Chapitre 2 : La composition du conseil d'administration
et la politique de rémunération des firmes à fort
potentiel de croissance
Ce chapitre traitera le rôle de
la composition du conseil d'administration et de la politique de
rémunération dans l'atténuation des conflits d'agence des
firmes à fort potentiel de croissance.
1. La composition du
conseil d'administration et les opportunités d'investissement de la
firme
Le conseil d'administration apparaît comme un lieu de
confrontation et de résolution des conflits entre actionnaires et
dirigeants, notamment dans le cas des sociétés
managériales où ce problème a une importance
particulière, (Charreaux, 1997). Bien entendu, le conseil
d'administration n'est qu'une composante d'un système de contrôle
plus général.
En effet, en principe dans les sociétés
cotées à capital diffus, les actionnaires délèguent
le contrôle interne des principaux dirigeants au conseil
d'administration. Ils ne conservent leur droit de contrôle que pour
certains domaines restreints qui relèvent de la compétence des
assemblés ordinaires ou extraordinaires tels que la modification des
statuts, les modifications de capital pour les assemblés
extraordinaires ; la distribution des dividendes, l'émission des
obligations, etc.
En outre, c'est le conseil d'administration qui nomme,
révoque et fixe la rémunération du président du
conseil d'administration et des dirigeants généraux.
Dans cette section, on va s'intéresser au rôle du
conseil d'administration comme un mécanisme de contrôle du
dirigeant dans les firmes à fort potentiel de croissance. En effet, les
firmes présentant de fortes opportunités d'investissement
requièrent plus de contrôle parce que les dirigeants de ces firmes
ont plus de discrétion, aussi bien dans la sélection des
investissements que dans l'allocation des ressources entre les
investissements.
Parce que la valeur des firmes à fort potentiel de
croissance est dépendante des décisions d'investissement
discrétionnaires des dirigeants, les actionnaires externes vont mettre
en place des mécanismes ex ante, tel que la présence
d'administrateurs externes dans le conseil d'administration, pour
contrôler les décisions prises par la direction.
D'ailleurs, le rôle de gouvernance d'entreprise
joué par les administrateurs externes a été le sujet d'un
controverse dans la littérature académique et la
littérature professionnelle (exemple Fama et Jensen (1983) ; Bhagat
et Black (1997) ; Shleifer et Vishny (1997) ; Klein (1998)). Fama et
Jensen (1983), parmi d'autres, argumentent que les administrateurs
indépendants ou externes peuvent contrôler d'une manière
efficiente et efficace en présence des problèmes d'agence quand
la propriété et la direction sont séparées. Par
exemple, Klein (1998) signale que les firmes remplacent de plus en plus leurs
administrateurs internes par des externes. Les pressions externes des groupes
tel que la presse financière défendent le bénéfice
perçu des conseils d'administration totalement indépendants de la
direction.
1.2 Les administrateurs externes et le contrôle
des dirigeants
Le conseil d'administration a normalement pour fonction
d'atténuer les problèmes d'agence entre actionnaires et
dirigeants. Par conséquent, sa composition doit permettre une gestion
efficace de la relation d'agence et accorder une place assez importante
à des experts qualifiés. Dans la mesure où les dirigeants
disposent de l'information la plus pertinente concernant les activités
des sociétés, Fama voit qu'ils sont les plus compétents
pour jouer le rôle principal au sein du conseil. Cette présence ne
nuit pas à l'exercice de la fonction de contrôle du conseil du
moment où il y a absence de collusion avec les dirigeants et que ces
derniers ne contrôlent pas les autres administrateurs.
Cependant, en réalité, cherchant à
maximiser leur fonction d'utilité au dépend de celle des
actionnaires, les dirigeants exercent souvent une pression sur les
administrateurs pour protéger leurs propres intérêts.
D'où vient le rôle des administrateurs non - dirigeants qui est le
contrôle des dirigeants.
