D / La question des externalités
Le concept a été énoncé par
l'économiste F.PIGOU en 1920 (the economics of welfare). Il est
très central en économie de l'environnement. On peut
définir les externalités comme les effets positifs ou
négatifs qu'entraîne l'activité d'un agent
économique à l'extérieur de cette activité ou que
subit cet agent en provenance de l'extérieur.
Pour illustrer cet effet, PIGOU se sert d'un exemple
très simple et classique. Il s'agit de deux usines : l'une située
au bord- en amont- de la rivière ; l'autre située en aval. Le
premier rejette dans la rivière ses polluants chimiques ; alors que
l'autre doit utiliser cette eau pour son fonctionnement. L'entreprise qui est
à l'origine de la pollution de l'eau - qui a en, certes, besoin pour sa
croissance - contribue ipso facto à l'alourdissement des coûts de
production de toutes les entreprises qui utilisent cette eau.
9 On trouve ici une analyse semblable à la
célèbre étude du pasteur Thomas Robert Malthus (Essai sur
le principe des populations, 1798) qui avait énoncé la loi selon
laquelle la population connaissait une croissance géométrique
(2-4-8-16-...) tandis que la production agricole ne pouvait au mieux suivre
qu'une croissance arithmétique (1-2-3-4-...) et en avait conclu qu'il
fallait absolument empêcher la croissance démographique si on
voulait éviter une désastreuse disette. Un autre classique, David
Ricardo (Des principes de l'économie politique et de l'impôt,
1817) avait quant à lui expliqué en quoi le rendement
décroissant des terres combiné à l'accroissement de la
population devait amener l'économie vers un état stationnaire et
sans croissance.
10 C'est un an après la publication de ce
rapport que le monde a connu le premier choc pétrolier.
Par suite, elle entraîne indirectement des pertes de
productivité pour ces entreprises. On dit, donc, qu'elles subissent une
externalité dont la responsabilité est entièrement
endossée par l'usine en amont. On peut, toutefois, les mesurer et faire
payer l'entreprise pollueuse (voir annexe 1).
II / Les limites physiques et spatiales
On traitera, ici, le cas de l'empreinte écologique et de
la thermodynamique.
A / La question de l'empreinte
écologique
Développée au milieu des années 1990 par
Mathis WACKERNAGEL et William REES, l'empreinte écologique se base
précisément sur une telle conception de la durabilité
forte. Sans toujours nous en rendre compte, nous avons en commun avec les
tribus primitifs le fait que notre consommation exploite un « territoire
» de la planète.
L'empreinte écologique d'une population est la
surface de la planète, exprimée en hectares, dont cette
population dépend, compte tenu de son mode de vie, pour ses besoins
: en produits du sol (surfaces pour l'agriculture, la sylviculture) et en zones
de pêche, en terrains bâtis ou aménagés (routes et
infrastructures), en forêts capables de recycler les émissions de
CO2 (empreinte énergétique) et plus généralement en
surfaces d'absorption des déchets. La surface d'empreinte
écologique peut être calculée pour l'ensemble de
l'humanité, pour un pays, pour une région ou une ville, pour un
ménage (sur la base de ce qu'il consomme), pour un poste de consommation
finale (alimentation, logement, transport...), etc.
Cependant, plus un pays a une croissance forte et plus son
empreinte écologique est importante. Par exemple, les Etats-Unis ont un
PIB par habitant de quasiment 35 000 dollars et leur empreinte
écologique par habitant est de presque 10 hectares. Alors que pour
l'Inde ou la Chine ayant un PIB par habitant situé entre 0 et 5 000
dollars, leur empreinte écologique se situe entre 0 et 2 hectares par
habitant. Il faut savoir qu'à ce rythme, il faudrait 5 planètes
pour les Américains, 3 pour les Français et 1,2 pour le Monde.
Ceci constitue bien un effet négatif de la croissance sur
l'environnement et pourtant la croissance continue toujours de se faire
à un rythme presque exponentiel, perpétuant davantage les
craintes11.
