La gestion des ressources en eau dans le bassin conventionnel du Lac Tchad: état des lieux et perspectives( Télécharger le fichier original )par Mbodou Mbami ABDOULAYE Université de Limoges - Master 2 en droit international de l'environnement 2006 |
B- LES PRATIQUES COUTUMIERESLes coutumes dans la région du lac Tchad sont très diversifiées à cause du cosmopolitisme de cette région. Ainsi, les pratiques différent largement lorsqu'on essaie de comparer le mode de vie menée par les ressortissants des pays comme le Tchad, le Sénégal, la guinée, etc. Mais par contre, cette différence s'estompe lorsqu'on compare les coutumes entre les Boudoumas du Niger et ceux du Tchad ou encore entre ceux-ci et les Kanouri ou les Kanembous. Cette analyse sera essentiellement axée autour des pratiques au sein de la famille, l'accouchement, le mariage, les tatouages, le divorce, la mort et les sépultures. La famille : la famille est considérée comme la cellule sociale. La notion de la famille au lac diffère de celle de la famille en occident qui est constituée du mari, de l'épouse et de leurs enfants. En Afrique en général et dans la région du lac en particulier la notion de la famille a un contenu beaucoup plus large. Il s'agit notamment du mari, des épouses, des enfants, des frères et soeurs, des oncles, des tantes, bref de tous ceux qui vivent ensemble dans une concession, voire dans un village. C'est la notion de la famille comme étant une communauté villageoise. Dans cette famille, l'autorité est exercée par un chef de famille qui est généralement le plus âgé (au niveau restreint), par un chef de village (au niveau du village) ou par le chef de canton (au niveau cantonal). Les décisions sont prises, après conseils des sages, par le chef de famille, le chef de village ou le chef de canton selon les différents cas de figure. La nourriture et l'habillement sont aussi à la charge de ceux-ci. C'est pourquoi, au lac, on se rendra compte que dans une concession, plus de quarante personnes peuvent s'asseoir ensemble sur une natte pour le repas. C'est la notion de la solidarité qui gouverne cette communauté. La naissance : la naissance chez les Boudoumas, les Kanouri ou Kanembous est un événement important. En effet, comme partout au monde, la grossesse des femmes lacustres dure neuf mois et dix jours à compter de l'arrêt des leurs règles, car c'est la seule référence pour cette communauté de comptabiliser le nombre des mois et s'apprêter a célébrer la naissance du nouveau venu qui est attendu comme un messie. A défaut de centre de santé et des hôpitaux, ce sont les matrones (sages-femmes) qui apportent assistance aux femmes lors de l'accouchement. Tout se passe de manière traditionnelle et sans aucune assistance médicale. Le nouveau né est accueilli dans une condition d'insalubrité totale, car la mère accouche sur un sable aménagé pour la circonstance dans un coin de la maison. Une fois accouchée, la parturiente reste couchée pendant que la matrone s'occupe du nouveau né en coupant le cordon ombilical à l'aide d'un petit canif. Ainsi, lorsqu'il s'agit d'un garçon, le cordon et le placenta sont immédiatement enterrés à droite de la porte de la maison où ont lieu les opérations, tandis que si le nouveau-né est de sexe féminin, le placenta et le cordon sont enterrés à gauche. Une fois cette phase difficile terminée, place est laissée maintenant à la fête qui dure généralement sept jours, car le baptême est organisé au septième jour de la naissance. Durant toute cette période, parents et amis de la femme ou du mari défilent au domicile du couple pour souhaiter la bienvenue au nouveau-né, apporter des cadeaux à la mère et au nouveau-né. Au sixième jour, toutes les femmes du quartier, les parents et les connaissances viennent veiller au lieu de la cérémonie pour la préparation. le septième jour, à six heures du matin, les invités viennent de tous les coins du village pour la cérémonie. C'est un jour décisif, car c'est le moment où les marabouts viennent attribuer un nom au nouveau-né et récitent plusieurs versets du Coran pour lui souhaiter longue vie et bon séjour. Après une réjouissance populaire (tam-tam et danse folklorique), chacun repart chez lui et le couple retrouve sa vie normale. L'autre événement majeur chez les Boudoumas, Kanembous, ou les Kanouris dans la région du lac Tchad est certes le mariage. En effet, dans cette communauté, le mariage est un acte capital car il est non seulement l'union entre un homme et une femme, mais l'union entre deux familles, voire deux communautés. Le jeune marié ne choisit donc pas son épouse18(*). C'est pourquoi, le choix du premier mariage est toujours opéré par les parents. Il revient ainsi a ceux-ci de demander la main d'une fille et de payer la dot lorsque l'autre famille agrée la demande. Le consentement des futurs mariés est presque inexistant. Généralement, le premier contact entre la jeune fille et son mari ne se réalise qu'au jour de la nuit nuptiale qui intervient deux jours après la célébration populaire du mariage (l'arrivée de la femme au domicile du mari). La célébration religieuse a lieu quelques jours ou mois avant la célébration populaire. C'est cette célébration religieuse qui forme le contrat de mariage par une « fatiha », C'est-à-dire la lecture des versets coraniques par le marabout après avoir publiquement constaté le versement de la dot. Après le premier mariage, l'homme a acquis une certaine maturité et le choix des autres épouses lui incombe, car il s'agit d'une communauté où la polygamie fait partie de la vie quotidienne. Cet état des choses est souvent à l'origine des conflits au sein des couples qui se termine par des divorces. Le divorce est généralement prononcé par le mari pour mauvais comportement de la femme dans le foyer ou pour adultère. Comme le fait remarquer le Dr Robert Bouillé, « le droit de répudiation n'appartient qu'au mari »19(*). Outre ce droit de répudiation reconnu au mari, la femme serait amenée à rembourser la dot si le divorce est prononcé à son tort exclusif. Le jugement a lieu soit devant le chef de canton, le chef du village ou le président du comité islamique. * 18 Bouillé robert, les coutumes familiales au Kanem, thèse de doctorat en droit, 1937, p.288 * 19 Ibid, p.289. |
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