Du role de la société civile pour une consolidation de la démocratie participative au Sénégal( Télécharger le fichier original )par Mamadou Hady DEME Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise 2008 |
DEUXIEME PARTIE :LA SOCIETE CIVILE ET LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVEPREMIER CHAPITRELE ROLE DE LA SOCIETE CIVILE DANS LE PROCESSUS ELECTORALSECTION 1 : LA LUTTE POUR LA TRANSPARENCEDans une démocratie l'élection des représentants du peuple constitue un moment majeur dans la vie de la nation et de ses institutions. Elle (l'élection) appelle un choix des représentants du peuple dans les instances de décision et les habille de légitimité pour être les porteurs de voix et les défenseurs des intérêts des populations. L'élection suit un processus souvent long qui doit favoriser sa transparence. Les agents de l'Etat ne doivent plus être les seuls à assurer la préparation de l'élection. La société civile doit être de plus en plus appelée à prendre part au processus électoral. Sa présence sur le terrain se justifie par des soucis de transparences des opérations, mais aussi par une volonté de former et d'encadrer les populations sur les enjeux des élections. L'élection dans certains pays d'Afrique est souvent un moment de confrontations entre factions qui finissent par plonger le pays dans le gouffre. De l'inscription aux listes électorales à la proclamation des résultats, en passant par le jour du scrutin, des contestations et des revendications d'opposants battus minent sensiblement l'espace social. Paragraphe 1 : La transparence: facteur de stabilité sociopolitiqueL'élection constitue un mode de désignation par les citoyens de leurs représentants ou de leurs délégués soit à l'échelon local, à l'échelon national, soit dans le cadre professionnel. Elle constitue un mode de participation du citoyen à la vie politique de son pays. La transparence dans le processus électoral et dans l'organisation du scrutin, confère une légitimité aux responsables élus. L'importance des mécanismes d'accès aux positions de pouvoir politique se mesure aux conflits qui marquent régulièrement les élections dans les pays africains depuis le début des années 90. La réitération du principe électif dans plusieurs pays consacre la reconnaissance de l'élection comme unique moyen légitime d'accession au pouvoir. La survie du principe électif indique que les acteurs politiques sur le continent, par conviction, nécessité ou convenance, semblent accepter d'entrer, même à reculons, dans l'ère démocratique. En organisant des élections pluralistes, à périodicité fixe et à dates convenues, ils acceptent en effet de confronter leurs différences, selon une règle commune, la méthode démocratique. Au Sénégal comme dans le reste des pays africains les élections cessent d'être ce que « Max Weber appelait des chances de puissances »13(*), mais l'occasion de conflits internes qui déchirent l'unité nationale au grand dam des populations. Ces dernières sont victimes d'une mise à l'écart dans le déroulement du processus électoral, mais payent les conséquences désastreuses des affrontements dont elles ne sont pas à l'origine. Le début des années 1990 voit émerger dans les pays africains des organisations s'impliquant de plus en plus dans l'organisation et la tenue d'élections libres et transparentes. L'action des organisations de la société civile a été marquée par « une intensification des luttes et une contestation de plus en plus violente des systèmes autoritaires (...) ces mouvements ont mis dans la rue des capitales et principales villes africaines de nouvelles procédures de mobilisations et une nouvelle thématique idéologique »14(*) La plupart des régimes africains connaissent une crise de légitimité du fait des irrégularités qui ont entaché les élections de certains chefs d'Etat. Avec l'avènement du multipartisme dans les années 80 au Sénégal, l'expérience d'élections pluralistes a souvent été accompagnée de violences post-électorales notamment celles de 1988 et 1993. Les élections de 1993 verront l'assassinat du Vice-président du conseil constitutionnel de l'époque, Me Babacar SEYE. Ces violences sont souvent attribuées aux partis d'oppositions dont le plus représentatif est le PDS créé en 1976 par Me Abdoulaye Wade. Ce parti est soutenu par des mouvements issus de la société. Le plus souvent ses soutiens sont des désespérés issus de milieux défavorisés et prêts en à découdre avec le régime en place. Ces mouvements sont essentiellement des mouvements urbains animés par des jeunes chômeurs, des enseignants des élèves et étudiants, des journalistes... Ainsi, à la suites des élections du 28 Février 1988, des émeutes ont éclaté ; ce qui portera un coup dur à la démocratie comme l'indique Alioune Badara DIOP« la vitrine démocratique sénégalaise a été brisée de façon récurrente, sous les coups de boutoirs de la colère, de la frustration du désespoir et sans doute de l'impuissance sociologique des adversaires de Abdou DIOUF à faire basculer la majorité des électeurs à leur profit : l'alternance. » 15(*) L'image démocratique du Sénégal, modèle pour l'Afrique a été entachée par ces événements. L'opposition qui dénonçait la fraude a intensifié sa campagne pour une réforme du code électoral. On assiste en 1991 à la restauration du poste de PM que le président avait supprimé après les élections de 1983 pour renforcer son contrôle direct sur le gouvernement. Avec les actions conjuguées de la société civile et de l'opposition la réforme du code électoral a été effective. Cette réforme a porté ses fruits avec les élections de 1993 puisque le PS obtiendra 58,4 pour cent des votes, le score le plus faible enregistré par le parti depuis l'indépendance. Malgré ces modifications l'espace politique sénégalais n'est pas devenu pour autant stable. L'excuse absolutoire de l'opposition sénégalaise qui a régulièrement affronté la répression policière et les tribunaux, avec les épisodes tragiques des émeutes post-électorales de 1988 et 1993, est invariable : les résultats officiels ne reflètent pas la réalité des rapports de force réels qui lui serait favorable. La violence électorale est une forme de violence politique suscitée par la conquête du pouvoir. L'Etat est à la fois ambition et cible. Ambition de pouvoir du candidat aux suffrages, il redevient, dès que celui-ci est battu, l'exutoire cathartique des partisans frustrés.16(*) Le rôle de la société civile ne doit pas consister à se rallier derrière un opposant pour combattre un régime donné. Elle doit plutôt être impliquée en amont du processus électoral en encourageant les populations à s'inscrire sur les listes électorales, éclairer les citoyens sur les projets des différents candidats en vue de favoriser des choix rationnels. La mise sur pied de l'ONEL en 1998 dont les membres sont issus de la société civile a permis la tenue d'élections transparentes et apaisées en 1998 et 2000. L'ONEL a été impartial, même si l'opposition se montrait sceptique et pensait à une utilisation de cette dernière par le PS pour truquer les élections de 2000. La société civile a investi en outre le domaine médiatique. En 1994, une étape importante a été franchie en matière de démocratie et d'un plus large pluralisme institutionnel avec la création des chaînes de radios privées. Ces radios comme sud FM et Walfadjri, ont produit un grand nombre d'émission en langues locales. Ces émissions ont permis à la population analphabète d'avoir accès à l'information et à participer au débat politique. Ces débats longtemps tenus en langue française, dans la chaîne officielle, la RTS, laisse la majorité de la population dans un manque d'informations. Le dialogue politique permanent entre les acteurs du jeu politique et les organisations de la société civile, participe de la transparence des élections et par ailleurs la stabilité du champ social. Cette médiation a permis une gestion concertée de l'Etat notamment dans l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques publiques. La mission de la société civile est surtout la recherche de la stabilité politique et de la cohésion nationale d'une démocratie. En amont du processus électoral, les organisations de la société civile, pour le compte de la transparence, des principes de régularité des listes électorales, des règles de convocation des du corps électoral, des formalités des scrutins. La démocratie électorale est encadrée par tout un arsenal de dispositions juridiques, d'où une épineuse question : celle des rapports qui se nouent, au coeur de la concurrence électorale, entre droit et pratique, norme et déviance, loyauté et intérêt. La stabilité politique reste largement tributaire du dialogue national, à l'image de l'expérience des conférences nationales qui ont consacré la démocratie béninoise. La société civile doit être au coeur de ce dialogue entre les différentes composantes de la nation. * 13 Olivier(I), Le vote, 2e ed Montchrestien 2000, p.23 * 14 DIOUF (M) libération politiques ou transitions démocratiques : perspectives africaines, CODESRIA, 1998 P. 32 * 15 DIOP (AB) Espace électoral et violence au Sénégal in Africa developpement vol XXVI, N0 1-2, 2001 * 16 DIOP (A.B).Opcit. |
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