11 Selon une les publications du rapport sur le
développement dans le monde (1992), la production mondiale atteindrait
les 69 billions de dollars en 2030. Et les pays sous développés
connaitront une croissance de l'ordre de 4 à 5% et leur production
quintuplera par rapport au niveau de l'année 1990. Donc autant de
craintes et autant d'incitations pour agir impérativement dans les plus
brefs délais.
B / Les lois de la physique face à l'environnement
: la thermodynamique
On doit à Nicholas Georgescu-Roegen la
réintroduction des aspects physiques de la production dans le champ de
vision des économies. Il a mis en évidence les
conséquences de la thermodynamique sur le développement des
sociétés humaines12. La thermodynamique est, en effet,
le domaine de la physique qui étudie les transformations de la
matière et de l'énergie des systèmes macroscopiques. Les
concepts de la thermodynamique sont d'une importance fondamentale pour
expliquer les limites de la croissance économique actuelle.
1/ Notion de système fermé et
système ouvert au sens de la science physique Un système
est dit « ouvert » lorsqu'il échange avec son environnement ;
dans le cas contraire on dit qu'il est « fermé ». La Terre est
un système fermé sur la matière (échanges infimes
avec l'univers : quelques météorites) et ouvert sur
l'énergie solaire dont le rayonnement la traverse tous les jours.
2/ Entropie13
matérielle et croissance
Selon Nicholas Georgescu-Roegen, la terre étant un
système fermé sur la matière, n'en échange pas, en
conséquence, avec le reste de l'univers. Donc, l'énergie dans le
système reste constante.
Par conséquent, l'utilisation des ressources
entraîne une dégradation de l'énergie mais aussi une
dissipation de la matière. La quantité de matière qui
s'est dissipée mesure l'entropie du système (état du
désordre). La matière est donc soumise elle aussi à la loi
de l'entropie. En d'autres termes, Pour Nicholas Georgescu-Roegen, il y a un
principe de dégradation de la matière. C'est pourquoi,
soutient-il, que les limites physiques que rencontrera la croissance des
sociétés industrielles résideront dans l'entropie
matérielle, et pas seulement dans la disposition
énergétique.
D'autre part, du point de vue de la thermodynamique, la
matière-énergie absorbée par le processus
économique, l'est dans un état de basse entropie et elle en sort
dans un état de haute entropie.
12 En 1971, Nicholas Georgescu-Roegen, rattache
explicitement sa conception du développement économique à
la thermodynamique des systèmes clos de Carnot. Son livre fondamental
The entropy law and the economic process effectue la percée
décisive consistant à insérer le développement
économique dans le flux énergétique de la
biosphère.
13 En thermodynamique, l'entropie est une grandeur qui
mesure la dégradation de l'énergie d'un système. Elle
mesure le degré de désordre d'un système par rapport
à son état initial probable.
Le processus économique d'un point de vue purement
physique ne fait que transformer des ressources naturelles de valeurs (basse
entropie) en déchets (haute entropie). A la suite de cette
déstructuration de la matière et de l'énergie, les
développements économiques actuels affectent ceux qui seront
possibles aux hommes de demain.
Eu égard à ce principe d'entropie, on voit bien
que l'économie actuelle ne peut poursuivre de façon
pérenne sa croissance car les ressources - les intrants de la
production- disparaissent au fur et à mesure de leur utilisation encore
plus si cette utilisation est exagérée.
En somme, la croissance économique exerce des effets
néfastes sur la nature et le Bien-être sans que cela soit pris en
compte. Elle n'est donc pas toujours un bon indicateur. Mais, une autre
question se soulève : la nature est-elle gouvernable ? C'est l'objet de
la section suivante.
Section 3 : Les difficultés liées à
l'administration de la nature
Evaluer les dégâts de la croissance peut être
difficile mais gérer la nature peut être plus difficile encore. En
effet, la nature est un monde de systèmes lents et difficile à
piloter.
I/ La nature : un monde de systèmes lents et
incertains
A/ Les incertitudes liées aux
phénomènes naturels
Le monde de la nature est souvent déterminé par son
caractère de mutisme. On ne sait pas véritablement ce qui peut
découler de nos actes sur la nature.
