Paragraphe II : L'autonomie de gestion des
organisations de la société civile
Les organisations de la société civile sont
caractérisées le pus souvent au Sénégal, par la
faiblesse de leurs moyens d'action constituant un handicap réel quant
à leur autonomie de gestion. La plupart des associations de type
formel, à ressources endogènes et aux capacités
d'autofinancement limitées tels les GIE et autres groupements
féminins courent dans les pays du sud le risque d'une soumission.
Politique. La recherche d'aides et de soutiens auprès des
autorités politiques explique d'une certaine manière cette
soumission au politique qui à la longue entraîne un silence
coupable de la part de ces organisations par rapport à la gestion
politique.
Le manque d'autonomie financière des organisations de
la société civile est à l'origine du clientélisme
et de la corruption politique fréquente dans les pays du sud. Dans un
pays gagné par la corruption des couches censées éclairer
l'opinion publique nationale, la démocratie y est sérieusement
menacée si elle n'est pas réduite à une conception
idéal mais impossible à réaliser.
Par contre, la plupart des ONG dont la source de financement
échappe à la maîtrise de l'Etat, sont potentiellement
épargnés de ce risque. Cependant le pouvoir d'entrave de l'Etat
sur ces dernières peut être élevé au moment de leur
constitution, car c'est l'Etat qui définit le système de
réglementation portant sur l'attribution des agréments et des
avantages fiscaux dont les ONG peuvent bénéficier.
Pour échapper aux pièges tendus des politiques,
les organisations de la société civile doivent mener des
politiques d'autofinancement. A ce titre une visite au niveau du siège
de la RADDHO (Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme)
sis Villa N° 4024 Amitié II Allées Seydou Nourou Tall
à Dakar nous a permis de savoir que cette ONG tire ses ressources des
activités d'impression et de photocopillage de document, de vente de
carte de membre, d'organisation d'activités lucratives (concerts...).
Même si ses activités n'assurent pas la prise en compte de la
totalité des activités de l'ONG, elle n'en est pas pour autant
dépendante des pouvoirs publics en place.
Longtemps caractérisé par le modèle du
jacobinisme français, le Sénégal connaît un retard
dans l'émergence d'une société civile autonome
libérée l'assistance étatique. De ce point de vue, les
organisations de société civile sénégalaise sont
fortement caractérisées par ce recours à l'aide et la
subvention étatique. Cette subordination ouvre la brèche pour
l'Etat ou le parti au pouvoir de nouer des alliances qui dans une certaines
mesure masque la capacité contestataire de la société
civile.
La société civile dans les pays du sud est
à l'instar de ces derniers qui attendent tout de l'extérieur,
avec parfois des mesures d'accompagnement contraignantes. La
société civile court ce même risque au plan interne face
à l'Etat qui cherche à toujours éteindre les foyers de
contestation susceptible de perturber sa politique.
En Occident, grâce à une forte position
d'autonomie et de contestation vis-à-vis du pouvoir politique, la
société civile fut à l'origine de grandes
révolutions démocratiques. La chute du Président Serbe
Milosevic en 2000, du régime de Géorgie en 2003, la
Révolution orange en novembre 2004 sont autant
d'évènements qui sont à verser au credo d'une
société civile autonome, qui doit s'inspirer les organisations
de la société civile africaines.
Selon Augustin LOADA dans ses « Réflexions
sur la société civile en Afrique : le Burkina Faso de
l'après Zongo », le régime de Compaoré pour
asseoir sa domination politique, s'est attelé à démanteler
l'opposition partisane et à neutraliser la société civile.
Mais cette stratégie s'est heurtée à la résistance
d'un certains nombre d'organisations et de leaders de la société
civile. Les ressources qui ont rendu possible cette indépendance
proviennent essentiellement de l'autonomie budgétaire ou
financière que lui garantissent certains bailleurs de fonds
séduits par leur crédibilité. Il est à noter aussi
les contributions et les solidarités existantes entre leurs nombreux
adhérents, l'existence de moyens d'informations propres et de
réseaux d'informateurs constitués de militants et sympathisants
issus à la fois de milieux intellectuels ou plus modestes. Fortes de
leur indépendance, ces organisations vont s'atteler à conserver
les espaces d'autonomie que le régime a bien voulu concéder
à la société civile.
Cette autonomie qui fait la spécificité des
sociétés civiles occidentales a été à la
faveur des transitions démocratiques comme le cas serbe et
géorgien et de leur consolidation. Les organisations de la
société civile africaines doivent aller dans le même sens
pour promouvoir les valeurs démocratiques en Afrique. Le
Sénégal a donné le ton en 2000 en réussissant une
alternance pacifique. Les observateurs internationaux, la presse nationale et
étrangère, ont reconnu l'élection présidentielle de
février mars 2000 a consacré de façon incontestable la
démocratie sénégalaise. Une démocratie qui s'est
manifestée de manière singulière et originale.
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