Pour bien accomplir leur mission de contrôle au sein de
l'entreprise, ces administrateurs doivent avoir les compétences
nécessaires à l'exercice de cette fonction. La qualification des
administrateurs externes doit être importante et ils devraient occuper
normalement la majorité des sièges afin de pouvoir intervenir
comme experts pour résoudre les problèmes particuliers et
arbitrer les éventuels désaccords entre les dirigeants et les
actionnaires.
Outre la compétence, l'absence de collusion est une
condition nécessaire pour accomplir la mission d'arbitrage. Les
administrateurs externes sont souvent, soit d'anciens dirigeants, soit des
dirigeants d'autres sociétés; ce qui garantit la
compétence, (Charreaux, 1997). Quant à l'absence de collusion,
selon Fama, c'est dans l'intérêt des administrateurs non -
dirigeants d'accomplir leurs fonctions en toute indépendance puisque
ceci leur permet de maximiser la valeur de leur capital sur le marché
des administrateurs externes.
Parce que la valeur des firmes à fort potentiel de
croissance dépend dans une large mesure des décisions
discrétionnaires des dirigeants, on va dans ce qui suit étudier
le rôle de contrôle exercé par les administrateurs non -
dirigeants dans ce type de firmes.
1.3 Le rôle de contrôle exercé par
les administrateurs externes dans les firmes ayant de fortes
opportunités d'investissement
Les dirigeants des firmes ayant de fortes options de
croissance ont généralement plus de discrétion dans la
prise de décision parce qu'ils sont mieux informés sur les
opportunités d'investissement de la firme que les administrateurs
externes. Par ailleurs, les décisions concernant les options de
croissance sont prises sur la base des prédictions ex ante et
dépendent dans une grande mesure du savoir faire managérial.
Cependant, les résultats réalisés ex post pourraient
être différents de ceux qu'on a prévus. C'est difficile
dans ce cas de déterminer si les échecs ou les succès
réalisés suite à l'exercice de ces options sont dus aux
décisions managériales ou à des facteurs externes en
dehors de leur contrôle, (Agrawal et Knoeber, 1996).
Par conséquent, c'est difficile de contrôler les
actions des dirigeants des firmes ayant de fortes opportunités
d'investissement, comme c'est difficile de déterminer si ce sont les
actions des dirigeants ou plutôt les facteurs externes qui conduisent
à réussir les options d'investissement.
C'est pourquoi peu de recherches ont testé la relation
entre les opportunités d'investissement de la firme et le contrôle
exercé par le conseil d'administration; et les résultats
étaient conflictuels. Bathala et Rao (1995) et Hutchinson (2002) ont
trouvé une relation négative entre la proportion des
administrateurs externes et le taux de croissance de la firme. Au contraire,
Hossain et Adam (2000) ont trouvé que le pourcentage des administrateurs
externes est positivement lié aux opportunités d'investissement.
Anderson et al (1993) ont trouvé que les firmes en croissance subissent
des coûts de contrôle élevés en terme de charges des
administrateurs et des auditeurs que les firmes dont les options de croissance
sont limitées.
Selon Bathala et Rao (1995), une firme ayant de fortes
opportunités d'investissement requière plus d'administrateurs
internes dans le conseil d'administration pour intégrer les
activités pratiques de la firme autour de ses stratégies.
D'ailleurs, les résultats de Basinger et al (1991) suggèrent que
les dirigeants sont plus motivés d'investir dans des projets incertains
s'ils sont bien représentés dans le conseil d'administration et
par la suite ils sont moins dépendants de l'évaluation et des
jugements des administrateurs externes. En effet, les dirigeants de ces firmes
préfèrent un conseil d'administration dominé par les
administrateurs de la firme afin de garantir qu'ils sont évalués
sur la base des options de croissance de la firme plutôt que sur la base
de la performance actuelle de la firme.
