2.2 Le
problème de substitution d'actifs
L'action peut être considérée comme une
option d'achat européenne qui permet à son détenteur
d'acheter la firme des créanciers selon un prix d'exercice égal
à la valeur faciale de la dette. Cette option d'achat acquière
plus de valeur quand la variance des cash flows de la firme augmente (cash
flows plus volatiles).
Après l'émission des obligations, les
actionnaires pourraient substituer des investissements risqués à
d'autres moins risqués. En procédant à cette substitution
d'actifs, les actionnaires exproprient de la valeur des créanciers parce
que comme la variance du projet risqué est plus élevée,
cela augmente pour l'intérêt des actionnaires la valeur de
l'option de l'achat de la firme des créanciers, (Stulz 1990).
Les futures opportunités d'investissement d'une firme
pourraient être considérées en tant qu'options dont la
valeur dépend de la probabilité que la firme exercerait ces
options d'une façon optimale. Donc les coûts découlant des
problèmes de sous investissement et de substitution d'actifs sont plus
élevés pour les firmes qui présentent de fortes
opportunités de croissance parce que le conflit entre les actionnaires
et les créanciers sur l'exercice des options est plus important.
En effet, les dirigeants des firmes qui présentent de
fortes opportunités d'investissement peuvent plus facilement substituer
les projets risqués à d'autres moins risqués et sont aussi
plus susceptibles de ne pas entreprendre des projets à VAN positive si
les gains reviennent essentiellement aux créanciers, Barclay et Smith
(1995).
Pour atténuer ces problèmes de risque moral
lié à l'endettement, à part le fait que les firmes
à fort potentiel de croissance devraient être moins
endettées, Myers (1977) propose aussi que ces firmes devraient utiliser
des dettes à court terme.
2.3 La
dette à court terme
Comme l'argumentent Jensen et Meckling (1976) et Myers (1977),
quand la firme a des dettes risquées non encore échues et quand
les dirigeants font en sorte de maximiser la valeur des capitaux propres
plutôt que la valeur totale de la firme, les dirigeants sont
tentés à sous et sur investir dans les opportunités de
croissance futures. La perte de la valeur de la firme à cause de ces
décisions d'investissement sous optimaux constitue une composante
signifiante du coût d'agence de la dette. L'autre composante est le
coût des mécanismes contractuels que la firme utilise pour
atténuer les conflits actionnaires - créanciers. En l'absence de
ces mécanismes contractuels, les créanciers rationnels anticipent
les conflits et vont exiger un coût plus élevé pour le
financement par dette. Donc, c'est dans l'intérêt de la firme
d'essayer d'atténuer les conflits potentiels sur l'exercice des futures
options de croissance.
Dans ce contexte, la dette à court terme a
été citée par Myers (1977) comme étant un
mécanisme contractuel capable d'atténuer les conflits d'agence
entre les actionnaires et les créanciers dans les firmes à fort
potentiel de croissance.
D'ailleurs, après avoir discuté le
problème de sous investissement dans son article, Myers (1977) voit que
ce problème pourrait être atténué si les firmes
ayant de fortes opportunités de croissance seraient moins
endettées. Par ailleurs, il propose aussi que ces firmes devraient
utiliser des dettes à court terme.
En effet, selon Myers (1977) si l'échéance de la
dette arrive avant que les options de croissance ne sont exercées, la
motivation de la firme de dévier de l'exercice d'une politique de
maximisation de la valeur de la firme est éliminée. Ceci est du
parce qu'une longue maturité de la dette fournit une période plus
importante pour que les investissements profitables apparaissent et qu'ils
soient par la suite rejetés de la part des managers travaillant pour
l'intérêt des actionnaires.
L'endettement à court terme n'est autre qu'une
renégociation périodique de la dette à long terme. Il
constitue un moyen de résolution efficace de sous investissement.
Abordant aussi le problème de substitution des actifs
et la maturité de la dette, Barnea, Haugen et Senbet (1980) ont
essayé de démontrer à travers un modèle
théorique, comment la maturité de la dette peut entre autre
être utilisée comme un moyen de résolution des
problèmes d'agence liés à l'asymétrie
informationnelle, à l'aversion au risque des managers et aux
opportunités de croissance de la firme : Pour eux la dette à
court terme aide à résoudre le problème de substitution
d'actifs car la dette à court terme est moins sensible aux variations du
risque du projet que la dette à long terme.
Plusieurs résultats empiriques viennent supporter le
rôle de la dette à court terme dans l'atténuation des
problèmes d'agence dans les firmes à fort potentiel de
croissance.
Barclay et Smith (1995) étudient la relation entre les
opportunités de croissance et la maturité des contrats de la
dette. Ils trouvent que les maturités des dettes contractées par
les firmes disposant de fortes opportunités de croissance sont plus
courtes, et ce pour préserver la flexibilité de la firme. Guedes
et Opler (1996) trouvent des résultats qui coïncident avec ceux de
Barclay et Smith (1995).
Le fait de diminuer la maturité de la dette
réduit aussi le problème de substitution d'actifs. Quand la firme
procède à une substitution d'actifs, les actionnaires exproprient
de la richesse des créanciers parce que comme la variance du projet
risqué est plus élevée, cela augmente, pour
l'intérêt des actionnaires, la valeur de l'action de la firme.
L'émission des dettes à court terme diminue la motivation des
dirigeants de suivre cette stratégie parce que la valeur d'une option
à court terme n'est pas sensible au changement de la variation du
rendement de l'actif sous-jacent. Plus généralement, le
financement à court terme peut atténuer à la fois les
problèmes de sous investissement et de substitution d'actifs en
autorisant de repricer fréquemment la dette et par la suite la dette
devient moins sensible au changement de la valeur de la firme.
En se référant à l'argument de Myers
(1977), une firme à fort potentiel de croissance qui choisit
d'émettre des dettes peut mieux protéger la capacité de la
firme de faire des investissements de valeur en ayant une dette qui devient
exigible avant que la firme ne devrait exercer ses options de croissance. Au
contraire des firmes matures, le temps des opportunités d'investissement
des firmes en croissance est moins prévu. En effet, ces
opportunités pourraient apparaître à tout moment. Mais
quand ces opportunités se présentent, la direction doit
réagir vite. Dans ce cas, avoir cent pour cent de capitaux propres et
une bonne liquidité en main fournit la plus grande flexibilité.
Mais si la firme a des dettes non échues, le court terme est plus
flexible que le long terme. Par conséquent, on prévoit une
relation positive entre les opportunités de croissance et la dette
à court terme. D'où, l'hypothèse H4 : A mesure
que de fortes opportunités d'investissement rentables se
présentent, les firmes ont intérêt à contracter des
dettes à court terme comme un moyen de financement externe.
En effet, Barclay et Smith (1995), Guedes et Opler (1996) et
Barclay, Marx et Smith (1997) ont étudié le choix de la
maturité de la firme et ont trouvé une relation négative
entre la maturité de la dette et les opportunités de
croissance.
Par ailleurs, Barclay et Smith (1996) et Stoch et Mauer
(1996) ont trouvé que les firmes à fort potentiel de croissance
utilisent plus de dettes de courte échéance et sont moins
endettées à comparer avec les firmes dont les opportunités
de croissance sont limitées.
En comparant ces résultats de la structure de capital
et la littérature de la maturité de la dette on remarque qu'il y
a apparemment une contradiction. En effet, Johnson (2003) s'est demandé
si les firmes résolvent le problème de sous investissement en
choisissant de contracter des dettes de courte échéance, pourquoi
on trouve toujours une relation négative entre les opportunités
d'investissement et l'endettement.
Il a expliqué ces résultats par le fait qu'en
ignorant tous les coûts de la dette à court terme et en admettant
seulement les avantages des taxes et les autres bénéfices de
l'endettement, les firmes ayant de fortes opportunités de croissance
devraient toujours raccourcir la maturité de la dette et par
conséquent les opportunités d'investissement ne devraient jamais
affecter négativement l'endettement.
Cependant, l'évidence empirique sur la relation
négative entre les opportunités de croissance et l'endettement
suggère que les firmes ne raccourcissent pas, ou plus exactement ne
peuvent pas raccourcir suffisamment la maturité de la dette pour
éviter le problème de sous investissement. Une explication
possible est que le choix d'une dette à court terme a un coût. En
effet, Diamond (1991, 1993) et Sharpe (1991) développent des
modèles dans lesquels un important financement à court terme
crée un risque d'une liquidation sous optimale parce que les
prêteurs ignorent la valeur totale des rentes de contrôle.
L'augmentation du risque d'une liquidation sous optimale peut être vu
comme une augmentation des coûts de la faillite.
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