L'Union Africaine et le projet des Etats-Unis d'Afrique: Identification et Analyse des facteurs entravant la concrétisation de cet idéal panafricain( Télécharger le fichier original )par Djibril FOFANA Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise de sciences politiques 2007 |
SECTION 2 : La démocratie à l'épreuve en Afrique.Le climat politique de l'Afrique s'est profondément transformé depuis 1989. Le fameux discours de la Baule30(*) de 1990 et la fin de la guerre froide y ont certainement été pour beaucoup. A l'évidence, dans de nombreux pays du continent des progrès considérables ont été réalisés sur la voie de la libéralisation politique. Par ailleurs, un certain nombre de pays ont maintenant des gouvernements élus, tandis que la plupart d'entre eux se sont engagés à des degrés divers, dans un processus de transition politique allant dans le sens de la démocratisation. En revanche, il faut reconnaître que les prédictions qui annonçaient qu'une « vague de démocratie » balaierait le continent se sont révélées d'un optimisme excessif, et que pire, le rythme de la démocratie s'est ralenti. Comme en témoignent des évènements récents (élection présidentielle au Nigéria, législatives au Sénégal), il n'est pas certain que la transition politique aboutisse à la démocratie, ni que les régimes « démocratiques » prennent durablement racine. Ces évènements montrent également que la tenue d'élections ne garantit pas la démocratie, et qu'il reste beaucoup à faire pour en renforcer les fondements institutionnels, et pour mettre en garde contre les attentes irréalistes sur l'issue des élections. En effet, la transition vers la démocratie en Afrique est un phénomène complexe, qui dépend de nombreux facteurs. Ces facteurs qui sont de nature historiques, culturels, voire économiques pourraient justifier dans une certaine mesure, les difficultés d'implantation et d'enracinement de la démocratie en Afrique (Paragraphe1). Il apparaît en outre, que les changements politiques intervenus dans la vie politique ne sont pas nécessairement assortis d'un véritable engagement à l'égard des nouvelles règles et des nouveaux comportements et que, même dans les pays où le résultat d'une élection a été accepté par toutes les parties, il reste beaucoup à faire pour assurer le bon fonctionnement de la démocratie. Car en l'état actuel des choses, la pratique africaine de la démocratie s'apparente à un autoritarisme « voilé » (Paragraphe2). Paragraphe 1 : La problématique de l'implantation et de l'enracinement de la démocratie en Afrique
La problématique de l'enracinement et de l'implantation de la démocratie est au coeur de toutes les réflexions sur l'avenir et le devenir du continent africain, tant il est vrai que la démocratie est incontestablement une des conditions premières pour le développement et l'intégration en Afrique. Conscients de cette donne, les Chefs d'Etats et de Gouvernement ont convenu de la création d'une Charte Africaine sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance. La difficulté de démocratisation du continent africain est tributaire d'une pluralité de facteurs, au nombre desquels, on peut citer la trajectoire politique des Etats africains, leur historicité propre ainsi que la situation dégradée de leur économie qui ne favorise pas la conduite cohérente des processus de transitions démocratiques. Ceci étant, pour bien comprendre la problématique de la démocratie africaine, il faut partir des contradictions et des conflits d'ordre culturel que connaissent les sociétés africaines postcoloniales. En effet, l'incapacité des régimes politiques africains à constituer des centres d'agrégation et d'articulation des différentes forces qui les déchirent, constitue l'obstacle majeur à l'enracinement de la démocratie. Ces contradictions sont en réalité de deux sortes : d'une part, une opposition entre les valeurs de l'Occident et celles de l'Europe de l'Est, et l'opposition entre le traditionalisme et le modernisme d'autre part. Dans leur souci d'ouverture vers l'extérieur, les dirigeants politiques africains ont fini par réunir dans un même ensemble deux conceptions fondamentalement opposées de la liberté : La liberté au sens individualiste et la liberté au sens collectiviste. Ces deux conceptions sont si opposées qu'on a du mal à imaginer leur coexistence possible dans un même régime politique. Mais, les leaders africains ont donné à chacune d'elles une signification particulière. Prise au sens libéral, la liberté avait une fonction de légitimation dans les relations internationales. Le sens socialiste par contre joue un rôle de conservation du pouvoir. La référence à la conception libérale de la démocratie permet aux Etats africains de satisfaire partiellement aux « exigences démocratiques » des pays occidentaux. Une des conséquences les plus importantes au plan politique, est la liberté d'association, donc le droit d'opposition. Dans la mesure (assez limitée du reste) ou il est reconnu et effectivement garanti dans les Etats africains, ce droit d'opposition sert presque uniquement à leur donner une image de marque sur la scène internationale. La révision constitutionnelle du 19 mars 1976 instituant le tripartisme au Sénégal est édifiante à cet égard. On peut en effet penser que la perspective d'une adhésion du président Senghor à l'Internationale Socialiste en est une des causes. De même, pour bénéficier des avantages consentis par certaines institutions internationales à caractère économique et financier, les Etats africains se conforment occasionnellement et partiellement au « code de bonne conduite » élaboré par les puissances occidentales qui dominent ces organisations. En définitive, lorsque les droits de l'homme sont respectés par les régimes politiques africains, c'est moins pour les besoins de la réalisation de la démocratie que pour satisfaire aux exigences du système occidental dans lequel ils sont insérés. A l'inverse, la référence à la notion de liberté au sens des pays de l'Est permet aux dirigeants africains de briser les velléités de contestation du pouvoir. Selon cette conception, la liberté ne s'exerce pas contre l'Etat, mais par son intermédiaire. La remise en question de la politique gouvernementale devient ainsi une contestation des fondements même de la société tout entière. Cette interprétation qui se retrouve en Afrique, si regrettable soit-elle, ne saurait étonner. Elle se traduit par des arrestations d'opposants et de leaders syndicaux. Ce qui permet aux dirigeants politiques au pouvoir de s'y maintenir durablement. Ce n'est donc qu'au moyen d'un artifice que ses dirigeants ont pu concilier deux conceptions opposées de la démocratie. Mais ce n'est pas là le seul conflit qui paralyse la marche vers une voie africaine de la démocratie. En effet un autre obstacle vient du fait que l'Afrique est écartelée entre deux systèmes de valeurs : le traditionalisme et le modernisme. Ce conflit déchire les sociétés politiques africaines et constitue un obstacle significatif à l'édification d'une démocratie viable et crédible en Afrique. Il trouve son origine dans la tentative de renaissance des valeurs culturelles de l'Afrique. Du fait de la colonisation, toute l'organisation sociale traditionnelle africaine avait été modifiée. L'unité de cette structure sociale de base n'était plus constituée par la famille au sens large, ou le clan, mais par des cellules plus petites comme la famille au sens restreint ou même l'individu. Dès lors, la vie sociale ne va plus être perçue comme une démarche collective. L'Africain va tendre de plus en plus à s'affranchir des règles de la collectivité dans laquelle il était intégré, et à jouir d'une autonomie individuelle. Parmi les causes de cette attitude nouvelle, il faut citer la scolarisation qui a facilité l'assimilation de la culture occidentale. De la sorte, on a abouti en Afrique à la constitution d'une certaine catégorie sociale ayant adhéré à l'individualisme occidental. Cette catégorie sociale constituée par l'élite, s'est interposée entre les populations rurales et le colonisateur. Pourtant, bien qu'ayant assimilé cette culture occidentale, des intellectuels africains gardent encore eux- même un fond traditionnel. De même, les masses rurales demeurent encore attachées aux valeurs ancestrales en dépit des efforts de modernisation. Dès lors, se pose le problème de la superposition