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Problématique de la pauvreté et bidonvillisation en Haiti, le cas de Shada au Cap-Haitien

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par Banet JEAN
Université d'Etat d'Haiti - Licence sciences économiques 1999
  

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TROISIEME PARTIE :

LES MESURES DE LUTTE CONTRE LA

PAUVRETE ET ALTERNATIVES

CHAPITRE IV :

LES MESURES

TRADITIONNELLES

En ces derniers temps, à travers toutes les grandes institutions du monde, on ne cesse de parler de la lutte contre la pauvreté et beaucoup de ressources (économiques et humaines) se convergent en vue de trouver la solution adéquate. Mais, jusqu'ici, où en sommes-nous ? A qui bénéficie véritablement cette lutte, dite contre la pauvreté ? Autrement dit, comment y arriver ?

Plusieurs voies s'offrent.

Si l'on veut considérer la logique des néo-libéraux, c'est de laisser « le libre jeu des forces du marché », et à long terme, tout finirait par rentrer dans l'ordre. Cependant, selon une remarque assez surprenante faite par l'un des experts du PNUD, Hugo FernandezFaingold :« Si la région parvenait à croître à un taux de 6 %, sans modifier les patrons actuels de distribution, il faudrait compter plus de trois décennies avant que sa population puisse sortir de la pauvreté. »103. Donc voir cette lutte d'une manière traditionnelle, comme on le fait depuis des années, ne va pas résoudre le problème. Il est nécessaire de changer les canaux de distribution tout en incluant les pauvres eux-mêmes. On doit les demander leur point de vue, notamment en ce qui concerne leur aspiration. On doit faire en sorte que les pauvres soient réinsérés dans les rapports sociaux leur ouvrant l'accès aux ressources, biens et services disponibles. Nous pensons que la lutte contre la pauvreté ne doit pas être réduite à une manière spécifique d'intervenir en faveur des pauvres, mais elle doit être une façon de concevoir des modèles inclusifs de développement. Il est clair que la pauvreté représente, aujourd'hui un grand danger. Et c'est ce que fait remarquer le directeur général de l'UNESCO, « la pauvreté est un facteur d'instabilité. Aujourd'hui, la pauvreté constitue la facette la plus alarmante de l'insécurité à l'échelle internationale... La croissance dans l'inégalité tend à l'aggraver. Inégalité non seulement à l'échelle internationale mais surtout à l'échelle nationale. Très

103 Fritz Deshommes, p. 224

souvent, les références aux inégalités, aux asymétries, aux bipolarités internationales occultent- parfois malicieusement- les inégalités énormes, Intolérables, qui existent à l'intérieur des différents pays »104 . Plus que jamais, on doit chercher des voies à en sortir. Voyons les solutions qui ont été déjà proposées.

SECTION 1. LES PROGRAMMES D'AJUSTEMENT STRUCTURELS

Avec les néo-classiques, au cours des années 1970, un terme nouveau apparut dans le domaine de la pensée économique. Il s'agit bien du « programme d'ajustement structurel » et ce dernier a pris un rôle déterminant dans tous les débats socio` -économiques et au niveau de la coopération bilatérale et multilatérale. Mais, on peut ajouter aussi qu'au moment de la crise de la dette de 1982, au régime soviétique débilité sont venus s'ajouter les échecs patents des modèles de développement fondés dur des approches « radicales » et « structuralistes » comme l'Industrialisation par substitution des importations (ISI) mis à l'essai en Amérique latine. Cette conjoncture a eu pour effet d'instiller l'idée pour que le modèle capitaliste à l'américaine fût la seule voie de développement pour les gouvernements des pays du Sud. Les programmes d'ajustements structuraux (PAS) proposés par le FMI et la BM ont donc pu être appliqués sans trop de résistance105.

Cependant, les programmes d'ajustement structurels varient en fonction du besoin d'un pays à un autre et semblent, assez souvent, résulter de la mauvaise utilisation des recettes en devises et des ressources de l'Etat suite à l'élévation rapide de la valeur de leurs exportations. Selon le constat fait par GUILLAUMONT Patrick, «quatre indicateurs de besoin d'ajustement sont retenus pour définir un indicateur synthétique : deux indicateurs fondamentaux : solde courant et croissance ; et deux indicateurs complémentaires : niveau d'endettement extérieur, et de taux de change réel. Selon les critères retenus, sont considérés comme ayant un fort besoin d'ajustement ceux dont simultanément le solde de la balance des paiements courants et le taux de croissance du PIB sont inférieurs à leur valeur médiane, ou encore ceux qui combinent l'une des deux propriétés précédentes avec un encours de la dette extérieure ou un taux de change effectif réel supérieur à sa valeur médiane».Nous énumérons certains indicateurs de besoin, selon ce dernier:

104 Ibidem, p.225

105 Le Nouvelliste, No. p.11

1- Un pays dont la balance courante est déficitaire et la croissance du produit faible, voire négative;

2- Un pays qui ne parvient à équilibrer sa balance courante qu'au prix d'une politique déflationniste (c'est-à-dire dont la croissance est faible ou négative). Son besoin d'ajustement correspond à une perte de compétitivité et dans le fait qu'il a atteint son niveau maximum d'endettement, ce qui le condamne à équilibrer sa balance courante. Un pays dont la croissance économique rapide s'accompagne d'un fort déséquilibre de la balance des paiements courants et qui ne peut espérer poursuivre sa croissance si l'encours de sa dette extérieure limite à brève échéance le recours aux capitaux extérieurs et si son niveau de compétitivité compromet le rééquilibre de sa balance106.

Ce schéma, dicté par le FMI et la BM, a conduit les grands décideurs d'Haïti d'entrer dans ce « jeu », comme ce fut les cas pour d'autres pays de l'Amérique latine, à savoir, l'application des programmes d'ajustement structurels. Malgré le caractère messianique qu'on a voulu attribuer à ces types de programme, pour résoudre le problème de la pauvreté dans les pays du TIERS-MONDE, puisqu'ils n'arrivent pas aux attentes escomptées. Selon ce que nous lisons dans le document titré « Une fenêtre d'opportunité pour Haïti », on dit que :

Après l'ajustement structurel de 1986 dont la performance est généralement qualifiée de succès, l'on assiste à une succession de programmes financiers (accords de confirmation, accord d'ajustement structurel renforcé, programmes relais) dont l'implantation est presque toujours interrompue par l'éclatement de crises surtout politiques. Néanmoins les réformes structurelles touchant le commerce extérieur et les finances publiques entreprises durant la mise en oeuvre des programmes financiers, quoique généralement inachevées et les engagements pris au niveau international pendant les 25 dernières années, ont changé le cadre d'évolution de l'économie haïtienne. Ces changements sont pour la plupart `désirables', ce sont également accompagnés de chocs externes, de pratiques et de politiques dommageables, avec des conséquences lourdes pour le cadre macroéconomique. Ainsi, avec l'avènement du gouvernement de transition en 2004, certaines pratiques ont entraîné la contraction de la pression fiscale, la perte du contrôle de l'augmentation des prix, la perte de compétitivité malgré une dépréciation importante de la monnaie nationale par rapport au dollar américain le retrait des investissements privés, l'asphyxie du marché du crédit, la dollarisation de l'économie. Vu l'état critique de la situation, le Gouvernement décida d'accorder la priorité à la stabilisation macroéconomique et au renforcement de la gouvernance tout en misant sur un appui renforcé des bailleurs de fonds107.

Les critiques sont nombreuses sur les méfaits de l'application des programmes d'ajustement
structurels (PAS). Nous pouvons citer les commentaires de la professeure Stéphane

106 Guillaumont, p.19

107 Une fenêtre d'opportunité pour Haïti, DSRP-1, p. 14, Septembre 2007

Rousseau108, affirmant que les effets des « PAS » sont négatifs et ils auraient contribué à « l'accroissement des inégalités sociales, à l'incapacité des pays de développer et maintenir des industries nationales qui ont un potentiel d'entraîner le développement d'autres secteurs et permettant de réinvestir au niveau national »109. Le professeur Jacques B. Gélinas110, pour sa part, présente un bilan désastreux de l'application des PAS dans les pays sous-développés. Selon lui, « vingt ans plus tard, plus d'une centaine de pays soumis aux PAS ont reculé par rapport à leur niveau de développement des années 1980 111». En contrepartie, Mme Rousseau concède certains aspects positifs du « PAS ». Toutefois, elle affirme qu'en Amérique Latine, au Moyen-Orient et en Afrique « il y a eu une stabilisation économique liée aux PAS, car ils forçaient les Etats à mettre de l'ordre dans leurs finances, à assurer une gestion financière et fiscale plus rigoureuse et équilibrée 112». Il est important de voir les différentes formes que prennent le plus souvent les programmes voulant résoudre le problème de la pauvreté.

1.1- Programme d'Aide

La réduction de la pauvreté est l'un des plus anciens objectifs que la « Communauté Internationale » s'est fixée dès le lendemain de la deuxième guerre mondiale. L'aide étrangère, telle qu'on la conçoit aujourd'hui, est l'élimination de la phase qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Nous devons rappeler que « l'origine de l'aide remonte au plan Marshall dont l'application a amené les Etats-Unis à transférer 17 milliards de dollars en quatre ans à l'Europe - soit l'équivalent d'environ 1,5 % du PNB américain pour l'aide à se reconstruire après le conflit. On a jugé, à l'époque, que deux éléments du plan Marshall avaient été essentiels à son succès : l'apport de capital financier de la part des Etats-Unis et l'utilisation productive de celui-ci, par des plans coordonnés, pour rebâtir le patrimoine matériel dévasté de l'Europe »113. Au fil des années, la formulation de l'aide a varié au cours du temps mais elle constitue aujourd'hui une question centrale avec les Objectifs de développement du Millénaire (ODM), définis et adoptés par un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui s'est tenu en

108 Professeure de Sociologie à l'Université Laval, Canada

109 Le Nouvelliste,

110 Professeur de sociologie de développement retraité de l'Université d'Ottawa, Canada

111 Ibidem

112 Ibid., p.11

113 Malcolm Gillies et al., 1998, 284 pages

Septembre 2000 sous les auspices de l'ONU. Des huit objectifs retenus, le premier vise expressément la pauvreté absolue (réduire la proportion de la population dont le revenu est inférieur à $1 par jour). Pour y arriver depuis plus d'un demi-siècle, on essaie d'utiliser plusieurs méthodes afin de trouver des solutions viables. Parmi lesquelles, nous retenons l'assistancialisme.

SECTION 2. ASSISTANCIALISME FINANCIER, TECHNIQUE ET INSTITUTIONNEL

2.1- Apparition de l'assistance extérieure

« On peut faire remonter au début des années 1950 le démarrage de l'assistance extérieure telle qu'elle se présente actuellement, en Haïti. Sur une période relativement courte, des agences internationales s'implantent à Port-au-Prince et fournissent au secteur public, sous forme d'assistance technique et d'appui financier, un volume appréciable d'aide multilatérale. Les principales sources de ce type d'assistance sont les Nations Unies (PNUD, FAO, UNICEF, UNESCO, etc.), la Banque Interaméricaine de Développement (BID) et l'Organisation des Etats Américains (OEA) »1 14 . L'aide bilatérale provient essentiellement des Etats-Unis, par l'intermédiaire de l'USAID. A coté des Etats-Unis, on doit noter le Canada, Taiwan, la République fédérale d'Allemagne. D'après les données de la Banque Interaméricaine de développement ( BID), entre 1980 et 1990, les apports nets des ressources extérieures de toutes origines fournies à Haïti s'élèvent à 2 660.9 millions de

dollars EU. Ce transfert effectif, qui regroupe capitaux publics et capitaux privés, représente l'écart entre l'investissement brut et l'épargne intérieure. Il figure au tableau ci-dessous.

Tableau 4.1- Transfert Réel de Ressources (en millions de dollars EU)

Année

Montant

1980-1984

1 506.1 6

1985

230. 78

1986

232.10

1987

240.11

1988

218. 79

1989

232.94

Total

2 660.88

Source : Kern, p.310

Environ une vingtaine des principaux bailleurs de fonds travaille activement en Haïti, chacun avec des soldes importants non décaissés, se chevauchant dans les secteurs et dans les projets, et ayant souvent des objectifs divergents. L'assistance passe par le programme d'investissement dans le secteur public, le soutien de la balance des paiements, l'assistance humanitaire, et l'octroi direct de sécurité. En 1997, il y avait 269 programmes séparés d'assistances techniques et d'investissement financés par les agences bilatérales et multilatérales dont 43 dans le domaine de la gestion des affaires publiques, 39 dans l'agriculture, 31 dans l'enseignement, 29 dans l'eau, l'assainissement, l'aménagement urbain et 27 dans la santé. Sur ceux-ci, 110 programmes avaient des engagements se montant à un total inférieur à 2 millions de dollars EU115.

Le professeur Malcolm Gillies fait voir que « les fonds étrangers de tous ordres ont pour rôle

d'accroître l'épargne intérieure, afin d'augmenter l'investissement et, par conséquent, d'accélérer la croissance. A supposer que l'aide et tous les autres financements extérieurs ajoutent, disons 6% au PIB, qu'ils servent tous à des investissements supplémentaires, que le coefficient de capital s'élève á 3.0 et que la part du PNB acquise par le capital atteigne 50%, le taux de croissance sera accru de 1 % »116.

2.2- Projets de développement institutionnel et d'assistance technique

Selon l'Association Haïtienne des Economistes (AHE), « il est impératif que le pays s'inscrive dans une dynamique institutionnelle constructive. Qu'il s'agisse des jeux politiques, des jeux

115 Notes de cours de l'Economie haïtienne, Haïti la lutte contre la pauvreté, p.25

116 Malcolm Gillies et al., p.515

économiques, de la recherche de réponses aux questions sociales, de la résolution des conflits et des problèmes juridiques de manière générale, c'est dans la mise en place et le renforcement des structures institutionnelles et dans le respect de leurs vocations que le pays devra trouver les voies pour réenclencher le cercle vertueux du développement. La gouvernance institutionnelle concerne en effet tous les secteurs de la vie publique »117. En fait, si les institutions sont aussi déterminantes pour la prospérité économique, pourquoi notre société ne se dote-t-elle de bonnes institutions ou se retrouve-t-elle avec de mauvaises institutions ? Pourquoi de telles institutions persistent-elles longtemps malgré leurs conséquences désastreuses? Est-ce un accident de l'histoire ou le résultat d'idées fausses ou d'erreurs de nos décideurs ?... « En plus d'influer sur les perspectives économiques d'un pays, les institutions jouent un rôle essentiel dans la répartition du revenu entre les individus et entre les groupes sociaux. Autrement dit, elles influent non seulement sur la taille du « gâteau social », mais aussi son partage. Dans cette optique, une transition d'institutions dysfonctionnelles vers des institutions de meilleure qualité qui augmenteront la taille du gâteau social pourrait néanmoins être bloquée si les groupes au pouvoir voyaient leur part

du gâteau notablement réduite et ne pouvaient être compensés de manière crédible »118. Nous devons noter toute fois que la persistance des institutions et l'éventuelle résistance aux réformes ne signifient pas que ces institutions ne peuvent pas changer. Les institutions évoluent souvent de manière notable, et même des institutions fort dysfonctionnelles peuvent être transformées avec succès. Les politiques prioritaires pour transformer l'économie haïtienne, les politiques de support à mettre en oeuvre pour créer un cadre propice au développement des entreprises, ainsi que celles qui sont indispensables pour assurer une croissance dans l'équité, supposent des institutions qui fonctionnent de façon éfficiente119. C'est ainsi, touchée par cette réalité, depuis 1994, la Communauté Internationale dans le cadre de la lutte contre la pauvreté intervient à travers des projets de développement institutionnel et d'assistance technique. L'emphase sur le renforcement de la capacité institutionnelle était considérée comme essentielle à la durabilité des projets. Ceci a été accompli en formant de nombreuses organisations communautaires, les ONG et les gouvernements locaux à la gestion et l'administration des projets. L'objectif premier de l'assistance technique est d'encadrer et

117 AHE, p.4

118 Daron Acemoglu, p.4

119 CLED, Haiti 2020,p.134

former des haïtiens à la réalisation des programmes de développement socio-économique. Elle assure la fourniture de services administratifs ainsi que d'équipement. Cette forme d'aide représente un volet considérable de l'effort bilatéral ou multilatéral, en raison de l'exceptionnelle gravité de la pénurie de cadres nationaux. En dehors de l'ONU et de l'OEA, de nombreux organismes internationaux pratiquent l'assistance technique. En assurant l'exécution de programmes d'ordre multilatéral ou bilatéral, les ONG sont amenés à fournir également les services d'assistance technique120. Depuis de nombreuses années le secteur privé étranger finance des projets d'assistance institués et gérés par des entreprises bénévoles. Ces associations à but non lucratif que la terminologie officielle désigne du nom d'organisations non gouvernementales (ONG) interviennent aux cotés des organismes de l'aide bilatérale et multilatérale. Elles agissent en complément de l'aide publique au développement fournie par la coopération internationale. Nous devons noter que les ONG font leur apparition en Haïti vers les années 1960, sous forme de missions d'assistance à caractère humanitaire (voluntary agencies ou VOLAGS) bénéficiant de l'appui financier de l'Agence pour le Développement International (AID). Les organisations formées par des groupements privés ont proliféré au cours des années suivantes, mais leur action s'est étendue au domaine de développement, particulièrement du développement rural121. Dans le cas du projet de gouvernance communale (PGC), par exemple, le soutien institutionnel aux élus et aux leaders locaux a conduit à la création de 25 comités d'amélioration qui maintenant se réunissent pour discuter leurs priorités en matière de développement communautaire122. Il faut commencer par reconnaître l'importance des institutions pour le développement économique et identifier les obstacles souvent considérables qui bloquent des réformes institutionnelles.

120 Kern, p.318

121 Ibidem, p.316

122 Note de cours de l'Economie Haïtienne, Haïti, lutte contre la pauvreté, p.35

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille