III./ Analyse des risques dans les institutions de
micro-finance
III- 1./ Contexte d'évaluation du risque
L'importance des événements risques varie selon
leurs fréquences et impacts. La gestion des risques doit
déterminer la priorité avec laquelle une institution de
micro-finance attribue ses ressources à sa gestion. Si le risque est
considéré comme un problème au sein de
l'établissement ou non, cela dépend de son évaluation et
le seuil qui lui est attribué.
La bonne mise en oeuvre de ces procédures
d'évaluation des risques et leur pertinence doivent être
testées en permanence. Pour cela les institutions de micro-finance
développent des mécanismes de gestion du risque.
On peut citer trois mécanismes de gestion des
risques:
- contrôles internes
- audit interne
- audit externe
Le contrôle interne est le premier mécanisme de
gestion des risques et il est mis en oeuvre par tout le personnel de l'
institution de micro-finance. De plus, s'il est efficace il va permettre
d'identifier, de mesurer et d'atténuer les risques opérationnels.
Le contrôle interne est un outil mis en place et utilisés par les
dirigeants afin de contrôler les activités de l' institution de
micro-finance. Ce contrôle doit permettre d'atteindre les objectifs
fixés par l'institution en corrigeant les contradictions des
systèmes mis en oeuvre et en détectant les anomalies.
Le contrôle interne est composé de trois
types:
- contrôle de prévention : permet d'éviter
les incidents avant qu'ils ne se produisent,
- contrôle de détection : identifie les incidents
lorsqu'ils surviennent c'est à dire après qu'ils se
sont produits,
- contrôles de correction : mesures correctives prises
afin de réparer les incidents et d'éviter
qu'ils ne se reproduisent.
Un audit externe est un examen formel et indépendant
des états financiers et opérationnels d'une structure, il
effectue par un organisme extérieur à l'institution. Il donne de
la crédibilité aux états financiers, garantie une
transparence de l'utilisation des fonds vis à vis des bailleurs. Il
permet également d'identifier les faiblesses dans les systèmes de
contrôles internes.
Les audits ne donnent pas toujours les résultats
escomptés en matière d'aide aux organismes.
Ceci est dû au fait que ces audits proviennent
d'exigences extérieures à l'institution, comme celles des
bailleurs et des investisseurs. Ils sont ainsi perçus comme ayant peu de
valeur.
L'audit interne et externe ont pour but de produire des
rapports dont leur objectif est que les institutions de micro-finance, et plus
particulièrement les dirigeants, prennent des mesures correctives afin
d'atténuer les risques repérés.
Les provisions pour créances douteuses sont une notion
très importante pour une institution de micro-finance.
Un provisionnement bien adapté donne une bonne
indication sur la capacité de l' institution de micro-finance à
gérer les impayés qui sont le risque principal de son
activité.
Il est important que la politique de provisionnement soit
reliée à la fois à l'historique des pertes et à la
situation actuelle du portefeuille de crédit et notamment au
Portefeuille à Risque (PàR). En d'autres termes il est
nécessaire d'ajuster les provisions à l'état du
portefeuille.
Ainsi, le provisionnement doit se fonder sur les pertes des
dernières années et sur l'encours moyen de l'année. Dans
le cas où l' institution de micro-finance n'a pas de politique
d'abandon de créance, il faut alors relier le pourcentage de
provisionnement à la part des crédits qui se sont
avérés irrécouvrables.
Certaines institutions de micro-finance ne gardant pas
l'historique de leur activité, ils peuvent faire une estimation du
provisionnement à partir du taux de recouvrement dont la
définition est la suivante: (Montant recouvré sur une
période) / (Montant décaissé sur cette même
période).
On trouve dans certaines institutions de micro-finance
manquent de politique d'abandon de créance. Ceci est dû au fait
que les institutions de micro-finance ont le sentiment que reconnaître
un crédit comme étant une créance douteuse peut signifier
vis à vis des agents de crédit et des emprunteurs que
l'institution ne se soucie plus du remboursement de ce prêt. Les
conséquences de cette absence de politique sont une baisse de la
qualité de portefeuille et une surestimation des produits et des actifs
de l'institution.
Certaines institutions de micro-finance ont
développé une politique d'épargne obligatoire ou
volontaire, c'est à dire une épargne sans prêt.
L'épargne peut malheureusement poser des problèmes de
sécurité et de gestion mettant en difficulté à la
fois les épargnants et les institutions de micro-finance. Pour palier
à ces risques, les réglementations locales imposent
généralement une agrégation aux institutions de
micro-finance. Ces agrégations sont des systèmes conformes aux
normes comptables.
La pratique de l'épargne fait apparaître de
nouveaux risques pour l' institution de micro-finance. Le risque le plus
important est le risque d'illiquidité qui empêche des
décaissements immédiats. La gestion des disponibilités est
donc très importante au sein d'un institution de micro-finance
pratiquant l'épargne.
