Diagnostic de la situation financière de la Banque Centrale du Congo( Télécharger le fichier original )par Felix TSHIBANGU KOTA Université Protestante au Congo - Licencié en Administration des Affaires 1998 |
CHAPITRE IV :DE L'INDEPENDANCE DE LA BANQUE CENTRALE DU CONGO
SECTION I : INDEPENDANCE ORGANIQUE
Source : d'après le rapport (1992) du Conseil National du Crédit et la Présentation de J.P. PATAT (1992). Le tableau n013 reprend les conditions de nomination des dirigeants des banques centrales précitées. On note à partir de ce tableau que le pouvoir de nomination la Bundesbank tout comme à la Federal Reserv est fortement dispersé. La candidature du gouverneur, du vice-gouverneur et des membres du Conseil est approuvée par plusieurs organes avant la nomination par le président. Cette procédure assure l'indépendance des dirigeants vis-à-vis des pouvoirs politiques. Pour ce qui est de la Banque de France, d'Angleterre et du Japon, le pouvoir de nomination du gouverneur, du vice-gouverneur et des membres du Conseil n'est pas assez dispersé. Cette situation contraste quelque peu avec les mécanismes de dispersion des pouvoirs de nomination. Toutefois, les banques centrales de ces pays disposent d'autres critères sur le plan économique qui leur permettent d'être à l'abri des influences politiques. Dans le cas de la France, par exemple, les dispositions du système monétaire européen constituent, sans aucun doute, une importante source extérieure de discipline et expliquent en partie l'attachement à la rigueur financière. Le tableau n°13 reprend aussi les conditions d'exercice des fonctions des dirigeants des banques centrales. On note à partir de ce tableau que la garantie de longs mandats est assurée au niveau de ces 5 banques centrales. Par ailleurs, à l'exception du Japon, le mandat des dirigeants des quatre autres banques centrales est irrévocable. Cette disposition permet de garantir la sécurité juridique des instances dirigeantes. Toutefois, il y a lieu de noter que les critères d'indépendance organique sont généralement confortés par d'autres critères non institutionnels notamment l'indépendance d'esprit, la compétence professionnelle des dirigeants et le prestige de 1'lnstltut d'Emission. 1.5. Indépendance des dirigeants et prestige de l'Institut d'Emission. L'expérience d'un certain nombre de pays montre que la solidité d'une banque centrale et son aptitude à remplir correctement ses fonctions dépendent aussi de plusieurs facteurs non institutionnels. Le premier est l'indépendance d'esprit des dirigeants quels que soient l'orientation économique du pays et le degré d'autonomie de la Banque centrale. L'indépendance d'esprit est nécessaire pour la prise de décisions objectives et le poids d'un point de vue face aux influences politiques. Pour ce faire, les dirigeants de la Banque doivent avoir une forte personnalité et posséder des connaissances théoriques suffisantes pour comprendre et interpréter les phénomènes monétaires et financiers aux plans national et international. C'est grâce à son intelligence et sa forte indépendance d'esprit que WILHEM VOEKE, président de la Bank Deutcher Länder en 1948, a consolidé l'indépendance de cette dernière.((*)21) Un autre exemple est celui des membres qui siègent actuellement au conseil de la Bundesbank. Ces derniers sont respectés pour leur indépendance d'esprit. Le deuxième est la compétence professionnelle des dirigeants. La compétence professionnelle est un atout majeur à l'indépendance de l'autorité monétaire, car les phénomènes monétaires et financiers sont parfois d'une complexité inhabituelle qui sollicite au plus haut point le savoir-faire et le flair des décideurs.((*)22) Et souvent le maniement des instruments de politique monétaire relève moins des principes rigides des sciences économiques. Enfin ,le prestige de l'Institut d'Emission découle fondamentalement de la compétence professionnelle des dirigeants et la capacité de la Banque à préserver la stabilité des prix. En outre, ce prestige ne s'aliène pas mais s'acquiert au fil de temps. A la longue, il façonne le dirigeant en dépit de son profil d'avant la prise des fonctions de dirigeant de la Banque.