Par conséquent, la relation négative entre les
opportunités d'investissement et le pourcentage des administrateurs
externes dans le conseil d'administration découle du fait que, comme
les dirigeants des firmes présentant de fortes options de croissance
sont les mieux informés sur ces options, il vaudrait mieux
négocier un contrat qui permet au conseil d'administration de disposer
des savoirs faire nécessaires pour évaluer les décisions
discrétionnaires des dirigeants ; qui est un conseil
d'administration dont la majorité sont des dirigeants.
En effet, les administrateurs internes ont une connaissance
approfondie de la firme (son histoire, ses forces, ses faiblesses,...) et du
secteur dans lequel elle opère (la concurrence, les cycles
technologiques) et aussi ils comprennent bien le processus de gestion. Par
conséquent, ils sont en mesure de faciliter la transmission des
informations pertinentes au conseil d'administration. Par ailleurs, leur
participation au processus de gestion leur permet d'accéder à des
informations plus riches et plus fines reposant sur des critères
subjectifs plus adaptés à l'évaluation de la
compétence des dirigeants et de leurs initiatives stratégiques,
(Godard, 1997)
Par contre, comme par définition les administrateurs
externes ne sont pas en contact direct avec la gestion courante, leurs
informations internes se limitent aux échanges qui ont lieu lors des
réunions du conseil d'administration ; et par la suite ils manquent
des informations subjectives requises pour apprécier pleinement la
qualité du processus de décision des dirigeants. Par ailleurs, il
est à noter que les administrateurs externes, bien qu'ils puissent avoir
acquis une expérience dans plusieurs secteurs d'activités, ils
peuvent manquer d'expérience concernant le principal secteur dans lequel
intervient la firme.
Cependant, quand il y a une proportion élevée
d'administrateurs dirigeants dans le conseil d'administration des firmes
disposant de fortes opportunités d'investissement, il n'y a pas de
mécanisme qui assure que les dirigeants exercent ces options au temps
approprié. En plus, les dirigeants ont une discrétion plus
importante en ce qui concerne les opportunités d'investissement. Ce
niveau de discrétion pourrait conduire à un comportement
opportuniste de la part des dirigeants (Hossain, Cahan et Adams, 2000). Ceci,
en retour, pourrait conduire à une réduction de la valeur de la
firme. Baber et al (1996) et Gul (1999) ont trouvé une relation
négative entre les opportunités d'investissement et la
performance de la firme. D'ailleurs, certains auteurs tels que Baysinger et
Butler (1985) et Kesner et Johnson (1990) avancent que les liens unissant les
administrateurs internes au dirigeant peuvent compromettre l'efficacité
du contrôle lorsque l'opportunisme managérial est la cause de la
mauvaise performance.
Par contre, s'il y a une proportion élevée
d'administrateurs externes dans le conseil d'administration des firmes ayant de
fortes opportunités d'investissement, il y a moins de discrétion
managériale ainsi qu'une forte probabilité que les options de
croissance vont être exercées ce qui conduit à une
meilleure performance de la firme. En effet, conformément à la
théorie d'agence, n'ayant pas d'intérêt direct dans
l'entreprise, le jugement des administrateurs externes n'est pas biaisé
et ils défendent généralement les intérêts
des différents partenaires notamment les actionnaires.
Par conséquent, la relation positive entre les
opportunités d'investissement et le pourcentage des administrateurs
externes dans le conseil d'administration pourrait s'expliquer par le fait
que, pour protéger leurs investissements dans la firme, les actionnaires
et les créanciers vont exiger une proportion élevée
d'administrateurs externes dans le conseil pour contrôler les actions des
dirigeants. Par la suite, les coûts d'agence sont modérés
et le contrôle efficient exercé par les administrateurs externes
devrait assurer des décisions des dirigeants qui augmentent la valeur de
la firme.
Dans cette recherche, on va adopter ce dernier point de vue
qui suppose que la présence de fortes opportunités
d'investissement rentables dans la firme requière un pourcentage
élevé d'administrateurs externes dans le conseil
d'administration. En effet, même si ces administrateurs externes ne
disposent pas de certaines informations spécifiques concernant les
projets futurs, leur présence dans le conseil d'administration sert
à atténuer l'opportunisme managérial et favorise
l'exercice des options de croissance susceptibles d'améliorer la valeur
de la firme.
Par la suite, on prévoit une relation positive entre
le pourcentage des administrateurs externes dans le conseil d'administration et
les opportunités de croissance de la firme. D'où
l'hypothèse H1 : Plus la valeur de la firme est
représentée par les opportunités d'investissement, plus on
a recours aux administrateurs externes pour contrôler le
dirigeant.
Dans la section suivante, on va étudier le rôle
incitatif de la politique de rémunération dans l'alignement des
intérêts entre le dirigeant et les actionnaires dans les firmes
à fort potentiel de croissance.
2. La politique de rémunération et les
opportunités d'investissement
Les firmes ayant de fortes opportunités de croissance
présentent un niveau élevé d'asymétrie
d'information. En fait, selon Smith et Watts (1992), plus la valeur de la firme
est représentée par les opportunités d'investissement
(à l'encontre des actifs en place), plus les décisions prises par
le dirigeant sont moins facilement observables. C'est difficile pour les
actionnaires et les administrateurs externes qui n'ont pas le savoir
spécifique du dirigeant et qui ne disposent pas d'informations internes
de savoir exactement le menu des opportunités d'investissement
valables pour la firme.
Par conséquent, le contrôle des dirigeants dans
les firmes possédant peu d'actifs en place s'avère plus difficile
et les actionnaires de ces firmes ont tendance à recourir
fréquemment aux contrats d'incitation pour motiver les dirigeants
à travailler conformément à leurs
intérêts.
En effet, selon Smith et Watts (1992), plus la proportion des
options de croissance dans la valeur de la firme est élevée, plus
la rémunération des dirigeants est importante. Le même
résultat a été confirmé par Gaver et Gaver (1993)
et aussi par Collins, Blackwell et Sinkey (1995).
Smith et Watts (1992) donnent deux autres raisons pour
expliquer la relation entre les opportunités d'investissement et la
rémunération des dirigeants. D'une part, le savoir faire des
dirigeants en matière d'investissement représente des ressources
rares si l'on compare au savoir faire des dirigeants en matière de
surveillance. En effet, la sélection des projets d'investissement
nécessite une rémunération plus élevée que
la surveillance des actifs en place déjà existants.
D'autre part, selon Smith et Watts (1992), les firmes
présentant de fortes opportunités d'investissement sont
probablement plus risquées que celles dont les opportunités de
croissance sont limitées. Cette conjecture a été
supportée empiriquement par Christie (1989) et Chung et Charoenwong
(1991). Les dirigeants des firmes en croissance vont donc demander une
rémunération totale plus élevée pour avoir subit ce
risque.
A part le fait d'être plus payés, les dirigeants
des firmes présentant de fortes opportunités d'investissement
tirent une proportion plus large de leur rémunération des
contrats d'incitation à long terme comme les primes sur objectif
à terme, les restricted stock grants, les stock
options, etc; pendant que le salaire fixe représente la part la
plus importante dans la rémunération des dirigeants des firmes
dont les opportunités d'investissement sont faibles, (Gaver et Gaver
1995).
D'ailleurs, selon Smith et Watts (1992), en
général plus la valeur des actifs intangibles représente
la part la plus importante de la valeur de la firme, plus la
rémunération du dirigeant est reliée à cette valeur
de la firme à travers des plans de rémunération incitatifs
qui augmentent la variabilité de cette rémunération.
Il est à noter qu'il existe deux types de plan de
rémunération incitatifs: des plans d'incitation formels et des
plans d'incitation informels.
Les plans d'incitation formels prennent
généralement la forme de bonus, stock options, stock
appreciation rights, etc. Typiquement, ce genre de programme fait un lien
explicite ex ante entre la rémunération du dirigeant et la
performance de l'entreprise mesurée par le prix de l'action, le
bénéfice par action, ou par d'autres mesures de performance.
L'efficacité de ces programmes résulte d'un lien direct entre
les actions prises par le dirigeant et la mesure de la performance.
Les programmes d'incitation informels, par contre, prennent la
forme d'un réglage ex post. Dans ce cas, par exemple, le salaire du
dirigeant pourrait être renégocié périodiquement sur
la base de la performance précédente. Mais l'efficacité de
cette renégociation du futur salaire dépend de la durée du
contrat de l'embauche du manager. Par exemple, un dirigeant ayant 64 ans qui
va obtenir sa retraite à 65 ans va être moins motivé par
un plan annuel de renégociation de salaire. Par ailleurs, la
renégociation annuelle est moins efficace s'il y a une rotation
importante des dirigeants et donc il y a moins de raison de s'attendre à
ce que les futurs dirigeants honorent à des contrats informels.
Ces problèmes encouragent l'utilisation des plans
d'incitation explicites ou formels qui relient la rémunération du
dirigeant à une mesure de performance qui reflète l'impact des
décisions du manager sur la valeur de la firme.
De ce fait, plusieurs recherches montrent que plus la valeur
de la firme est représentée par des options d'investissement
intangibles, plus la firme tend à rémunérer le dirigeant
selon un plan d'incitation formel. En effet, Smith et Watts (1992), (Gaver et
Gaver 1993, 1995), Collins, Blackwell et Sinkey (1995) ont trouvé une
relation positive entre l'adoption des stock -options et l'expansion
des opportunités d'investissement.
C'est pour cette raison, on va dans ce qui suit
présenter les stock options comme un mode de rémunération
incitatif utilisé dans les firmes à fort potentiel de croissance
pour aligner les intérêts des dirigeants à ceux des
actionnaires.
2.1 Les stock-options et les opportunités
d'investissement
Les stock-options ou les plans d'option sur action
(POA) est un mode de rémunération incitatif qui est souvent
utilisé par les firmes ayant de fortes opportunités
d'investissement. Le mécanisme de base des plans d'option sur action est
le suivant : « Les dirigeants et les salariés
concernés (les cadres le plus souvent) se voient offrir par les
actionnaires la possibilité de souscrire ou d'acheter des actions de
leur propre entreprise, à un prix fixé une fois pour toutes et
cela dans un certain délai (généralement 5 ans). Ainsi, en
cas de hausse de la valeur du titre pendant la période du plan, le
bénéficiaire a la possibilité d'acquérir ces
actions à un prix inférieur à leur valeur du moment. Ce
système est d'autant plus intéressant que ce gain peut
bénéficier d'un traitement fiscal favorable »,
(Desbrière, 1990).
Par la suite, le dirigeant qui reçoit une partie de sa
rémunération sous forme de stock-options aura un
intérêt financier qui coïncide avec celui des actionnaires.
Ceci l'incite à maximiser la valeur de l'entreprise dans laquelle il a
une participation au capital puisque sa rémunération
dépend de la performance de cette firme. Les stock-options
représentent donc un mécanisme de gouvernance qui sert à
attirer les équipes dirigeantes, les stabiliser et les motiver ; ce
qui permet de réduire les conflits d'intérêt entre les
dirigeants et toutes les autres parties prenantes (Desbrière, 1990).
L'importance de cette forme d'incitation est d'autant plus
importante quand les firmes disposent de fortes asymétries
d'information, tel est le cas des firmes ayant de fortes opportunités
d'investissement. Comme le contrôle de ces firmes s'avère
très difficile, la solution serait de motiver les dirigeants en
instaurant des modes de rémunération incitatives à long
terme qui accroissent le lien entre la rémunération des
dirigeants et la valeur créée par la firme qu'ils gèrent.
Ce type de contrat est établi en réduisant la proportion fixe de
la rémunération, à savoir le salaire, et aussi la
proportion à court terme tels que les primes mensuelles ou annuelles
et/ou en augmentant la proportion variable ou flexible à long terme tels
que les primes sur objectifs à terme, les actions, les options sur
actions, etc.