1/ Une métrologie délicate
La métrologie appliquée à l'environnement
se définit par toutes les opérations de mesurage ayant pour but
de connaître les composantes de l'environnement. Elle ne se limite pas
uniquement à l'instrument de mesure mais intègre aussi toutes les
opérations nécessaires à la caractérisation d'un
milieu : identification, définition, d'un mode de
prélèvement représentatif du milieu, développement,
installation et configuration des instruments de mesure, élaboration et
traitement adaptés, restitution et interprétation des mesures
effectuées, etc. Bref, les indicateurs environnementaux ont pour objet
de quantifier les informations complexes et de les simplifier pour les rendre
accessibles à un large public. Mais, les phénomènes
naturels sont très fortuits et généralement très
perplexes si bien que les indicateurs ne tardent pas à montrer leurs
limites.
La grande difficulté réside, donc, dans la
pertinence des paramètres à mesurer : difficulté
d'apprécier un milieu à partir des données quantitatives
quand les aspects subjectifs sont dominants. Il se pose donc un problème
de crédibilité des estimations de sorte qu'en matière
d'environnement on incite plus qu'on prédit.
De la sorte, le manque d'évaluation objective de
l'état actuel des ressources est l'une des principales raisons du flou
qui entoure actuellement le débat sur l'interaction entre
l'environnement et l'économie. A cela s'ajoute le fait que les
indicateurs ne sont pas spécifiques à tous.
2/ Les incertitudes sur les mesures a/ L'incertitude
liée aux mesures et aux choix de modélisation.
Plusieurs modèles ayant la même vraisemblance
peuvent donner des résultats très différents lorsqu'ils
doivent prédire dans des conditions qui s'éloignent des
conditions observées.
b/ L'imprévisibilité
Certains phénomènes ne peuvent pas être
correctement modélisés, en particulier, ceux liés aux
évolutions socio-économiques. Par exemple, les choix des
individus, les résultats des négociations, des guerres, des modes
et autres phénomènes collectifs ne pourront jamais être
totalement prédits, en raison de la complexité des
phénomènes, mais aussi parce que les prévisions
influencent les choix futurs.
c/ Les choix éthiques.
Lorsque le modèle n'est pas uniquement un modèle
prédictif mais est également
normatif, qu'il doit donner pour résultat ce qui
devrait être fait et non pas ce qui sera fait, alors les
hypothèses portant sur l'objectif normatif influencent le
résultat du modèle. Par exemple, il faut choisir le taux
d'actualisation, le type d'objectif, les poids donnés aux
différents objectifs, et aux différents agents, les
critères d'efficacité et d'équité.
En définitive, les grandeurs mesurées dans le
domaine de l'environnement sont, donc, très variables, très
aléatoires et peuvent faire appel au simple dénombrement ou au
contraire mettre en oeuvre les méthodes d'analyse les plus complexes.
B/ L'indétermination de la valeur des biens
environnementaux
1/ Valeur et environnement dans la pensée
économique a/ Les Physiocrates (entre autres, Quesnay 1750)
Pour les physiocrates, seul le travail du fermier avec l'aide
de la nature produit un surplus ou une valeur nette. Toutes les autres
occupations ne produisent que ce qui est nécessaire pour la reproduction
de la classe en question. Le surplus étant seul l'apanage de l'Homme et
de la nature, on voit bien la nécessité d'un investissement pour
maintenir la fertilité du sol. Les règles du développement
durable s'y trouvent déjà.
Dans un tel système, la nature est perçue comme
source ultime de valeur productrice, le maintien de la fertilité des
sols devient une limite absolue afin d'assurer la reproduction du
système. La valeur de l'environnement, même si le terme n'est pas
formellement employé, devient infinie car ne pas reproduire la
fertilité du sol signifie la non reproduction du système.
b/ Les Classiques (début Adam Smith
1776)
Dans cette approche, une distinction s'opère entre
valeur d'usage et valeur d'échange. La valeur d'usage est
l'utilité ou la satisfaction que peut nous procurer un bien. Par contre,
la valeur d'échange est la faculté que donne la possession de ce
bien d'obtenir un autre bien en échange (possibilité
d'échange qu'offre le bien). En d'autres termes, elle se définit
comme étant l'explication des rapports d'échange entre les
marchandises.
Ainsi, la valeur d'échange résulte de la
confrontation entre l'offre et la demande. Elle est exprimée par le
prix. Ici, la demande joue un rôle seulement en indiquant que le bien
possède une valeur d'usage qui est pré-requise à la valeur
d'échange ; la cause de la valeur d'échange exprimée par
le prix sur le marché se trouve du coté de l'offre.
c/ Les Néoclassiques
A l'instar des classiques, les néoclassiques
considèrent la valeur d'usage comme l'utilité. Mais ils
intègrent la notion de rareté pour aboutir à ce qu'on
appelle utilité marginale. L'utilité marginale est l'importance
subjective qu'un individu rattache à la dernière unité
d'un bien. Ainsi, le prix d'un bien est déterminé par
l'utilité et la rareté. Dans ce système aussi
l'environnement n'apparaît pas puisque ne faisant pas l'objet de
transition sur le marché.
En somme, pour tous ces modèles de
valeur d'échange, hormis ceux des physiocrates, la valeur de
l'environnement comme tel, n'apparait pas car il n'est pas une marchandise, il
n'est pas échangé sur le marché et n'a donc pas de valeur
d'échange ou de prix. Il sera toujours postulé une rareté
relative mais jamais une rareté absolue ou une limite absolue. La
croissance se trouve, ainsi, sans limite absolue car il n'existe aucun facteur
absolu limitant dans la théorie. La notion de développement
durable de l'époque n'incluait, par conséquent, pas l'aspect
environnement.
2/ Caractéristiques des biens
publics
Les biens publics en particulier ceux concernant
l'environnement se caractérisent par le fait que leur accès est
ouvert à tous sans limites ni contraintes, de sorte que rien n'incite
à les ménager. L'atmosphère, par exemple, est une
ressource en libre accès. Elle n'appartient à personne. Par
exemple, respirer un air pur, est très important pour tous, mais il est
très difficile de persuader, a priori, quelqu'un sur sa pollution -
alors qu'il pense que ceci restera toujours comme telle - encore moins de lui
faire payer un prix pour y accéder.
D'autre part, il y a le caractère non rival et non
exclusif des biens collectifs qui constituent des goulets d'étranglement
à la politique environnementale. La non rivalité ou le
caractère partageable d'un bien signifie que l'utilisation de ce bien
par un agent n'en empêche pas l'usage simultané par un autre.
Quant au caractère non exclusif il faut en entendre le
fait qu'il est presque impossible d'interdire l'utilisation de ce bien par un
agent (par exemple l'éclairage).
Il est, ainsi, difficile de gérer convenablement ces
biens qui en plus ne font l'objet d'aucune transition dans un marché et
n'ont pas de prix aux yeux des individus. On comprend bien, alors, les propos
de l'économiste Thomas Schelling lorsqu'il
disait : « dans la vie , ce qu'il y' a de pire est gratuit
». Il ressort, dès lors, toute la sensibilité de
l'environnement et toute l'importance que devraient porter les individus
à son égard.
3/ Les défaillances du marché
Les raisons pour lesquelles certaines ressources - l'eau, les
forets et l'air pur - sont menacées, alors que d'autres - métaux,
minéraux et énergie - ne le sont pas, est que la valeur de
rareté de celles-ci s'exprime dans les prix du marché, ce qui met
en jeu la puissante force de substitution, de progrès technique et de
changement structurel.
Un point important dans l'analyse classique et
néoclassique est d'omettre le volet environnement dans le marché.
En effet, tout se joue sur le marché et ce qui n'apparaît pas sur
le marché n'est pas pris en compte. Or, l'environnement est externe au
marché. C'est pourquoi, la littérature sur les dommages
causés à l'environnement insiste lourdement sur les
disfonctionnements de marché comme cause essentielle de la
dégradation de l'environnement. Ces cas de disfonctionnement du
marché surviennent lorsque personne ne détient les ressources
considérées (les ressources naturelles ne font l'objet d'aucune
propriété privée).
