernement
dans la gestion interne de la Banque Centrale, nous avons retenu l'exemple des
mesures conservatoires prises par le gouvernement Kengo le 20 juin 1994,
après que celui-ci ait été nommé premier ministre.
En effet, au lendemain de sa nomination par ordonnance présidentielle,
le premier ministre élu par le HCR-PT, monsieur Kengo wa Dondo, avait
pris une série de mesures conservatoires relatives à la Banque du
«Zaïre» et aux services mobilisateurs des ressources de l'Etat.
Mais nous allons nous intéresser ici qu'aux mesures relatives à
la Banque centrale. Concernant cette dernière, les quelques mesures
arrêtés ont été les suivantes :
Suspension de toute les dépenses émergeant aux
comptes propre de la Banque Centrale quelqu'en soit le
bénéficiaire;
Suspension de toute nouvelle émission monétaire
ainsi que l'octroi des nouvelles avances à l'Etat;
Suspension de toutes les opérations en cours portant
sur l'or et le diamant ainsi que tout mouvement de compte ad hoc.
Pour effectuer l'une des opérations ci-dessus, la
Banque centrale devait obligatoirement se concerter avec le premier
ministre.
Au regard de certaines mesures prises à
l'époque par le premier ministre Kengo, il apparaît une
contradiction flagrante avec certaines dispositions statutaires de la Banque
centrale. En effet, au regard de l'article premier de ses statuts, la Banque
centrale est dotée d'une autonomie de gestion. A ce titre, elle dispose
d'un budget propre qui lui permet d'effectuer les dépenses au vu de ses
recettes. Il était dès lors moins aisé de comprendre que
pour toute dépense de fonctionnement de cette institution, même
à caractère urgent, la Banque centrale puisse requérir
obligatoirement l'autorisation du premier ministre.
Bien plus, l'une des mesures relevé ci-haut risquait
enfin de détériorer les relations entre la Banque centrale et les
banques commerciales. En effet, ces dernières maintiennent des comptes
disponibles auprès de l'Institut d'Emission. Selon les règles
élémentaires de ces comptes, les banques commerciales ont droit
de disposer de ces ressources à leur gré. Cela devenait difficile
dès lors que l'aval du premier ministre était requit pour en
disposer
Ainsi, nous pouvons conclure que , malgré que la
Banque Centrale bénéficie d'une autonomie de gestion, l'immixtion
manifeste, ces dernières années, des pouvoirs
publics dans la gestion courante et l'affectation des signes monétaires
constitue une violation flagrante de cette disposition. Les pressions
incessantes exercées par le Trésor sur la Banque centrale pour
obtenir d'elle des avances destinées à financer les
déficits budgétaires constituent une illustration parfaite de
cette situation. Or, l'autonomie de gestion implique une entière
responsabilité de la Banque Centrale dans l'exécution de son
compte d'exploitation.
En définitive, le déséquilibre du compte
d'exploitation de l'institut d'Emission ne résulte pas seulement de la
divergence entre les recettes et les dépenses, mais il est
également la conséquence de la mainmise de l'Etat sur les
émissions monétaires. Car, faut-il le rappeler, les coûts
d'impression des signes monétaires constituent la cause principale du
déséquilibre du compte d'exploitation de la Banque centrale.
Nous ne saurons terminer la présente étude sans
proposer quelques pistes de solutions susceptibles d'aider la Banque Centrale
à retrouver son équilibre de gestion.
* (26) M. Castello-Branco et M.
Swinburne, op. cit., p. 21.
* (27) KABUYA KALALA, Op.
cit., p. 9.
* (28) Idem.
* (29) Idem.
|
|