Un champ scientifique à l'épreuve de la Seconde guerre mondiale les revues de géographie françaises de 1936 à 1945( Télécharger le fichier original )par Laurent Beauguitte Université Paris 7 - Master 1 2007 |
1.5. Des géographes limités dans leurs déplacementsLa période 1940-1944 n'était pas la période idéale pour se déplacer en toute liberté, que ce soit à l'intérieur du territoire, ou plus encore à l'étranger. Franchir la ligne de démarcation nécessitait un laisser passer, se déplacer en automobile une autorisation, et la zone interdite était inaccessible (voir notamment Noiriel, 1999, p.162-171). Certes, des géographes ont pu voyager pendant la période : Jacques Richard-Molard fait ses premières armes en Afrique en 1941-1942 (Pinchemel et al., 1984, p.225) et Gilles Sautter accomplit en compagnie de Pierre Gourou une mission de janvier à juillet 1942 en A.O.F (BSLG, 1944, XV, n°1, note p.3). Raoul Blanchard est à Lyon fin 1941 (Bonnoure, 1942, p.63), il assiste à Toulouse en 1942 à la soutenance de thèse de Lucien Goron (Faucher, 1942c, p.390), mais il doit interrompre ses voyages annuels au Canada. Emmanuel de Martonne est à Lyon début 1944 (Leclerc, 1944, p.84), André Allix assiste aux réunions parisiennes de 1943 préparant l'agrégation de géographie (Dumoulin, 1990, p.249), Jean Sermet obtient, avec retard, un visa lui permettant de se rendre en 1943 au congrès de géographie de Grenade (RGPSO, 1943, p.239). Mais ces quelques exemples ne peuvent masquer la difficulté des déplacements. Henri Gaussen renonce à un nouveau voyage au Portugal où il comptait compléter sa documentation (Gaussen, 1940, p.219), les excusions de l'AGF sont suspendues, un jury pour l'agrégation doit être organisé en zone libre. Les déplacements étant plus difficiles, les articles portant sur la France se font sans doute plus nombreux pendant la guerre. Pour le BAGF, j'ai divisé le nombre de communications portant sur la France métropolitaine par le nombre de communications totales. Pour les AG, le nombre d'articles, de notes et de chroniques13(*) portant sur la France métropolitaine a été divisé par le nombre total d'articles, de notes et de chroniques.
Figure 12 : La part de la France dans les revues parisiennes (1)
Le recours à une représentation graphique permet de mieux mettre en évidence les tendances observables.
Figure 12bis : La part de la France dans les revues parisiennes (2) Source : Beauguitte Laurent Cette tendance paraît se vérifier à peu près à l'aide de cet indicateur pour le BAGF, peu pour les AG. Calculer la proportion d'articles consacrés à la France par rapport aux articles paraissant sur l'Europe permet d'obtenir des résultats plus conformes à l'hypothèse formulée (voir figure 13). Se limiter aux articles et délaisser notes et chroniques est l'optique choisie en 1965 par McDonald pour étudier la production des Annales de géographie. Ce choix expose au risque de négliger des informations importantes : McDonald affirme par exemple qu'aucun article sur la situation démographique française n'a pu paraître durant la guerre faute de statistiques disponibles (McDonald, 1965, p.130). La situation démographique a pourtant été abordée à plusieurs reprises dans les chroniques, dans les notes et dans la rubrique « Statistiques récentes ». Figure 13 : La part de la France dans les articles sur l'Europe dans les AG
Source : Beauguitte Laurent * 13 Les rubriques « l'actualité », « statistiques récentes » et « livres reçus » n'ont pas été prises en compte. |
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