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Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)

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par Julien Vinuesa
Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004
  

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1-3-3 : L'affirmation du respect des valeurs conservatrices.

A-Pour une liberté de la presse contrôlée.

La récurrence du thème de la liberté de la presse dans les discours de rentrée du procureur Moyne de 1832 à 1835 révèle que la question est au coeur des préoccupations du parquet général. Allant de pair avec la liberté d'opinion et d'expression de l'opposition, la liberté de la presse se place au coeur des combats politiques. Défendre la répression ou la liberté de la presse est une bonne occasion pour prendre position contre ses adversaires politiques et affirmer les choix gouvernementaux. Jean-Claude Farcy cite un long article du Journal de Rouen qui rappelle « au procureur général Moyne ses discours antérieurs, pleins d'enthousiasme en faveur des idées de la liberté131(*), alors qu'il est désormais conduit [en 1835] à justifier les lois nouvelles limitant la liberté de la presse »132(*). Dans son discours de 1834, Moyne, appelant à la plus grande fermeté, fait un éloge critique de la presse :

« Un nouvel élément de l'organisation sociale, la presse, rendrait la position des magistrats plus difficile, s'ils montraient la monde faiblesse [...]. La presse fait disparaître les distances, unit les intérêts, développe les principes utiles, opère la diffusion des lumières [...] cette conquête, assurée par la Révolution de Juillet, ne peut être contestée [...]. A côté de l'usage se trouve l'abus [...] c'est un mal que les amis de la liberté de la presse doivent savoir supporter ; ils doivent respecter cette précieuse liberté jusque dans ses écarts »133(*).

Moyne, dénonçant l'influence néfaste des partis, se pose en victime de la presse d'opposition, notamment du Journal de Rouen, particulièrement dur avec ce procureur général comme jamais auparavant :

« Les partis sont en présence, leur langage est passionné, irritant ; ils sont déçus dans leurs espérances par l'ordre qui renaît ; vous qui êtes institués pour réprimer leurs excès, voulez-vous que la partie de la presse qui représente leurs opinions, leurs intérêts, soit juste envers vous, cela ne saurait être [...]. Le mensonge et la calomnie seront sciemment employés contre vous [...]. Et si, par vos fonctions, vous sévissez contre cette partie de la presse au nom de la loi transgressée, les passions déchaînées ne connaîtront plus de frein ; c'est un crime irrémissible de toucher à eux et à leurs amis »134(*).

Intitulé « Ordre et liberté » et traitant également du problème de la presse, le dernier discours de Moyne du 3 novembre 1835 constitue une étape importante, « une première brèche »135(*) dans les thèmes des discours. Le procureur général Moyne utilise l'occasion du discours de rentrée pour prononcer un véritable discours politique. Le thème central du discours est la question des récentes lois sur la presse du 9 septembre 1835. Loin des généralités judiciaires d'usage, Moyne, comme Alfred Daviel en 1830, réagit sur les événements politiques du moment, et érige les lois gouvernementales de septembre en nécessité. Contrairement à 1834, Moyne n'accepte plus les écarts de la presse d'opposition (voir infra) et espère que les lois de septembre y donneront un coup d'arrêt définitif :

« Faut-il s'étonner, qu'à peine à [l'origine du gouvernement constitutionnel], la licence de la presse se soit développée avec autant de responsabilité ? [...] La liberté de la presse, si largement consacrée par la Charte, est une arme de bien et de mal [...], la presse, comme les institutions, a ses inconvénients, ses excès. Si elle devient licencieuse, elle a besoin d'un frein »136(*).

Le discours de 1835 est aussi une opportunité pour revenir sur les procès de presse dirigés par le parquet général. Moyne commente : « Les accusés étaient de nobles victimes du courage et du patriotisme ; on les encourageait par leur audace, et leurs juges étaient presque des bourreaux. Plus tard, on aura peine à croire à tant de délire »137(*). Moyne, relayant la pensée gouvernementale, considère la presse comme « la première arme dont les partis se sont emparés »138(*) : Moyne fait allusion dans son discours à un procès d'assises dirigé contre la gazette de Normandie, le 19 novembre 1832, qui arrive peu après le débarquement puis la capture de la duchesse de Berry (voir supra) et accuse, à juste titre, ce journal de faire le lit du parti légitimiste139(*). Contre les menaces de la presse légitimiste et républicaine, Moyne considère que les lois de septembre constituent des mesures efficaces pour faire respecter l'ordre et assurer la liberté de la presse :

« les faits avertissaient assez que la répression était insuffisante ou échappait de la main de ceux qui l'employaient ; il fallait un appel à la législature. Le long cri d'indignation poussé par la France a été entendu [...]. Il ne sera plus permis de multiplier, sous toutes les formes, les attaques contre celui que la Charte déclare inviolable ; sa famille ne sera plus exposée aux insultes de ces pamphlétaires méprisables qui luttent de bassesse et d'infamie »140(*).

Pour Moyne, les partis avaient pris les organes de presse comme armes. Désormais, les magistrats ont désormais de quoi répliquer141(*).

* 131 Extraits du Journal de Rouen du 3 novembre 1835 : « En 1832, [ Moyne ] s'annonçait comme devant «porter dans tous ses actes la liberté d'opinion et d'examen».[...] En 1833, il disait : «On ne croit pas au libéralisme de ceux qui enchaînèrent la presse ». [...] En 1833, il disait aussi : « Il n'y a de durable que ce qui est bon, et les brusques changements dans la législation seraient en opposition avec nos habitudes, nos moeurs, nos besoins, et ne pourraient se soutenir ». [...] Il ajoutait : « La presse est la plus précieuse de nos libertés ; il faut la conserver : elle est l'essence de notre gouvernement. Ses amis peuvent déplorer ses violences ; ses amis la défendraient si elle était menacée dans son existence ». [...] Il disait encore :

«L'exagération des peines irrite et dépasse le but qu'on veut atteindre» ».

* 132 Cf. Jean-Claude Farcy, Magistrats en majesté, op. cit., p. 50.

* 133 Cf. M. Moyne, Discours prononcé par M. Moyne, le 4 novembre 1834, op. cit.

* 134 Ibid.

* 135 Cf. article d'Elisabeth Ancenay-Chavoutier (avocat au barreau de Rouen), in Nicolas Plantrou (dir.), op. cit., p. 381.

* 136 Cf. M. Moyne, Discours prononcé par M. le procureur général à l'audience solennelle de rentrée de la Cour royale de Rouen, le 3 novembre 1835, Rouen, Imp. De F. Marie, n. d., 24 p.

* 137 Ibid.

* 138 Ibid.

* 139 Ibid. : « Mais si un parti qui regrette ce qui n'est plus, formule ses projets en attaques systématiques contre un gouvernement fondé aux acclamations de tout un peuple ; s'il prêche sans cesse le renversement des institutions, au risque de soulever des flots populaires dont il serait la première victime ; si d'autres provoquent directement à la fondation d'une république, vague, indéterminée, qu'eux seuls connaissent ou conçoivent ; que leurs opinions soient traduites en actions sur la place publique, ou développées tous les jours dans des feuilles anarchiques ; si ces partis, aussi antipathiques que les éléments les plus opposés, unissent leurs efforts pour renverser ce qui existe dans un but bien différent, aucun gouvernement ne tiendraient longtemps contre ce double feu ».

* 140 Ibid.

* 141 « votre concours [s'adressant aux magistrats] sera plus puissant avec le secours des nouvelles lois sur la presse [...] ces nouvelles armes entre vos mains ne seront point dommageables pour le pays, vous les appliquerez avec une fermeté éclairée ».

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry