2.5
L'intensité de la recherche et développement
Un point de vue communément partagé est que
l'investissement en recherches et développement
« R&D » permet d'assurer la pérennité des
entreprises. Selon Gaver et Gaver (1993), l'activité R&D est
synonyme de bonnes opportunités de croissance. De même, Skinner
(1993) voit que les dépenses en R&D sont largement
discrétionnaires et résultent le plus souvent en l'acquisition de
nouvelles opportunités d'investissement. En effet, les firmes qui
investissent plus en R&D acquièrent plus d'opportunités
d'investissement que les firmes qui investissent moins.
C'est pour cette raison que l'intensité de la R&D a
souvent servi comme une mesure des opportunités d'investissement. Elle
se calcule en divisant les dépenses en R&D par le total des actifs
ou des ventes. En effet, selon Nash et Poulsen (2003), on peut mesurer les
opportunités de croissance en rapportant les dépenses en R&D
à la valeur comptable des actifs, comme ont fait Gaver et Gaver
(1993) ; ou encore en rapportant les dépenses en R&D aux ventes
(Gilson 1997). Nash et Poulsen (2003) ont justifié l'utilisation de ces
ratios pour mesurer des opportunités d'investissement par le fait que
des dépenses importantes en R&D devraient créer d'avantage
d'opportunités de croissance.
2.6 Le
classement des mesures des opportunités d'investissement
Kallapur (2001) a classé ces mesures des
opportunités d'investissement ainsi que d'autres mesures en quatre
catégories (des mesures basées sur le prix, des mesures
basées sur les investissements, des mesures de variances et des mesures
composées) ; tout en indiquant les noms des auteurs qui ont
utilisé ces proxies des opportunités de croissance dans leurs
recherches :
2.6.1 Les mesures des
opportunités d'investissement basées sur le prix
Ces mesures se basent sur l'idée que si les
prévisions de croissance de la firme sont au moins partiellement pris en
compte dans les prix des actions, alors les firmes en croissance devraient
avoir des valeurs de marché élevées relativement à
la valeur des actifs en place. Pour cette raison, les proxys basées
sur le prix sont formées par un ratio qui incorpore une mesure des
actifs en place et une mesure de la valeur de marché de la firme. Parmi
ce type de ratio, on trouve :
· Market to Book Equity ratio (le ratio
MBE) : utilisé par Collins et Kothari (1989) et Chung et
Charoenwong (1991).
· Book to Market value of Assets, qui est
l'inverse de MBA ratio : utilisé par Smith et Watts (1992).
· Q de Tobin : utilisé par Skinner
(1993).
· Earnings to price ratio, qui est l'inverse du
Price-Earnings Ratio (PER) : utilisé par Chung et
Charoenwong (1991) et Smith et Watts (1992).
2.6.2 Les mesures des
opportunités d'investissement basées sur l'activité
d'investissement
Ces mesures se basent sur l'idée qu'un niveau
élevé de l'activité d'investissement est positivement
relié aux opportunités d'investissement de la firme. Les
entreprises ayant de fortes opportunités d'investissement devraient
avoir aussi un niveau élevé d'investissement puisque les
opportunités d'investissement sont converties en actifs en place. Ces
proxys basées sur l'activité d'investissement sont formées
en utilisant un ratio qui compare une mesure de l'investissement à une
mesure des actifs déjà en place. En voici des exemples de ce type
de mesure des opportunités de croissance utilisés dans les
recherches précédentes :
· L'intensité de la R&D :
mesurée par le ratio dépenses en R&D sur le total des
actifs (Gaver et Gaver, 1993), des ventes (Skinner, 1993).
· Le ratio des dépenses d'investissement sur
la valeur de la firme : utilisé par Smith et Watts (1992).
2.6.3 Les mesures de
variances utilisés comme proxies des opportunités
d'investissement
Ces mesures reposent sur l'idée que quand les options
d'investissement acquièrent plus de valeur, la variance des revenus de
l'actif sous-jacent augmente. Les mesures de risque utilisées dans ce
domaine de recherche :
· La variance des revenus :
utilisées par Smith et Watts (1992) et Gaver et Gaver (1993).
· La beta des actifs : utilisé par
Skinner (1993).
2.6.4 Les mesures
composées des opportunités d'investissement
Pendant que la plupart des études utilisent, pour
mesurer les opportunités d'investissement, des mesures
individuelles ; et par la suite essaient d'évaluer la
sensibilité des résultats au choix de la mesure d'investissement
utilisée, plusieurs autres études ont essayé de construire
des mesures composées qui incorporent plusieurs mesures et qui reposent
sur d'autres spécificités des opportunités de croissance
de la firme.
Par exemple, Gaver et Gaver (1993) combinent trois mesures en
une seule mesure composée en utilisant l'analyse factorielle. Cette
approche a pour but de réduire l'erreur de mesure inhérente de la
sélection d'une seule variable pour mesurer les opportunités
d'investissement. Six mesures des opportunités d'investissement ont
été incluses dans l'analyse factorielle de Gaver et Gaver
(1993) : Le ratio valeur de marché des actifs sur valeur comptable
des actifs (MBA ratio), le ratio valeur de marché des capitaux propres
sur valeur comptable des capitaux propres (MBE ratio), le ratio
bénéfice sur cours boursier (l'inverse du PER),
l'intensité de la R&D, la variance des revenus et une variable
additionnelle qui indique la détention des actions de la firme par des
fonds de pension spécialisés dans le financement des firmes en
croissance.
Baker (1993) utilisent aussi une procédure
d'analyse factorielle similaire à celle inventée par Gaver
et Gaver (1993) et incorporant quatre variables : l'intensité
des investissements précédents (qui incorpore les dépenses
en R&D, les dépenses en capital, et les dépenses
d'acquisition), le taux de croissance de la valeur de marché des actifs,
le ratio valeur de marché des actifs sur valeur comptable des actifs
(MBA ratio) et l'intensité de la R&D.
Peut être le plus important concernant l'étude
des opportunités de croissance est le fait qu'une partie abondante de la
recherche a traité le rôle des opportunités
d'investissement lors de l'établissement des contrats optimaux de la
firme. Par exemple, Smith et Watts (1992) ont utilisé des données
au niveau de l'industrie pour rechercher la relation entre les
opportunités d'investissement et les politiques de dividende, de
rémunération et de financement de la firme. Gaver et Gaver (1993)
ont testé cette relation en utilisant des données au niveau de la
firme. Dans les deux cas, on trouve que les opportunités
d'investissement affectent les politiques de la firme.
La relation entre les opportunités d'investissement et
le choix des contrats optimaux résulte de plusieurs facteurs ayant pour
origine la théorie de l'agence (Kallapur, 2001). Ces facteurs englobent
les conflits d'intérêt entre les actionnaires et les dirigeants
d'une part et les actionnaires et les créanciers d'autre part; ainsi que
les coûts d'agence inhérents. En effet, parce que les firmes ayant
de fortes opportunités d'investissement présentent des niveaux
d'asymétrie d'information élevés, les apporteurs de
capitaux mettent en place divers mécanismes de gouvernance pour
surveiller leurs fonds ; ce qui affecte les différentes politiques
de la firme.
Dans ce contexte, on va dans ce qui suit étudier le
rôle de quelques mécanismes de gouvernement dans
l'atténuation des conflits d'intérêt dans les firmes
à fort potentiel de croissance.
Parmi les mécanismes de gouvernement internes, on va
s'intéresser à la mission de contrôle exercée par le
conseil d'administration, ainsi qu'au rôle incitatif de la politique de
rémunération des dirigeants dans l'alignement des
intérêts.
Par ailleurs, on va traiter le rôle du financement
externe comme un mécanisme externe du système de contrôle
du comportement des dirigeants dans les firmes présentant de fortes
opportunités d'investissement.
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