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La gestion des ressources en eau dans le bassin conventionnel du Lac Tchad: état des lieux et perspectives

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par Mbodou Mbami ABDOULAYE
Université de Limoges - Master 2 en droit international de l'environnement 2006
  

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PARAGRAPHE 2 : L'ORGANISATION ECONOMIQUE

Le bassin conventionnel du lac Tchad est indéniablement une zone d'échanges et de développement économique. Outre l'agriculture, l'élevage et la pêche (A) qui sont des activités prédominantes dans la région du lac Tchad, le commerce s'avère également important dans certaines localités (B).

A- L'AGRICULTURE, L'ELEVAGE ET LA PECHE

Dans cet espace, l'agriculture est sans doute l'activité principale suivie de l'élevage et de la pêche. La population du Lac Tchad pratique pour plus de la moitié des activités agricoles. Depuis que le Lac Tchad a commencé à se retirer, la majorité des pécheurs se sont reconvertis à l'agriculture.

La superficie des terres cultivées du bassin est estimée à plus de 2.800.000 hectares20(*) dont la plus grande partie se trouve au Niger avec 2.010.000 hectares. Le Nigeria arrive en deuxième position avec 560.000 hectares. Le Tchad et le Cameroun ont respectivement 125.000 et 44.500 hectares des terres cultivées. Actuellement, avec l'assèchement d'une grande partie des eaux du lac, les superficies cultivables ont connu une extension et elles sont aujourd'hui estimées par la CBLT à plus de 7.000.000 d'hectares.

Dans la région du Lac Tchad, on y trouve trois types d'agriculture : l'agriculture pluviale, l'agriculture de décrue et l'agriculture par irrigation.

L'agriculture pluviale qui se pratique pendant la saison de pluie, entre juin et septembre, devient de plus en plus importante avec la disparition progressive des eaux du Lac Tchad. Traditionnellement, la population s'adonne à des cultures du mil sur la dune en saison pluvieuse. Mais ces derniers temps, la saison de pluie est également une occasion pour les agriculteurs de mettre en valeur les polders abandonnés par les eaux.

L'Agriculture de décrue est pratiquée presque au même moment que l'agriculture pluviale puisque la période de basse eau du lac se situe entre mai et octobre. Ce sont les bras du lac, provisoirement libérés, qui servent des terres cultivables pendant la décrue. Avec la montée des eaux du lac, ces zones deviennent inaccessibles et inappropriées à l'agriculture. La part de l'agriculture pluviale dans le revenu des habitants demeure très minime.

Depuis une vingtaine d'année, c'est l'agriculture par irrigation qui a fait susciter beaucoup d'intérêt et d'espoir dans la politique agricole des Etats membres. Faute de moyen financier des Etats membres, jusqu'à une date récente, seul le Nigeria a pu construire des barrages pour pratiquer l'irrigation grâce aux eaux du Lac ou à celles de ses affluents.

Bien avant le Nigeria, le Tchad a également eu un projet similaire avec la création de la société de développement du lac (SODELAC) en 1970 qui doit s'occuper du développement socio-économique de la partie Tchadienne du Lac Tchad. Avec la création des grands moulins du Tchad, la SODELAC a eu le monopole de la fourniture en blé pour la fabrication de farine. Ce projet, si ambitieux, n'a pu durer longtemps, car la SODELAC n'a pas été à mesure de fournir les 24 .000 tonnes de blé comme prévenu. La minoterie était donc contrainte de fermer ses portes.

Il a fallu donc attendre 1999 pour que le Tchad réalise, grâce à l'appui des bailleurs de fonds (BAD, BADEA), le projet Mamdi qui dormait dans les tiroirs depuis les années 1970. Il s'agit d'un projet pour l'aménagement de 1.200 hectares de polder à Mamdi, à environ 10 km de Bol, chef lieu de la région du lac. Grâce à ce projet, nous espérons que les grands moulins du Tchad rouvriront leurs portes.

Outre le Tchad et le Nigeria, le Cameroun avait également tenté une expérience qui a fini par un fiasco. C'est le cas du programme SEMRY (société d'expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua, dans le Nord Cameroun. Ce projet qui a commencé sur des bons résultats en 1971 a été confronté à des problèmes d'ordre financier et concurrentiel entraînant ainsi sa fermeture21(*).

