Milieu familial et reussite scolaire( Télécharger le fichier original )par Jimmy CALIXTE Université d'Etat D'Haiti/Faculte des Sciences Humaines - Psychologie 2007 |
2.2.1.2-L'approche culturalisteSelon les culturalistes, le niveau socioculturel de la famille, l'héritage légué par l'environnement social sont autant d'éléments qui favorisent ou non la réussite scolaire de l'apprenant. Des auteurs comme Bourdieu et Passeron (1970) et Baudelot et Establet (1972) soutiennent que l'échec scolaire résulte de la distorsion entre la culture familiale et la culture privilégiée par l'école. Bourdieu et Passeron (1970) avancent que la culture privilégiée par l'école est celle de la classe dominante. Pour Bourdieu (1966, pg 326) :« L'héritage culturel qui diffère selon les classes sociales, est responsable de l'inégalité initiale des enfants devant l'épreuve scolaire et, par là, des taux inégaux de réussite » Ce dernier nous invite à comprendre que l'héritage culturel des élèves détermine la performance scolaire de l'apprenant à l'intérieur du système scolaire. Toujours selon Bourdieu (1966), les parents transmettent à leurs enfants un système de valeurs qui contribue à définir, entre autres choses, les attitudes à l'égard du capital culturel et à l'égard de l'institution scolaire. Bourdieu soutient que l'inégalité des chances de réussite à l'école est liée justement à la possession ou la non- possession des normes et des valeurs propres au milieu scolaire. La présentation que nous venons de faire sur l'influence des conditions économiques et culturelles sur le destin scolaire de l'enfant, est globale. Cependant, comme le montrent Bastin et Roosen (1991) cette influence se regroupe à l'intérieur de quatre groupes de paramètres : Le langage, les pratiques culturelles, les aspirations et les systèmes de valeurs. Le poids de ces paramètres dans le destin scolaire de l'élève, peut varier d'un auteur à un autre. · Le langage Des auteurs soutiennent que le langage représente un des éléments du milieu socioculturel qui influence la réussite scolaire des enfants. Ces auteurs mentionnent que l'inégalité des chances de réussite à l'école est liée à la possession ou non dans le milieu familial d'un code linguistique qui est le même que celui priorisé par l'école. Bourdieu et Passeron (1970) dans La reproduction ont fait une approche sociolinguistique dans leur tentative d'explication de l'échec (ou de la réussite) scolaire. Ces auteurs ont fait le constat que l'échec scolaire croît à mesure que l'on va vers des classes sociales qui s'éloignent de la langue d'enseignement. Les enfants qui proviennent des milieux socioculturels défavorisés réussissent moins bien à l'école, tandis que, les enfants issus des milieux favorisés socio culturellement réussissent normalement. Selon ces auteurs, cette situation est liée au fait que l'école, reproduit la culture de la classe dominante. Donc, les enfants issus des classes favorisées possèdent le capital linguistique requis par l'école, tandis que ceux provenant du milieu défavorisé ne le possèdent pas. Bernstein (1975) aborde la question dans une logique similaire à celle de Bourdieu et de Passeron. L'auteur souligne que le bain linguistique dans lequel l'enfant est plongé dès ses premiers mois détermine son adaptation à la langue de l'école. L'auteur souligne qu'il existe en fonction des milieux socioculturels deux types de langues caractérisés par deux types de code linguistique. Une langue « riche », par son lexique, par sa syntaxe, par ses nuances affectives et logico verbales. Cette langue correspond à un « code élaboré » du langage. Et une langue « pauvre », qui est avant tout un support d'échanges immédiats, concrets et peu soucieux de l'implicite du discours et des nuances d'expression. Cette langue correspond à un « code restreint » du langage. Selon Bernstein, le « code élaboré » correspond précisément à celui des apprentissages scolaires et se retrouve dans la langue parlée dans les familles de niveau socioculturel élevé. Tandis que le « code restreint » qui n'est pas celui de l'école, se retrouve dans la langue parlée dans les familles socio culturellement démunies. Ainsi, selon l'auteur, l'échec scolaire des enfants provenant des milieux défavorisés peut trouver leur explication, dans l'existence dans ces milieux d'un code linguistique, différent de celui de l'école. Ainsi comme le soulignent Bastin et Roosen (1991, pg 45) : « Le langage s'érige-t-il en critère de sélection dès les premières années d'école (...) » · Les pratiques culturelles Les pratiques culturelles sont considérées comme l'un des paramètres qui retentissent sur la manière dont les enfants réussissent