Les compétences du juge étatique dans l'arbitrage OHADA( Télécharger le fichier original )par Francis NGUEGUIM LEKEDJI Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Contentieux et Arbitrage des Affaires 2007 |
§ I : L'EXCLUSION DE PRINCIPE DE LA COMPETENCE DU JUGE ETATIQUE EN PRESENCE D'UNE CONVENTION D'ARBITRAGELa convention d'arbitrage n'est pas une convention ordinaire. A l'analyse, elle recèle certaines particularités qui fondent son originalité (A). La conséquence immédiate qui en découle est le devoir d'abstention du juge étatique pour connaître des litiges prévus dans cette convention (B). A- LA SPECIFICITE DE LA CONVENTION D'ARBITRAGE
On peut qualifier la convention d'arbitrage d'un instrument singulier de règlement des différends susceptibles de naître de l'exécution d'un contrat. En effet, en tant que point de départ d'une procédure, la convention se borne à établir un mode de règlement des litiges qui peut consister pour les arbitres à agir soit en équité, soit en droit. C'est pourquoi la clause compromissoire est le plus souvent contenue dans un contrat principal ; elle n'en est donc que l'accessoire. La grande spécificité de la convention d'arbitrage reste sans doute son autonomie par rapport au contrat principal qui le contient. Cette autonomie se manifeste sur le plan du rattachement de la convention d'arbitrage par rapport au contrat principal de sorte que la nullité de ce dernier est sans incidence sur la convention d'arbitrage53(*). La convention d'arbitrage se présente donc comme un accord de se soumettre à la décision des arbitres, ce qui constitue un véritable accord-cadre juridiquement contraignant. Dans ce cadre, les parties peuvent soumettre à l'arbitrage toute question, civile ou commerciale, dans le strict respect du principe de la disponibilité des droits objet de l'arbitrage. On parle autrement de droits arbitrables. Il s'agit, en définitive, d'un mécanisme destiné à préserver les contrats de l'influence des ordres juridiques nationaux et de leurs juridictions. La convention d'arbitrage comprend souvent une clause d'exécution volontaire. Le respect de cette convention devrait donc amener les parties à ne pas soumettre leur différend au tribunal étatique. Celui-ci a d'ailleurs le devoir de répondre négativement à une telle demande. On parle alors du devoir d'abstention du juge étatique. B- LE DEVOIR D'ABSTENTION DU JUGE ETATIQUE Le devoir d'abstention du juge étatique est le pendant de l'efficacité positive de la convention d'arbitrage qui oblige les parties à soumettre aux arbitres le litige visé dans ladite convention. Cette obligation est prévue par les principales conventions internationales en matière d'arbitrage. La convention de New York dispose par exemple que « le tribunal d'un État contractant, saisi d'un litige sur une question au sujet de laquelle les parties ont conclu une convention au sens du présent article, renverra les parties à l'arbitrage (...) »54(*). Il en est de même de la loi type de la Commission des Nations-Unies pour le droit du commerce international (CNUDCI)55(*). Pour sa part, l'AU.A traite de la question à l'article 13 de deux façons différentes et complémentaires. D'abord, l'alinéa 1er dispose que « lorsqu'un litige, dont le tribunal arbitral est saisi en vertu d'une convention arbitrale, est porté devant une juridiction étatique, celle-ci doit, si l'une des parties en fait la demande, se déclarer incompétente ». Ensuite, l'alinéa 2 dispose que « Si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle ». Le principe de l'incompétence des juridictions étatiques est ainsi traité différemment selon que le tribunal arbitral est ou n'est pas déjà saisi du litige. Dans le premier cas, il doit se déclarer incompétent56(*). Dans le second cas, il peut avoir, sous certaines conditions, une vocation subsidiaire à intervenir. * 53Il s'agit ici de l'autonomie substantielle de la convention d'arbitrage, contrairement à l'autonomie juridique qui concerne le rattachement de la convention d'arbitrage à une loi ou un ordre juridique donné. V. P. Meyer, OHADA, op. cit., no 123 et s. * 54Article 2 § 3 de la Convention de New York précitée. * 55Son article 8 dispose que « le tribunal saisi d'un différend sur une question faisant l'objet d'une convention d'arbitrage renverra les parties à l'arbitrage si l'une d'elles le demande au plus tard lorsqu'elle soumet ses premières conclusions quant au fond du différend (...) ». * 56Pour une application, V. T.G.I de Ouagadougou, jugement no 416/2005 du 28 septembre 2005, aff. La société Sahel Company (SOSACO) c/ Mme Kabore Henriette, in www.ohada.com/Ohadata J-07-114. |
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