Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)( Télécharger le fichier original )par Julien Vinuesa Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004 |
3-3-2 : La dissolution de la Société des Droits de l'homme et du citoyen de Rouen.A-L'application de la législation anti-républicaine.Le 22 août 1834, la chambre des appels correctionnels de Rouen reçoit l'appel formé par Adolphe Patey et dix de ses amis350(*). A l'audience, il est rappelé que le tribunal de 1ère instance de Rouen, section correctionnelle, les a condamnés, le 2 juillet de la même année, dans l'activité de leur association dite la Société des Droits de l'homme : Adolphe Patey (âgé de 37 ans, agent d'affaires), Charles Alphonse Anger (âgé de 27 ans, mécanicien), François Pierre Auguste Juquin (âgé de 25 ans, commis de négociant), Léon Brunswick (âgé de 36 ans, commerçant), Pierre Bobée (âgé de 43 ans, commis), Jean-Pierre Guilbert (âgé de 43 ans, tisserand), chefs directeurs ou administrateurs du Comité central de la Société de Droits de l'homme sont déclarés coupables d'avoir formé une association de plus de vingt membres, dont le but était de se réunir pour s'occuper d'objets politiques, sans l'agrément du gouvernement. Pour cela, les six sociétaires sont condamnés à payer 100 F d'amende chacun. Le tribunal acquitte les autres membres présents (Robert Evrard (peintre), Jacques Nuisement (âgé de 36 ans, charcutier), Eugène Ferment (âgé de 22 ans, commis), Jean-Baptiste Saillard (âgé de 20 ans, ouvrier fondeur) et Stanislas Pelhestre (âgé de 26 ans, horloger)) mais déclare la Société dissoute. Lors de la séance du 23 août, le substitut Leroy dépose sur le bureau du président une réquisition écrite, visée par le procureur général Moyne. Le parquet général déclare les membres de la Société des Droits de l'homme, coupables d'avoir contrevenu à l'article 291 du Code pénal réglementant les associations ainsi qu'à la nouvelle loi votée le 10 avril 1834 visant à démanteler les sociétés républicaines351(*). L'affirmation de l'orléanisme, prônée par un gouvernement de plus en plus conservateur, passe par la réduction de la « menace républicaine » et donc un renforcement des lois et de leurs applications. Pascal Vielfaure écrit : « Malgré des prises de positions fermes à la Chambre des députés et une jurisprudence appliquant l'article 291 du Code pénal, les associations continuent de représenter une menace pour le gouvernement. Après les crieurs publics, le gouvernement s'attaque à cette question. Un projet est présenté aux députés à la séance du 25 février 1834. Le gouvernement n'hésite pas à montrer du doigt le parti républicain. Et ces associations, qui tendent au renversement de l'ordre établi, sont aux yeux du gouvernement la cause de tous les maux. L'ennemi étant repéré, il convient de l'anéantir. Pour ce faire, le garde des Sceaux propose de donner « force et complément » aux dispositions de la loi qui prohibe les associations. Il s'agit d'éviter que ces associations contournent l'article 291 en se constituant en section de moins de vingt personnes. Il s'agit aussi d'augmenter la pénalité jugée dérisoire du Code pénal et d'atteindre, non seulement les directeurs, les chefs de l'association, mais encore tous les membres sans distinction ». Et sur la compétence des juridictions correctionnelles : « En outre, la crainte de voir ces infractions insuffisamment réprimées conduit à éviter autant que possible la compétence des jurés au profit, soit des magistrats, soit des politiques. Au nom de l'efficacité répressive, le ministre écarte expressément la compétence du jury »352(*). Ce durcissement de la législation anti-républicaine se justifie, par ailleurs, pour le gouvernement, par l'implantation menaçante de la Société sur tout le territoire national. * 350 Arrêts sur la poursuite du ministère public/Cour Royale police correctionnelle 1829-1835, 2U441. * 351 « Il est manifeste que depuis 1834, le gouvernement tente d `éviter le jury, chaque fois que c'est politiquement réalisable. Ainsi, la loi du 10 avril 1834 attribue aux tribunaux correctionnels les infractions qu'elle édicte et particulièrement les manquements à l'article 291 du CP. Cet article figurait dans la liste des délits politiques depuis la loi du 8 oct. 1830 et donc relevait du jury », Vielfaure Pascal, op. cit., p. 216. * 352 Vielfaure Pascal, op. cit., p. 143. |
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