Les impayés sont le problème central des
institutions de micro-finance s c'est en effet à cause d'impayés
qu'un institut peut être amené rapidement à ne plus
maîtriser la situation. C'est pourquoi il faut faire attention à
ses causes, dont principalement les rééchelonnements. Voici
quelques principes énoncés par le CGAP:
- Le rééchelonnement et le refinancement ne sont
pas recommandés.
- Lorsqu'ils sont utilisés pour réduire les
impayés, ils peuvent avoir des effets désastreux sur le
portefeuille.
- Une fois que les clients ont l'option de
rééchelonnement, ils ont tendance à arrêter les
paiements.
- Le rééchelonnement et le refinancement sont
des mesures qui cachent un problème, ils ne le
résolvent pas : quelles que soient les mesures
employées pour les cacher, ces prêts sont
toujours en impayés avec tous les coûts
associés.
- En se cachant le problème en tant que dirigeant vous
risquez de vous retrouver avec un
problème d'impayés encore plus
sérieux.
Les emprunteurs ont un comportement de remboursement rationnel
basé sur un calcul d'avantages et de coûts. Les institutions de
micro-finance doivent créer plus d'incitations au remboursement des
prêts, et réduire les inconvénients qui y sont
associés.
Les institutions de micro-finance doivent lier le
contrôle interne à la gestion des risques. Par le passé, la
plupart des organisations considéraient le contrôle interne comme
une composante annexe, distincte des opérations, et le confondaient
souvent avec l'audit interne. Les dirigeants voyaient dans le contrôle
interne un outil servant à détecter les erreurs et les cas de
fraude après leur réalisation, plutôt qu'un outil
permettant d'anticiper les problèmes potentiels et de prévenir
les pertes financières de manière proactive [6].
Le cadre de gestion des risques présente une nouvelle
approche du contrôle interne, supérieure car
intégrée à tous les niveaux de l'institution. Le processus
itératif de gestion des risques implique le conseil d'administration et
les dirigeants dans le processus d'identification et d'évaluation des
risques, ainsi que dans l'élaboration de politiques, procédures
et systèmes opérationnels sains. Ensuite, les mécanismes
de contrôle interne testent et évaluent la capacité de l'
institution de micro-finance à réduire le risque. La mise en
oeuvre et l'amélioration de ces politiques, procédures et
systèmes impliquent le personnel opérationnel dans le processus
de contrôle interne, ce qui permet à l'institution d'avoir un
retour sur sa capacité de gestion des risques sans nuire au service
client ni causer de difficultés opérationnelles. Le conseil
d'administration et la direction sont informés des résultats de
l'évaluation et y répondent comme il se doit, poursuivant ainsi
le processus continu d'évaluation des risques et de mise en oeuvre des
contrôles.
Pour remplir leur double mission de pérennisation et
d'aide aux populations à faibles revenus, les institutions de
micro-finance doivent être doter d'un cadre d'évaluation des
risques qui comporte deux composantes majeures :
- La viabilité financière
- Le développement institutionnel
Une norme d'évaluation des risques d'une institution
financière traite seulement du premier point. Pour évaluer le
diagnostic financier d'une banque ou d'une institution financière, il
est nécessaire de prendre en compte la gestion des actifs et passifs, en
intégrant le risque sur crédit ainsi que les risques
opérationnels comme la fraude et l'inefficacité.
L'évaluation des risques en micro-finance
nécessite également la prise en compte des perspectives de
développement institutionnel. Comme les institutions de micro-finance
se soustraient de plus en plus de la dépendance vis-à-vis des
bailleurs de fonds au profit d'une autonomie financière durable ; une
vision claire, des systèmes de gouvernance fiables et efficaces, et un
personnel compétent deviennent des déterminants cruciaux pour une
meilleure gestion des risques.
Ce cadre cohérent d'évaluation de risques des
institutions de micro-finance présente une analyse objective des
problématiques de développement institutionnel et de
viabilité financière, en distinguant quatre types de risques
à savoir : risques institutionnels, risques opérationnels,
risques de gestion financière et risques externes (Cf. Figure 2)
[12][13].
Risques institutionnels
Mission Sociale
Mission Commerciale
Dépendance
Risques opérationnels
Crédit
Humains
Technologiques
Juridiques
Gouvernace
Métiers
Risques Gestion Financière
Taux
Change
Intégrité système
Inefficience
Risques externes
Réglementation
Concurrence
Démographie
Environnement physique
Macroéconomie
Figure n° 2 : Les différents risques
en micro-finance
Cet outil constitue, finalement, un outil évolutif
flexible d'évaluation de la vulnérabilité globale de
l'organisation des institutions de micro-finance.
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