C/ L'environnement : un monde de systèmes
lents
C'est après vingt-cinq ans depuis l'interdiction de
l'usage du mercure dans les industries papetières Suédoises, que
commença à être constaté un accroissement du taux de
mercure dans les lacs suédois. Ceci pour montrer que la nature
appartient au monde des systèmes lents, même si elle est
dès fois capable d'oscillations rapides ou même brutales.
Ainsi, selon Jacques
Theys14( dans son article paru dans le
numéro 74-75, publié en 1994, de la revue Espaces et
Sociétés) : « si d'un coup de baguette magique les pays
du monde s'entendaient à stopper d'un seul coup leurs pollutions, il
faudrait attendre encore un siècle pour voir la couche d'ozone retrouver
son équilibre normal15, plusieurs centaines d'années
pour que les océans perdent la « mémoire » d'un
possible accroissement de température dû à l'effet de
serre16, plusieurs décennies pour que la pollution saline
déjà accumulée au Sud de la nappe phréatique
Rhénane atteigne Strasbourg ou le Nord du Bas-Rhin ».
En résumé, l'environnement ne peut être
évalué que s'il a un effet sur l'homme c'est-à-dire que si
l'agent économique rationnel peut percevoir cet environnement. Si c'est
effets ne sont pas pris en compte dans le marché, il faut s'efforcer de
les intégrer directement ou indirectement. Quoique les effets de
l'environnement se manifestent dans une longue durée, il faut nettement
penser aux générations futures dont le Bien-être peut
dépendre, en quelques sortes, de nos comportements d'aujourd'hui.
14 Centre de prospective et de veille scientifique,
ministère de l'environnement et université de Paris I.
15 Compte tenu de la durée de vie des CFC
(20 ans à un siècle) et du temps qu'ils mettent pour atteindre la
stratosphère, où il attaque la couche d'ozone ; on estime que de
ceux émis depuis 40 ans n'avait pas encore produit leur effets en
1994.
16 Le transfert méridien de chaleur qui
s'opère dans la couche profonde des océans (1 000 à 5000m)
joue sur une période de plusieurs siècles.
II/ Les difficultés liée à la gouvernance
de la nature
Les perceptions des individus, la lenteur des cycles de vie
des politiques et l'absence de consensus sur les ressources naturelles sont
autant d'éléments qui rendent difficile la gestion de
l'environnement.
A/ Les perceptions sur l'environnement
Quand on parle de l'environnement, certains ne semblent pas
être directement concernés. Le phénomène est encore
plus visible dans les pays en développement (PED). Plusieurs raisons
expliquent cela. En effet, les PED sont interpelés très
habituellement par d'autres priorités comme, entre autres,
l'alimentation et la santé, de telle sorte qu'ils considèrent la
lutte contre la dégradation de l'environnement comme une affaire
révélant l'opulence ou le (luxe). Or, les individus qui sont les
plus démunis sont souvent les plus tributaires des services
environnementaux. Ils sont en rapport direct avec leur milieu naturel. Ils y
tirent la quasi- totalité de leur revenu. D'autant plus qu'il est
très difficile de demander à quelqu'un, par exemple, de ne pas
couper du bois ou de ne pas manger les poissons parce qu'ils sont
contaminés par les déchets toxiques alors qu'il n'a pas d'autres
alternatives.
Donc l'environnement y est perçu comme un puits
intarissable et sa protection relève, pour certains, d'un ordre
somptueux plutôt qu'indispensable. Il semble toujours que la protection
de l'environnement est inscrite dans une logique émanant du domaine de
l'éthique plutôt que s'inscrivant dans un dialectique de
rationalité économique. On constate que ça reste toujours
un devoir moral que de vouloir protéger l'environnement.