de l'individualisme des sociétés occidentales au système des valeurs traditionnelles dans lequel, le groupe prime sur l'individu. L'incapacité des africains à se déterminer franchement par rapport à ces systèmes différents aboutit finalement à une confusion sur le plan idéologique et plus particulièrement à une conception ambiguë du contenu de la liberté. En effet, la notion de liberté a eu un contenu variable selon les époques et les sociétés. Ce contenu dépend de l'environnement social, intellectuel, moral et politique des différentes sociétés. Il est donc normal que les pays africains aient leur conception de la liberté. D'ailleurs, l'évolution de la notion de liberté prouve son adaptation à la vie sociale. Elle a d'abord été entendue au sens des droits naturels et subjectifs, inaliénables et imprescriptibles ; elle a ensuite été réglementée et l'Etat va avoir un droit de regard sur la totalité de la vie sociale. Cette oeuvre de définition et d'interprétation, les Africains ont été incapables de la réaliser. Ils vivent entre deux mondes, car ils n'ont pas encore réussi à réduire les courants culturels contradictoires qui traversent leurs sociétés. De ce fait, ils ne dégagent pas une conception claire et nette de la liberté, qui est pourtant le fondement de la démocratie. Contrairement à une opinion très répandue, les africains vivent dans un système où deux types de valeurs sont intégrés. Le problème qui se pose dès lors en Afrique est le dépassement de l'affrontement de ces deux cultures occidentale et africaine. Cette question n'a pas trouvé de réponse acceptable. L'échec provient essentiellement du fait que l'adaptation des apports extérieurs à la culture africaine n'a pas été adéquate. Bien des sociétés ont réalisé dans l'histoire une assimilation des valeurs étrangères tout en conservant ce qui leur était spécifique. Dans son principe, une tentative de synthèse des différents éléments de civilisation empruntés ou même subis de l'extérieur n'est donc ni impossible, ni condamnable. Seulement, les régimes politiques africains n'ont pas su se moderniser. La manifestation la plus éclatante se trouve dans l'imprécision des contours et du contenu de la liberté en Afrique. La combinaison de l'exégèse des textes constitutionnels, de l'idéologie et de la pratique des Etas africains a permis de tracer à grands traits le véritable visage de la démocratie africaine. La conception africaine de la démocratie se caractérise théoriquement par une forte dose d'occidentalisation, sans ce confondre dans la pratique avec l'idéologie qui la sous-tend. Sur un autre plan, bien que le fait démocratique africain se rapproche des pratiques démocraties des pays de l'Est, il ne semble pas que l'on puisse aboutir à une analogie. Ainsi la liberté ne peut se définir en Afrique ni au sens individuel, ni au sens collectiviste. Cette ambiguïté fait apparaître le syncrétisme de la démocratie africaine. Cette conception africaine de la démocratie n'en constitue pas pour autant une troisième variante de la démocratie31(*). Dans le cas des deux grandes expériences antérieures à l'apparition des Etats africains indépendants, on est parti de l'idée de base de la démocratie pour l'interpréter. Or en Afrique, la démarche semble différente. On envisage plus la démocratie comme un idéal à atteindre, mais chaque dirigeant prend en considération les spécificités de son pays, voire ses intérêts personnels pour leur appliquer le système de gouvernement adéquat. Cette approche de la démocratie va donner naissance à un modèle qui se rapprochera selon les cas du libéralisme ou du communautarisme. Dans tous les cas, ce modèle ne traduit qu'une conception « néo-patrimoniale » du pouvoir en Afrique, faite d'une confusion entre la sphère publique et la sphère privée du détenteur du pouvoir32(*). Si l'on considère cette conception africaine de la démocratie comme troisième variante, il faut convenir alors qu'elle se refuse à une systématisation rigoureuse. On reconnaît qu'il n'a jamais existé de véritable démocratie, et qu'il n'en existera jamais comme le prédisait Jean Jacques Rousseau dans le « contrat social »33(*). Sa réalisation ne peut donc être qu'une