L'irrigation est la seule possibilité pour les habitants de pratiquer une agriculture intensive et de se sédentariser. Malheureusement, les agriculteurs se trouvent confronter à des réels problèmes de baisse de niveau du Lac Tchad dont beaucoup d'experts pensent que les barrages sont l'une des causes de cette catastrophe écologique.

Malgré la présence des eaux du Lac Tchad et des polders fertiles, l'agriculture dans le bassin conventionnel est caractérisée par son faible rendement, par son caractère de culture vivrière et par la pauvreté des paysans. Ce faible rendement est dû aux moyens rudimentaires employés par les paysans.

Outre la culture du coton qui est pratiquée comme culture de rente au Tchad et au Cameroun et de la culture d'arachide au Niger et Nigeria, l'essentiel de la culture dans cette région est destinée à la subsistance des habitants. Il s'agit notamment de la culture du maïs, du blé, du mil, du riz, de la pomme de terre, de melon, de tomate, du poivron, d'ail, d'oignon, etc.

L'élevage qui constitue la deuxième activité dans le bassin a connu ces dernières années un développement jamais égalé, mais cet essor est parfois freiné par des maladies qui déciment les bétails.

Dans la partie Nigérienne du Lac Tchad, à savoir la région de Diffa, l'élevage occupe le premier rang dans l'économie de la région avec une valeur estimée à une cinquantaine de milliards de francs22(*). Il s'agit d'une zone aride et semi-aride qui a un climat de type sahélien propice à l'élevage.

L'importance des activités relatives à l'élevage, à l'agriculture et à la pêche varie d'une région à une autre dans le bassin conventionnel. L'exemple symptomatique est celui de la prépondérance de l'élevage dans la partie nigérienne.

Cependant, il est à noter que même dans les autres régions du bassin conventionnel, l'élevage a connu un essor remarquable avec la maîtrise de certaines maladies et la reconversion d'une grande partie des pêcheurs dans les activités pastorales. La population s'adonne principalement à l'élevage des bovins des camélins, des équins, des ovins et des asins.

En dehors des éleveurs peuls de l'Adamaoua qui demeurent toujours sédentaires, les Kanembous, les Boudoumas et les arabes sont devenus mobiles à cause de la perturbation du couvert végétal due principalement au réchauffement climatique. Ce nomadisme qui n'existait pas autrefois dans la région du Lac Tchad oblige les éleveurs à quitter leur terroir entre le mois de juin et octobre à la recherche du pâturage vers le Nord.

Ce déplacement provisoire des bétails permettra la reconstitution des herbes pour la nourriture des troupeaux pendant la saison sèche, car les éleveurs rentrent au bercail vers le début du mois d'octobre. Pendant cette période, un problème de surpâturage se pose dans les différentes zones à cause de la rareté des herbes.

En plus de ce problème de surpâturage, l'élevage dans le bassin du lac Tchad est également confronté à des maladies qui empêchent l'augmentation des troupeaux. La pathologie du cheptel du bassin se résume de la manière suivante: la peste bovine, le charbon symptomatique et bactérien, la fièvre aphteuse, la trypanosomiase, etc.

De toutes de ces maladies, la peste bovine est la plus dangereuse. Cette épidémie qui a fait son apparution dans le bassin pour la première fois vers 1962 et ensuite entre 1980 et 1983 a décimé plus de 20 % du cheptel du bassin23(*). Le manque de vaccins,  l'insuffisance des moyens financiers et les troubles politiques dans certaines régions ont empêché les Etats d'adopter des politiques pour faire face à ces épizooties.

Il a fallu attendre l'année 1983 pour que les pays de la sous région mettent en place des vastes campagnes de sensibilisation grâce à l'appui financier de certaines institutions telles que l'organisation mondiale pour l'agriculture et l'alimentation (FAO), Fonds d'aide et de coopération (FAC), le fonds européen de développement, financé par les pays de la communauté économique européen (C.E.E).

