La protection de l'environnement à l'épreuve des nouveaux Accords de Partenariat Economique (APE) UE - ACP( Télécharger le fichier original )par Willy - Nestor CHENDJOU NDEFFO Université de Limoges - Master 2 Droit international et comparé de l'environnement 2007 |
Paragraphe 2 : La régionalisation du règlement des différends par les nouveaux APELes nouveaux APE participent à l'éclatement du dispositif de règlement des différends mis en place par les textes précédents. Mais une fois de plus, pour comprendre cet effet, il faut revenir sur ce qui se faisait avant - y compris l'incidence que cela pouvait avoir sur la protection de l'environnement (A), avant d'analyser ce qui est désormais posé par les nouveaux APE (B). A/ Compétence globale et générale des institutions de règlement des différends de l'accord de Cotonou en matière environnementale Cette compétence peut être envisagée dans le cadre du dialogue politique ou en ce qui concerne le dispositif principal de règlement des différends mis en place par l'accord. 1- La mise sur pied d'un « dialogue politique » Basées sur la coopération internationale, les relations ACP - UE accordent une place importante à l'information mutuelle des parties, à leur concertation et à la recherche consensuelle de solutions aux conflits et litiges pouvant naître entre les membres. Cette aspiration à un règlement consensuel des différends prend une importance particulière dans le cadre de l'institution à l'article 8 de l'accord de Cotonou, d'un « dialogue politique » ayant pour objectif « d'échanger des informations, d'encourager la compréhension mutuelle ainsi que de faciliter la définition de priorités et de principes communs, en particulier en reconnaissant les liens existant entre les différents aspects des relations nouées entre les parties et entre les divers domaines de la coopération prévus par le présent accord » ainsi que « de prévenir les situations dans lesquelles une partie pourrait juger nécessaire de recourir à la clause de non-exécution» (art.8-2). Ce dialogue est prévu pour porter « sur l'ensemble des objectifs et finalités définis par le présent accord ainsi que sur toutes les questions d'intérêt commun, général, régional ou sous-régional » et « les stratégies de coopération ainsi que les politiques générales et sectorielles, y compris l'environnement, l'égalité hommes/femmes, les migrations et les questions liées à l'héritage culturel » (art.8-3). C'est dire que la protection de l'environnement peut parfaitement faire l'objet d'un dialogue sans que l'on recourre à un dispositif formel de règlement de différends. Un tel dispositif existe cependant.
L'article 98-1 de l'accord de Cotonou met en place un dispositif de règlement de différends compétent en ce qui concerne « les différends nés de l'interprétation ou de l'application du présent accord qui surgissent entre un État membre, plusieurs États membres ou la Communauté, d'une part, et un ou plusieurs États ACP, d'autre part ». Il s'agit par conséquent d'un dispositif de règlement des différends à compétence globale et générale qui peut intervenir au cas où naîtrait un différend relatif à l'application d'une règle de protection de l'environnement contenue dans l'accord. Mais à côté de ce dispositif, l'organisation des OTC et des SPS mis en place aux articles 47 et 48 de l'accord permettent que d'autres institutions aient une compétence spécifique en cas de survenue d'un différend. - Nous parlons de compétence globale dans la mesure où l'article 98-1 sus cité parle des Etats membres sans considération de leur appartenance à une sous région ou non. D'un autre côté, nous parlons d'une compétence générale dans la mesure où le texte sus cité utilise une formulation très générale pour désigner les matières pouvant être portées devant les institutions mises en place : « Les différends nés de l'interprétation ou de l'application du présent accord ». C'est cette généralité qui rend possible la protection de l'environnement par ce dispositif, ce dans le cas où des textes principaux en la matière tels que les articles 1, 2, 9, 32 49 etc. poseraient des problèmes d'interprétation ou d'application. En ce qui concerne le dispositif lui même, l'article 98-1 pose que les différends en cause sont soumis au conseil des ministres,e, et entre les sessions de celui ci, au comité des ambassadeurs. Si le litige n'est pas résolu dans ce cas, les parties pourraient demander qu'un arbitrage soit organisé et « À cet effet, chaque partie désigne un arbitre dans un délai de trente jours à partir de la demande d'arbitrage. À défaut, chaque partie peut demander au Secrétaire général de la Cour permanente d'arbitrage de désigner le deuxième arbitre » (Art. 98-2). Ceux-ci en désignent un troisième et en cas de difficulté, « chaque partie peut demander au Secrétaire général de la Cour permanente d'arbitrage de désigner le troisième arbitre ». Les arbitres déterminent les règles de procédure et à défaut le règlement facultatif d'arbitrage de la Cour permanente d'arbitrage pour les organisations internationales et les États sera appliqué. La décision rendue à la majorité des arbitres dans un délai de 3 mois à compter de leur saisine, doit être appliqué de bonne foi par les parties : « Chaque partie au différend est tenue de prendre les mesures nécessaires pour assurer l'application de la décision des arbitres » (art.98- d). - Concernant la possibilité d'un règlement spécifique par certaines institutions en matière de SPS et d'OTC, il s'agit tout simplement du fait que les dispositions de l'accord en la matière font référence de façon générale aux textes OMC (voir supra). Qu'en reste - t - il à l'ère des nouveaux APE ? B/ L'éclatement du dispositif de règlement des différends par les nouveaux APE
Comme en ce qui concerne les institutions permettant le fonctionnement de la coopération ACP - UE, les nouveaux APE ne renient pas la possibilité que leurs parties soient soumises aux mécanismes de règlement sus évoqués. Cela d'autant plus que les APE se fondent et s'inspirent des dispositions de l'accord de Cotonou, mais aussi du fait qu'ils se font en vertu des articles 36 et 37 du même accord. Toutefois, s'inspirant sans doute du dialogue politique, les nouveaux APE privilégient la résolution consensuelle et concertée des litiges et différends pouvant surgir entre les parties. Ce qui n'empêche pas que des mécanismes formels de règlement de différends soient mis en place. 1- Une certaine prédilection pour la résolution concertée des difficultés d'interprétation ou d'application des nouveaux APE Les APE résolument engagés dans un processus de renforcement de l'intégration régionale au sein des pays ACP, essaient de privilégier des relations basées sur la coopération et l'échange d'informations. C'est dans ce sens que les parties sont en général appelées à privilégier le dialogue en cas de survenance de mésententes. Par exemple, en ce qui concerne l'agriculture et les pêcheries, prévues dans le chapitre 5 de l'APE CE - CARIFORUM, l'article 41 prévoit que le dialogue sera privilégié66(*). Autre exemple, en matière de SPS, l'article 63 de l'APE CE 6 SADC, institue un mécanisme de consultation devant intervenir en cas de différend relatif à la mise en oeuvre par une partie de mesures sanitaires et phytosanitaire contestée par d'autres parties: «If either Party or a SADC EPA State, as the case may be, considers that another Party has taken measures which are likely to affect, or have affected, access to its market, appropriate consultations will be used with a view to avoiding undue delays and finding an appropriate solution in conformity with the WTO SPS Agreement. In this regard the Parties shall exchange names and addresses of contact points with sanitary and phytosanitary expertise in order to facilitate communication and the exchange of information»67(*). Mais cette prédilection pour les règlements concertés n'empêche pas la mise sur pied de mécanismes plus formels pouvant intervenir même incidemment sur la protection de l'environnement. 2- La variété des mécanismes de règlement des différends au sein des nouveaux APE Cette variété correspond à la variété des APE existants. On peut cependant dire qu'en gros les mécanismes de règlement mis en place privilégient la coopération (consultation, concertation, arbitrage, médiation) au sein des divers comités nouvellement créés, notamment en matière de tarifs douaniers. C'est en général dans ce cadre, qu'ils peuvent être consultés par exemple pour apprécier l'application de mesures SPS ou d'OTC68(*). Ce qui est important ici c'est le fait que ces comités font éclater des procédures et mécanismes qui se déroulaient sous les institutions des articles 15 et suivant de l'accord de Cotonou : à chaque nouvel APE ses institutions et son mode de règlement des différends. L'analyse de la restructuration de la coopération ACP - UE mise en marche par les nouveaux APE, permet de dire qu'elle contribue à l'évolution du contenu de la protection de l'environnement. Et dans ce contexte particulier on s'aperçoit que la régionalisation, à travers la promotion de l'intégration sous régionale et le développement de solutions concertées sur un plan local, ne peut que renforcer, booster la libéralisation : en travaillant avec les régions et avec certains pays, l'UE peut désormais tenir de plus en plus compte des niveaux de développement des uns et des autres. Ce qui rend possible un traitement tourné désormais vers la réciprocité des avantages octroyés. Cette approche était un peu délicate en considérant les ACP comme un tout constitué certes de pays en développement, mais dont la plupart des membres sont des PMA. En conséquence de ce qui précède, la libéralisation de la protection de l'environnement est dépendante de celle des relations commerciales. Elle participe des règles de protection qui dans leur contenu tentent de plus en plus de protéger l'équilibre des échanges commerciaux, et des institutions qui suivent le même objectif. Mais le libéralisme en lui même est une véritable épreuve pour la protection de l'environnement : que ressort-il de cette épreuve? En d'autres termes, les règles introduites par les APE établissent-elles une protection efficiente et efficace de l'environnement et de ses composantes ? * 66 «The Parties agree that dialogue would be particularly useful in the following areas: (a) Exchange of information on agriculture production, consumption and trade and on the respective market developments for agricultural and fisheries products; (b) Promotion of investment in CARIFORUM agricultural, food and fisheries sectors, including small-scale activities; (c) Exchange of information on agriculture, rural development and fisheries policies, laws and regulations; (d) Discussion of policy and institutional changes needed to underpin the transformation of the agricultural and fisheries sectors as well as the formulation and implementation of regional policies on agriculture, food, rural development and fisheries in pursuit of regional integration; (e) Exchange of views on new technologies as well as policies and measures related to quality». À comparer à l'art. 35 f)-i APE CE - AfEA * 67 À comparer aux arts.54 APE CE - AfEA, 38 APE CE - CEA, 49 APE CE - CARIFORUM. * 68 Concernant ces comités proprement dits, voir supra. |
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