aventure, une expérience fondée sur le volontariste. Cette démocratie idéale suppose trois niveaux d'application de la liberté et de l'égalité : politique, économique et personnelle. Les Etats africains, dans leur tentative de concevoir un projet de société démocratique, ont abouti à des résultats insuffisants. Il ne faudrait pas, cependant, exagérer la portée des déformations subies par le concept de la démocratie en terre africaine. Les interprétations de la démocratie en Occident et en Europe de l'Est recèlent aussi des lacunes notoires. Le vice fondamental qui semble affecter une affirmation et une implantation acceptables de la démocratie en Afrique est cette inadaptation aux réalités nationales et locales. Or, la construction de l'Etat en tant qu'institution et mode de gouvernement démocratique doit obéir à certaines conditions valables en toutes circonstances. L'idéal démocratique est donc relativement autonome. Cependant, dans l'esprit de nombreux dirigeants africains, une démocratie effective serait conditionnée essentiellement par le niveau de développement économique et dans une moindre mesure par l'éthique sociale du pays qui tente de la réaliser. L'idéal démocratique comporterait-il des préalables économiques ? En vérité, les mesures et les structures économiques devraient être choisies en fonction de la liberté des individus. La démocratie, loin d'être subordonnée aux conditions économiques, est théoriquement créatrice d'un climat social et économique stable. Finalement, on s'aperçoit que la problématique de la démocratie en Afrique est très complexe. La conception africaine de la démocratie ne repose pas sur une analyse systématique. Elle ne résulte pas non plus d'une construction doctrinale rigoureuse. Elle tente d'amalgamer les éléments les plus divers à savoir les apports extérieurs et les conditions sociologiques et économiques des Etats africains. Ainsi, son examen laisse t-il parfois à l'observateur une impression de confusion. Eu égard à ces considérations, la pratique africaine de la démocratie se démarque substantiellement de l'idéal démocratique. A y regarder de près, elle s'apparente à un autoritarisme « voilé ». Paragraphe 2 : La pratique africaine de la démocratie, un autoritarisme « voilé » D'emblée, il convient de constater que l'Afrique n'a presque connu que des régimes autoritaires depuis les indépendances. Les exceptions furent de deux ordres : Soit une poignée de régimes démocratiques ou s'en approchant, soit des entités politiques en proie à la « guerre civile », dans ce dernier cas , la violence est à son comble et on peut difficilement parler de régime politique ou même d'Etat.34(*) « L'autoritarisme est une notion à laquelle il est difficile de trouver une définition claire, tant cette appellation regroupe finalement une très grande variété de formes de pouvoir institutionnalisé. Il n'est d'ailleurs pas exagéré d'avancer l'idée que les autoritarismes sont actuellement beaucoup plus présents à la surface du globe que ne le sont les démocraties. Des régimes militaires, aux monarchies fondamentalistes en passant par les régimes ultra nationalistes, les systèmes présidentialistes de type sud-américain ou les tyrannies molles à l'image de la Syrie ou de la Libye. La liste est longue, illustrant la diversité de la réalité autoritaire ».35(*) Ce que partagent finalement tous ces régimes, c'est une même tendance à l'abus d'autorité, quelle que soit la forme de celle-ci. Pour reprendre la distinction Wébérienne, l'autorité peut être traditionnelle, lorsqu'elle repose sur un corps de «coutumes sanctionnées par leur validité immémoriale », elle peut être charismatique lorsqu'elle s'incarne dans un personnage perçu comme exceptionnel et grandiose ; elle est enfin légale-rationnelle lorsqu'elle se fonde sur une « direction administrative bureaucratique ». L'abus d'autorité peut être constaté dans les trois formes d'autorité susmentionnées, et il prend la forme d'un gouvernement qui fonctionne plus à la forme qu'au compromis, plus à l'injonction qu'à la persuasion, plus à la règle de droit qu'à celle du droit. Pour autant, les régimes autoritaires ne doivent pas se confondre avec les dictatures. La