L'Union Africaine et le projet des Etats-Unis d'Afrique: Identification et Analyse des facteurs entravant la concrétisation de cet idéal panafricain( Télécharger le fichier original )par Djibril FOFANA Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise de sciences politiques 2007 |
SECTION 1 : La difficile mise en place de l'Union Africaine.Les difficultés que rencontrent aujourd'hui l'UA dans la mise en oeuvre effective de l'unité politique du continent, à travers notamment l'édification à terme des Etats-Unis d'Afrique peut se comprendre au regard d'une pluralité de facteurs. D'abord au regard du contexte et des conditions qui ont présidé à la création de l'UA (paragraphe1), et ensuite, au regard des tensions et divergences idéologico-politiques qui ont émaillé le processus de mise en place de l'UA (paragraphe2). Paragraphe 1 : Le contexte et les conditions de création de l'Union Africaine. La gestation de l'UA fut longue et difficile. Débutée en 1999 à Syrte avec la déclaration du même nom, le processus de création de l'UA s'est finalement achevé en Juillet 2002 avec le premier sommet des chefs d'Etat et gouvernement, qui a consacré l'entrée en vigueur officielle de l'organisation, avec la mise en place des nouveaux organes, notamment la commission. Cette organisation ainsi créée, apparaissait donc, comme étant la concrétisation de la volonté manifestée par les dirigeants africains d'impulser une nouvelle dynamique au processus de développement et d'intégration politique du continent. Porté sur les fonts baptismaux en remplacement de l'OUA, en vue de remédier aux insuffisances et limites dont cette dernière a fait montre depuis sa création en 1963, en réalisant le plus rapidement possible l'unité politique de l'Afrique, l'UA reste néanmoins une équation à plusieurs inconnues. Car pour beaucoup d'observateurs, elle n'est « ni plus ni moins qu'une sorte « OUA bis ». En effet, l'OUA qui avait été créée près de quarante années auparavant avait montré ses limites quant à sa capacité à relever sereinement et efficacement les défis de l'intégration économique et politique sur le continent africain. L'UA apparaissait au moment de sa création comme l'alternative la plus crédible à même de booster le processus d'unité continentale qui devra culminer avec l'édification des Etats-Unis d'Afrique. Seulement, le climat et les circonstances qui ont jalonné le processus de sa création nourrissent le scepticisme au sujet de la capacité et surtout de la volonté politique des leaders africains à mettre en place les bases d'une future fédération des Etats-Unis d'Afrique. Déjà à Syrte en 1999, des divergences avaient commencé à se manifester. En effet, au cours des débats sur la seule question à l'ordre du jour de ce sommet extraordinaire de l'OUA, qui était libellée comme suit : Comment renforcer la capacité de l'Afrique à faire face aux défis du nouveau millénaire ? deux positions se sont exprimées. Pour Kadhafi, la seule réponse qui vaille à cette question est la création d'une Union Africaine sur le modèle des Etats-Unis d'Amérique ou de l'Europe avec des organes législatifs et exécutifs censés être opérationnels en 2000. Pour les autres, plus nombreux, il fallait seulement rénover l'OUA. Pas d'Union Africaine forte. Les discussions n'ont finalement pas permis d'aboutir à un accord sur un modèle d'institutionnalisation de l'UA. C'est malheureusement, en dépit de ces divergences que mandat fut donné par les chefs d'Etat pour un projet d'élaboration d'un acte constitutif en tenant compte des objectifs et principes de l'OUA, ainsi que ceux du Traité (Traité d'Abuja) instituant la Communauté Economique Africaine(CEA). Le projet final constituera un compromis entre les thèses minimalistes et les thèses maximalistes, comme cela avait été le cas au moment de la création de la « défunte OUA ». Le projet a été soumis par la suite aux chefs d'Etat et de Gouvernement réunis à Lomé du 7 au 12 juillet 2000. « Ils l'adoptèrent avec la signature de 27 Etats et après plusieurs sessions de huis clos des 37 chefs d'Etats présents »40(*). Les dirigeants africains réunis à Lomé avaient à cette occasion manifesté une réelle volonté de moderniser l'OUA. Toutefois, en raison de l'insistance sur une forme fédérale assez rigide d'union politique, un certain nombre de pays ont préféré s'abstenir de signer l'Acte constitutif de l'UA. Ainsi, les divergences internes des dirigeants africains ont conduit à l'adoption d'un texte restant en deçà des espérances du leader libyen, le colonel Kadhafi qui, lors du sommet de syrte du 9 Septembre 1999, avait présenté son grand projet de création des Etats-Unis d'Afrique, en s'inspirant des pères fondateurs de l'OUA notamment le Ghanéen Kwamé Nkrumah. En effet ce dernier proposa dès 1963, mais sans succès, de faire fi des nationalismes étroits en formation sur le continent africain. Finalement, le projet des Etats-Unis d'Afrique, courageusement défendu et promu par les illustres figures du panafricanisme et remis en scelle à l'orée du troisième millénaire par quelques chefs d'Etats convaincus du bien fondé de cet idéal panafricain, a buté contre des divergences idéologico-politiques dont sont maintenant coutumiers les Etas africains. Paragraphe 2 : Les divergences idéologico-politiques et les questions de leadership entre Etats africains. L'UA dès sa création a été gangréné par un certain nombre de problèmes qui, déjà avaient fragilisé la « défunte OUA ». Il s'agit des questions de leadership et des divergences idéologico-politiques qui opposent régulièrement les chefs d'Etats africains. En effet, « à la Conférence de Lomé par exemple, chacun voulait obtenir l'auréole qui s'attache toujours au concept d'Union continentale dans l'esprit africain »41(*). Or la compétition pour une sorte de leadership moral, entre la notion de « renaissance africaine » du président Mbéki et celle des « Etats-Unis d'Afrique » du président Kadhafi, n'a pas précisément fait avancer la cause de l'Union, mais bien celle de l'interdépendance d'une Afrique plurielle. Du fait d'une vision trop nébuleuse de cette union, l'OUA en juillet 2000, s'était repartie en trois grands groupes d'Etats. v Celui des pays absents du sommet de Lomé pour des raisons diverses, et qui ne se sont pas joints à la cérémonie de signature de l'Acte constitutif de l'UA. Il s'agit entre autres de l'Angola, des Comores, de la république démocratique du Congo, de la Cote d'Ivoire, du Maroc, de la Namibie et de la Somalie. v Celui des pays effectivement présents au sommet, mais qui ont refusé de signer le document final le 12 Juillet 2000. N'ayant pas d'obligations, ni de liens particuliers et certainement pas de dépendance financière vis-à-vis de celui qui avait relancé l'idée d'une Union Africaine totale et immédiate, ces Etats ont voulu témoigner, officiellement et dans la circonstance, de leur désapprobation de ce projet qu'ils estimaient précipité. Il s'agit entre autres de l'Afrique du Sud, de l'Egypte, de l'Erythrée, du Kenya, du Mozambique, du Nigéria, de l'Ouganda, de la Mauritanie, du Rwanda, de la Zambie et du Zimbabwe. v Celui des pays ayant adhéré au principe de l'Union Africaine, mais qui ont aussi estimé nécessaire de recentrer l'approche libyenne en y incluant des propositions venant de l'Afrique au sud du Sahara. C'est cette situation de déficit consensuelle entre Etats africains qui explique le changement terminologique par rapport au premier projet de syrte, faisant passer des « Etats-Unis d'Afrique » à l' « Union Africaine ». Avec le lancement de l'UA, qui se substitue à l'OUA, une véritable guerre d'appropriation de celle-ci est apparue à Lomé et continue de se manifester au cours des sommets des chefs d'Etat et gouvernement. En effet, très vite étaient apparues des dissensions, vestiges des vieilles luttes intestines entre ceux qui caressaient l'espoir d'une direction africaine de type fédéral à l'américaine et ceux qui, estimaient que l'interdépendance et l'intégration par étapes devraient prévaloir, et proposaient une forme confédérale et très souple d'Union. De toute évidence, comme le rappelle Yves Ekoué Amaizo, « Le guide libyen ne semble pas avoir imaginé un instant que la direction des Etats-Unis d'Afrique ne lui revienne de droit, il avait même été question de placer en Libye la capitale des Etats-Unis d'Afrique Cependant, la perspective d'un continent entier, risquant de ne devenir à terme qu'un seul Etat doté d'un président non élu, flanqué de 53 gouverneurs de province, fit peur. Une union totale ne pouvait que mécontenter de nombreux africains, d'autant que certains d'entre eux avaient un sentiment de recolonisation virtuelle et larvée de l'Afrique du Nord sur l'Afrique subsaharienne »42(*). C'est ainsi que, pour dissiper de telles craintes, les chefs d'Etat réunis à Lomé ont fait en sorte de dire « non » au projet des Etats-Unis d'Afrique lancé à Syrte, mais tout en dégageant aussi un consensus sur un autre « non » beaucoup plus discret, à une Union Africaine selon les vues exclusives du colonel Kadhafi. Quatre éléments, ont ensuite justifié le refus par certains chefs d'Etats africains de signer l'Acte constitutif de l'Union. v Trop de précipitation dans le lancement du projet de Syrte, doublée d'une certaine crainte de voir l'Afrique contrôlée par la Libye. v Un appui financier libyen se révélant ne pas être sans contrepartie. v Le sang des immigrés africains de Libye versé fin septembre 2000 à la suite des accès de violence d'une part minoritaire de la population libyenne. v Enfin, une certaine indifférence doublée d'une certaine minimisation de ces derniers faits par les officiels libyens concernés. Du reste, le bilan que l'on peut tirer du XXVIème sommet de l'OUA de Lomé de Juillet 2000, est que les questions de fond ont été évincées au profit d'une lutte entre chefs d'Etat sur l'appropriation africaine du concept de l'Union. Aussi, au cours des discussions préparatoires sur le projet d'acte constitutif pour l'union souhaitée, il s'est manifesté une volonté politique commune des pays africains subsahariens de ne pas voir leur souveraineté collective, présente comme future, être remise en cause par des propositions venant de la Libye. Cette volonté était d'autant plus forte que certains pays, conscients de leur situation dite de « pauvreté », se sentaient justement très vulnérables sur le plan de la souveraineté. Ils souhaitaient ainsi faire entendre leur différence en se démarquant nettement du projet antérieur et non sollicité par eux, des Etats-Unis d'Afrique. Ainsi , face à tous ces désaccords et cette absence de volonté politique, le nouveau projet d'Union Africaine, ne pourra que difficilement servir de fondement et de base institutionnelle à l'ultime aspiration des peuples africains, a savoir, l'édification d'un espace politique unifié sous la forme des Etats-Unis d'Afrique . * 40 Yves Ekoué AMAIZO « De l'OUA à l'Union Africaine : les chemins de l'interdépendance »,in Afrique contemporaine,n°197, Janvier-mars 2001,p.97 * 41 Yves Ekoué Amaizo, « De l'OUA à l'Union Africaine : les chemins de l'interdépendance »op.cit.p.98 * 42 Yves Ekoué Amaizo, « De l'OUA à l'Union Africaine : sur les chemins de l'interdépendance ».op.cit p.99 |
|