La libéralisation des télécomunications au Sénégal: concurrence, innovation et réglementation( Télécharger le fichier original )par cheikh ahmed tidiane Dieng Université de Nice Sophia Antipolis - Master 2 recherche en économie de l'innovation et dynamique industrielle 2004 |
Paragraphe 2 : Les opérateurs et leur statutLa question peut se poser de savoir quels types d'entreprises du secteur devaient être considérées comme opérateurs de télécommunications. La réponse détermine le champ d'application d'un ensemble d'obligations et de droits prévus au code des télécommunications. Elle est notamment déterminante pour la mise en oeuvre du régime d'autorisation lorsque l'activité est soumise à ce régime, l'autorisation étant personnelle et incessible. 1) Le statut d'opérateur Le législateur sénégalais n'utilise pas le mot proprement dit, mais pour lui, il s'étend « à toute personne morale qui exploite un réseau de télécommunications ouvert au public et qui fournit au public un service de télécommunications » Article 2 de la loi de 2001. Une telle définition n'apporte qu'une réponse partielle au plan opérationnel nécessitant de remonter sur les notions d'exploitant, de réseaux, de service de télécommunication. En introduisant un élément de comparaison, on peut constater que les définitions reste t les mêmes que le droit sénégalais que celui français76(*). A une différence prête, que le législateur sénégalais exclut la possibilité pour les personnes physiques de d'obtenir le statut d'exploitant des télécommunications, c'est ne fait une évolution parce que le code de 1996 le permettait. Aussi, l'exploitant doit en même temps exploiter et fournir un service de télécommunications ce qui est le cas en France. Ø Les opérateurs de réseaux En ce qui concerne la forme juridique, on relèvera qu'il n'est prévu aucune obligation. L'opérateur peut être n'importe quelle personne morale toutefois en pratique l'exigence légale visant à assurer la capacité d'assurer la viabilité financière et technique d'un projet de réseau ouvert au public laisse penser que l'ART et le ministre ne peut envisager la délivrance d'une autorisation. La législation sénégalaise ne fait aucune restriction en matière détention du capital des intervenants aussi précise t-il qu'ils sont tenus d'observer les engagements internationaux par le Sénégal comportant la clause de réciprocité, de transparence, de documents comptables, de position dominante. Ø Les opérateurs de service L'activité de fournisseur de télécommunications bénéficie d'un régime de liberté d'exploitation de l'exception de la téléphonie publique et des services de télécommunications utilisant des lignes hertziennes (sauf pour les télécentres privés77(*)). Les opérateurs de service de télécommunications autres relèvent du droit commun. Des opérateurs peuvent être considérés en position dominante lorsqu'ils détiennent plus de 25% du marché concerné en tenant compte de leur chiffre d'affaires, de son contrôle des infrastructures, de son contrôle des moyens d'accès à l'utilisateur final, dans un segment du marché des télécommunications et les exploitants figurant sur cette liste doivent favoriser la concurrence et l'accès des télécommunications au public. 2) les opérateurs et l'ART L'introduction d'un régime concurrentiel dans les segments de marchés qui ont connu l'ouverture a permis l'arrivée de nombreux intervenants dans les différents segments de marché. Ø La Sonatel et ses filiales : Une position à redéfinir La Sonatel (Société national des télécommunications) est née après la séparation des potes et télégraphes et la réunification des télécommunications nationales et internationales par la loi 85-36 du 23 juillet 1985 relative à la société nationale des télécommunications (Sonatel), une société anonyme fonctionnant avec des capitaux privés. La convention de concession date de l'établissement du 1er code des télécommunications de 1996. L'opérateur historique s'est vu offrir avec sa convention de concession la possibilité d'exploiter tous les services de télécommunication pouvant être fournis au Sénégal et il déteint le leadership sur tous les segments de marchés. Les mesures de libéralisation n'on en aucun cas entamé ce monopole, et l'entreprise, après avoir investi tous les secteurs, est devenue incontournable pour ses concurrents directs. Ainsi, dans le domaine de la téléphonie mobile GSM, l'entreprise et son partenaire stratégique France Télécom à travers France Câble Radio ont lancé le premier réseau GSM du Sénégal nommé ALIZE en septembre 1996, ils regroupent aujourd'hui toutes leurs activités mobiles dans Sonatel -mobiles, leur filiale à 100% et occupent 80%des parts de marché dans les secteurs. En ce qui concerne le service à valeur ajoutée, spécialement à l'accès Internet, la Sonatel a créé une autre filiale, toujours avec France Câble Radio, Télécom- Plus devenue aujourd'hui Sonatel- multimédia une des sociétés à s'installer dans le secteur, elle entre de plein pied dans le secteur concurrentiel. Les licences délivrées par décret, étant personnelles et incessibles, on peut alors se poser la question de savoir si elles sont valables pour sa filiale quand on sait la séparation existante sur la personnalité morale, juridique et financière de celles-ci. Pour le législateur sénégalais, il ne semble poser aucun problème du fait que leur passif soit totalement détenu par la Sonatel. Ainsi l'entreprise continue à accorder des agréments à des entreprises privées souhaitant offrir certains services de télécommunications78(*). Ø Sentel et le contentieux sur la seconde licence GSM La multinationale MIC (Millicom International Cellular)79(*) SA d'origine suédoise cotée en Nasdaq, elle est présente dans de nombreux pays et fait partie des leaders mondiaux de la téléphonie cellulaire du réseau GSM (Global System Mobile). La volonté de ses dirigeants de se retourner vers des pays émergents lui a valu l'attribution en 1998 d'une licence GSM après appel d'offre international et la société a commencé ses activités officiellement le 16 avril 199980(*). Le nouvel opérateur obtient une concession d'opération pour 20 ans et compte aujourd'hui 140 employés au Sénégal. En juin 2000, l'entreprise a été accusée par l'Etat d'insuffisances dans le versement de ses redevances pour la location des fréquences et d'un retard dans l'extension de sa couverture à l'intérieur du pays. Le gouvernement ne profita pour lui retirer sa licence. Le décret du conseil des ministres n°2001-23 du 17 janvier 2001 met fin à la convention liant Sentel à l'Etat du Sénégal, mais il n'a jamais été publié, parce que la société démontra avoir payé ses redevances de la date du 10/07/2000 sous la référence 01367-MCC dans le compte de la Sonatel à la BICIS81(*). La vente au Maroc d'une même licence GSM à hauteur de 1,5 milliards de francs CFA a permis au gouvernement de demander la renégociation de l'opérateur. L'exploitant n'a pour autant jamais suspendu ses activités et il était prêt à renégocier le montant de sa licence si son concurrent Sonatel Mobile en faisant autant parce que sa licence a été accordée avec la convention liant l'Etat et la Sonatel. Les autorités affirment que le contrat est bien résilié et que la société bénéficie d'une période transitoire. Le statut reste flou aujourd'hui encore, le règlement du différend est en ce moment à la charge de l'ART. C'est la loi du 2001-15 du 27 décembre 2001 Portant Code des Télécommunications dans son article 79 qui vient t régler le problème à l'amiable en affirmant que les opérateurs déjà établis au Sénégal disposent toujours de leur droit d'exploitant, cependant, ils doivent s'acquitter de versements financiers vis-à-vis de l'Etat, et ceci était valable aussi bien pour Sentel que pour la Sonatel Mobile.
Ø Les Fournisseurs d'Accès Internet (FAI). Appartenant au domaine des services à valeur ajoutée, ils sont soumis au régime des déclarations au niveau de l'ART, déclaration devant s'accompagner des informations nécessaires sur les services à rendre et d'un versement de redevance, les personnes physiques peuvent aussi assurer ce service. Il y a plusieurs fournisseurs d'accès publics ou privés qui disposent de différentes formules de liaisons : liaisons spécialisées Internet de 64 kbits, de 128kbits et de 256 kbits (Accès Internet) Cependant, pour les réseaux ouverts au public, c'est toujours par le réseau de la Sonatel qu'ils devront passer pour accéder à l'international. Le monopole se limite à jouer le rôle d'opérateur d'accès en laissant les liaisons spécialisées et s'occupe des Accès Internet. La Sonatel qui détient le monopole du réseau fixe et de l'accès à l'international, contrôle d'importantes infrastructures de télécommunication par satellite et par câbles sous-marins, sera-t-elle capable de traiter sur le même pied d'égalité ses concurrents d'une part et ses propres filiales d'autre part ? En Afrique du Sud, l'autorité indépendante de régulation, la SATRA (South Africain Télécommunications Regulatory Autorithy) a depuis 1998 débouté Telkom, l'opérateur public, par une décision où il affirmait que les SAV (Services à valeur ajoutée) n'appartenaient pas au réseau vocal conventionnée, achevant définitivement le monopole de l'opérateur sur les services à valeur ajoutée. Aujourd'hui, les fournisseurs d'accès utilisent la voix IP pour effecteur des appels à l'international. L'abus de position dominante à travers la détention de tous ces moyens et du fait qu'il leur est indispensable a été invoqué et a vu la suspension de lignes de certains fournisseurs d'accès. Or les directives de l'UEMOA sont claires à ce niveau, et l'ART ne semble point prête à faire appliquer le véritable jeu de la concurrence, parce que ne fonctionnant pas encore normalement. « Les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public fournissent les services dans des conditions de transparence et non-discrimination et dans les mêmes conditions que celles accordées à leurs filiales ou à leurs associés » article 5 du code des télécommunications. Dans l'UEMOA, est interdit le fait qu'une ou plusieurs entreprises exploitent de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie significative de celui-ci, de même que les pratiques assimilables comme des opérations de concentration, l'application à l'égard de partenaires commerciaux de condition inégales en leur infligeant un désavantage dans la concurrence. Il reste encore beaucoup à parcourir, les cahiers des opérateurs concessionnaires ne sont pas accessibles au public. Il en est de même pour les contrats établis entre la Sonatel et les autres acteurs mais aussi de leur contenu. Les mesures étant prises, tout le problème réside dans la volonté et la capacité de faire observer la loi par l'autorité compétente, de même les futures orientations qu'elle aura à donner au processus à donner de libéralisation qui demeure encore inachevé tout en tenant compte le statut de PED du pays, la nécessité d'attirer les investisseurs étrangers, d'augmenter l'emploi dans le secteur et des orientations internationales dans les but de bien insérer au Sénégal les systèmes de télécommunications du futur. * 76 Code des Postes et des Télécommunications Français. Article L 32, 15°, Lamy droit des médias et de la communication, février 2000 * 77 Exploitant de réseau public de télécommunications : toute personne physique ou morale exploitant un réseau de télécommunications ouvert au public un service de télécommunications. * 78 UIT, Programme d'assistance coordonné à l'Afrique dans le domaine des services CAPAS, développement du commerce électronique en Afrique, le cas du Sénégal, Abdoulaye N'diaye. * 79 MIC est une entreprise internationale basée au Luxembourg spécialisée dans la téléphonie mobile en Grande Bretagne, en Asie, Amérique latine, et Afrique. Le quart du capital de Sentel est détenue par des actionnaires sénégalais. * 80 www.sentel.sn * 81 journal Sud Quotidien du 10 octobre 2000 |
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