L'examen de la situation de la Banque Centrale du Congo au regard des critères d'indépendance organique permet d'apprécier le degré d'indépendance statutaire de notre Institut d'Emission. En ce qui concerne les conditions de nomination, les statuts actuels de la Banque Centrale, à l'article 41, stipulent que le Gouverneur et le vice-gouverneur sont nommés par le Président de la République, sur proposition du Gouvernement. Il y a donc concentration des pouvoirs de nomination dans le chef d'une seule autorité. Concernant leur mandat, celui-ci bien que long de 5 ans, est révocable. Cette situation contraste avec les mécanismes de dispersion des pouvoirs de nomination et de garantie des longs mandats qui assurent un degré d'indépendance élevé à certaines banques centrales réputées pour leur autonomie. Outre le critère de nomination des autorités monétaires et leurs mandats, l'existence d'un organe suprême tel le conseil de la Banque est un élément déterminant d'indépendance. En effet, le mode de nomination de ses membres et de renouvellement de leurs mandats ainsi que les conditions de fonctionnement conduisent à assurer une plus grande imperméabilité aux aléas politiques. A ce sujet, les statuts actuels de la Banque Centrale du Congo, à l'article 39, stipulent que le conseil est l'organe suprême qui établit la politique de la Banque et en contrôle la gestion.((*)23) S'agissant des conditions de nomination de ses membres, les statuts actuels de notre Institut d'Emission, à l'article 41, stipulent que les membres du conseil de la Banque sont nommés par le Président de la République sur proposition du Gouvernement pour un terme renouvelable de quatre ans. Donc, il y a également à ce niveau concentration des pouvoirs de nomination dans le chef d'une seule autorité. Cette situation contraste par ailleurs avec les mécanismes de dispersion de pouvoirs de nomination et de renouvellement des mandats qui assurent une plus grande imperméabilité aux influences politiques. Ce faisant, l'existence et le fonctionnement même de ce conseil ne garantit qu'une indépendance relativement faible à l'Institut d'Emission, car ce conseil est une émanation politique. Ces membres sont choisis par le Président de la République. L'indépendance de décision du Gouverneur est hypothéquée par la prééminence des pouvoirs d'un conseil qui peut surseoir ou annuler toute décision prise sans aval par l'autorité monétaire. L'exemple ci-dessous en donne la preuve : En vertu de l'article 40 des statuts de la Banque, il est stipulé que lors de la réunion du conseil présidée par le Gouverneur, un délégué du gouvernement puisse y assister. Celui-ci peut suspendre toute décision du conseil, et fait, dans ce cas, rapport au Gouvernement, qui en informe le Président de la République par un avis motivé. Le pouvoir de veto détenu par le représentant du gouvernement au conseil (sous réserve de la confirmation de cette décision par le Chef de l'Etat dans le délai d'une semaine) limite sérieusement l'autonomie de la Banque Centrale. Bien qu'une telle représentativité ne soit pas totalement à écarter, il conviendrait néanmoins de limiter sa participation à un simple rôle consultatif sans droit de vote. L'examen de la situation de notre Institut d'Emission au regard des critères statutaires d'indépendance organique montre le degré de dépendance élevé de la Banque Centrale du Congo vis-à-vis des pouvoirs politiques. C'est ce qui explique des nombreux dérapages constatés au niveau de notre institut d'Emission au cours de ces dernières années. En effet, c'est le Président de la République qui nommait les principales autorités de la Banque, et de façon discrétionnaire leur mandat était révocable. Ce qui explique le fait que certains mandats ont été anormalement réduits à moins de trois ans, d'autres à moins de deux ans. Bien plus, en lieu et place d'un seul vice-gouverneur prévu dans les statuts de la Banque Centrale, le Chef de l'Etat continuait à nommer un deuxième vice-gouverneur. Par ailleurs, il convient de souligner qu'au cours de sept dernières années, la Direction de la Banque Centrale a connu cinq changements; ce qui n'a pas beaucoup servi sa stabilité, sa gestion, le respect de son autonomie et la consolidation de l'autorité monétaire. Bien plus, les changements intervenus à ce poste ont coïncidé, dans la plupart des cas à l'avènement d'un premier ministre, alors que les responsables de la Banque Centrale jouissent d'un mandat légal de cinq ans. Résultats : ces hauts fonctionnaires étaient souvent obligés de se placer sous la protection, tantôt de la Présidence, tantôt d'un premier ministre - selon les rapports de force et les intérêts du moment - pour tenter de préserver leurs mandats. Le moins que l'on puisse dire est que, malgré l'interminable défilé de personnalités politiques ou techniques à la tête de l'Institut d'Emission, on a assisté, au cours de ces dernières années, à un laxisme déroutant dans la gestion monétaire du pays.((*)24) En ce qui concerne l'émission monétaire, par exemple, celle-ci trouvait sa contrepartie essentiellement dans les dépenses publiques exigeant les paiements cash dans un contexte marqué par la faiblesse des recettes fiscales. A la demande de l'Etat, la Banque Centrale a fait recours à l'émission monétaire, non seulement pour financer les dépenses publiques mais également pour entretenir les acteurs politiques de différentes coalitions gouvernementales. Notons que les gouverneurs de la Banque du Zaïre à l'époque étaient eux-mêmes membres de ces coalitions parce que proposés par chacune d'elles.((*)25)
* (21) DAVID March, La Bundesbank aux commandes de l'Europe, Ed. Berlin, 1993, p. 55. * (22) YAV KARL YAV, Op. cit., p. 10 * (23) BANQUE DU ZAÏRE, Statuts, 1993. * (24) KABUYA KALALA,
« L'autonomie de la Banque du Zaïre : mythe ou
réalité ? » in : Notes de conjoncture,
* (25) KOTO EY'OLANGA, « Indépendance de la Banque Centrale et gestion du policy mix », in : Notes de conjoncture, n° 30, février 1998, p. 17. |
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