1.1.2.5. Migrations internes et
gestion des ressources naturelles
PARE, L. (1997) fait remarquer par la suite
que là où les autochtones et les allochtones cohabitent, les
intérêts et les stratégies croisés font rapidement
évoluer les modes d'accès aux ressources agropastorales qu'il
désigne par le terme d'arrangement. Il montre à partir des termes
empruntés à la langue locale, le dioula, comment a
évolué les modes d'accès à la terre avec
l'installation successive des vagues de migrants d'une part et la promulgation
en 1984 des textes portant Réorganisation Agraire et Foncière
(RAF) au Burkina et qui proclament l'expropriation en droit des
détenteurs traditionnels de droit d'appropriation. Pour l'auteur, la
RAF entraîne des mutations profondes et rapides dans les tenures
foncières. En effet, selon toujours PARE L., les textes de la RAF dont
l'objectif fondamental est l'expropriation de droit des propriétaires
fonciers coutumiers ont favorisé davantage les défrichements
étendus, la déforestation, la dégradation des ressources
agropastorales d'une part et la multiplication des conflits entre autochtones
et migrants, entre agriculteurs et pasteurs d'autre part.
Quelles conclusions pouvons-nous tirer de cette
analyse documentaire?
Cette analyse documentaire nous a surtout permis de faire la
situation de la littérature existante sur les questions
foncières, les immigrations internes, leurs causes et leurs
conséquences, la gestion des ressources naturelles et la relation entre
croissance démographique.
Pour ce qui est de la gestion foncière ou encore
propriété foncière, la sécurisation foncière
des producteurs et le rendement de leurs productions, les structures de gestion
du système foncier, nous avons perçu que la question
foncière demeure une question fondamentale à laquelle, il faut
trouver des réponses adéquates pour permettre l'intensification
des productions.
Les débats sur la question foncière sont
fortement marqués par la confrontation de conceptions et de
théories assez différentes. Les différents auteurs tout en
ayant des points de convergence sur certains points, laissent transparaitre des
points de divergence. Les positions restent mitigées. Cela se justifie
d'une part, par la complexité des systèmes fonciers surtout
africains, et d'autre part, les bords académiques et idéologiques
de ces auteurs. Toutefois, nous pouvons retenir deux paradigmes
théoriques d'interprétation des systèmes fonciers,
surtout, ceux africains.
Dans un premier moment, il est ressorti que pendant longtemps,
les agronomes et les économistes qui ont une vision fixiste des
systèmes fonciers africains ont dépeints comme l'exact
opposé d'un système de propriété. En effet, dans la
logique de ces derniers, ces systèmes « censé se fonder
sur une logique de redistribution périodique au sein de la
communauté, ces systèmes «traditionnels» étaient
supposés privilégier des pratiques extensives, peu productives
par unité de surface, et interdire toute production de surplus. De ce
fait, fondamentalement incapables de faire face à des enjeux nouveaux et
en particulier de permettre d'accroître la productivité de la
terre. Dès lors, un changement radical des modes d'accès
à la terre, sous l'impulsion de l'État, semblait
nécessaire pour sortir de la crise, la propriété
privée étant perçue comme la seule forme institutionnelle
capable de stimuler les investissements sur la terre» LAVIGNE
DELVILLE (1998 : 28). Pour eux, la gestion coutumière des
terres est figée, incapable de s'adapter à l'évolution de
la population, il faut donc inéluctablement passer à
l'harmonisation des modes de gestion foncière en octroyant la
propriété foncière par le titre foncier. Pour ce paradigme
théorique de pensée, la privatisation, est l'unique gage à
la sécurité foncière. Cette vision, comme on peut le
constater, méconnaît les mécanismes de fonctionnement des
systèmes d'exploitation et les règles foncières
africaines.
Dans un deuxième moment, on note une évolution
large des débats Aujourd'hui de nombreuses études récentes
ont remis totalement en cause cette vision «fixiste» en
montrant notamment que les règles foncières africaines sont
flexibles, dynamiques et adaptatives. La régulation coutumière ne
signifie en aucun cas un système figé, le contrôle
communautaire ne veut pas dire absence de droits familiaux permanents et
transmissibles sur les terres de cultures. Cette tendance qui s'oppose à
la première, est animée en première ligne par les
socio-anthropologues. Pour elle, il est important de prendre en compte la
perception que les populations ont de leur situation. C'est en ce sens que les
principaux animateurs de courant estiment qu'il est possible que la possession
de titres fonciers soit associée à un sentiment
d'insécurité et que l'accès à une parcelle du
terroir soit perçu comme sécurisant, même sans aucune
officialisation de ce droit. De plus, la propriété privée
peut-être une source d'insécurité, dès lors qu'elle
obligerait les familles pauvres à vendre ou à hypothéquer
leur terre.
En ce qui concerne les immigrations internes, leurs causes
et les effets induits, la grande majorité des auteurs consultés
soutient que ce mouvement de population surtout rurale se justifie
fondamentalement par le déséquilibre des rapports ressources
naturelles disponibles et l'évolution démographique. Les effets
induits sont la recomposition sociale de l'espace, la dégradation des
ressources naturelles (RN), l'apparition d'acteurs de type nouveau, la
modification des tenures foncières...
Mais quel lien peut-on établir entre la
propriété foncière des immigrants et l'adoption des
techniques de gestion des ressources naturelles? Sur cette question, nos
investigations littéraires nous indiquent qu'elle n'est pas suffisamment
abordée par nos devanciers, surtout quand on la met en relation avec
notre zone d'étude.
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