différence est notable entre les formes de gouvernement qui nient totalement les principes et l'idée même de la démocratie et les autoritarismes, dont beaucoup affichent leurs ambitions démocratiques, leur volonté transitoire vers la démocratie (cas de nombreux régimes militaires), ou pour certains, se déclarent comme des régimes réellement démocratiques. En Afrique particulièrement elle se manifeste à travers l'omniprésence des régimes militaires. Face à cet état de fait, déjà au mois de Juillet 1999, à Alger, l'OUA a décidé d'exclure de ses sommets tout gouvernement issu d'un coup d'Etat36(*). Pourtant cette même année, les militaires ont renversé des gouvernements au Niger, en Sierra Léone aux Comores et en Cote d'Ivoire. Aujourd'hui, avec l'UA et près de quinze ans après la transition démocratique africaine et face à la persistance des coups d'Etat et des crises politiques sur le continent, l'Afrique s'est dotée d'une Charte destinée à y asseoir durablement la démocratie et stabilité. En effet, lors d'une réunion à Brazzaville, les ministres de l'UA ont adopté un projet de Charte sur la Démocratie, les élections et la gouvernance qui fut soumis pour adoption lors du sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement de l'UA tenu les 1er et 2 Juillet 2005 à Banjul, avant d'être soumis à ratification par les Etats-membres. Cette charte rappelle que, « Bien que des progrès considérables aient été réalisés en matière de démocratie en Afrique depuis les années 90, le processus du maintien et de la consolidation du système démocratique demeure une tâche décourageante, et qu'il est évident que la transition démocratique est relativement plus facile que le maintien et l'édification de la démocratie »37(*). En effet, poursuit la Charte, « Renoncer à un gouvernement autoritaire est une chose, poser des fondations institutionnelles et culturelles pour la démocratie en est une autre.. ».38(*) La situation politique des Etats africains invite à un profond changement, tant il existe un hiatus profond entre la proclamation à l'adhésion aux principes démocratiques et la pratique qui, elle s'apparente à l'autoritarisme. En atteste, la recrudescence des coups d'Etats en Afrique depuis la transition démocratique. Le coup d'Etat n'est pas un mal en tant que tel, mais plutôt un symptôme. C'est une manifestation externe des dysfonctionnements internes aux Etats. Il est nécessaire dans ce cas de trouver remède aux causes des coups d'Etats. Le problème n'est donc pas tant le coup d'Etat que les conditions et les situations qui favorisent la tentation du coup de force à la tête de l'Etat. Il est évident que ces coups d'Etat ne sont pas toujours le fait d'armées républicaines. Or il ne saurait y avoir d'armée républicaine sans république. De là, une interpellation majeure relative au défi des coups d'Etat en Afrique se dégage : Pourquoi ce phénomène est-il devenu si banal sur le continent ? La réponse est qu'il n'existe pas ou peu de pays en Afrique dotés de système de pouvoir institutionnalisé au sens concret du terme. En effet, la crise est d'abord institutionnelle. La démocratisation a apporté le multipartisme et une certaine liberté de la presse. Mais elle n'a pas apporté le principe fondamental d'acceptation de l'alternance. Le Bénin en 2006, le Sénégal en 2000, et le Mali en 2002 sont à ce jour les seuls exemples d'alternance véritable par la voie des urnes. Le plus souvent, un président une fois installé au pouvoir, n'entend en aucun cas le céder par la voie des urnes. L'attitude du président Omar BONGO à la tête du Gabon depuis près de quarante ans est « tristement » illustrative à cet effet. La fraude électorale est massivement pratiquée dans la plupart des pays africains. En attestent par exemple les multiples irrégularités manifestes qui ont été soulignés par les différents observateurs présents au Nigéria durant l'élection présidentielle tenue en Avril 2007.En dépit de ces contestations, le président frauduleusement élu a été installé dans ces fonctions. Mais le problème n'est pas qu'électoral. Le multipartisme n'a engendré qu'une acceptation minimale des règles du jeu, du côté des responsables politiques au