à l'école. Litt (1980) et bien d'autres auteurs (Carron et Chau, 1998) considèrent comme des indicateurs pertinents des pratiques culturelles ayant rapport avec la réussite : la présence d'une bibliothèque familiale, la fréquentation du musée et du théâtre, la lecture des journaux, l'utilisation de l'ordinateur, de l'Internet... Bien des recherches, ont considéré ces éléments culturels dans leur tentative d'explication de la performance de l'élève à l'intérieur du système éducatif. Carron et Chau (1998) ont remarqué que le manque de contact avec le monde écrit était un des paramètres qui expliquait l'échec scolaire dans ces pays (Mexique (Puebla), Chine (Zhejiang), Inde (Madyapradesh) et Guinée). Près de 50 à 65 % des parents interrogés au cours de l'enquête mentionnent qu'ils ont moins de 10 livres à la maison. Ces livres sont généralement des bandes dessinés et des livres scolaires. Carron et Chau décrivent la situation de ces zones comme suit : « (...) peu nombreux sont les élèves qui disposent d'un bureau à leur usage personnel. Les enfants ont peu de contact avec le monde de l'écrit en dehors de l'école, à cause de la rareté du matériel de lecture. » (Carron et Chau, 1998, pg 91). Si nous extrapolons, nous pouvons mentionner que pas mal de recherches ont bien montré que l'existence de livres dans l'entourage immédiat de l'enfant représente un facteur significatif dans le processus d'apprentissage de la lecture. Processus : « Fondateur pour la vie scolaire de l'enfant et pour l'adaptation des gens en société » (Jean Jacques, 2001 pg 54)5(*). Il paraît donc évident que l'absence de contact avec le monde de l'écrit joue sur la réussite scolaire de l'élève. · Les aspirations et Les systèmes de valeurs Boudon (1973) explique la relation entre la position sociale et le cursus scolaire de l'élève par une différenciation des champs de décision. Pour Boudon, les aspirations et les attentes de l'élève sont liées au rapport rationnel que l'apprenant fait entre le coût et les bénéfices de l'étude. Pour Boudon, si au cours des classes primaires c'est l'héritage culturel qui oriente les études. En secondaire, ce sont les choix professionnels des individus, calculés en termes de coûts et de bénéfices. Pour Boudon, plus l'élève vit dans une classe économiquement défavorisé, moins il a des aspirations et des attentes élevées par rapport à l'école. Pour certains auteurs, comme Litt (1980) l'origine sociale conditionne la réussite scolaire à travers les systèmes de valeurs et les aspirations ou les attentes des élèves. Litt soutient que le choix des filières, la décision de poursuivre ou non des études post secondaires, les perspectives professionnelles sont liés étroitement à la position sociale des élèves. Grootaers (1980) souligne dans la condition scolaire et l'échec, que l'échec des élèves provenant des classes sociales « inférieures » est lié au fait que le système de valeur priorisé par l'école est celui des classes « supérieures ». L'organisation scolaire, ses règles et ses activités, sont étrangères au système de valeurs retrouvées dans leur milieu d'origine. Par ailleurs, Bastin et Roosen (1991) soulignent que plus on descend dans la hiérarchie sociale, plus on rencontre des systèmes de valeurs précisément associés à des probabilités décroissantes de survie et de réussite dans le système scolaire. Ces auteurs soulèvent clairement le fait que les systèmes de valeurs propres à chaque classe sociale favorisent la réussite ou l'échec de l'élève. Mais face à cette thèse, l'on ne peut s'empêcher de poser certaines questions. Comment certains enfants issus d'un milieu socio économiquement et socio-culturellement défavorisé arrivent-ils à réussir à l'école ? Comment expliquer l'échec de certains enfants issus de milieu favorisé (économiquement et culturellement) ? Tout semble suggérer que, même dans les conditions d'égalité des chances devant l'éducation, certains enfants, quelque soit leur milieu, réussissent moins bien à l'école que d'autres. Donc, vouloir expliquer la réussite scolaire des élèves par les seuls facteurs sociaux nous semble incomplet. Ceci devient particulièrement observable quand s'ajoute à cette dernière des variables comme le sexe des enfants, la structure familiale et les pratiques éducatives utilisées par les parents. Fusch (1996) de son coté pense que les facteurs familiaux internes (pratiques éducatives, participation parentale, etc.) peuvent avoir une influence sur le comportement de l'enfant et sur sa réussite à l'école.
* 5 In Itinéraires # 3 et 4, Juillet 2001; CRESHSO (Centre de Recherche Historique et Sociologique) UEH- FASCH |
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