B/ Le cycle de vie des politiques publiques
Jacques Theys propose une
définition très simple du cycle de vie des politiques. Il le voit
comme le délai qui sépare les premières manifestations
d'un problème (dommages ressentis, réaction de la population,
découvertes scientifiques) de sa résolution. En partant de cette
définition il faut escompter dans beaucoup de domaines de
l'environnement un délai de 30 à 50 ans avant de réagir,
ce qui est considérable, compte tenu de l'irréversibilité
des phénomènes environnementaux. Malgré cela, ce que l'on
constate, c'est que même les politiques simplement correctrices
appliquées dans ce domaine se singularisent par une durée de mise
en oeuvre particulièrement longue.
Pourtant, rien que la prise en compte des « effets de
retard » devrait inciter à anticiper les dégâts sur
l'environnement et à prendre des mesures draconiennes.
L'expérience historique montre que les politiques environnementales ont
toujours été en retard d'une guerre, et se sont montrées
peu capables de prévention. Par exemple, cinquante années
séparent, le moment où les habitants de Los Angeles auront, pour
la première fois, réagi violemment contre le « smog oxydant
» et celui où le problème de la pollution automobile aux
Etats-Unis pouvait être considéré comme «
résolu ».
C/ L'absence d'un discours singulier concernant
l'environnement :
1/ Conflits d'intérêts sur les
ressources
Pendant longtemps les théoriciens de l'environnement
ont tenté de persuader les agents économiques sur la
fermeté de l'écosystème énergétique. Avec
Daly (1991) une mise en évidence de l'état stationnaire
économe de ressources naturelles a été observée.
Mais le développement de la crise économique a conduit à
relativiser la portée de ce type d'analyse.
Depuis lors, le débat sur les ressources continue
à nourrir beaucoup de controverses. Pour certains, comme
Nicholas Georgescu-Roegen, il n'y a pas de ressources
illimitées ; toutes les ressources sont limitées. Aussi,
soutient-il qu'aucun système humain ne peut avoir un rendement de 100%,
toute transformation du milieu naturel s'accompagne d'une dégradation
irréversible des ressources et aucun recyclage intégral ne peut
se concevoir Ainsi, il jette les bases d'une nouvelle orientation de la
politique économique basée sur une sobriété et une
efficacité des techniques de production au lieu d'un bascule sur les
ressources supposées renouvelables.
Pour d'autres, les classiques surtout, les ressources sont
illimitées. C'est le cas de Jean B. SAY qui
ajoute que si elles n'étaient pas inépuisables on ne les
aurait pas gratuitement. A l'instar de J B. SAY, David Ricardo nous dit
que les facultés originelles et impérissables du sol
apparaissent comme un bien libre non menacé par les activités
humaines.
Croissance économique et protection de
l'Environnement 2/ Les divergences des positions
Ce qui rend plus incertains et plus imprévisibles les
phénomènes naturels c'est la pluralité des débats.
En effet, tous ne s'accordent pas sur les phénomènes
environnementaux. Certains adoptent une position modérer tandis que
d'autres sont radicales. Le club de Rome par exemple, exige une
décroissance totale, alors que les partisans de la soutenabilité
ou de l'hypothèse Gaïa apaisent leur discours en soutenant toujours
la croissance mais en suggérant des systèmes permettant de la
concilier à l'environnement. Nous développerons ces thèses
ultérieurement.
Conclusion
Au terme de ce chapitre, nous retenons que la croissance
économique est certes un levier sur lequel on peut s'appuyer pour
promouvoir le développement, mais elle recèle beaucoup
d'imperfections, notamment, en ce sens qu'elle ne prend pas en compte les
aspects sociaux et n'incorpore pas la valeur du capital naturel, certes,
difficile à mesurer mais intervenant directement dans l'activité
économique. Aussi, la nature comporte-elle beaucoup d'équivoque
qui à la longue limite sa gouvernabilité et rend difficile
l'application des politiques environnementaux. Toutefois l'humanité a
toujours su mobiliser ses forces pour résoudre les plus graves
problèmes. Ceci pour dire que des solutions ne manquent pas. On peut
bien allier croissance et environnement, c'est-à-dire un
développement durable. Ce sera l'objet d'étude du chapitre
suivant.
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