Tel que nous venons de le voir, la
persistance du déséquilibre du compte d'exploitation de
l'Institut d'Emission n'est nullement le fait de la seule Banque Centrale. Les
responsabilités à ce sujet doivent être partagées
entre l'Etat, garant de l'ordre général, la Banque Centrale,
prêteur du dernier ressort et, bien sûr, les banques commerciales
qui sont censées vivre de la collecte de dépôts et de la
distribution des crédits. Chacun de ces acteurs n'a pas su jouer son
rôle au cours de ces dernières années. Toutefois, la
responsabilité de la Banque centrale mérite d'être
relativisée étant donné que les déficits
résultent de plusieurs facteurs dont certains relèvent plus de
l'Etat.
Premièrement, il faut noter qu'au cours de ces
dernières années, la structure des charges d'exploitation de la
Banque a été dominée par les frais d'émission des
signes monétaires. Or, la responsabilité de l'Etat dans
l'augmentation des émissions monétaires est engagée. Par
ailleurs, sachant que la seule monnaie de billets est
généralement acceptée en paiement, le gouvernement a
autorisé, au cours de l'année 1995, la paiement par
chèques des obligations fiscales et douanières. Ce faisant, la
quasi-totalité des recettes de l'Etat étaient
réalisées en monnaies scripturales. Ainsi, la Banque Centrale
s'est vue obligée d'imprimer davantage des signes monétaires pour
permettre à l'Etat d'effectuer ses dépenses.
L'alourdissement des charges d'exploitation de la Banque
Centrale du Congo s'explique également par la prise en charge des frais
financiers sur les découverts résultant des engagements
extérieurs pris par l'Institut d'Emission pour le compte de l'Etat.
C'est le cas notamment du paiement des commissions au F.M.I., dont la
contrepartie en monnaie locale est à charge de la Banque centrale. Ces
frais, au regard de la nature de l'engagement extérieur, devait en
principe être pris en charge par le trésor. Ce qui aurait permis
d'alléger, quelque peu, les charges d'exploitation de la Banque
Centrale.
La présence perturbatrice de l'Etat est
encore remarquable du côté des recettes d'exploitation de Banque
Centrale: en refusant de payer ou en payant modestement à sa guise les
intérêts sur les avances consolidées reçues de la
Banque Centrale, l'Etat a occasionné à la Banque un manque
à gagner d'environ 200 milliards de NZ. Or, les avances lui
accordées l'étaient presqu'exclusivement en
billets de banque, dont les coût d'impression ont
contribué au déficit de la Banque centrale, depuis 1994 jusqu'en
1996.
Ces avances restent un engagement indiscutable de l'Etat
vis-à-vis de son banquier . Au cours des années qui ont suivi la
consolidation des avances à l'Etat, en 1967, le gouvernement a
continué à payer les intérêts sur sa dette
consolidée. Ces intérêts ont constitué par moment la
source principale de recettes de la Banque. Il est donc injustifié que
l'Etat refuse de s'acquitter de ses intérêts sans pour autant
garantir à la Banque une autre source de recettes.
Mais, la Banque centrale elle-même est également
responsable du déséquilibre de son compte d'exploitation. D'abord
comptant sur des recettes faciles provenant des avances directes à
l'Etat, elle n'a plus jamais cherché à faire respecter le plafond
du crédit au Trésor, pourtant bien défini dans ses
statuts.
Ensuite, bien qu'étant elle-même au
départ privée de sa principale ressource (constituée des
intérêts jadis versés par l'Etat sur sa dette
consolidée), la Banque Centrale du Congo a favorisé la
« délinquance
financière » du système bancaire, dans la
mesure où elle a transformé le guichet des avances en compte
courant en une véritable source de recettes sous forme
d'intérêts et pénalités infligées aux
banques.
Enfin, les banques commerciales sont également
responsables de la détérioration financière de la Banque
Centrale à cause de leur endettement excessif auprès de cette
dernière. Les banques commerciales ne devraient pas continuer à
considérer la monnaie centrale comme leur principale ressource mais un
moyen d'appoint devant leur permettre de résoudre les problèmes
ponctuels de trésorerie.
De ce qui précède, il apparaît que la
responsabilité du déséquilibre du compte d'exploitation de
la Banque est partagée à la fois par elle-même, par les
banques commerciales et par le Gouvernement. Ce dernier en particulier ne peut
se dérober de la bonne gestion de l'Institut d'Emission pour plusieurs
raisons. D'abord la Banque est une institution de droit public et à ce
titre le Gouvernement en assure la tutelle. Ensuite, l'action du Gouvernement
ne peut nullement réussir sans le concours efficace de la Banque
centrale.
L'analyse du compte d'exploitation de la Banque Centrale, au
cours de la période sous revue, permet de tirer quelques conclusions
sur les postes de recettes et de dépenses qui ont été
à l'origine de l'aggravation du déficit.
Au niveau du crédit, ce sont les postes
ci-après qui ont déterminé de manière significative
les déficits de la Banque centrale: intérêts sur les
avances consolidées de l'Etat, intérêts sur les avances en
comptes courants et intérêts sur les opérations de change.
Au niveau du débit, les frais d'impression des signes
monétaires et les frais financiers représentent la part la plus
élevée de l'ensemble des charges. Notons par ailleurs que
l'augmentation des frais d'émission des signes monétaires, comme
on l'a vu plus loin, résulte principalement de l'augmentation du
crédit à l'Etat destiné à financer les
déficits budgétaires.
Dès lors, on peut se poser 1a question de savoir
pourquoi la Banque centrale accorde-t-elle de façon illimitée les
crédits à l'Etat? Décide-t-elle de son affectation ? Ces
préoccupations font appel à une question de fond : la Banque
centrale est-elle indépendante?
Ces interrogations nous amène à étudier,
dans le quatrième chapitre, la question de l'indépendance de la
Banque Centrale du Congo.