pouvoir d'abord, et ensuite du côté des oppositions désunies et en crise permanente. La logique de la confrontation est souvent la norme, comme au Togo durant l'ère Eyadema, ou une crise aigue mettait aux prises un pouvoir patrimonial et une opposition intransigeante. Dans ce contexte, toute la crise devient une crise de régime .Il n'y a aucun code, même tacite et réduit à l'essentiel de la « bonne conduite » politique. Or, on voit mal comment un Etat démocratique peut se passer d'un minimum de consensus institutionnel. Les intrigues et les complots sont de ce fait omniprésents. Les tentatives du président Bédié d'exclure M Alassane Dramane Ouattara de la candidature à la présidence de Cote d'Ivoire l'illustrent bien et ont certainement contribué à son éviction du pouvoir en Décembre 1999. Dans ce choc permanent des ambitions, qui se fait au détriment des idées et des règles démocratiques, tous les coups semblent permis, y compris les coups de force militaire. Au demeurant, dans bien des cas, l'armée devient le seul rempart contre le désordre et l'instabilité politique. L'incapacité de la plupart des hommes de pouvoir à sortir du système des prébendes, du clientélisme et du népotisme à tous les échelons de la fonction publique, et même au sommet de l'Etat sont des traits communs à la plus grande partie des appareils d'Etat africains, qui se réclament curieusement et paradoxalement de la démocratie. Ainsi, il apparaît que la démocratie a été battue en brèche par l'autoritarisme, caractérisée par les comportements anti démocratiques des hommes politiques, et par les coups d'Etat militaires. En définitive, on peut légitimement avancer que, « L'acclimatation de la démocratie suppose simultanément des contraintes contextuelles et une responsabilisation des dirigeants par un apprentissage des normes démocratiques »39(*). Toutefois, la conversion tardive des dirigeants et des opposants à la démocratie ne les discrédite pas à priori, même si elle porte à les considérer avec circonspection.
CHAPITRE II l'UNION AFRICAINE, OU LE REFUS DE L'IDEAL PANAFRICAIN DES ETATS-UNIS D'AFRIQUE. L'un des grands défis posés aux Etats africains est la réalisation de l'unité politique conformément aux voeux des précurseurs du panafricanisme. La création de l'UA participe donc de cette dynamique. L'acte constitutif de cette dernière, dont l'idée avait été lancée en Septembre 1999 en Libye sous le nom des Etats-Unis d'Afrique a été adopté en Juillet 2000 à Lomé, au Togo au cours du 36ème sommet de l'OUA. Toutefois de nombreuses ambiguïtés et zones d'ombre entourent cet acte fondateur qui sert de base institutionnelle à la dite Union. Ils sont révélateurs de la difficulté avec laquelle a été mise en place cette Union Africaine(Section1). De ce fait, on a assisté à la naissance d'une organisation aux contours mal définis avec un déphasage criard entre les textes et la réalité(Section2). * 30 La Baule : Lors du sommet France-Afrique des 19-20 juin 1990, le président François Mitterrand avait averti ses pairs africains de la liaison de l'aide publique au développement à l'ouverture démocratique * 31 B.KANTE, « La démocratie dans les régimes politiques ouest-africain » op.cit.p.119 * 32 Jean François MEDARD, « la spécificité des pouvoirs africains », in Pouvoirs, n°25, 1983, p.15 ; Voir aussi :(dir), Etats d'Afrique noire : formation, mécanisme et crise, Paris, Karthala, 1991 * 33 J.J.ROUSEAU, Du contrat social. Livre3, chap4, p.107. in B. KANTE, « La démocratie dans les régimes politiques ouest-africains ».op.cit p.119 * 34 Jean François MEDARD, « Autoritarismes et démocraties » in Politique Africaine, n°45, Mars 1995, p.54. * 35 (Dir), D.ALCAUD et L.BOUVET, dictionnaire de sciences politiques et sociales, Paris, Dalloz, 2004, p.12 * 36 A. AYISSI, « Illusoire interdiction des coups d'Etat », in Manière de voir, n°51, mai-juin 2000, p.32 * 37 www.africa-union.org, communiqué de presse relatif à la création d'une Charte africaine sur la Démocratie, les Elections, l'Etat de droit et la Bonne Gouvernance en Afrique. * 38 Ibid. * 39 Jean François MEDARD, « autoritarismes et démocraties », op.cit.p.60 |
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