On remarque d'après les recherches antérieures
que, dans les firmes ayant un fort potentiel d'opportunités
d'investissement, les stock - options sont souvent utilisés
pour inciter les dirigeants à maximiser la performance boursière
à long terme des actions.
En effet, Smith et Watts (1992) affirment que plus la valeur
de la firme est fonction d'options de croissance, plus la firme tend à
adopter un plan formel de rémunération incitative. Par ailleurs,
ils trouvent que les firmes ayant de fortes opportunités
d'investissement font recourt aux stock-options plus
fréquemment parce que le contrôle des dirigeants est plus
difficile dans ces firmes.
De même Gaver et Gaver (1993; 1995) trouvent que les
firmes en croissance offrent à leurs dirigeants une
rémunération plus élevée et adoptent plus des plans
de stock-options comme mécanisme d'alignement des
intérêts relativement aux firmes dont les opportunités de
croissance sont limitées.
Par ailleurs, Yermack (1995) montre que les firmes
privilégient d'autant plus les stock-options qu'il leur est
difficile de contrôler et d'inciter les dirigeants à l'aide de
bonus reposant sur des indicateurs comptables. En effet, d'après Smith
et Watts (1992) le recours des firmes disposant de fortes opportunités
d'investissement à des mesures boursières de la performance pour
fixer la rémunération des dirigeants peut s'expliquer par le fait
que les résultats comptables sont des indicateurs faibles des efforts
des dirigeants en ce qui concerne les alternatives d'investissement puisque le
système comptable ne prend pas en considération les
opportunités de croissance qui ont un caractère intangible.
De leur côté, Haley et Roy (2002) affirment que
les firmes en croissance adoptent des mécanismes de gouvernance
particuliers pour motiver les dirigeants. En effet, de telles firmes doivent
impérativement recourir à une politique de
rémunération qui relie la rémunération à la
performance de la valeur de l'action. Les dirigeants seront ainsi
incités à entreprendre les décisions qui maximisent la
valeur des actions de la firme.
Cette discussion suggère que comme le comportement des
dirigeants n'est pas facilement observable dans les firmes à fort
potentiel de croissance, le conseil d'administration a tendance à
instaurer un mode de rémunération incitatif pour essayer
d'aligner les intérêts du dirigeant à ceux des
actionnaires.
En effet, les firmes qui présentent de fortes
opportunités d'investissement accordent à leurs dirigeants des
niveaux de rémunération totale plus élevés que les
firmes dont les opportunités d'investissement sont limitées. En
plus, pendant que les dirigeants des firmes ayant un faible potentiel de
croissance reçoivent une grande partie de leur
rémunération de leurs salaires fixes, ceux des firmes ayant de
fortes opportunités d'investissement reçoivent une grande partie
de leurs rémunérations des rémunérations
d'incitation à long terme comme les stock-options.
D'ailleurs, en faisant recourt aux stock-options pour
rémunérer le dirigeant, les firmes à fort potentiel de
croissance visent à aligner les intérêts des actionnaires
au dirigeant et réduire par la suite les coûts d'agence
associés à l'asymétrie d'information et au comportement
opportuniste du manager qui caractérisent ces firmes. Par
conséquent, on prévoit une relation positive entre la
rémunération sous forme de stock option et les
opportunités d'investissement de la firme.
D'où l'hypothèse H2 : Les firmes ayant
de fortes opportunités d'investissement recourent fréquemment aux
stock-options parce que le contrôle des dirigeants est plus difficile
dans ces firmes.
Ayant abordé le rôle des mécanismes de
gouvernement internes, à savoir le conseil d'administration et la
politique de rémunération, dans l'atténuation des conflits
entre les actionnaires et les dirigeants des firmes ayant de fortes
opportunités d'investissement, il convient par la suite de traiter le
rôle du financement externe, en tant qu'un mécanisme de
gouvernance externe, en fonction du niveau des opportunités
d'investissement de la firme et d'étudier la structure d'endettement des
firmes à fort potentiel de croissance..
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