Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)( Télécharger le fichier original )par Julien Vinuesa Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004 |
B-La souscription à l'origine de l'affaire D'Avannes et Avril (voir infra) : une critique ouverte du gouvernement orléaniste.Le numéro du 12 septembre fait mention de l'ouverture d'une souscription au bureau de la gazette, dont le titre est sans ambiguïté : « en faveur des victimes de l'arbitraire dans l'ouest »300(*). La gazette de Normandie présente à ses lecteurs un pouvoir central qui renoue avec les tragiques guerres vendéennes de la Révolution française ; les ripostes gouvernementales en Vendée sont décrites comme étant « des mesures arbitraires dans les départements de l'Ouest »301(*). Dans ses attendus, la Cour, au regard du soutien aux chouans et à l'éloge du régime de la Restauration, voit dans la souscription, un appel à la mobilisation en Vendée. Par leurs dons, la Cour reproche à la gazette d'avoir nourri et rallongé la résistance vendéenne. La Cour retient particulièrement le numéro du 18 septembre où la gazette se livre à une condamnation explicite du gouvernement : « On s'efforce de ressusciter toutes les horreurs qui firent jadis, de la Vendée, un vaste cimetière. Quel fruit, le gouvernement peut il retirer de tant d'arbitraire et d'illégalité [...]. Heureusement, le pays commence à s'éclairer et les calomnies indignes répandues sur des français qu'ils ont forcé d'être leurs ennemis, ne trouvent plus d'écho en France. Nous le disons hautement le gouvernement seul est responsable de tous les maux présents et de tous ceux qui peuvent surgir encore : tôt ou tard, il en devra compte à la Nation »302(*). Mais c'est surtout l'article intitulé : « appel fait par un vendéen à tous les amis de la légalité », paru dans le numéro 25 septembre qui scandalise davantage : « puisse le pays se couvrir d'association contre la tyrannie que la révolution nous apporte [...], la nécessité le commande, les tentatives individuelles ne sont rien pour arrêter la menaçante invasion de l'arbitraire, la résistance doit être générale, les efforts unanimes et le signal ne peut partir que des lieux où toute liberté n'est pas étouffée [...]. la Terreur règne dans l'Ouest [...], la France, cette terre de franchise et de liberté ne peut supporter longtemps le règne abject d'une lâche violence [...]. Les agents du pouvoir ont organisé dans l'Ouest un vaste système de concussion et de pillage »303(*). Déjà, dans son réquisitoire du 17 octobre, Alfred Daviel utilise ce passage pour justifier la poursuite du gérant Walsh devant la Cour d'assises. Daviel apparaît surtout choqué par le rapprochement qui est fait entre la Révolution française et la Révolution de Juillet, la Terreur et le gouvernement actuel : La gazette de Normandie en appelle à l'affrontement avec le régime de Juillet, comme les vendéens à partir de 1793 se sont battus contre le régime républicain. Défenseur du pouvoir en place, Daviel n'en a pas moins des sympathies pour les républicains : « Est-il besoin de discuter la criminalité de telles allégations ? Est-il besoin de prouver que signaler un gouvernement comme livrant un pays à la désolation, comme le poussant à plaisir à la révolte, comme faisant organiser un vaste système de concussion et de pillage, s'efforçant de ressusciter un régime de meurtre et de dévastation, et enfin régnant par la Terreur [souligné plusieurs fois], c'est le dénoncer à l'exécution et au mépris de tous les citoyens ? »304(*). Le jury entend le réquisitoire de Daviel et condamne, finalement, Edouard Walsh pour excitation à la haine et au mépris du gouvernement du roi, mais répond par la négative, quant à la seconde question concernant la provocation à la guerre civile. Conformément au réquisitoire du parquet général, le gérant est contraint de payer une très lourde amende de cinq mille francs. La sanction est exemplaire et calme, pour un temps, le militantisme de la gazette de Normandie. C'est la dernière grande condamnation du journal, avec une amende aussi considérable. Par la suite, les procès, concernant la gazette, seront d'une importance moins grande et aboutiront à des acquittements. * 300 Ibid. * 301 Ibid. * 302 Ibid. * 303 Ibid. * 304 Réquisitoire du premier avocat général, Alfred Daviel, daté du 17 octobre 1832, prononcé devant la chambre des mises en accusation, 2U 1717. |
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