2.5.1
Un choix guidé par des différences en termes de coûts
d'émission
Parmi les avantages de la dette bancaire par rapport à
la dette obligataire on trouve que les coûts d'émission des
placements de la dette directe sont beaucoup plus élevés que ceux
des placements de la dette bancaire : l'émission publique donne
lieu à des dépenses d'enregistrement et de souscription qui
n'existent pas pour les emprunts bancaires. En effet, parmi les multiples
coûts supportés par les émetteurs de titres de
créances négociables, on trouve les frais de notation, les
obligations de publicité, la rémunération des
intermédiaires participant à l'émission, etc.
En revanche, toutes choses étant égales par
ailleurs, les taux d'intérêt appliqués sur les
marchés financiers sont inférieurs à ceux appliqués
par la banque du fait de la plus grande liquidité des titres de
créances émis dans le public. Par la suite, pour les placements
importants, les coûts fixes plus élevés d'une
émission d'une dette directe sont largement compensés par
l'économie en termes de taux d'intérêt. Au contraire, pour
les émissions moins importantes, ce sont les banques qui offrent les
meilleures conditions, Guigou et Vilanova (1999).
Par conséquent, le choix du mode d'endettement peut
être expliqué par la différence significative de taille
entre les placements de dette publique et les placements de dette
privée, Carey et al (1993).
Par la suite, les petites entreprises ont intérêt
à utiliser la dette bancaire dans leurs politiques d'endettement parce
que les coûts fixes de l'émission publique sont trop
élevés.
Comme les firmes ayant de fortes opportunités
d'investissement sont généralement des firmes de petite taille en
phase de croissance (Hutchinson et Gul, 2004), on peut s'attendre à ce
que ces firmes font plus recours à la dette bancaire.
2.5.2
Un choix guidé par des différences en termes de
renégociabilité et d'efficacité de la décision de
liquidation
La différence de renégociabilité entre le
contrat bancaire et le contrat d'émission publique peut également
expliquer le choix du mode d'endettement.
En effet, selon Berlin et Mester (1992), le contrat bancaire
se caractérise avant tout par sa plus grande
renégociabilité. « Autrement dit,
l'endettement bancaire permettrait d'adapter plus rapidement et plus
précisément les termes de la relation de crédit à
l'évolution de la situation de la firme », Guigou et Vilanova
(1999).
La flexibilité du contrat bancaire est
particulièrement évidente lorsque l'entreprise est en
difficulté. D'ailleurs, l'étude de Gilson (1990) montre que
lorsque l'entreprise emprunteuse est en difficulté, elle a plus de
chance d'obtenir une restructuration privée de son endettement
lorsqu'elle est financée par une dette bancaire que lorsqu'elle est
financée par une dette directe. Par la suite, le contrat bancaire
rendrait moins probable la faillite des firmes présentant de fortes
chances de redressement.
Grâce à leur avantage informationnel, les banques
peuvent mettre en place une évaluation coûteuse afin de
procéder à une liquidation sélective : soutien des
« bons » emprunteurs et liquidation précoce des
« mauvais » emprunteurs.
Par contre, les obligataires ne peuvent fonder leur
évaluation que sur une information publique bruitée, (Guigou et
Vilanova, 1999). Par la suite, ils vont systématiquement abandonner les
firmes en difficulté et exiger leurs liquidations.
Dans ce contexte, l'emprunteur doit procéder à
un arbitrage entre les avantages du financement bancaire en termes
d'efficacité des décisions de liquidation ; et les
coûts de ce type de financement qui intègrent les dépenses
d'évaluation engagés par la banque.
Par ailleurs, selon Berlin et Mester (1992), il existe deux
éléments qui différencient un contrat bancaire d'un
contrat d'émission de dette obligataire, à savoir la plus grande
dureté des clauses contractuelles mais aussi la plus grande
flexibilité en cas de violation de ces clauses. Par la suite, les
entreprises présentant un risque de défaillance
élevé ont intérêt à recourir à un
financement bancaire ; d'une part pur bénéficier d'un taux
d'intérêt moins élevé que celui qu'elles auraient
obtenir dans un contrat contenant des clauses moins sévères (
dette obligataire) et d'autre part pour pouvoir bénéficier
d'un traitement moins coercitif en cas de difficulté et une
amélioration plus rapide de leurs conditions de crédit
grâce à la plus grande renégociabilité du contrat
bancaire. A l'inverse, les entreprises faiblement risquées valorisent
peu l'option de renégociation et s'endettent directement sur le
marché.
Par ailleurs, le modèle de Chemmanur et Fulghieri
(1994) associe la plus grande renégociabilité du contrat bancaire
à l'intensité du contrôle exercé en cas de
difficulté de l'emprunteur. Soucieuses de développer leur
réputation de « bon » liquideur, les banques
exercent un contrôle plus précis que les obligataires et
procèdent moins souvent à la liquidation des entreprises en
difficulté mais qui sont tout de même viables.
Dès lors, c'est en fonction de la probabilité
d'une défaillance que les firmes emprunteuses choisissent leur choix de
financement : les emprunteurs les plus risqués optent pour un
endettement bancaire et les moins risqués s'adressent directement au
marché.
Les investissements en recherche et développement sont
caractérisés par leur nature discrétionnaire et leur
risque élevé. Si on considère les investissements en
recherche et développement comme une proxy pour les opportunités
d'investissement, on peut conclure d'après ce qui précède
que les firmes ayant de fortes opportunités d'investissement sont des
firmes risquées et par la suite elles ont intérêt à
contracter une dette bancaire.
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