SECTION 4. LE SECTEUR PUBLIC ET LA LUTTE CONTRE LA
PAUVRETE
Une phrase célèbre, souvent citée, dit
« Le gouvernement le meilleur, c'est celui qui gouverne le moins ». A
ce propos, Ludwig Von Mises déclare « je ne crois pas que ce soit
là une image correcte du rôle d'un bon gouvernement. Le pouvoir
politique doit faire tout ce pour quoi il est nécessaire, tout ce pour
quoi il a été instauré. Il doit protéger les
personnes, à l'intérieur du pays, contre les violences et les
escroqueries des malfaiteurs, et il doit défendre le pays contre les
ennemis étrangers. Telles sont les fonctions du gouvernement dans un
régime libre, dans le cadre du système d'économie de
marché127 ». L'Etat, en tant que pourvoyeur de biens
publics, a la responsabilité première de mettre en place le cadre
qui facilite la tâche aux autres acteurs du domaine de
développement, comme le dit CLED « lutter contre la
pauvreté, c'est mettre en place, en même temps et dans l'harmonie,
toute les pièces du « puzzle », mais c'est surtout
être attentif aux besoins des pauvres. »128. C'est le
rôle de l'Etat haïtien de mettre les moyens en place en vue de
sécuriser les citoyens à tous les points de vue, comme est le cas
dans les pays développés. Par exemple, au XVIIIe, « le
développement économique a commencé en Grande Bretagne
avec une aide directe minime des pouvoirs publics ; mais depuis cette
époque, la part prise par le gouvernement dans le processus s'est
constamment accrue, au point qu'aucune croissance véritable n'est
réellement possible sans un appui public actif... Pour l'heure, il
suffit de savoir que les pouvoirs publics doivent exercer une intervention
active, positive. Il s'ensuit que le gouvernement qui se refuse à
remplir un tel rôle, ou on est incapable, peut lui-même être
considéré comme un obstacle au développement ou comme une
cause fondamentale de la pauvreté »129.
C'est bien malheureux de constater qu'il est vraiment
difficile de parler aujourd'hui, en Haïti, de véritable
stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, du point de vue
de planification ou mis en oeuvre d'un programme cohérent. Notre
gouvernement et 188 autres chefs d'Etat et de gouvernements se sont mis
d'accord sur un ensemble de points en vue d'éliminer ce fléau
qu'est la pauvreté. Les différents objectifs, aussi,
définis dans le programme d'action établit lors de la
3ème conférence des Pays Moins Avancés (PMA)
pour
127 Ludwig Von Mises, p.3
128 CLED, Haïti 2020 : Vers une nation compétitive,
p. 126
129 Malcolm Gillies et autres, p.31
la période allant de 2001 jusqu'à 2010
concernent entre autres les soins de santé, la nutrition,
l'éducation et la formation, la réduction progressive de la
pauvreté et le développement humain, la croissance et
l'investissement, bref le développement. Plus de 6 ans après, on
soupire encore. On se demande : où sont passées ces belles
idées ?
Ces prises de positions ne sont pas nouvelles, puisque de
façon théorique « réduire la pauvreté a
été une priorité plusieurs fois exprimée par les
gouvernements haïtiens qui se sont succédés depuis 1986.
Mais, ceci n'a jamais fait l'objet d'une politique systématique ni d'un
programme cohérent avec des mesures et des objectifs précis. En
l'an 2000, le gouvernement a souscrit aux Objectifs du millénaire pour
le développement (OMD). En 2003, il a appuyé le Programme
Intégré de Réponse aux Besoins Urgents des
Communautés et Populations Vulnérables (PIR) lancé par les
Nations Unies. Le but de ce programme était d'apporter une
réponse coordonner, rapide et ciblée aux besoins urgents d'une
portion grandissante de la population. Pourtant, malgré toutes ces
initiatives, aucune voie réaliste n'a été tracée
jusqu'à présent, pour atteindre les OMD. C'est aussi au milieu de
l'année 2003 que le gouvernement a initié pour la première
fois la préparation d'une Stratégie Intérimaire de
Réduction de la pauvreté. Il mettait ainsi à profit le
cadre méthodologique proposé par les Institutions de Brettons
Wood et les incitations monétaires qui y sont généralement
associées. Mais, les troubles politiques de la fin de 2003 et du
début de 2004 qui ont entraîné la chute du gouvernement ont
mis aussi fin à l'exercice de préparation de ce DSRP
intérimaire. Il est cependant possible de tirer des leçons de
cette expérience avortée130 ». En pratique le
leadership du secteur public devrait motiver les administrations à
être plus attentif aux besoins des démunis et de leur donner des
moyens d'agir en ce sens. Il devrait également favoriser la circulation
de l'information et donner aux vrais pauvres de faire entendre leurs voix.
Toutes les analyses montrent bien que le système
socio-économique haïtien va de mal en pire. On doit s'efforcer
à remédier cette situation le plus rapidement possible. Pour y
arriver, nos dirigeants étatiques doivent faire preuve d'intelligence,
en élaborant des stratégies de développement
véritables. Nous pensons qu'ils n'ont qu'à s'approprier des
objectifs de la 3ème Conférence des PMA de l'an 2001, à
savoir : concentrer des investissement dans les infrastructures, l'agriculture,
l'éducation et formation, la santé, etc. Faut-il dire,
clairement, que la démarche pouvant déboucher à
l'apaisement voire l'éradication de cette pauvreté que nous
connaissons plus d'un siècle en Haïti et, encore,
plus de deux décennies à Shada, doit passer inévitablement
par l'adoption d'une stratégie nationale visant la mise en valeur et
à l'utilisation maximale de toutes les ressources du pays.
C'est-à-dire, les ressources tant humaines que naturelles, tout en
tenant compte de la mondialisation et / ou la globalisation nous faisons face
aujourd'hui. Les politiques publiques doivent favoriser l'accès des
pauvres aux actifs, aux marchés et aux infrastructures de base. C'est le
rôle de l'Etat de s'assurer de la fourniture des infrastructures et des
services publics nécessaires pour réduire l'isolement des
communautés les plus pauvres. Nos politiques d'urbanismes doivent rendre
les bidonvilles vivables et s'attaquer sans tarder à la crise urbaine et
à ses avatars : la dégradation du cadre de vie et la
criminalité131.
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