Ainsi que souligné ci-haut, les déficits du
compte d'exploitation de la Banque Centrale du Congo résultent de la
divergence fort prononcée entre révolution des dépenses
des recettes d'exploitation. Plusieurs facteurs expliquent cette
évolution divergente. Certains de ces facteurs sont liés aux
recettes d'exploitation tandis que d'autres figurent parmi les dépenses.
Nous essayons donc d'analyser dans ce qui suit, l'incidence de ces
différents facteurs sur le compte d'exploitation de la Banque Centrale
du Congo.
1.1. Facteurs liés aux recettes
d'exploitation
Plusieurs facteurs d'inégales importances ont
été, de façon complémentaire, à la base des
déficits de la Banque Centrale entre 1994 et 1996. Parmi ces facteurs on
peut relever principalement le refus de l'Etat de payer les
intérêts sur les avances consolidées reçues de la
Banque Centrale; le recours limité du Trésor aux avances de la
Banque centrale; la non-perception par la Banque de ses intérêts
sur les avances accordées aux banques en difficultés et enfin la
baisse sensible des produits provenant du refinancement des banques et des
opérations de change.
Le refus de I' Etat de payer les intérêts sur sa
dette consolidée constitue, en premier lieu, l'un des facteurs
déterminants des déficits de la Banque centrale du Congo. Pour
rappel, le gouvernement Kengo avait décidé en date du 28
décembre 1994 de consolider l'encours des
avances directes lui accordées par l'Institut d'Emission
lequel se chiffrait à 238.068,8 millions de NZ à fin
décembre de la même année. Ce montant englobait les avances
de la Banque Centrale cumulées à fin décembre
1994, soit 167.308,4millions de NZ et le
déficit d'exploitation de cette dernière pour l'exercice 1994
évalué à 70.759,9 millions de NZ.
Cette opération de consolidation répondait
à une double préoccupation, à savoir: prévenir un
alourdissement des charges financières de l'Etat et conformer. ces
rapports financiers avec la Banque Centrale aux dispositions
réglementaires qui le régissent.
Au cours des négociations entre l'Etat et la Banque
Centrale, un consensus s'était dégagé pour consolider les
avances directes à l'Etat sur une durée de 6 ans avec un
délai de grâce de 3 ans. Cependant, une divergence a vu le jour
autour du taux d'intérêt: le Trésor proposait un taux
d'intérêt de 8 % et la Banque Centrale un taux flexible
adossé à son taux de réescompte qui était de 125 %
l'an au second semestre 1995.
Devant l'impasse, le gouvernement a limité
d'autorité à 1 milliard de NZ par mois le montant des
intérêts à verser à la Banque Centrale alors qu'en
pratique, celle-ci a continué à calculer ses
intérêts sur la base du taux de 125 %. Ce qui donnait
mensuellement 17 milliards de NZ. La Banque débitait le compte du
Trésor de 1 milliard de NZ comme décidé par le
Gouvernement et comptabilisait 16 milliards de NZ dans le suspens à
régulariser.
La non-perception des intérêts
constitués par les suspens à régulariser a
occasionné à la Banque un manque à gagner d'environ 200
milliards NZ. Cet acte a permis par contre à l'Etat de
réaliser un excèdent budgétaire en 1995. Il s'est ainsi
produit, comme le fait remarquer LOLO MASSY((*)16) , un phénomène de transfert et de
dissimulation du déficit budgétaire dans les comptes de la Banque
Centrale.
Comme facteur additionnel aggravant du déficit du
compte d'exploitation en 1995, il y a lieu de mentionner la non perception par
la Banque Centrale de ses intérêts, de l'ordre de 385,8 milliards
de NZ, sur les avances accordées aux banques en difficultés.
Pour rappel, certaines banques commerciales parmi
lesquelles la BCA, la BZCE, la NBK et la SOZABANQUE ont été
contraintes, au cours de l'année 1995, de recourir massivement aux
avances de la Banque Centrale pour financer leur déficit d'exploitation.
Il sied d'indiquer l'essentiel de ces avances était accordé en
couverture du solde débiteur des banques à l'issue des
opérations journalières de compensation.
Mais, par manque de liquidités, ces banques
payaient leurs intérêts et les pénalités leur
infligé par le débit de leurs comptes des réserves libres,
du reste indisponible, auprès de la Banque Centrale. Autrement dit, les
paiements se faisaient par un simple jeu d'écriture. Or une bonne partie
des recettes de la Banque était composée des
intérêts sur ces avances. Ces recettes demeuraient fictives dans
la mesure où ces intérêts n'étaient pas
réellement perçus car, mobilisés sous forme de monnaie
scripturale. Cette insolvabilité a occasionné à la Banque
un manque à gagner d'environ 380 milliards de NZ.
Par ailleurs, la limitation stricte du Trésor de ces
avances auprès de l'Institut d'Emission constitue également l'une
des causes du déficit du compte d'exploitation de la Banque centrale. En
effet, conformément aux objectifs du programme de désinflation
rapide mise en oeuvre par le Gouvernement en 1995,
l'Etat n'a presque pas recouru aux avances directes du
système bancaire pour financer les dépenses publiques. Rappelons
que ce programme était basé, d'une part sur l'assainissement des
finances publiques, et d'autre part sur le contrôle des émissions
monétaires. En matière des finances publiques, le programme
visait la limitation des dépenses au niveau des recettes effectivement
recouvrées et l'élimination de tout financement monétaire
des opérations financières de l'Etat.
Or, depuis particulièrement 1991, les
intérêts sur les avances au Trésor constituent la
principale source de recettes de la Banque Centrale. A titre d'illustration,
ces intérêts ont représenté en moyenne 70% du total
des recettes de la Banque entre 1991 et 1994. En limitant
systématiquement ses avances auprès de la Banque Centrale,
l'Etat a privé cette dernière de sa principale source de
recettes. Ces intérêts n'ont représenté que 2% du
total des recettes de la Banque en 1995.
Enfin, il convient d'indiquer que l'amenuisement sensible des
recettes provenant du refinancement des banques et des opérations de
change constitue également un des facteurs déterminants des
déficits de la Banque Centrale du Congo.
S'agissant des produits provenant des intérêts
sur les opérations du refinancement des banques, leur diminution
progressive a été aggravée par la quasi-disparition des
activités du marché monétaire en banque consécutive
respectivement à la pénurie des signes monétaires au sein
du système bancaire et à l'inconvertibilité des
dépôts. Malgré la reprise de ces activités, à
partir du dernier trimestre 1994, les produits provenant du refinancement des
banques ont été insuffisants pour compenser les principales
sources des recettes précitées.
Par ailleurs, il convient de noter que la baisse des produits
provenant du refinancement des banques a été également
aggravée, au cours de ces dernières années, par une double
contrainte liée à la qualité du papier
réescomptable et à l'insuffisance des titres pour
nantissement.
Quant aux revenus provenant des intérêts sur les
avoirs et les opérations en monnaies étrangères
(redevances et commissions de change et intérêts sur les
placements extérieurs), leur diminution sensible a été
provoquée par la chute brutale des exportations et à
l'amenuisement des apports extérieurs.
1.2. Facteurs liés aux charges
d'exploitation
Pour ce qui est des charges d'exploitation, celles-ci ont
connu une forte expansion en raison essentiellement de l'accroissement des
frais d'impression des signes monétaires. Ces dépenses demeurent
importantes du fait de la persistance de la demande des signes
monétaires expliquée par les facteurs ci-après :
conversion en espèces des recettes scripturales de l'Etat et de la
Banque centrale, financement monétaire des déficits
budgétaires, couverture en billets de banque de différentes
opérations bancaires et la persistance de l'hyperinflation.
La mobilisation des recettes publiques sous forme
scripturale résulte des virements opérés, au cours de
ces dernières années, dans les banques commerciales sur ordre du
Trésor, en vue du règlement de ses dettes envers des fournisseurs
- fictifs ou réels - des biens et services . Dans un contexte
marqué par la contraction des encaisses des banques commerciales, ces
ordres de paiement donnent lieu à d'importants soldes créditeurs
inconvertibles en numéraire. Autrement dit, ces opérations ont
pour conséquence de gonfler démesurément les
dépôts de la clientèle logés dans les institutions
financières.
Par ailleurs, depuis l'acceptation de la monnaie
scripturale par l'OFIDA et la DGC comme mode de règlement des
obligations douanières et fiscales, et du fait de la décote
infligée à la monnaie scripturale, les opérateurs
économiques ont pris l'habitude de régler des impôts et les
prestations des services en monnaie scripturale. Il s'agit là de la
monnaie d'écriture. Le taux de recyclage des signes monétaires
étant quasi-nul, l'Institut d'Emission est contraint de procéder
à des émissions de nouveaux signes monétaires. Ces billets
de banque qui rendent utiles les recettes de l'Etat constituent une
dépense au budget de la Banque Centrale.
Au cours de I 'année 1995, par exemple, la
quasi-totalité des recettes de l'Etat était
réalisée en monnaie scripturale. Cette situation résulte
de la mesure gouvernementale décrétant le paiement par
chèque barré et certifié de toutes les obligations
fiscales et douanières. En effet, le décret n0 005 du
24 février 1995, portant mode paiement des dettes envers l'Etat,
obligeait tous les débiteurs de ce dernier de s'acquitter de leurs
dettes à l'aide d'un chèque barré et certifié par
l'organisme sur lequel il était tiré.
La délivrance de ce chèque par les banques
devait s'effectuer moyennant provision suffisante en compte. Or, du fait de la
pénurie des signes monétaires dans les banques, la plupart des
comptes des clients du système bancaire étaient soit
insuffisamment approvisionnés, soit largement débiteurs ou tout
simplement soldés sous l'effet des prélèvements des frais
de tenue de comptes opérés régulièrement par les
banques.
Ainsi, l'obligation de payer à l'Etat par
chèque barré et certifié revenait, pour les
opérateurs économiques, d'approvisionner préalablement
leurs comptes par rapport en espèces en monnaie nationale ou remise des
chèques équivalents.((*)17)
De ce fait les banques commerciales encaissaient pour le
compte de l'Etat des sommes importantes et délivraient en contrepartie
aux contribuables des chèques bancaires à remettre aux services
mobilisateurs de. recettes publiques. Contre toute attente, certaines banques
publiques se sont servies de ces dépôts à des fins propres
et, en retour, elles ont tiré des chèques sur leurs comptes
courants, du reste débiteurs, auprès de la Banque centrale. Les
découverts leurs consentis ont servi à créditer le compte
général du Trésor, donnant ainsi lieu à des
excédents budgétaires sans contrepartie immédiate en
espèces.
Les excédents budgétaires étant
réalisés en monnaie scripturale, pratiquement inutilisables, la
Banque centrale a dû émettre des billets de banque en vue
d'assurer la convertibilité des excédents budgétaires en
moyens de financement des dépenses de 1'Etat. Cette
opération a eu des répercussions négatives sur le compte
d'exploitation de la Banque Centrale compte tenu des coûts d'impression
excessifs des signes monétaires nécessité par la
conversion des excédents budgétaires.
L'augmentation des charges d'exploitation de la Banque
Centrale du Congo s'explique également par la monétisation du
déficit d'exploitation de certaines banques publiques. En effet, comme
on l'a vu plus loin, la persistance des déséquilibres financiers
de certaines banques commerciales a contraint celles-ci à s'endetter
excessivement auprès de l'Institut d'Emission. Au 31 décembre
1995, le solde négatif d'exploitation de quatre banques en
difficultés s'est chiffré à 422.843 millions de NZ. Ce
déficit a été financé essentiellement par les
avances de l'Institut d'Emission. Autrement dit, la Banque Centrale a dû
émettre des billets de banque en vue d'assurer la couverture du
déficit d'exploitation de ces banques.
Cependant, par manque de liquidités, ces banques
payaient leurs intérêts et les pénalités leur
infligé par le débit de leurs comptes des réserves libres,
du reste indisponible, auprès de la Banque Centrale. Autrement dit, les
paiements se faisaient par un simple jeu d'écriture. C'est ainsi qu'en
1995, près de 70% des recettes de la Banque Centrale étaient
tirées par débit des comptes des banques commerciales au titre
d'intérêts ou de pénalités. Ce faisant, la Banque
Centrale a dû émettre de la monnaie de billet pour utiliser ces
ressources.
Toutes ces évolutions expliquent l'augmentation du
poste « autres avoirs intérieurs nets »,
observée au cours de l'année 1995 dans les contreparties de la
masse monétaire. Or, selon certains statisticiens de l'Institut
d'Emission, les autres avoirs intérieurs nets reprennent et les
dépenses de la Banque Centrale et celles de l'Etat en suspens.
L'accroissement de ce poste a été dicté essentiellement
en 1995 par le déficit d'exploitation de la Banque Centrale,
l'endettement excessif des banques commerciales et certaines dépenses
publiques.
Au regard de ces facteurs qui viennent d'être
décrit tant du côté des dépenses que des recettes
d'exploitation, il apparaît aisé d'apprécier la
responsabilité des uns et des autres sur les déficits du compte
d'exploitation de l'Institut d'Emission.