Depuis cette période jusqu'à nos jours, tous les Etats membres de la CBLT ont crée des laboratoires pour la fabrication des vaccins afin de lutter contre les maladies de bétails. C'est pourquoi, aujourd'hui l'élevage a connu un progrès net. Le seul chiffre officiel que nous détenons est celui de 197924(*) qui repartit le cheptel du bassin de la manière suivante :

- bovins : 4.571.453

- ovins: 7.401.392

- Camelin: 153.700

Malgré ce développement général constaté, la race bovine Kouri est la seule aujourd'hui qui est menacée de disparution. Cette race dénommée « boeuf Kouri » est une espèce absolument unique dans le monde. Elle se trouve dans la région du lac Tchad. C'est une race de grande taille qui produit abondamment du lait (5 à 6 litres/jours) et d'une qualité de viande excellente. Les causes principales de cette disparution sont entre autres, la dégradation de l'environnement de la région du lac Tchad, l'arrivée dans cette région d'autres races bovines provoquant des jumelages et les maladies.

Actuellement, la société de développement du Lac (SODELAC), par le biais du projet de développement rural de la préfecture du lac (PDRPL), a mis en place en 2003 un projet pour la sauvegarde de la race Kouri.

De même, l'Association pour le Développement Economique et Social du Lac (ADESOL), ONG nationale de développement basée au lac, a élaboré un plan d'action quinquennal (2005-2010) relatif à la sauvegarde du boeuf Kouri qui est menacé de disparution. Le boeuf Kouri constitue un patrimoine culturel des Boudoumas et sa disparution serait une véritable catastrophe pour cette communauté.

La pêche qui constitue autrefois l'une des activités la plus attractive fait face aujourd'hui à d'énormes difficultés. Avant les désordres écologiques de ces dernières années, les parties Camerounaise et Tchadienne du Lac Tchad produisent par eux seuls annuellement entre 60 et 80.000 tonnes de poissons frais25(*).

Cependant, depuis l'assèchement continu des eaux du Lac Tchad, les activités piscicoles se sont considérablement réduites et une grande partie des pêcheurs se sont reconvertis dans les activités agricoles ou pastorales.

En plus des contraintes naturelles (changement climatique, rareté des pluies), l'augmentation démographique de la population en est aussi pour quelque chose. La surpêche et l'utilisation de certains moyens de pêches (filets) ont réduit drastiquement la population des poissons estimée à plus de 120 espèces.

La pêche est naturellement dépendante de l'existence des eaux ou de la montée des eaux du lac Tchad, car les moyens utilisés pendant la décrue ou pendant la crue des eaux du lac Tchad différent sensiblement. C'est le cas notamment des filets dormants, des sennes et des chambres de capture qui sont utilisés pendant l'étiage du lac.

Compte tenu des moyens artisanaux utilisés, la pêche est principalement une source de subsistance pour les habitants. Son aspect commercial se limite à quelques rares commerçants qui exportent le poisson soit frais vers le marché de N'djamena, soit sous forme fumée vers Maiduguri, au Nigeria.

La pêche qui était pratiquée autrefois dans les quatre Etats membres ne l'est plus depuis l'assèchement complet de la cuvette Nord et plus précisément de la partie Nigérienne. C'est donc principalement dans la cuvette sud que la pêche demeure encore possible en toute période.

En somme, les fluctuations importantes du niveau des eaux du Lac après 1973 et la dégradation très avancée de l'environnement du bassin ont entraîné un changement de morphologie du lac. Une des caractéristiques de ce changement de morphologie est l'apparution de deux cuvettes Nord et Sud26(*).

De ce changement de morphologie, la pêche est certes la plus affectée et la plus éprouvée.

* 20 ONU, expérience de mise en valeur et de gestion des fleuves et lacs internationaux, 1993, p.202.

* 21 William J.C, les avatars d'un libéralisme planifié, politique africaine, juin 1985, p.44.

* 22 Voir le site www.unesco.org.

* 23 CBLT, projet de lutte contre la peste bovine, 1983.

* 24 IEMVT, rapport préliminaire sur l'élevage dans les pays de la région de la CBLT, 1979, p.7.

* 25 ORSTOM, première contribution à la connaissance de la pêche dans le bassin du lac Tchad, Paris, 1962, p.15.

* 26 Zakaria ousmane, le bassin conventionnel du lac Tchad : écosystème en danger et qui nécessite d'être

sauvé urgemment, CBLT, Abuja, 2004, p.6.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand