La libéralisation des télécomunications au Sénégal: concurrence, innovation et réglementation( Télécharger le fichier original )par cheikh ahmed tidiane Dieng Université de Nice Sophia Antipolis - Master 2 recherche en économie de l'innovation et dynamique industrielle 2004 |
Paragraphe 2 : L'Agence de Régulation des TélécommunicationsLa réforme de l'Etat et de son administration entraîne la mise en place de nouveaux modes de régulation de l'action publique. Ces nouvelles régulations ne sont pas sans conséquences sur les arrangements institutionnels, sur l'unité et la cohérence de l'administration publique. Elles impliquent la mise en place d'un tiers régulateur chargé de superviser le marché en établissant certaines règles et en intervenant de manière permanente pour amortir les tensions, régler les conflits, assurer le maintien d'un équilibre d'ensemble. Par sa forme, l'agence de régulation des télécommunications se rapproche des AAI (Autorités Administratives Indépendantes). 1) Le recours aux A.A.I (Autorités Administratives Indépendantes) Ce sont des instances administratives situées hors de la mouvance du gouvernement, d'un département ministériel ou de leurs délégués et qui reçoivent de l'Etat la mission d'opérer la régulation d'un secteur sensible de la vie société, à l'interface de la société civile et du pouvoir publique. Ø Les raisons de ce recours Il relève de la distinction entre fonctions de régulation et de commercialisation, c'est le phénomène de l'umbunling. L'activité économique ne peut s'accompagner des compétences d'autorité publique car l'entreprise pourrait utiliser ces dernières pour se trouver en abus de position dominante sur ses concurrents : c'est le principe de dissociation des fonctions de régulation et des activités d'opérations économiques qui s'impose à tous les secteurs. En matière de télécommunications, la Commission Européenne a estimé que le pouvoir de réglementation est de nature à restreindre l'accès des concurrents dans la mesure où il limite la liberté de choix des utilisateurs et les débouchés de matériels de télécommunications. Tout simplement, l'Etat ne peut être parti et arbitre à la fois. En détenant des actions du monopole historique, la Sonatel, il ne peut en retour devenir juge sous risque de favoriser sa propre entreprise et par conséquent être atteint d'impartialité. Ø Quelques principes fondamentaux Le champ d'application au Sénégal concerne notamment les domaines de l'organisation électorale, des rapports administration- administrés (les médiateurs), de l'économie de marché, de l'audiovisuel et surtout des nouvelles technologies de l'information et de la communication. En assurant le respect de certains équilibres ainsi qu'un rôle arbitrage au moyen notamment d'un pouvoir décisionnel qui peut être à la fois réglementaire et individuel, ces organismes se présentent comme des véritables autorités. Leur nature administrative ne souffre pas non plus de contestations dans la mesure où ils se présentent également au plan formel comme un ensemble organisé de moyens matériels et humains mise en oeuvre en vue de l'exécution de taches précises. C'est cependant le caractère indépendant de ces organismes qui parait le plus problématique en Afrique. La qualification d'autorité indépendante par le législateur ou par le juge constitutionnel n'a pas clos la controverse sur l'indépendance réelle de certains de ces organismes en raison de la propension des pouvoirs africains à contrer de l'émergence de contre-pouvoirs non contrôlables et de la méfiance de la société civile et des partis d'opposition vis-à-vis des pouvoirs en place. Pour certains, ce sont les garanties statutaires accordées, organiques et fonctionnelles (durée du mandat, inamovibilité, immunité, incompatibilité, obligation des membres, autonomie de gestion administrative et financière, absence de contrôle hiérarchique, etc.) qui permettent d'apprécier le degré d'indépendance de l'organisme. Le secteur de l'audiovisuel et des télécommunications demeure l'un des champs d'application privilégiés des autorités administratives indépendantes en Afrique depuis les programmes de privatisation des ondes et de la presse à partir des années 90. En Afrique francophone, la plupart de ces organes de régulations sont calqués sur le modèle français c'est notamment le cas de l'agence de régulation des télécommunications de Sénégal (ART). 2) Fonctions et prérogatives de l'ART (Agence de Régulation des Télécommunications) L'environnement des télécommunications et son évolution récente au Sénégal et dans le reste du monde ne pouvaient manquer la mise sur pied d'un dispositif juridique qui organise le secteur. Ø Historique L'Agence de Régulation des Télécommunications comme la commission des opérations de bourse ou le conseil de la concurrence font parti des autorités administratives à vocation économique s'expliquant par la nécessité d'assurer une régulation économique distincte de la réglementation et de l'exploitation afin de protéger les diverses libertés du marché65(*). Régulièrement annoncée depuis199766(*), l'Agence de Régulation des Télécommunications (ART) n'avait pas vu le jour, malgré les espoirs suscités par l'arrivée du gouvernement de l'alternance. Celui-ci avait fait la mise en place une priorité et indiquait la fin 2000 comme la date butoir. De fait, les textes portant organisation de l'ART ont été élaborés et adopté dans le courant de l'année 1999. Sa création a été suspendue en raison de divergences apparues sur l'opportunité de créer une agence à vocation sectorielle. Le ministre de l'économie et des finances défendait la création d'une agence unique regroupant les secteurs de l'eau, de l'électricité et des télécommunications. C'est en main 2001 que le gouvernement trancha, montrant sa volonté de créer une agence dédiée uniquement aux télécommunications mettant fin à la confusion régnant dans le secteur. Le législateur sénégalais avec la vote de la loi n°2001-15 du 27 décembre 2001 portant code des télécommunications, par l'assemblée nationale, a ainsi mis en place un organe indépendant de régulation : l'Agence de Régulation des Télécommunications (ART) susceptible de garantir l'exercice d'une concurrence saine et loyale au bénéfice des consommateurs, des opérateurs du secteur et, en général, de l'économie globale. La mise en place de cette instance de régulation répond aux besoins des acteurs et du secteur, mais il faut savoir qu'il répond aux engagements du Sénégal auprès des instances internationales plus exactement dans la liste de ces engagements additionnels où il est spécifié que « Les autorités créeront dans ce cadre, au plus tard le 31 décembre 1997 une structure de réglementation destinée à favoriser une concurrence saine et loyale entre les opérateurs »67(*). Il est évident que le pays a respecté ses engagements conformément à l'accord général sur le commerce des services GATS, mais pas dans les délais et exactement avec un retard de quatre années. C'est à se demander la valeur juridique des engagements signés sur la plan international et les dérogations que l'on peut y consentir surtout pour les pays en développement quant à la mise de ces organes requiert des ressources financières, techniques et humaines pas toujours disponibles. Ø Fonctions et prérogatives L'Agence de Régulation des Télécommunications (ART) est un établissement public doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière ayant une fonction des régulations des télécommunications. Sa mission principale consiste en l'application de l'ensemble des dispositions juridiques économiques et techniques permettant aux activités des télécommunications de s'exercer effectivement. Ses attributions comportent de nombreuses missions d'ordre général, administrative, technique, économique, d'investigation de contrôle et de sanction touchant les Télécommunications, mais surtout, et non des moindres : une mission juridique et un pouvoir réglementaire de médiation et de sanction qu'elle est chargée de faire appliquer : A la demande du président de la république ou de sa propre initiative elle élabore les projets de textes législatifs et réglementaires visant à faire évoluer le cadre juridique, économique et sécuritaire dans lequel s'exercent les activités de télécommunications et de la communication68(*). Aussi le représente t-il au niveau des instances nationales et internationales en relation avec le ministère des affaires étrangers. L'ART est gérée par un Directeur général nommé par décret qui en détient tous les pouvoirs, il est supervisé par un conseil de régulation dont la durée du mandat est de trois ans renouvelables. Il ne peu être mis en fin à leurs fonctions avant expiration du mandat qu'en cas de faute grave. Il a en son sein des services permettant la bonne conduite de ses opérations. L'agence tire ses ressources des produits des redevances perçues à l'occasion d'études de dossiers ou d'octroi ou de renouvellement des licences, des agréments, des concessions etc., mais également de pourcentages sur des produits, et autres recettes. Sa comptabilité se tient dans les règles de celle de la comptabilité privée et tout cela participe de son autonomie financière vis-à-vis de l'Etat dont elle ne peut et ne doit être dépendante. L'agence a vu le transfert pour démarrer ses activités des structures de l'Etat auparavant détenues par la Sonatel et qui assurait en même temps certains rôles non moins importants : « Conformément au protocole d'accord signé le 1er mars 1999 entre l'Etat du Sénégal et la SONATEL, opérateur des télécommunications, l'ensemble des biens mobiliers et immobiliers relatifs à la gestion, à la planification et au contrôle des fréquences ainsi que le solde du compte y afférent sont transférés à l'ART. Pour le démarrage de l'ART, une subvention lui est accordée par l'Etat sous forme d'un prêt remboursable au trésor public. Aussi, le personnel en fonction à la Sonatel assurant la planification, la gestion et le contrôle du spectre de fréquences, les agents de la Sonatel mis à la disposition de l'Etat actuellement en service dans les départements de l'Etat peuvent être transférés à l'ART69(*). L'agence a enfin pour tache la mise en place de l'ART, au vu des problèmes posés par le nombre important de craintes d'intervenants dans le secteur, peut représenter d'une part, des économies de ressources et des gains de productivité, et d'autre part un allégement et des choix plus judicieux quant à la politique de développement que les autorités veulent impulser au secteur. Le code des télécommunications transfert les agents de la Sonatel chargés de la planification de la gestion des fréquences du contrôle, dans les départements de l'ART, peut on vraiment être sur qu'ils joueront uniquement leur rôle sans prendre parti pour leur ancienne société dans laquelle ils ont travaillé voir plusieurs années. Aujourd'hui, ils sont juges, seront-ils totalement neutres ? C'est en fait le problème de la transparence et de la crédibilité des agents publics et ici même de l'agence. C'est à se demander si le pays est en mesure de respecter ses engagements quant à la fiabilité que l'ont doit pouvoir accorder à ses instances de suivi et de contrôle. Or l'ART vient de connaître la fin des fonctions de son premier directeur général. Les conditions et la volonté de concurrence pure et parfaite qui ont concouru à la mise en place de l'ART sont indispensables pour faire du pays un domaine attractif aux yeux des investissements étrangers dans le domaine, il est nécessaire ici de rappeler que la fuite des marchés des pays en développement st due, semble t-il, aux manques de garanties suffisantes que ces économies ne veulent nullement assurer aux investir étrangers. Le droit international et le droit de la concurrence ont encore prévalu sur le droit interne et administratif, car leurs effets ont entraîné son éviction par deux moyens : La réduction de la sphère d'application du droit administratif en ce sens que celui a vu son domaine d'intervention diminuer, se rétrécir, le droit des télécommunications s'apparente plus de nos jours au droit commun ou à droit privé. Outre, on peut aussi constater le transfert des activités vers les institutions de droit public mais fonctionnant à l'image de ceux qu'ils administrent, avec une autonomie financière. Les activités publiques traditionnelles sont affectées par le droit de la concurrence sous la volonté du droit public. Le problème juridique, c'est le face-à-face entre l'Etat souverain et l'installation d'un système juridique qui intègre le mieux possible les préoccupations d'ordre privé des opérateurs. Sur le plan interne, les Etats se sont déchargés de leurs attributions normatives pour les confier à des autorités administratives indépendantes. On a l'ART en France, OFTEL en Grande Bretagne, la FCC dont ils se sont inspirés sur recommandation de l'UIT qui en 1993 proposait déjà à tous les Etats qui n'avaient clairement réfléchi sur la régulation des télécommunications d'utiliser le système d'autorité indépendante. Donc, ils sauvent leur souveraineté pourtant sur le fond, c'est le souverain qui détermine toutes les règles. Les PED ont suivi, l'Afrique dus Sud avec la SATRA (South Africain Telecommunications Regulatory Anthority), l'ANRT au Maroc, l'ART&P au Togo qui s'occupe des postes en plus. Sur le plan international, ils conservent aussi leur souveraineté dans la détermination des règles puisque l'UIT affirme que chaque Etat conserve sa souveraineté dans la réglementation des télécommunications70(*).
* 65 Manuel de Droit économique, Jean Philipe Colson, 3eme édition, professeur Université de Montpellier. * 66 République du Sénégal, document de référence, liste d'engagements spécifiques, GATS/SC/75 (pages 3 à 11), GATS/SC Suppléments 1,2. * 67 République du Sénégal, document de référence, liste d'engagements spécifiques, GATS/SC75 (pages 3 à 11), GATS/SC/ Suppléments 1, 2 * 68 la loi du 2001-15 du 27 décembre 2001, portant Code des Télécommunications, titre V article43. * 69 La loi du 2001-15 du 27 décembre 2001 portant Code des Télécommunications, titre V article 72, 73 et 74 * 70 Le droit international des télécommunications, conférence du 21janvier 2000. Blaise TChikaya, professeur Faculté de droit et d'économie de la Martinique (Fort-de-France) |
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